Homélie pour la Messe de Minuit

25 décembre 2013

Abbaye de Scourmont

 

 

  H O M É L I E

 

 

          François d’Assise, peu de temps après sa conversion et alors qu’il priait dans la petite église de saint Damien, entendit le Christ lui dire trois fois : « Va, François, et répare mon église en ruine ».  Il se mit alors à réparer cette petite église de saint Damien, mais il fut bientôt amené à se rendre compte que le délabrement de cette chapelle n’était que le symbole de la situation dramatique et préoccupante de l’Église elle-même, à son époque.

 

          Cet événement eut lieu probablement en 1205.  Deux ans plus tard, le pape Innocent III, l’un des plus puissants pontifes de l’époque de la Chrétienté, eut lui aussi, un songe dans lequel il voyait la Basilique du Latran, l’église mère de toute la chrétienté, qui menaçait de s’écrouler, mais qui était retenue par les épaules d’un tout petit religieux à l’air insignifiant, dans lequel le pape reconnut François qui venait de lui rendre visite.

 

          C’est le Pape Benoît XVI qui, dans une audience générale du 27 janvier 2010, mettait ces deux événements en relation l’un à l’autre, citant au surplus les paroles par lesquelles Dante dans sa Divine Comédie évoquait la naissance de François d’Assise : « Surgit au monde un soleil ».  Il rappelait aussi comment François, à une époque où était en cours un conflit entre le christianisme et l’islam était allé personnellement en Égypte s’entretenir avec le sultan musulman, Melek-el-Kâmel. Benoît XVI était sans doute loin de penser alors que trois ans plus tard apparaîtrait un autre François qui, lui aussi, sentirait l’appel de Dieu à réparer son Église et à aller au-devant de tous les hommes de bonne volonté comme vers des frères.

 

          L’un des moyens choisis par le Pape François pour réparer son Église a été de l’appeler constamment à sortir de ses problèmes internes pour aller vers ce qu’il appelle les périphéries. Et l’une des nombreuses périphéries de notre époque est l’énorme monde des sans-logis, des SDF, des déplacés, des résidents illégaux, à travers la planète. C’est pourquoi, la semaine dernière, François faisait appel à tous les chefs d’États, à tous les responsables des pays, des gouvernements, des villes, à travers le monde, pour qu’ils fassent en sorte que tout être humain ait un toit sous lequel dormir et vivre en sécurité.

 

          François d’Assise, au moment de la Fête de Noël, peu d’années après sa conversion, monta une crèche. Cette crèche, qui à l’époque de François était composée de personnages vivants, est à l’origine des crèches que nous avons depuis le Moyen-Âge dans toutes nos églises et dans certains de nos foyers. Au-delà de tout le romantisme qui s’est développé autour de ces crèches, celles-ci nous rappellent que les principaux personnages que la première crèche accueillit n’étaient pas le bœuf et l’âne, ni les bergers avec leurs brebis, ni les rois mages avec leurs chameaux, mais un jeune couple qui ne savait pas trouver une chambre dans une hôtellerie. Joseph venait s’inscrire dans la ville de ses ancêtres, mais une ville où il ne possédait rien et où il était un étranger, un SDF.

 

          Cette ville s’appelait curieusement Bethlehem, un nom qui signifie « la maison du pain ». Ce qui doit, en cette période de festivités, nous faire nous souvenir que des millions de personnes souffrent et meurent de la faim. Un écrivain contemporain, fonctionnaire des Nations Unis, Jean Ziegler, parlait de la faim comme de l’une des principales armes de destruction massive à notre époque.  Et un grand évêque-poète sud-américain, Pedro Casaldáliga, réagissant à la peur sans doute exagérée des milieux romains à l’égard du « relativisme », disait qu’il n’y a que deux absolus : Dieu et la faim.

 

          En cette nuit de Noël, tout en nous laissant quelque peu charmer par les mélodies des anges autour de la crèche, prions surtout pour que notre monde tout entier, notre planète terre, devienne une Bethlehem, une maison du pain – une maison du pain sous le toit duquel tout être humain ait une place où reposer sa tête.

 

Armand VEILLEUX

 

 

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