14 juin 2009 – Fête du Corpus Christi "B"

Exode 24, 3-8;  Hébreux 9, 11-15;  Marc 14, 12...26 

 

H O M É L I E 

            Au début de son Évangile, saint Luc dit que Marie déposa son enfant nouveau né dans une mangeoire.  Elle l’offrait déjà en nourriture.  Et il dit qu’elle le déposa dans une mangeoire parce qu’il n’y avait pas (encore) de place pour lui dans la « chambre haute », dans le kataluma.  En effet le mot grec (kataluma), qu’on traduit souvent par auberge veut dire « chambre haute ».  Ce mot ne se trouve que deux fois dans le Nouveau Testament : dans ce récit de la naissance de Jésus et, à la fin de l’Évangile, quand Jésus dit à ses disciples d’aller à la ville et de dire à la personne qu’ils rencontreront que le Maître lui fait demander « où est mon kataluma – où est ma chambre haute où je puisse célébrer avec mes disciples ? ». Marc n’a pas le premier récit mais bien le deuxième, qui est le texte que nous venons de lire et qui est tout à fait parallèle à celui de Luc. 

            Essayons de percevoir quelques-uns des autres éléments symboliques de ce récit de Marc. Le récit commence par une indication de temps : « Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal... » Cette mention de l’immolation de l’agneau donne un caractère pascal à tout le récit qui va suivre, jusqu’à la mort et la sépulture de Jésus inclusivement.

             L’initiative de célébrer la Pâque juive ne vient pas de Jésus mais des disciples qui lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour ton repas pascal ? » (littéralement : « où tu puisses manger la Pâque ». Les disciples sont des Juifs, qui veulent être fidèles à la Loi juive. Mais Jésus leur montrera dans ce qui suit, non pas que le rite ancien de la Pâque est remplacé par un nouveau rite du même ordre, mais bien que l’Alliance ancienne (que célébrait ce rite) est remplacée par une Alliance nouvelle entre Dieu et l’humanité.

             Il les envoie à la ville. Il s’agit évidemment de Jérusalem, même si Marc évite soigneusement d’en mentionner le nom.  Et dans cette ville,  leur dit Jésus, ils rencontreront un homme portant une cruche d’eau.   C’est là une chose culturellement invraisemblable, car porter l’eau était réservé aux femmes. L’épisode a évidemment un sens figuré.  Cet homme à la cruche – au sein de la Jérusalem ancienne --  est la figure de Jean, qui baptisait dans l’eau, appelant à la conversion. Les disciples sont donc de nouveau appelés à la conversion, appelés  à rompre avec le passé. Ils devront suivre cet homme et là où il entrera, ils devront dire au maître de la maison : « Le maître te fait dire : où est ma chambre haute ».  Il ne demande pas : « As-tu une pièce à me prêter, à mettre à ma disposition ? ».  Non il demande : « Où est ma chambre haute où je puisse manger la Pâque avec mes disciples.  La salle est déjà prête pour un repas, et ils devront y faire les « préparatifs » pour eux, c’est-à-dire pour leur propre transformation. 

            Jésus va donc célébrer dans Jérusalem même, avec ses disciples, une Pâque alternative, établissant une Alliance alternative, qui sera la réalisation de ce qu’annonçait l’ancienne.  L’ancienne Pâque commémorait la libération de l’Égypte, la nouvelle annonce et exige la libération qui consiste à se convertir, à sortir de soi-même par le don total de sa vie, comme Jésus va le faire. Le récit le dit symboliquement : Les disciples « sortent », ils vont à la ville, trouvent les choses comme Jésus leur avait dit et se préparent. 

            Pendant le repas Jésus prend d’abord le pain, puis la coupe de vin. Sur le pain Il prononce une bénédiction, le divise et le leur donne en disant : « Prenez, ceci est mon corps ». Le mot grec pour corps est sóma.  Or sóma, dans l’anthropologie de l’époque, signifiait la personne entière, avec tout ce qui constituait son identité, sa présence, son activité.  En invitant ses disciples à prendre le pain, Jésus les invite à s’assimiler à lui, à accepter sa personne, son exemple et son enseignement comme norme de vie.  Marc n’indique cependant pas que les disciples prirent le pain.

             Puis en prenant la coupe, Jésus prononce de nouveau une action de grâce,  puis il la fait circuler et tous en boivent. C’est alors qu’il dit : Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude.  Au moment de la conclusion de l’Ancienne Alliance, Moïse avec aspergé le peuple avec le sang de la victime immolée.  Maintenant il ne s’agit plus d’un rite extérieur.  Il faut assimiler intérieurement la personne de Jésus, comme si on la buvait, accepter, comme lui, de se donner --  jusqu’à la mort s’il le faut. Les paroles de Jésus sur le pain et sur la coupe sont complémentaires.  Elles décrivent la même réalité. 

            Après avoir chanté, Jésus et ses disciples partent (ou plus exactement, ils « sortent ». Pour aller où ? au Jardin des Oliviers.  Ils sortent de la ville, de Jérusalem, de l’Ancienne Alliance, pour aller au Jardin des Oliviers où Jésus a bu sa coupe jusqu’à la lie.  

            Tout ce récit nous enseigne, d’une façon on ne peut plus claire, que l’Eucharistie n’est pas un simple rite à répéter tous les jours, ou toutes les semaines.  Elle n’est pas un rite comme l’était la Pâque ancienne.  Elle est un appel de la part de Jésus, -- et un engagement de notre part – à nous laisser transformer de l’intérieur à l’image du Christ, à nous laisser assimiler à lui au point de pouvoir sortir de nous-mêmes et vivre, comme lui, pour notre Père et nos frères. 

 

Armand Veilleux

Homélies pour la même solennité, les années précédentes

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