27 mai 2007 – Solennité de la Pentecôte
Ac
2, 1-11; Rm 8, 8-17; Jn 14,
15...26
H
O M É L I E
Chers frères et
soeurs,
L’un des mots clés de cet Évangile
est le verbe demeurer.
Ce mot est lié à notion de durée et de stabilité. Il est agréable de visiter des endroits
nouveaux, mais lieu où l’on demeure
est celui où nous avons établi notre résidence permanente. Il est relativement facile de multiplier les
rencontres plus ou moins superficielles -- qui peuvent d’ailleurs être
profitables et enrichissantes ; mais demeurer
fidèle à une relation personnelle exige plus de permanence et de
stabilité. Les seules relations dans lesquelles
on peut demeurer d’une façon continue et avec fidélité, sont les relations d’amour
ou d’amitié. Et c’est d’une telle relation
dont parle Jésus à ses disciples durant le dernier repas qu’il partage avec
eux, qui sont ses amis, avant de mourir.
Il les appelle à demeurer fidèles à cette amitié, même lorsqu’il ne sera
plus au milieu d’eux. « Si vous m’aimez, leur dit-il¸ vous resterez fidèles à mes commandements »
et nous savons que ses commandements se résument dans ceux de l’aimer et d’aimer
notre prochain.
Puis,
il leur fait cette promesse, qui s’adresse à nous également : « Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma
parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer
chez lui. » C’est donc Dieu qui veut demeurer en nous, faire en nous
sa demeure permanente. Et la condition pour que cela se produise est
fort simple. Que nous vivions selon sa
parole en l’aimant et en aimant notre prochain.
C’est pour cela qu’il nous donne son Esprit, qui est le lien d’amour
entre nous, comme il est le lien d’amour entre le Père et le Fils, au sein de
la Trinité.
L’envoi
de l’Esprit Saint est décrit d’une façon colorée et dramatique par Luc dans les
Actes des Apôtres. Les disciples se
trouvent réunis dans la « chambre haute », sans doute la même où ils
s’étaient réunis avec Jésus pour célébrer la dernière Cène au cours de laquelle
il leur avait prononcé les paroles que nous avons lu dans l’Évangile tout à l’heure
et que je viens de citer. Luc semble
bien vouloir mettre cette « chambre haute » en opposition avec la
Tour de Babel dont nous parle le Livre de la Genèse.
Le récit de Babel,
au livre de la Genèse, était la réaction de l'auteur sacré contre le premier
phénomène d'urbanisation dans l'histoire.
L'unité de langue et de culture, l'union de tous dans un projet commun ayant
pour but de conquérir le ciel, était vu par l'auteur comme une négation de la
différence et comme un début d'oppression. C’est pourquoi Dieu réagit !
Jésus, tout au long de son ministère, a affirmé au contraire le droit à la
différence et la nécessité d'accepter et d'aimer chacun dans son caractère
unique. À la Pentecôte, ce qui se passe
est précisément l'inverse de Babel. Les
Apôtres ne reçoivent pas le don d'une langue universelle que tous devront
ensuite apprendre. Le don de l'Esprit
leur permet au contraire de parler les langues de tous, et chacun les entend dans sa propre langue. Chacun est respecté dans sa diversité.
De nos jours,
Babel est le symbole d'une forme de mondialisation qui, malgré les beaux
discours sur le respect des cultures, impose au niveau mondial -- manu militari si nécessaire -- un système économique unique
qui implique inéluctablement le nivellement des cultures fortes et la
disparition de toutes les autres à plus ou moins brève échéance. À Babel tous parlaient la même langue et
étaient réunis dans un même projet -- un projet qui portait en lui-même la
source de leurs discordes et de leurs divisions. La Pentecôte est au contraire le symbole d'un
idéal de rencontre de toutes les cultures – y compris leurs approches
religieuses particulières -- dans le respect mutuel des différences dont la
grande diversité constitue la richesse même du monde créé qui représente ainsi les
diverses facettes de la beauté de Dieu.
Si nous sommes
réunis ici ce matin pour célébrer la Pentecôte, c’est que depuis deux mille ans
des hommes et des femmes ont été fidèles à l’Esprit qui les a poussés à
transmettre à toutes les cultures le message de communion et d’amour de
Jésus. En ce moment où, dans notre
société, tant de voix veulent nous convaincre de l’existence inévitable d’un
conflit entre les cultures ou entre les civilisations et les religions, nous
avons un devoir particulier, en tant que Chrétiens, d’incarner dans nos vies
personnelles comme dans nos institutions – civiles aussi bien que religieuses –
un message d’écoute, de compréhension et de respect mutuel. Ainsi l’Esprit de Dieu -- l’Amour de Dieu –
fera sa demeure non seulement dans
nos coeurs à chacun de nous, mais dans nos communautés, nos familles, nos
institutions et notre Société.
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Homélies pour la
Pentecôte des années précédentes :
1999 : français
2002 : français
2003 : français
2005 :
français
Armand VEILLEUX
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