2  janvier 2011 – Épiphanie du Seigneur

Is 60,1-6 ; Ép 3,2-3a.5-6 ; Mt 2,1-12

 

Homélie

 

            Au moment où est né Jésus, le vieux roi Hérode (dit le Grand) était dans les dernières années de son long règne. Il n’avait rien d’un antireligieux. Au contraire il savait se donner parfois un côté « religieux » comme savent le faire les politiciens habiles, y compris les dictateurs. N’avait-il pas entrepris la reconstruction du Temple de Jérusalem ?

            Il n’avait rien d’antireligieux et rien de religieux.  C’était tout simplement un homme de pouvoir, mais dont le pouvoir était fort fragile, puisqu’il était roi de Judée alors même que la Judée était sous le contrôle des Romains. C’était donc un homme inquiet, troublé, paranoïaque.  Il n’avait rien contre la religion juive, rien contre Jésus, rien contre les enfants de Bethlehem. Il était tout simplement soucieux de préserver ses privilèges.

            Il en sera de même de son fils qui estimait Jean-Baptiste mais le fit mettre à mort pour ne pas perdre la face après avoir fait une promesse imprudente et qui livrera plus tard à mort Jésus, qu’il savait innocent et qu’il aurait voulu sauver, mais qui ne voulait surtout pas être considéré comme un ennemi de César.

            Ainsi en sera-t-il souvent au cours des siècles jusqu’à nos jours. Avant-hier, un attentat contre une église copte à Alexandrie, en Égypte a fait 21 morts et de nombreux blessés.  Quelques semaines auparavant, au début de novembre, une série d’attentats contre les Chrétiens en Irak avaient aussi fait des dizaines de victimes.  Et pourtant les Coptes en Égypte comme les Chrétiens en Irak sont deux tout petites minorités sans pouvoir, mais dont la simple présence influe sur l’équilibre des divers pouvoirs en présence.

            Toutes les grandes autorités politiques et religieuses de la Communauté Internationale ont condamné à l’unisson ces attaques dans des formules stéréotypées attendues, qui donnent souvent l’impression d’opérations de copier-coller. Mais tous ces appels à la tolérance religieuse auront-ils quelque effet, si cette persécution est due tout simplement au fait que ces pauvres Chrétiens se retrouvent au mauvais endroit sur l’échiquier de ceux qui vivent pour le pouvoir, comme ce fut le cas pour Jean-Baptiste, pour Jésus, et, plus récemment, pour nos frères de Tibhirine ?

            Gardant présents à notre esprit ces événements, revenons aux textes bibliques de la messe d’aujourd’hui.  La partie du Livre d’Isaïe dont nous avons lu un passage comme première lecture, fut écrite à l’époque de la restauration, c’est-à-dire du retour à Jérusalem des exilés de Babylone.  Lorsque ces exilés arrivèrent en Israël, ils trouvèrent leurs villes détruites, leurs champs accaparés par d’autres, leurs maisons dilapidées et surtout le Temple incendié. Ils connurent alors un profond découragement.  Le prophète s’attache à leur redonner l’espérance en leur annonçant non seulement la reconstruction du Temple et de leur ville, mais en prophétisant qu’Israël serait de nouveau une cité puissante, le centre du monde, vers laquelle convergeraient toutes les nations. C’était une vision superbe, encourageante, mais aussi réductrice de l’histoire du salut, comme si Dieu n’était le Dieu que d’un seul peuple.

            L’Évangile nous ouvre des perspectives beaucoup plus larges.  Oui, toutes les nations, représentées symboliquement par les trois Mages, viennent ;  mais elles ne viennent pas vers une terre déterminée ni vers un peuple, mais vers un petit enfant – un petit enfant qui sera lui-même rejeté de son peuple, et qui devra d’ailleurs s’expatrier, dès ses premiers jours.  Les Mages viennent offrir leurs hommages et ils repartent. Le salut apporté par l’enfant déposé dans la mangeoire est pour tous les peuples et pour toutes les parties de l’univers. Ceux qui viennent à lui, il les renvoie chez eux et lui-même part vers l’étranger.

            Toutes les persécutions religieuses dont nous sommes témoins de nos jours – et celles contre les Chrétiens ne sont pas les seules – sont pour nous source d’une très grande tristesse.  Ce ne sont pas les appels, si solennels soient-ils, à la liberté religieuse qui les feront cesser.  Elles cesseront si l’humanité arrive à établir des relations entre les peuples, entre les cultures et entre les religions, qui soient basées sur le respect et l’amitié et non sur l’exploitation ou sur un simple équilibre des pouvoirs.

            Que nous le voulions ou non, nous sommes tous au coeur de ce grand jeu équilibriste géopolitique.  Aucun d’entre nous ne se fait d’illusion : nous n’avons pas prise sur les leviers de ce jeu.  Mais tous nous pouvons – et nous sommes appelés par notre foi à le faire – apporter notre petite contribution en incarnant dans nos vies de chaque jour, là où nous sommes, le primat de l’amour et non du pouvoir, du respect de l’autre et non de son exploitation.

            L’Enfant de la mangeoire nous en donne l’exemple. Si nous ne redevenons pas comme ce petit Enfant dont toute l’autorité est fondée sur la faiblesse, nous n’entrerons pas dans le royaume des cieux.

 

Armand VEILLEUX

 

 

 

 

 

Homélies pour la même solennité des années précédentes:

 

2010 - français / italien

2009 - français / italien

2008 - français

2007 - français

2006 - français / italien

2005 - français / italien

2004 - français / italien

2003 - français / italien

2002 - français / italien

2001 - français / español

2000 - français / italien

1999 - français

 

 

www.scourmont.be