25 décembre – Messe du jour
H O M É L I E

 

La grande mystique juive, Simone Weil, écrivait : " Aimons le pays d’ici-bas. Il est réel : il offre de la résistance à l’amour ".

Je repense à cette phrase chaque fois que je relis le Prologue de l’Évangile de Jean : " Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu ". Dieu a vraiment aimé ce " pays d’ici-bas ". Oui, celui-ci a offert de la résistance à son amour ; mais Il ne l’en a que plus aimé.

Nous avons une belle expression de cela dans les Évangiles des trois messes d’aujourd’hui qui nous offrent une pièce en plusieurs actes. Dans un premier acte nous avons vu un jeune couple obligé de prendre la route à un moment tout à fait mal indiqué, pour répondre à une ordonnance gouvernementale, et devant s’arrêter le long de la route pour permettre à la jeune femme de donner naissance à son premier enfant, sans aucune assistance de médecin ou de sage-femme.

Le second acte était situé dans les champs, où des bergers reçurent une visite inusitée durant leur garde de la nuit. Le troisième acte était, dans l’Évangile de la messe de l’aurore, la réunion autour de la mangeoire de tous les acteurs du premier et du second acte.

Cette " pièce " a eu un grand succès. Elle est à l’affiche depuis deux mille ans. Seulement, les acteurs changent. Jésus est né encore cette nuit, comme toutes les nuits, dans les centres de réfugiés à travers le monde comme dans les foyers d’hébergement, de Bruxelles, d’Atlanta, de Rome ou de Paris. On retrouve Marie et Joseph aujourd’hui parmi les familles obligées de passer la nuit dans des voitures ou des tentes, dans nos rues et sous nos ponts, ou dans les débris des villes bombardées comme Bagdad ou Quito. Ils passent la nuit près des bouches de chauffage des édifices voisins sur les trottoirs de nos villes, tout en essayant d’échapper à la poursuite de la police à la recherche de résidents illégaux. Marie se retrouve dans la jeune mère attendant le chèque d’assistance sociale qu’elle ne recevra pas puisqu’elle est sans adresse.

Mais chaque fois et partout retentit le message des Anges : chaque fois qu’un peu de vie nouvelle apparaît, c’est le signe qu’un Sauveur nous est né et que le salut est présent. Le salut est présent parce que, cette fois-ci, c’est Dieu lui-même qui est né.

Ce que nous célébrons aujourd’hui, ce n’est pas un " anniversaire de naissance " ; ce n’est pas le 1999ème anniversaire de naissance de Jésus, (en attendant de célébrer avec grande fanfare le 2000 ème ). Ce que nous célébrons c’est a) la Fête de la naissance de Dieu : le fait que Dieu est né d’une femme, qu’il s’est fait l’un d’entre nous, et que toute l’humanité en a été transformée ; b) la Fête de l’humanité de Dieu, et donc aussi fête de notre humanité appelée à être en chaque personne une manifestation de la gloire et de la beauté de Dieu ; et, finalement, c) la Fête de l’histoire de Dieu, qui a choisi de vivre Lui-même dans le temps et l’espace par Lui créés et donner ainsi un sens à notre histoire.

En ce jour de Noël, faisons comme les bergers de Bethléhem : laissons la gloire de Dieu nous envelopper et nous pénétrer pour que toutes nos nuits soient transformées en lumière d’espérance sous les chauds rayons du Soleil de Justice.