23 novembre 2008 – Dimanche du Christ-Roi, année « A »

Éz 34,11-12.15-17 ; 1 Co 15,20-26.28 ; Mt 25,31-46

 

 

Homélie

 

            Notre évangile est tiré du chapitre 25 de Matthieu.  C’est le chapitre qui précède immédiatement la mise en marche du processus tragique qui conduira Jésus à sa mort.  Dans la première partie de ce chapitre, Jésus s’était adressé à ses disciples, leur rappelant leurs responsabilités et les invitant à la vigilance, par exemple dans la parabole des dix vierges qui attendent l’arrivée de l’époux et, dans la parabole des talents que nous avons eue comme évangile dimanche dernier.

 

            Dans le passage que nous lisons aujourd’hui, Jésus parle de la façon dont, à la fin des temps, il confrontera en jugement, non pas ses fidèles – non pas ceux qui l’ont connu et ont entendu son message -- mais bien les nations païennes.  Le récit commence ainsi : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire... il siégera su son trône de gloire.  Toutes les nations seront rassemblées devant lui. » Pour n’importe quel Juif qui écoutait Jésus, l’expression « toutes les nations » ne pouvait signifier qu’une seule chose : l’ensemble des nations païennes, tout le monde non juif, tous ceux qui n’ont pas entendu parler de lui et n’ont pas été atteints par son message.

 

            Ces nations se seront réparties d’elles-mêmes en deux groupes, que le Fils de l’homme n’aura qu’à placer l’un à sa droite l’autre à sa gauche.  On ne leur demandera pas s’ils ont eu des expériences mystiques, s’ils ont eu une vie privée vertueuse, s’ils ont suivi l’une des grandes religions dans lesquels les hommes de tous temps ont exprimé leur recherche de l’absolu.  Ce qui les séparera radicalement en deux groupes sera tout simplement leur attitude à l’égard de l’humanité.  Ce sera la façon dont ils auront traité leurs frères et leurs soeurs.  Ce sera surtout la façon dont ils se seront conduits à l’égard de ceux avec qui Jésus a voulu s’identifier de façon particulière : ceux qui ont faim et soif, les étrangers, ceux qui sont malades, sans vêtements, sans logis, prisonniers de toutes sortes de préjugés et d’exclusions de la part des riches et des puissants.  Jésus se fera alors connaître aux deux groupes de nations, et leur révélera qu’il était lui-même incarné dans ceux qu’on a abandonnés comme dans ceux qu’on a servis.

 

            Portons attentions aux mots utilisés par chacun de ces deux groupes dans leur réponse remplie de surprise.  Les bons diront : « Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ». L’amour consiste à aller vers ceux qui sont dans le besoin et non seulement à donner du bout des doigts à ceux qui viennent nous demander timidement à genoux... « Quand sommes-nous venus vers toi. » La leçon est que quiconque est allé vers les autres dans le besoin est allé vers le Christ, même s’il ne le connaissait pas ou même pensait peut-être l’avoir rejeté intellectuellement.  Les autres, ceux qui se sont coupés du salut, diront « Quand est-ce que nous t’avons vu avoir faim et soif... sans nous mettre à ton service ».  Sans le savoir,  ils ont rejeté ce qui est l’essentiel de la vie chrétienne, le service – à l’image du Fils de l’homme qui est venu pour servir (attention aux deux mots : « venu » et « servir »).

 

            Si c’est là le jugement des Nations, qu’en est-il de nous, qui nous considérons croyants ? C’est le jugement des Nations qui est notre propre jugement.  La question qui s’impose à nous est plus exigeante que celle qui s’impose aux païens.  C’est tout d’abord la question de savoir si nous aussi nous allons vers les petits et les faibles, si nous nous mettons à leur service.  Mais il y a plus : allons-nous jusqu’à nous identifier nous-mêmes, comme notre Maître, à tous ceux qui ont faim et soif, qui sont laissés pour compte, au point de ressentir dans notre propre chair leurs besoins ?

 

            Cet Évangile apporte évidemment aussi une lumière pénétrante et troublante sur la situation de notre humanité tout entière, en ces moments de crise économique et de guerre.  Notre humanité s’est lourdement fourvoyée depuis un demi-siècle en croyant fonder un développement sans limite sur l’exploitation des personnes, des peuples et de la planète.  On se gargarisait de « mondialisation », tout en repoussant toujours plus l’étranger et le nécessiteux hors de nos frontières. Sans doute que personne d’entre nous n’est milliardaire et personne n’est dans une misère extrême.  Nous sommes donc tous, à des degrés divers, privilégiés du système qui a créé ces différences énormes d’accessibilité au festin des nations. Le « shock therapy » de la crise actuelle semble nous avoir tout à coup rendus plus conscients par exemple que des millions de personnes sont mortes au Congo depuis une douzaine d’année dans une guerre qui n’est pas une guerre tribale mais une guerre économique entre grandes puissances, par ethnies interposées.  Et nous oublierons peut-être moins facilement qu’auparavant les victimes de nos systèmes économiques en Irak, en Afghanistan et ailleurs.

 

            Le nom de la célébration d’aujourd’hui est « Solennité du Christ, roi de l’univers ».  C’est notre responsabilité à nous Chrétiens, qu’il soit vraiment le roi de l’humanité entière, en « allant » nous-mêmes vers tous ceux avec qui il s’est identifié et en nous mettant au service les uns des autres et de tous nos frères et soeurs en humanité, en commençant par les plus faibles et les plus nécessiteux.

 

Armand Veilleux

 

           


Homélie pour la même solennité :

 

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