6 janvier 2008 - Épiphanie du Seigneur
Is 60,1-6 ; Ép 3,2-3a.5-6 ; Mt 2,1-12


Homélie

Ce récit à la fois charmant et lourd de symbolisme, qu'on lit dans l'Évangile de Matthieu, est tout à fait absent des autres Évangiles. Il y a cependant peu de récits évangéliques, y compris parmi ceux concernant l'enfance de Jésus, sur lesquels se soit construites des légendes populaires aussi élaborées. Pour saisir le sens profond du texte, il faut se libérer de tout ce folklore, fort agréable par ailleurs, qui s'est bâti autour de lui au cours des siècles.

L'Évangile ne dit pas combien de mages il y avait ; mais dès le deuxième siècle on a commencé à considérer qu'ils étaient trois, à partir des trois présents mentionnés dans le texte de Matthieu. Puis, à partir du 6ème siècle, on les a pris pour des rois, et on a même décidé de quel pays ils étaient, puis on les a baptisés : Melchior, roi de Perse ; Gaspar, roi d'Arabie et Balthasar, roi de l'Inde. Un peu plus tard, au 8ème siècle, Bède le Vénérable leur a fait représenter plutôt les trois continents connus à l'époque : l'Europe, l'Asie et l'Afrique et alors les peintres ont commencé à donner à chacun la couleur de la peau correspondant à cette provenance supposée. Enfin, au 12ème siècle, les Croisés, qui ont ramené d'Orient les reliques les plus invraisemblables, ont, bien sûr, ramené aussi les ossements des trois rois mages, qui furent d'abord vénérés à Milan et que vous pouvez aujourd'hui aller vénérer à Cologne, si le coeur vous en dit.

Mais revenons au texte évangélique, dans sa grande simplicité et essayons de l'interpréter à la lumière des deux autres lectures que le Lectionnaire nous offre précisément comme un instrument d'interprétation de cet Évangile. Nous voyons alors que les deux grands thèmes sont ceux de la lumière et de l'universalité.

La première lecture est constituée des premières strophes d'un long poème tirée du Livre d'Isaïe. Durant l'Avent nous avons lu plusieurs poèmes de ce Livre, surtout des Chapitres appelés le Deuxième Isaïe et spécialement ceux appelés le Livre de la Consolation d'Israël. Le poème d'aujourd'hui est tiré de la section appelée le Troisième Isaïe. Nous sommes alors environ deux siècles après le premier Isaïe, après le retour des Juifs de l'exil en Mésopotamie. Jérusalem est alors une toute petite ville qui commence à peine à se reconstruire sur ses ruines. Alors, les disciples des disciples d'Isaïe s'efforcent de faire revivre sa vision et annoncent le jour où cette petite ville sera le centre du monde, tout illuminée de la gloire de Dieu, et où l'on viendra de toutes les nations vers sa lumière.

Saint Paul, dans sa Lettre aux Ephésiens, reprend le même thème. La mission qu'il a reçue, qui lui a été révélée, est celle d'annoncer que le salut apporté par le Christ n'est pas destiné à un seul peuple, mais à toutes les nations. Le salut n'est pas dans l'appartenance à un peuple, mais dans une relation personnelle avec le Christ Jésus, qui fait de nous des fils participant au même héritage et formant donc tous une grande famille, un nouveau peuple.

Dans le récit évangélique des mages venus d'Orient, ce thème de la Lumière est exprimé symboliquement. Réalisant la prophétie du Troisième Isaïe, ces mages (peu importe s'ils étaient deux ou trois, ou cinq ou plus) viennent d'Orient (et peu importe aussi de quel(s) pays ils viennent) et ils veulent adorer le roi des Juifs, car ils ont vu se lever son étoile. Cette étoile - ou cette lumière - qui les avait guidés jusqu'à Jérusalem, les a quittés dès qu'ils ont demandé à Hérode où était né ce roi et qu'Hérode l'eut demandé aux chefs des prêtres et aux scribes. On retrouve ici en Matthieu, comme dans les deux premiers chapitres de Luc, un récit symbolique dont le but est d'annoncer ce qui va se passer par la suite : les autorités du peuple juif et les autorités romaines complotent déjà ensemble la mort de Jésus. Dès qu'ils quittent ce monde de la politique locale, plein de confusion, les mages voient de nouveau l'étoile qui, tout d'abord, leur donne une grande joie puis les guide vers une maison (il n'est pas dit où se trouvait cette maison - cela n'est pas important) où ils voient l'enfant (qui n'a pas encore de nom, puisque, théoriquement, c'est avant la circoncision, jour où il recevra son nom) et sa mère. De nouveau ils accomplissent la prophétie d'Isaïe en se prosternant en signe de respect et en offrant leurs présents. Puis, leur mission prophétique étant terminée, ils quittent le décor et retournent chez eux.

L'objet de cette fête est, pour nous, de rendre grâce à Dieu de trois choses :

a) d'avoir envoyé son Fils en notre monde comme Lumière ;
b) d'avoir fait de lui la lumière de toutes les nations et non seulement d'un peuple
c) de nous avoir donné, à chacun de nous, la grâce de recevoir cette lumière.

Puissions-nous y trouver la même joie que les mages.

Et après cette célébration retournons chacun de nous chez-nous, c'est-à-dire à nos occupations habituelles, mais par un autre chemin, parce que nous sommes sans cesse renouvelés par cette lumière et cette rencontre.

La Lumière est venue dans le monde dit Jean, mais le monde ne l'a pas reçue. Mais à ceux qui l'ont reçue, Dieu a donné d'être faits Enfants de Dieu. Demandons la grâce d'être de ceux-là.

Armand Veilleux





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