Homélie pour le 1 janvier 1999
Solennité de Marie, Mère de Dieu

Il y a aujourd’hui un très bon enchaînement d’une lecture à l’autre de la Messe.

Dans la première lecture, nous avons la formule de bénédiction utilisée dans l’Ancien Testament par le grand prêtre Aaron et ses descendants pour bénir le peuple. " Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il se penche vers toi... qu’il t’apporte la paix ".

C’est avant tout à travers son visage qu’une personne révèle non seulement ce qu’elle a dans le coeur, mais ce qu’elle est. C’est pourquoi tous les grands prophètes et les grands mystiques de l’Ancien Testament ont désiré voir la face de Dieu. De Moïse il est dit que Dieu lui parlait face à face comme à un ami. Le visage d’une personne peut éclater de joie, tout comme il peut est sombre, rempli de douleur ou de colère. C’est pourquoi l’homme qui désire voir la face de Dieu, a aussi peur de ne pas pouvoir supporter ce face à face.

Ce que la bénédiction d’Aaron demande est très beau : " Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage ". Le souhait est que la personne sur qui est prononcée cette bénédiction soit enveloppée, éclairée, transformée par la lumière qui jaillit de la face de Dieu. Or, lorsque Moïse demande à Dieu de lui faire voir sa gloire il lui est permis de la voir que de dos, c’est-à-dire en " marchant à sa suite ", en se faisant son disciple.

La deuxième lecture, tirée de la lettre de Paul aux Galates, nous dit qu’à la fin des temps, en ce temps qui est le nôtre, la lumière de la face de Dieu s’est manifestée. Elle est apparue sur un visage humain, celui de Jésus, né de Marie. La splendeur de la lumière divine est apparue sur le visage de Jésus. Cette face humaine, bafouée, voilée, défigurée, est l’effigie de la substance divine, comme cela fut révélé aux trois disciples privilégiés le jour de la Transfiguration. Nous-mêmes, transformés par l’Esprit Saint qui habite en nous, sommes transformés par cette lumière et savons que nous le verrons un jour face à face.

L’Évangile de Luc nous montre dans toute la beauté de son humanité cette lumière " en-visagée ", c’est-à-dire " ayant pris un visage ". Comme nous l’avons vu récemment, les deux premiers chapitres de Luc ne sont pas à proprement parler une " histoire " de l’enfance mais un texte théologique, d’une grande richesse poétique et évocatrice, où Luc annonce tous les grands thèmes de son Évangile. Après la rencontre des deux Testaments dans les personnes de Jean-Baptiste et de Jésus encore dans le sein de leurs mères, et les deux chants de bénédiction de Zacharie et de Marie, nous avons la rencontre du ciel et de la terre, figurés par les anges et les bergers. Ceux-ci, sur leurs collines, au milieu de leurs troupeaux sont entourés d’une grande lumière, celle de l’enfant qui vient de naître là, tout près, et une grande joie leur est annoncée ; celle qu’un sauveur leur est donné. Et le signe en est qu’un enfant est né, qui a été déposé dans une mangeoire, et qui nous a été ainsi symboliquement offert par sa mère en nourriture spirituelle, préfigurant l’Eucharistie.

Alors que les puissants, comme Hérode refusent de voir la lumière qui s’offre à eux, des gens sans autre prétention que la recherche de la sagesse, comme les mages, croient aux étoiles et des gens tout simples et terre à terre comme les bergers, croient à la lumière qui les enveloppe et à l’annonce qui leur est faite d’une grande joie. Ils sont tout remplis d’allégresse par ce qu’ils ont entendu, et ce qu’ils ont vu.

Or, au milieu de tout cela se trouve Marie – Marie qui s’est laissée toute entière pénétrer intérieurement de la lumière de celui qu’elle a porté durant neuf mois mais qui semble la seule à ne pas être extérieurement enveloppée de lumière. C’est par la foi qu’elle est devenue mère de Dieu. Tout ce qu’elle entend dire de son enfant, elle le médite en son coeur, dans la foi.

Marie est mère de Dieu parce que mère de Jésus en qui s’est manifestée la plénitude de la gloire de Dieu. Elle est aussi notre mère dans la mesure où Dieu s’incarne aussi en chacun de nous, lorsque nous nous laissons pénétrer par lumière divine qui a brillé sur la face de son Fils.

Cet enfant que Marie a symboliquement déposé dans une mangeoire dira un jour de son corps, né de Marie : prenez et mangez. C’est par la foi que Marie est devenue mère de Dieu. C’est par la foi que nous recevons le Christ dans l’Eucharistie et que nous sommes transformés en son image.

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La bénédiction d’Aaron sur le peuple demandait la paix " Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ". L’année 1998 s’est terminée dans les bruits de la guerre en plusieurs parties du monde, en particulier en Angola, au Congo, en Irak et ailleurs. Prions la Mère de Dieu et notre mère, de faire que ses enfants sachent découvrir et respecter le don de la paix en 1999 pour que nous nous avancions tous ensemble et dans la paix vers le 3ème millénaire.

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