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6 juin 2010 -- Solennité du Corps du Christ
« C » Gen 14, 18-20 ; 1 Co 11, 23-26 ; Lc
9,
11-17 Le jour décline Lorsque nous pensons à
ce
passage
de
l’Évangile
nous
parlons
d’habitude
de
« multiplication »
des
pains
--
et
des
poissons.
L’Évangile
cependant
n’utilise
pas
ce
mot.
Il
parle
tout
simplement
de
« partage »
et
de
« don ».
Luc situe cet événement
dans
un
moment
bien
précis.
Jésus
avait
envoyé
les
douze
Apôtres
en
mission
pour
la
première
fois.
À
leur
retour,
alors
que
ceux-ci
commencent
à
raconter
tout
ce
qu’ils
avaient
fait,
Jésus
les
amène
à
l’écart. Mais la foule les suit. Jésus accueille toute
cette
foule ;
il
leur
parle
du
royaume
et
il
guérit
leurs
maladies.
Lorsque le jour décline
(nous
reviendrons
sur
cette
expression),
les
Apôtres,
en
hommes
pratiques,
exhortent
Jésus
à
renvoyer
la
foule
pour
qu’elle
aille
s’acheter
à
manger
et
se
trouver
des
aubeerges
où
dormir.
Jésus dit aux Apôtres : « donnez-leur
vous-mêmes
à
manger ».
Mais
ceux-ci
s’exclament,
ne
voyant
pas
comment
ils
pourraient
acheter
du
pain
pour
tant
de
monde.
Ils
ne
comprennent
pas.
Ils
restent
dans
une
perspective
de
commerce.
Mais
Jésus
les
invite
simplement
à
donner
ce
qu’ils
ont. On fait asseoir tout ce
monde
en
petits
groupes,
et
lorsque
tout
le
monde
a
partagé
ce
que
chacun
avait
apporté,
on
se
rend
compte
qu’il
y
avait
non
seulement
assez
de
nourriture
pour
tout
le
monde,
mais
qu’il
en
restait
largement.
Le
miracle
ne
fut
pas
un
miracle
de
multiplication
mais
de
partage. À la fin de l’Évangile
de
Luc,
il
y
a
un
autre
récit
tout
à
fait
parallèle
à
celui-ci,
où
Luc
utilise
le
même
vocabulaire.
C’est
le
récit
des
disciples
d’Emmaüs.
La
partie
centrale
de
chacun
des
deux
récits
commence
par
les
mêmes
mots :
« le
jour
décline »
ou
encore
« le
jour
commence
à
baisser ». Puis on s’assoit (le verbe utilisé pour désigner
cette
action
étant
de
la
même
racine
que
celui
utilisé
pour
décrire
le
coucher
du
soleil).
En
chacun
de
ces
deux
cas,
Jésus
rend
grâce
à
Dieu
puis
il
partage
le
pain. Entre ces deux récits,
dans
l’Évangile,
il
y
en
a
un
troisième,
raconté
aussi
par
Luc,
mais
dont
nous
avons
écouté
la
version
donnée
par
Paul
écrivant
aux
fidèles
de
Corinthe.
C’est
au
moment
où
le
soir
tombe
également,
la
veille
de
la
mort
de
Jésus.
À
ce
moment
aussi
on
se
met
à
table,
dans
un
mouvement
de
descente,
d’abaissement,
puis
Jésus
distribue
le
pain
et
le
vin,
indiquant
que
c’est
le
signe
de
son
corps
et
de
son
sang
donné
pour
cette
multitude
que
les
disciples
voulait
renvoyer
à
leur
commerce,
mais
qu’il
accueille
dans
l’échange
de
don
et
d’amour.
Gardez-en
bien
le
souvenir,
leur
recommande-t-il. « Le jour commençait
à
baisser »,
disaient
les
Apôtres
à
Jésus.
« Le
jour
décline »
disaient
aussi
les
disciples
d’Emmaüs.
Dans
l’histoire
de
l’Humanité
et
de
l’Église,
comme
dans
chacune
de
nos
vies,
il
y
a
des
matins
ensoleillés
et
il
y
a
aussi
des
jours
qui
déclinent.
À
l’échelle
de
l’Humanité,
plusieurs
cataclysmes
récents
provoqués
souvent
par
l’exploitation
orgueilleuse
et
déraisonnée
de
la
nature
par
l’homme,
aussi
bien
que
plusieurs
exemples
récents
de
folie
meurtrière,
indiquent
que
nous
sommes
entrés
dans
un
froid
crépuscule
de
l’histoire.
En
ce
qui
concerne
notre
Église,
il
n’est
pas
nécessaire
de
donner
beaucoup
d’exemples
pour
démontrer
qu’une
expression
adéquate
pour
décrire
ce
que
nous
vivons
collectivement
est
la
phrase
des
disciples
d’Emmaüs :
« le
soir
baisse ». Que fait Jésus dans cette
circonstance,
dans
notre
récit
d’aujourd’hui ? Il ne renvoie pas la foule – comme l’auraient
voulu
les
Apôtres
--
mais
il
l’invite
à
se
regrouper
en
de
nombreuses
petites
communautés
pour
qu’au
sein
de
chacune
se
réalise
le
miracle
du
partage. Chers frères et sœurs,
le
soir
approche,
le
jour
baisse.
Plus
que
jamais
l’Église
doit
renaître,
être
réengendrée.
Il
arrive
qu’elle
vienne
encore
parfois
« en
foule »
dans
de
grands
rassemblements
dont elle peut de moins en moins souvent se payer
le
luxe.
Chaque
fois
Jésus
la
renvoie
dans
de
petites
communautés
qui
s’in-clinent
dans
ce
soir
qui
dé-cline
et
qui
font
mémoire
ce
Celui
qui,
par
amour
pour
nous,
est
devenu
un
être
de
corps
et
de
sang,
comme
chacun
de
nous,
afin
de
pouvoir
se
donner
totalement
à
nous
et
pour
nous. Le soir décline. Nous sommes au soir d’une période de l’humanité
qui
est
arrivée
à
une
impasse
parce
qu’elle
a
cru
que
la
solution
à
tous
ses
besoins
était
celle
invoquée
par
les
Apôtres :
« renvoie
tous
ces
gens
en
ville
pour
qu’ils
achètent ».
Ce
soir
qui
décline
sera
suivi
d’un
nouveau
matin
ensoleillé
–
après
une
nuit
dont
personne
ne
sait
la
longueur
–
si
nous
écoutons
le
message
de
Jésus :
« partagez
ce
que
vous
avez »
–
ce
que
vous
avez
de
bien
matériels
mais
aussi
d’espérance. Inutile d’essayer de « multiplier »
ce
que
nous
avons.
Jésus
n’a
rien
multiplié,
il
ne
s’est
pas
multiplié
Lui-même. Il s’est partagé -- jusqu’au bout de
sa
force,
de
son
sang,
de
son
amour. Armand Veilleux |
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