|
|
||
|
|||
25 décembre 2015 – Messe de Minuit
Is 9, 1-6; Tt 2, 11-14; Lc 2,
1-14
H o m é l i e
Jésus de Nazareth est un migrant, fils de migrant.
L’un des titres qu’on lui donnait dans la littérature
chrétienne des premiers siècles est précisément celui d’Étranger. Il est
l’Étranger par excellence. Il est même étranger chez lui, car, comme le dit le
Prologue de l’Évangile de Jean, Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont
pas reconnu.
Et, si l’on y porte quelque peu attention, on est surpris
du nombre de migrations mentionnées dans les premiers chapitres de l’Évangile
de Luc.
À peine enceinte de Jésus, Marie quitte sa Galilée et
traverse en toute hâte les montagnes de Judée pour aller visiter sa cousine
Élisabeth, enceinte de six mois, puis elle retourne en Galilée. Quelque mois
plus tard, déjà enceinte elle-même de plusieurs mois, elle doit traverser de
nouveau ces mêmes montagnes pour se rendre à Bethlehem en Judée, afin de répondre
aux caprices de l’Empereur romain qui voulait faire un recensement de son
royaume et qui voulait que tout le monde aille se faire inscrire dans la ville
de ses ancêtres.
À peine né Jésus doit fuit en Égypte avec ses parents pour
éviter de se faire tuer par le vieux roi paranoïaque, Hérode. Lorsque Joseph
revient en Judée avec sa famille, après la mort d’Hérode, il doit s’enfuir en
Galilée car Archélaos, le fils d’Hérode, est plus dangereux que son père.
Chacune de ces migrations est donc causée par le caprice ou la méchanceté d’un
puissant qui écrase les faibles. Il en a
été ainsi depuis des millénaires et les migrations d’aujourd’hui sont elles
aussi causées par les guerres que se font les puissants sur le dos des faibles
et des petits.
Déjà, dans l’Ancien Testament, la migration est au coeur
de l’histoire d’Israël. Cette histoire commence au moment où Abraham reçoit l’ordre
de quitter son pays, sa terre, les siens et d’aller dans une terre nouvelle et
inconnue. C’est lorsqu’il sera installé dans cette terre, qu’il recevra la
visite de Dieu sous la forme de trois « étrangers », de trois
migrants de passage, qu’il reçoit dans sa tente. Puis le Peuple choisi
connaîtra l'exil en Égypte et sera migrant durant quarante ans dans le désert
avant d’entrer dans la Terre Promise.
Il y a cependant une migration d’un autre genre, et
beaucoup plus importante. Cette
migration est l’objet de la solennité d’aujourd’hui. C’est celle dont parle saint
Jean lorsqu’il dit que le Verbe était en Dieu et que le Verbe était Dieu et qu’il
s’est fait chair. C’est aussi celle dont
parle saint Paul lorsqu’il nous dit que le Verbe habitait la plénitude de la
divinité, mais qu’il s’est dépouillé des attributs de sa divinité et qu’il s’est
fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix ; puis que le Père
l’a exalté.
Après sa mort Jésus est retourné vers son Père, mais a
promis à ses disciples de revenir. Et selon
son grand discours, qui nous est rapporté dans le très beau chapitre 25 de
Matthieu, le jugement qui sera porté alors sur chacun de nous sera : « J’étais...
un étranger et vous m’avez recueilli » ou bien « J’étais... un
étranger et vous ne m’avez pas recueilli »...
Noël, ce n’est pas simplement l’anniversaire de naissance
du petit Jésus. C’est la fête de l’humanité
de Dieu. C’est la fête du Fils de Dieu
qui s’est fait migrant pour venir jusqu’à nous. L’incarnation, ce n’est pas
simplement l’incarnation de Dieu dans un homme, c’est le fait que toute l’humanité
a été assumée par Dieu. Et Jésus, qui s’est identifié particulièrement à tous
les petits et les faibles, et qui a connu lui-même dans sa chair les
difficultés de la migration, vient à nous à travers tous les migrants qui
viennent à nous encore de nos jours.
Si le
chapitre 25 de Matthieu (« vous m’avez recueilli... vous ne m’avez pas recueilli... ») a de quoi nous faire trembler, écoutons les paroles de
l’Évangéliste Jean, le mystique au regard perçant, qui nous dit encore, dans le
prologue de son Évangile, que nous entendrons à la Messe du jour : « Il
est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu... mais à ceux qui l’on reçu, il a donné de devenir enfants de Dieu. »
En
réalité, il n’y a pas de salut sans migration. Nous ne pouvons être sauvés sans
sortir de nous-mêmes pour aller vers l’autre, avec amour et miséricorde, pour
lui permettre de venir chez-nous et de faire chez-nous sa demeure. Car, finalement,
ce n’est pas seulement le Fils de Dieu qui se fait migrant, c’est aussi son
Père : « Si quelqu’un m’aime, dit Jésus, il observera mes commandements.
Mon père l’aimera et nous viendrons chez-lui et nous ferons chez-lui notre
demeure. »
Oui, Dieu
se fera migrant pour venir chez-nous, mais à condition que, fidèles à son
commandement, nous nous ouvrions à tous ses enfants qui viennent à nous..
Armand Veilleux
|
Autres homélies pour Noël 1998 Messe de Minuit [en français] [en anglais] [en italien] 1999 Messe de Minuit : Original français -- Traduzione italiana 2000 Messe de Minuit : (original français) (traduzione italiana) 2001 Messe de Minuit (original français) 2002 2003 2004 Messe de Minuit (original français) 2005 Messe de Minuit (original français) (traduzione italiana) 2006 Messe de Minuit (français) (español) 2007 Messe de Minuit (original français) 2008 Messe de Minuit (original français) 2009 Messe de Minuit (original français) 2010 Messe de Minuit (original français) ( en italien ) 2011 Messe de Minuit (original français) 2012 Messe de Minuit (original français) (en italien) 2013 Messe de Minuit (original français) 2014 Messe de Minuit (original français)
|
||
|
|||