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25 décembre
2008–
Homélie
pour
la
Messe
de
Minuit Is 9, 1-6; Tt 2, 11-14; Lc 2,
1-14 La
poésie
de
la
Vie Une chose que nous apporte la nuit
de
Noël,
et
dont
nous
avons
grandement
besoin
dans
la
situation
actuelle
de
l’humanité,
c’est
un
peu
de
poésie
–
et
même
beaucoup
de
poésie.
Il
ne
faut
surtout
pas
confondre
la
poésie
avec
la
nostalgie.
La
nostalgie
nous
fait
quitter
le
monde
réel
où
nous
vivons,
pour
nous
perdre
brièvement
dans
les
souvenirs
d’un
passé
révolu.
Si
nous
nous
souvenons
avec
tant
de
joie
et
de
tendresse
de
nos
Noëls
d’antan,
c’est
qu’ils
étaient
chargés
de
poésie.
Noël
ne
doit
donc
pas
engendrer
en
nous
un
souvenir
nostalgique
du
passé,
mais
plutôt
nous
connecter
avec
la
poésie
qui
nous
aide
à
pénétrer
toujours
plus
profondément
au
coeur
de
ce
que
nous
vivons,
et
y
découvrir
des
univers
de
beauté,
même
au
milieu
parfois
des
plus
grandes
difficultés
et
peut-être
des
plus
grandes
laideurs. Les textes de cette Messe de Minuit
sont
débordants
de
poésie.
La
première
lecture
est
tirée
du
Livre
d’Isaïe
–
le
plus
grand
poète
de
la
Bible,
et
sans
doute
l’un
des
grands
poètes
de
l’histoire
humaine. Isaïe vivait à une époque caractérisée comme
la
nôtre
par
beaucoup
de
guerres
et
d’oppression. Et pourtant dans cette situation il sait lire
la
présence
de
la
joie,
de
la
vie,
de
la
libération.
Dans
le
poème
que
nous
avons
lu
comme
première
lecture,
les
images
se
bousculent.
Une
grande
lumière
luit
dans
les
ténèbres.
On
se
réjouit
comme
au
temps
de
la
moisson.
Le
joug
qui
pesait
sur
les
épaules
est
brisé,
de
même
que
le
fouet
des
chefs
de
corvée
et
le
bâton
des
geôliers.
Les
lourdes
chaussures
des
soldats
ainsi
que
leurs
manteaux
couverts
de
sang
sont
brûlés.
Un
règne
de
paix
apparaît
à
l’horizon. Quel est le signe de ce revirement, de la présence
de
la
paix
au
coeur
de
la
guerre,
de
la
lumière
au
coeur
des
ténèbres,
de
la
joie
au
coeur
de
la
souffrance ?
Le
signe
en
est
tout
simplement
qu’un
enfant
est
né.
Chaque
fois
qu’apparaît
la
vie,
la
mort
et
son
empire
sont
vaincus. Le poète du Nouveau Testament c’est
Luc
–
tandis
que
Jean
est
le
mystique,
Matthieu
et
Marc
sont
des
narrateurs
et
Paul,
avec
toute
son
ardeur
apostolique
et
sa
profondeur
de
pensée
manque
probablement
de
sens
poétique.
Le
sens
poétique
de
Luc
se
révèle
avant
tout
dans
les
deux
premiers
chapitres
de
son
évangile
où,
comme
dans
le
texte
d’Isaïe,
les
images
et
les
symboles
se
bousculent
et
engendrent
le
sens.
On
n’y
comprend
rien
si
on
essaye
de
lire
ces
chapitres
comme
une
« histoire »
de
l’enfance
de
Jésus.
Le
recensement
est
le
symbole
de
l’oppression,
la
nécessité
de
se
faire
inscrire
est
le
symbole
de
l’humiliation
de
tous
les
petits
qui
doivent
se
laisser
constamment
contrôler,
le
manque
de
place
à
l’auberge
est
le
symbole
de
tous
les
déplacés
et
les
demandeurs
d’asile,
la
mangeoire
où
est
déposé
Jésus
est
le
symbole
de
la
nourriture
qu’il
est
pour
toute
l’humanité,
et
les
langes
sont
déjà
le
symbole
de
sa
mort.
Et
si,
dans
cet
univers
éclate
tout
à
coup
la
joie
c’est
encore,
comme
en
Isaïe,
qu’un
enfant
est
né.
Encore
une
fois
la
mort
est
vaincue
par
la
vie,
si
fragile
soit-elle. Notre monde actuel regorge de spécialistes
de
tous
genres :
de
spécialistes
militaires
qui
pensent
savoir
comment
imposer
la
démocratie
et
la
paix aux
autres
peuples;
de
spécialistes
en
économie
qui
croient
savoir
comment
gérer
la
crise
qu’ils
ont
provoquée,
de
philosophes
qui
savent
nous
donner
la
signification
de
tout. Heureusement il y a aussi des poètes. Mais, plus important, est l’urgence pour chacun
de
nous,
de
laisser
naître
le
poète
que
nous
portons
en
nous,
de
laisser
la
poésie
nous
transformer
de
l’intérieur
et
nous
permettre
de
voir
partout,
tout
autour
de
nous,
comme
en
nous-mêmes,
l’enfant
qui
naît
ou
qui
veut
naître.
Laissons-nous
fasciner
par
tous
les
germes
de
vie
dont
notre
humanité
et
notre
monde
demeurent
toujours
porteurs. Les Anges annoncent aux bergers la
Bonne
Nouvelle
par
excellence.
Cette
bonne
nouvelle
n’est
pas
l’annonce
d’une
réalité
abstraite
que
serait
le
« salut »,
mais
l’annonce
d’un
Sauveur.
Et
le
signe
que
le
Sauveur
est
là,
c’est
celui
de
la
présence
d’un
enfant
nouveau-né. Chaque fois que nous reconnaissons
la
vie
en
nous,
autour
de
nous,
dans
notre
monde,
nous
faisons
un
acte
de
foi
dans
l’Incarnation
de
Dieu
en
notre
humanité,
car
il
est
la
source
de
toute
vie. Quelles que soient les difficultés
qui
peuvent
nous
assaillir,
la
voix
des
anges
de
la
nuit
de
Noël,
comme
d’ailleurs
de
ceux
de
la
nuit
de
Pâques,
ne
cesse
de
nous
dire
et
de
nous
redire :
« Ne
craignez
pas ! ».
La
peur
n’est
pas
chrétienne.
Dans
un
cas
la
raison
de
ne
pas
craindre
est
que
la
vie
est
apparue,
dans
l’autre
cas,
c’est
qu’elle
a
vaincu
la
mort. Ne nous endormons pas dans la nostalgie
des
Noëls
de
notre
enfance.
Laissons-nous
plutôt
envahir
par
la
poésie
de
la
vie
qui
se
manifeste
sans
cesse
en
nous
et
autour
de
nous. C’est cette apparition de la Vie en notre humanité
que
nous
célébrons
cette
nuit.
Célébrons-la
dans
la
joie. Armand VEILLEUX |
Autres homélies pour Noël 1998 Messe de Minuit [en français] [en anglais] [en italien]
1999 Messe de Minuit : Original
français
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Traduzione italiana 2000 Messe de Minuit : (original français)
(traduzione italiana) 2001 Messe de Minuit 2002 2003 Messe de Minuit (original
français) Messe de Minuit (original
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2006 Messe de Minuit 2007 Messe de Minuit
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