23 mai 2010 – Solennité de la Pentecôte

Ac 2, 1-11; Rm 8, 8-17; Jn 14, 15...26

 

 

H O M É L I E

 

Chers frères et soeurs, 

            Chaque fois que nous avons comme lecture d’Évangile à l’Eucharistie une section du long entretien de Jésus avec ses disciples à la dernière Cène, le lectionnaire que nous utilisons fait commencer ce récit par les mots : « À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples ». Il s’agit donc non pas d’un « testament spirituel » composé avec soin, mais de conversations intimes où Jésus redit à ses disciples l’essentiel de son message. 

            La partie de cet entretien que nous venons de lire commence par un conditionnel : « Si vous m’aimez ». Ce petit mot – « si » -- est important. Il indique que l’amitié ou l’amour ne s’impose pas. Il s’agit d’une invitation dont la réponse est toujours incertaine. Puis Jésus leur dit ce qui arrivera s’ils l’aiment. D’abord, s’ils aiment Jésus ils seront fidèles à ses deux commandements : celui de l’amour de Dieu et du prochain. Et lui, pour sa part il priera le Père pour eux et le Père leur enverra l’Esprit de Vérité, qui sera leur défenseur. 

            Puis, un peu plus loin, Jésus élargit son discours. Il avait d’abord dit : « Si vous m’aimez... » Maintenant il dit : « Si quelqu’un m’aime... » Cela s’applique donc à chacun de nous : Si nous aimons Jésus, nous serons fidèles à sa Parole, son Père nous aimera. Jésus et son Père viendront faire leur demeure auprès de nous. 

            Avec notre esprit logique, on s’attendrait à ce que Jésus dise ensuite : « Si quelqu’un ne m’aime pas... » et décrive toutes les graves conséquences d’un tel refus. Or, Jésus n’utilise même pas le conditionnel.  Il constate tout simplement, sans d’y attarder : « Celui qui ne m’aime as ne restera pas fidèle à mes paroles. » Et c’est tout.  Jésus n’est jamais intéressé a condamner ou à punir. 

            Puis il dit à es disciples : « L’Esprit... vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit ».L’Esprit que promet Jésus est l’Esprit de vérité, il est aussi l’Esprit du souvenir ou de la mémoire. Il habite au coeur de quiconque est disciple de Jésus, c’est-à-dire de quiconque a accueilli son message, et rappelle sans cesse ce message à son coeur. 

            C’est le même groupe de fidèles qui se retrouvent à Jérusalem le jour de la Pentecôte, dans le récit des Actes des Apôtres, et ils s’y retrouvent au milieu d’une grande foule composée de Juifs fervents venant de tous les pays de la diaspora. Les Apôtres ne se transforment pas alors en super-polyglottes ; mais ce qui se passe est tout simplement que ce qui unit toute cette foule est le même Esprit et que le message que proclament les apôtres en leur propre langue araméenne est ce que chacun entend déjà au fond de son coeur. 

            Ce jour-là commence le travail de l’Esprit au sein de l’Église, qui n’est rien d’autre que la petite communauté de ceux qui ont mis leur foi dans le Christ Jésus. Fortifiée par cet Esprit de vérité et de mémoire, l’Église de Jésus a traversé tous les siècles, toutes les crises de la société et toutes ses propres crises internes. De nos jours l’Église – nous ne le savons que de trop – est de nouveau secouée par des crises aussi bien internes qu’externes. 

            L’affirmation conditionnelle de Jésus s’adresse à nous tous comme au groupe de disciples avec lesquels il prit son dernier repas : « Si vous m’aimez... » Nous savons que ce n’est pas évident d’aimer, surtout lorsqu’on est conscient des exigences de l’amour : Si nous aimons vraiment le Christ, son Esprit, qui est Esprit de vérité, nous donnera la force de voir en face la vérité sur nous-mêmes, individuellement, sur nous comme Église, et sur chacun de ceux avec qui nous faisons Église.  

            Face à cette Vérité, qui nous révèle des choses parfois pénibles sur nous-mêmes individuellement comme sur nous tous ensemble comme Église, l’Esprit de souvenir nous rappelle les deux grands commandements : l’amour de Dieu et l’amour inconditionnel de nos frères. 

            Cet esprit des Actes des Apôtres, où les disciples se trouvent « réunis tous ensemble », où ils forment un communauté harmonieuse, est présenté par Luc, l’auteur du Livres des Actes, comme l’opposé du mythe de la tour de Babel qui était l’expression ultime de l’exploitation  et de l’abus des petits et des faibles par les grands et les puissants. 

            L’esprit de la Pentecôte nous demande de descendre de toutes nos tours, de ne pas faire à nos frères de grandes leçons de morales du haut de ces tours, mais de nous laisser tous unir les uns aux autres par le dialogue de l’esprit de vérité qui est au coeur de toute personne de bonne volonté. 

            L’accueil à la fois enthousiaste -- mais aussi sobre et ému -- donné au message des moines de Tibhirine à Cannes, un endroit que certains compareraient plutôt à Babel, est le signe que nos contemporains sont aussi ouverts que ceux d’il y a deux mille ans, au message de l’Évangile – du moins lorsque ce message leur est présenté non dans de grands discours mais par une humble petite communauté de croyants fidèles au commandement d’amour universel de Jésus – fidèles, malgré tous leurs drames intérieurs et la violence qui les entouraient.

             Ayons confiance en la capacité du souffle violent qui secoua le lieu où se trouvaient les Apôtres, de nous secouer nous aussi, Église d’aujourd’hui,  et de faire que le message prononcé en nos coeurs par l’Esprit trouve un écho dans le coeur de tous nos frères et soeurs en humanité où le même message est prononcé par le même Esprit.

 

Armand Veilleux

 

 

Homélies pour la Pentecôte des années précédentes :

1999 : français

2000 : français / italien

2001 : français / italien

            español

2002 : français

2003 : français

2004 : français / italiano

2005 : français

2006 : français / italiano

2007 : français

2008 : français / italiano

2009 : français

 

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