12 avril 2009 - Vigile pascale " B "
Rm 6, 3b-11 ; Mc 16, 1-8


Homélie

 

            La longue série de lectures que nous venons d’entendre, et non seulement le récit que nous donne Marc de la venue des femmes au tombeau le matin de Pâques sont autant de formes d’expérience de Dieu faite par des hommes et des femmes comme chacun de nous.  Cela doit, me semble-t-il, nous encourager à faire confiance à notre propre expérience de Dieu, et à la prendre au sérieux.

 

            Que nous le voulions ou non, Dieu habite en nous. Il pénètre toutes les fibres de notre être. Il nous est toujours totalement présent, même lorsque nous l’ignorons. Apprendre à le connaître c’est l’ouvrage de toute une vie, c’est l’ouvrage de l’histoire de tout un peuple ; c’est l’ouvrage de l’histoire humaine tout au long de ses millénaires.  C’est cette découverte progressive que nous raconte la Bible.

 

            Toutes ces histoires – parfois édifiantes et parfois pas édifiantes du tout – de l’Ancien Testament, tous ces récits de guerres, toute cette relation difficile entre le peuple juif et ses prophète – tout cela ne nous raconte pas ce que Dieu a fait – ou ce qu’il est -- mais bien comment les hommes et les femmes de la Bible en ont fait graduellement l’expérience.  Quelle image ils se sont faite de Lui, et comment cette image s’est peu à peu purifiée.

 

            Très tôt les hommes ont pris conscience que tout l’univers -- et eux-mêmes en particulier -- devaient leur existence à une réalité plus grande. Ils ont exprimé cette conscience dans des récits comme celui de la création, que nous avons entendu tout à l’heure.  L’essentiel du message de tels récits ne réside pas dans les détails symboliques et parfois hautement fantaisistes qu’ils contiennent, mais dans leur expérience d’un Dieu créateur de qui ils avaient reçu leur existence. 

 

            Puis ils perçurent graduellement ce Dieu non plus comme un être lointain mais comme quelqu’un participant à leur vie collective, á côté d’eux dans leurs combats.  Évidemment Dieu ne livre de guerre à personne, et Dieu n’a pas tué les fils des Égyptiens, ni aucun autre ennemi d’Israël.  Mais ces récits nous révèlent chez ceux qui les ont transmis, une expérience nouvelle de la proximité de Dieu – un Dieu allant jusqu’à faire des alliances avec ses créatures. Ils voient alors les revers politiques de la nation et l’exil en particulier comme des punitions divines.

 

            À l’époque des prophètes la conscience se purifie davantage et ils perçoivent Dieu comme un amant – quelqu’un qui aime et qui désire être aimé en retour.  Ce n’est plus un Dieu qui punit ; les hommes se rendent maintenant compte que lorsqu’ils sont infidèles à son amour ils se punissent eux-mêmes en se coupant de la source de leur bonheur.

 

            Et puis, à la fin de cette très longue évolution, est apparu Jésus de Nazareth. Dieu s’est lui-même incarné dans un être humain qui, à travers tout son enseignement, nous a partagé son expérience d’être le Fils du Dieu Très Haut.  Il n’a pas écrit de livres.  Il n’a rien publié.  Tout ce que nous savons de lui est à travers le témoignage de ses disciples qui, dans leurs écrits, nous ont raconté l’expérience qu’ils ont eue de lui.  Ils ont marché avec Lui sur les chemins de Galilée et de Judée.  Ils l’ont entendu parler de son Père dans de superbes paraboles – qu’ils nous ont rapportées, chacun à sa façon : ils l’ont vu toucher les lépreux, guérir les malades, pardonner les péchés. Ils l’ont vu vivant et ont fait l’expérience de sa présence parmi eux après sa mort. Ils ont fait l’expérience de quelqu’un de vivant après avoir passé par la mort.

 

            Et c’est à travers deux millénaires de témoins se transmettant leur expérience de Dieu fait homme, que nous avons reçu nous-mêmes notre foi en Jésus de Nazareth, Fils de Dieu, mort pour nous mais toujours vivant en nous et au milieu de nous.

 

            Faire l’expérience de Dieu n’est pas le fait de quelques personnes privilégiées qu’on appelle des mystiques. Tous, nous avons fait de mille et une façons, probablement déjà dans notre enfance, mais surtout à l’âge adulte, l’expérience de notre relation avec Dieu.  Au delà de tout ce qu’on a pu nous enseigner de vrai ou de faux sur Dieu, c’est cette expérience intime, indéfinissable, de Dieu qu’est la foi. Cette conscience de la présence divine peut être parfois très vive, et sembler la plupart du temps presque inexistante ; chez certains elle peut être à peu près permanente.  Chez quelques-uns elle peut avoir des effets sur leur sensibilité et sur les sens – par exemple sous formes de visions ou encore de stigmates.  Ces effets extraordinaires, s’ils se produisent, ne doivent pas automatiquement être niés comme des imaginations, mais ils n’ajoutent rien à la qualité spirituelle de l’expérience.

 

             Dans notre Église, il y a toujours eu, et c’est normal, des sensibilités différentes face aussi bien aux réalités divines qu’aux réalités humaines.  Certaines différences se sont exacerbées ces derniers temps.  Au fond, elles ne touchent aucunement à la foi, mais à des sensibilités humaines différentes concernant soit les exigences morales découlant de notre foi, soit concernant l’attitude humaine face à Dieu. Elles font partie de la diversité des êtres, qui est une des richesses de la création.  

 

            C’est l’occasion pour nous, au sein même de notre communion ecclésiale, de nous interroger sans cesse sur l’intensité de notre expérience personnelle de Dieu.  Il serait bon pour chacun de nous de faire de temps à autre un exercice de mémoire semblable à celui que nous avons fait cette nuit dans cette longue série de lectures : Quels sont les moments, tout au long de ma vie, où la présence de Dieu en moi s’est manifestée le plus clairement, et quelles traces indélébiles ces expériences ont-elles laissées ?

 

Armand VEILLEUX

           

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