3 avril 2010 - Vigile pascale " C "
Rm 6, 3-11 ; Luc 24, 1-12

 

H O M É L I E

 

Chers Frères et Soeurs 

            Nous vivons dans un monde étrange.  Et le grand écrivain et dramaturge Ionesco avait sans doute raison de dire que « ce sont nos habitudes et notre paresse mentale qui nous cachent l’étrangeté de ce monde dans lequel nous vivons ».  

            Je suppose que la plupart d’entre nous avons été un jour ou l’autre au bord de la mer, au moment où la marée est très basse.  Je ne parle pas d’une grève de sable doux où l’on va pour se faire griller au soleil.  Je pense au littéral rocailleux et rugueux de l’océan, où l’on peut marcher entre des rochers ou de grosses pierres, lorsque la marée se retire. Ce qu’on découvre alors de merveilleux c’est qu’entre ces rochers ou même sur ces rochers sculptés durant des millénaires par le mouvement quotidien des marées qui montent et se retire, il y a une infinité de petites nappes d’eau ; et ces petites nappes d’eau hébergent un nombre extrêmement grand d’êtres vivants, à la fois du monde végétal et du monde animal. La vie, dans cet environnement d’entre deux marées est caractérisée par une extrême précarité et en même temps par un sens extraordinaire d’adaptation aux conditions de l’environnement.  La vie de ces petits animaux et ces petites plantes est toujours menacée.  S’ils s’établissent trop proche du littoral ils seront exposés à trop de chaleur et de sécheresse et mourront.  Et la plupart se déplacent très lentement.  Ils doivent faire bien attention à l’endroit où ils mettent leur pied – si l’on peut dire, ou encore à l’endroit où ils s’accrochent. 

            Vous vous demandez évidemment qu’est-ce que cela peut bien avoir à faire avec la Résurrection. Eh bien, je crois qu’on peut voir en cela une analogie avec notre vie spirituelle.  Nous pensons sans doute trop facilement à la Résurrection uniquement comme à un mystère de lumière, comme la lumière qui se reflète sur la mer un beau matin d’été. Nous croyons parfois pouvoir vivre dès ici-bas dans la pleine lumière de la résurrection, loin de tout ce qui est ténèbre, pensant que notre transformation ou notre conversion peuvent déjà nous introduire dans la lumière divine, sans danger d’être consumés par elle. 

            En réalité le littoral du salut sur lequel nous vivons, est un littoral rugueux parsemé de petites nappes d’eau où nous pouvons planter provisoirement nos racines.  La lumière et les ténèbres sont indissociables.  Il y a quelques jours, le Jeudi Saint, nous avons lu le récit de la Dernière Cène.  Lorsque l’Évangéliste Jean mentionne le départ de Judas de la salle à manger, il dit  « il faisait nuit ». Lorsque Jésus est arrêté, c’est aussi en pleine nuit.  Lorsqu’il meurt, l’obscurité couvre la terre ; et lorsqu’il ressuscite des morts, il jaillit comme un rayon de lumière de l’obscurité.  

            Le Christ ressuscité montrait aussi constamment ses blessures à ceux à qui il se manifestait.  Et le cierge pascal que nous avons béni au début de cette célébration porte l’image de la croix, nous rappelant ainsi que le Christ crucifié et le Christ ressuscité sont la même personne. 

            Lorsqu’il pria pour nous, au cours de son dernier repas, il dit à son Père : « Je ne prie pas pour que tu les retires de ce monde, mais pour que tu les protèges du monde ». Nous faisons donc tous partie de ce monte – un monde à la fois beau et étrange, que nous devons aimer comme tel.  Notre vie est constamment menacée. Il nous faut savoir où nous mettons les pieds ou encore où nous plantons nos racines, afin d’être toujours irrigués par les vagues de la mer du monde d’où nous sommes nés, mais aussi réchauffés par la lumière du Ressuscité.  

            Cette lumière transforme tout ce qu’elle touche.  Lorsque nous sommes entrés tout à l’heure dans l’église, à la lumière de nos cierges – qui représentent symboliquement la lumière du Christ , cette église avait une beauté autre que celle qu’elle a à la clarté du jour.  Peut-être avez-vous aussi remarqué que les personnes autour de vous, même celles qui vous sont le plus familières, avaient un nouvel aspect et une nouvelle beauté à la lumière du petit cierge qu’elles portaient. 

            Par la Lumière du Christ, nous ne sommes pas retirés de notre océan d’humanité, avec sa beauté, sa fragilité, et même ses péchés.  Notre Église fait partie de cette humanité, avec elle aussi ses ténèbres comme ses lumières.  Mais à la lumière du Christ nos visages brillent d’une touche nouvelle.  Il y a une nouvelle genèse, une nouvelle création, une nouvelle libération – rendant caduques celles dont nous avons lu le récit dans la longue série de lectures bibliques de cette Veillée Pascale.  Ce soir nous sommes assemblés à le porte du tombeau, dans le jardin, avec toute l’Église,.  De ce tombeau le jardinier, le véritable Adam est sorti. Demandons-lui de nous révéler à chacun de nous les richesses souvent insoupçonnées que nous portons et qui n’attendent que le moment d’éclore et de mûrir.  Sa propre résurrection acquiert son sens plénier dans la nôtre.  Puisse-t-elle se réaliser aujourd’hui et tous les jours de notre vie.  Amen  

 

Armand Veilleux

 

 

 

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