1 janvier 2009

Solennité de Marie, Mère de Dieu / Journée mondiale pour la paix

Nb 6,22-27; Ga 4,4-7; Lc 2,16-21

 

H o m é l i e

 

            Selon le beau récit de Luc, des anges étaient apparu à d’humbles bergers qui gardaient leurs troupeaux et ils leur avaient annoncé qu’un sauveur leur était né dans la ville de David, appelée Bethlehem – ou maison du pain – et qu’on l’avait déposé dans une mangeoire.  Les bergers décident donc d’aller voir de leurs propres yeux et se rendent dans la ville de Bethlehem – pas dans les champs, mais bien dans la ville. Et là ils trouvent l’enfant nouveau-né – qui n’a pas encore de nom -- dans une mangeoire.  Il n’est pas question d’étable, encore moins de boeuf et d’âne ; mais simplement de la mangeoire où Marie a déposé son nouveau-né.  C’est une façon symbolique pour Luc d’annoncer le mystère de l’Eucharistie. Suit immédiatement la simple mention de la circoncision, qui, par les quelques gouttes de sang versées, annonce la passion ; puis la mention du nom de Jésus ou de sauveur.

 

            Un texte aussi chargé de mystère est prégnant de mille significations. Nous pouvons le lire et le relire tout au long de nos vies, et tout au long de l’histoire collective de l’humanité et il nous rejoint chaque fois d’une façon différente.  L’important est qu’il nous rejoigne dans toute notre épaisseur humaine – car il s’agit bien du mystère de l’incarnation.  Le danger reste toujours de créer un agréable monde imaginaire autour de tous ces symboles et de les laisser nous bercer, endormir et emporter dans une méditation romantique sur un petit Jésus irréel qui nous coupe de la réalité que nous vivons, aussi bien individuellement que collectivement.

 

            Marie retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur, tout au long de sa vie, jusqu’à sa première séparation de Jésus au Temple, lorsqu’il eut douze ans, puis son départ définitif de la maison pour remplir sa mission, et enfin jusqu’à la Passion, le Troisième Jour et la Pentecôte. Nous devons faire comme Marie -- garder ces événements dans nos coeurs afin de les vivre avec Lui et avec elle.

 

            Le message central est qu’un sauveur nous est né.  La question que nous devons sans cesse nous poser, chaque fois que nous lisons ce texte, est : « de quoi vient-il nous sauver ? » -- « de quoi avons-nous besoin d’être sauvés à ce moment précis de notre histoire personnelle et collective ».

 

            Lorsque je méditais sur ce texte hier, en me demandant ce qu’il avait à me dire et ce que je pourrais bien dire dans cette homélie, l’image qui me revenait sans cesse à l’esprit et au coeur n’était pas celle d’un doux petit Jésus en cire dans une crèche ornée de petites lampes électriques et de papier doré.  Non, c’était celle des mères palestiniennes portant à l’hôpital ou à la morgue, ces derniers jours, leurs enfants déchiquetés par les bombes.  Cette violence, qui a atteint ces jours-ci un paroxysme qui touche à la démence, est la même violence qui menace d’éclater sans cesse au fond de chacun de nos coeurs.  C’est d’elle que nous devons tous être délivrés.  C’est pour nous en délivrer qu’est né ce Sauveur.  Marie est là, humblement présente, comme celle qui ne voit qu’en mystère ce qui se passe et qui a engendré notre salut en engendrant notre Sauveur.

 

            De quoi avons-nous encore besoin d’être sauvé ? Du point de vue économique l’année 2008 se termine en catastrophe et tout semble indiquer que l’année 2009 sera au moins aussi difficile, dans toutes les parties du monde.  Une recherche orgueilleuse de développement effréné ignorant les misères qu’il engendrait chez les laissés pour compte, est en train de s’écrouler non sans faire de nombreuses victimes.  Le sauveur qui nous est annoncé n’est pas un dieu miracle qui vient réparer nos systèmes éclatés ; c’est un Dieu qui vient nous sauver de l’orgueil et de la cupidité qui ont engendré cette crise – un orgueil et une cupidité qui demeure une tentation toujours présente en chacun de nos coeurs.

 

            S’il y a souvent, dans notre histoire humaine, de quoi nous porter à la tristesse ou au découragement, le mystère que nous célébrons aujourd’hui a de quoi nous combler d’espérance.  C’est que celui dont Marie est la mère est notre frère.  Saint Paul, qui ne mentionne jamais le nom de Marie, le dit d’une façon très discrète et très profonde dans le bref texte de sa Lettre aux Galates que nous avions comme deuxième lecture.  Dieu, dit-il, nous a envoyé son fils, né d’une femme, pour nous racheter, c’est-à-dire nous sauver.  Il est le premier né d’une multitude de frères. Il a mis en nous son propre Esprit qui nous permet de crier nous aussi à Dieu « Père ». Nous sommes nous aussi fils et filles de Dieu. Ou plutôt, nous sommes toujours en train de le devenir dans la mesure où nous nous ouvrons au salut qu’il nous a apporté.

 

            Demandons à Marie qui a engendré Jésus de nous engendrer chaque jour, nous aussi -- chacun de nous -- à la plénitude de la vie à laquelle nous sommes destinés.

 

 

Armand VEILLEUX

 

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