25
décembre 2006 – Homélie pour la Messe de Minuit
Is 9,
1-6; Tt 2, 11-14; Lc 2, 1-14
H O
M É L I E
Le message qui nous est
donné à travers les trois lectures que nous venons d’entendre est un message de
sain réalisme.
Saint Paul, dans la
deuxième lecture de cette messe, nous dit que la grâce de Dieu s’est manifestée. – Ce mot grâce a de nombreux sens, y compris
celui de beauté, comme lorsque l’on parle de la grâce d’une belle personne, d’une
ballerine, par exemple. Eh bien, lorsque
Paul dit que la grâce de Dieu s’est manifestée, il nous dit que la beauté de
Dieu s’est manifestée. Elle s’est
manifestée dans l’univers, dont la science moderne nous fait toujours connaître
des horizons de plus en plus lointains dans le temps et l’espace. De ce que les cosmologues appellent le big bang, qui s’est produit il y a
environ 14 milliards d’années, a surgi toute la complexité et le beauté de notre univers actuel. Et il y a sans doute des milliards d’univers
autres que le nôtre, en dehors des limites de notre espace et de notre
temps. Dans cette complexité est apparu
un jour l’être humain que nous sommes, doué de connaissance et de conscience et
donc aussi de liberté. -- Cette liberté, qui est sans doute la chose la plus
dangereuse que Dieu aie créée.
Depuis lors, il y a au sein de notre univers une lutte continuelle entre
les ténèbres et la lumière, entre l’être et le non être, l’esclavage et la
liberté, la violence et l’amour. Cette lutte s’appelle violence. Elle est au coeur de l’être humain depuis qu’il
a voulu faire usage de sa liberté. Elle
s’est exprimée dès la première génération humaine dans l’oppression de l’un par
l’autre, comme l’exprime le mythe de Caïn et Abel – Caïn qui tue son frère
Abel. Mais de tout temps il y a eu aussi
au coeur de l’être humain l’attente d’un libérateur qui viendrait en quelque
sorte de l’intérieur. Un libérateur qui
serait l’un des nôtres. Cette
aspiration, qui est au coeur de tout être humain, les grands prophètes de la
Bible l’ont perçue comme l’attente d’un Messie envoyé par Dieu – non seulement
envoyé par Dieu, mais qui serait lui-même Dieu venant faire sa demeure dans ce
temps et cet espace auxquels il a lui-même donné l’existence.
Ceci est exprimé d’une
façon très poétique et très belle dans la lecture du prophète Isaïe où s’entrecroisent
les images et les figures. Il y est
question de ténèbres et de lumière, et aussi de joie. Il y est question de joug
et de fouets brisés, de bottines de soldats et de manteaux couverts de sang détruits
par le feu. Cette victoire sur la
violence doit se réaliser non dans une violence plus grande venant subjuguer
toutes les autres, mais dans la naissance d’un petit enfant. Un enfant dont la venue
engendre paix, joie, libération. Le règne
de cet enfant, dit Isaïe, sera établi sur le droit et la justice ; il est
l’oeuvre de l’amour invincible du Seigneur.
L’Évangile de Luc, dans
le chapitre que nous avons lu, nous décrit dans un langage tout aussi poétique
que celui d’Isaïe la naissance de cet enfant.
Or, ce que nous célébrons en cette nuit de Noël ce n’est pas seulement l’événement
de la naissance de cet enfant, Jésus de Nazareth, il y a un peu plus de 2000
ans. Nous célébrons la présence de Dieu
au sein de toute la réalité humaine.
Nous célébrons le fait que nous sommes toutes et tous enfants de Dieu et
que notre vocation la plus fondamentale est d’utiliser notre liberté pour rétablir
l’équilibre entre toutes les forces qui s’affrontent en nous comme au coeur de
l’univers.
Les Évangiles qui
racontent la naissance de Jésus, ne la décrivent pas comme un événement qui transcenderait
le temps et l’espace. Au contraire, ils
font même des efforts extrêmes pour bien souligner comment cet événement a eu
lieu à un moment déterminé et précis de l’histoire humaine, dans un contexte
politique et géographique bien précis.
C’est aussi dans des circonstances
historiques, géographiques et politiques bien précises que ce message vient
nous interpeler, chacun de nous, aussi bien en tant que personnes individuelles
qu’en tant que communautés, familles et société. Cet enfant qui nous est né, il est né en
chacun de nous. Ce
enfant qui est né nous révèle et nous rend possible la tâche qui est nôtre en
tant qu’enfants de Dieu – la tâche et la mission de réaliser et de maintenir la
victoire de la lumière sur les ténèbres, de l’amour sur la haine, de la liberté
sur l’esclavage, de la joie sur la tristesse, de la raison sur la folie guerrière. Cet « amour invincible du Seigneur de l’univers »
dont parle Isaïe, a été mis en chacun de nos coeurs. Il ne demande qu’à se
propager.
Oui, nous vivons, comme
toutes les générations qui nous ont précédés, dans un monde où il y a la
guerre, la violence, l’oppression, l’esclavage, la douleur. Toutes ces luttes sont d’abord en chacun de
nos coeurs ; et c’est là avant tout
que la victoire doit d’abord être gagnée.
Le message de l’Incarnation de Dieu, de son entrée en chair et en os
dans sa créature, la créature que nous sommes, est la garantie qui nous est
donnée qu’en définitive, les forces de l’être, de la vie, de la joie de l’amour
auront toujours le dessus sur les forces contraires.
Accueillons l’enfant
divin qui ne demande à tout instant qu’à naître en chacun de nous et à travers
cette naissance continuer sa transformation de l’univers en y révélant tout ce que
cet univers porte déjà de beauté, de justice et d’amour – donc de divin.
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Messe de l'Aurore [en français]
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