28 novembre 2010 – 1er dimanche de l’Avent « A »

Is 2,1-5 ; Rm 13,11-14a ; Mt 24,37-44

  

Homélie

 

L’Évangéliste Matthieu organise son Évangile autour de plusieurs grands discours de Jésus. Au début de son Livre, dans ce que nous appelons le Discours sur la Montagne, dont les Béatitudes sont le coeur, il regroupe plusieurs enseignements de Jésus sur la prière, l’aumône, le jeûne et beaucoup d’autres thèmes fondamentaux. Puis, à la fin de l’Évangile, au moment où Jésus est déjà entré dans Jérusalem, a chassé les vendeurs du Temple et s’est confronté violemment avec les Pharisiens, et qu’il sait que sa fin est proche, Matthieu rapporte l’un à la suite de l’autre plusieurs discours de Jésus sur la fin de toute vie humaine, à commencer par la sienne.

Dans ces derniers discours, qu’on appelle les « discours eschatologiques » un thème revient fréquemment, c’est celui de la vigilance.  Mais c’est là un mot qui dans l’usage courant a perdu beaucoup de sa force.  Aujourd’hui, être vigilant c’est tout simplement être attentif à ce qui se passe, faire attention.  Or, le mot utilisé par Jésus signifie rester éveillé, être totalement présent à ce qui se passe.

À la fin du passage que nous venons d’entendre, Jésus dit que si un maître de maison savait à quelle heure de la nuit le voleur doit venir, il resterait éveillé et ne laisserait pas percer le mur de sa maison.  Tout de suite après, dans le texte de Matthieu, il y a la parabole du serviteur fidèle puis celle des dix vierges, qui se termine par la même recommandation : « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure ». Et surtout il y a, au chapitre suivant, la scène du Jardin de Gethsémani, où Jésus demande par deux fois aux trois disciples par lesquels il s’est fait accompagner de rester éveillés et de prier avec lui.  Mais comme ils cèdent au sommeil il finit par leur dire, lorsqu’il revient à eux pour la troisième fois : « Continuez à dormir, reposez-vous... ».

Rester éveillés, pour les trois Apôtres qui accompagnaient Jésus, c’était demeurer présents à sa douleur et à sa prière, attentifs au drame qu’il vivait en ce moment, et qui lui faisait suer des gouttes de sang. Au moment où ces chapitres de l’Évangile de Matthieu sont écrits, les Chrétiens avaient déjà connu la persécution de Néron et plusieurs, parmi lesquels Pierre et Paul, étaient tombés victimes.  Jérusalem avait été dévastée et beaucoup de Juifs avaient été tués et ceux qui étaient restés avaient fait l’objet d’une nouvelle déportation.  Tous ces événements obligeaient les Chrétiens à considérer plus attentivement que jamais le sens de l’histoire et à relire ce qu’avaient annoncé les prophètes, dans des textes comme celui du Troisième Isaïe, que nous avons eu comme première lecture.

Les discours eschatologiques des derniers chapitres de Matthieu n’annoncent pas la fin des temps, comme on le comprend parfois.  Ils sont pleins d’espérance comme la prophétie d’Isaïe.  Ils annoncent une nouvelle période de l’histoire de l’humanité où l’amour vaincra la haine, où la guerre fera place à la paix, où il n’y aura plus oppression de l’homme par l’homme.  De même le mythe de Noé mentionné souvent dans l’Ancien Testament, et aussi par Jésus, n’est pas un message de destruction affligée par Dieu, mais au contraire la foi en la présence constante d’un petit reste qui sauve toujours l’humanité de son autodestruction.

En nos jours où notre pauvre humanité continue de s’autodétruire à travers tant de guerres, tant d’oppression des pauvres par les riches, tant d’exploitation irrationnelles de la planète, soyons attentifs aux signes de vie nouvelle, aux arches que des personnes clairvoyantes (comme le fut Noé) savent construire et qui sont des sortes de laboratoires où toutes les espèces, toutes les races, peuvent vivre dans la paix et la sécurité. Transformons les glaives de tous nos conflits petits et grands en socles de charrues et en outils de construction pour l’édification d’un monde où règne plus de justice et plus d’amour. C’est dans un tel monde renouvelé qu’il faut discerner le retour constant du Christ et non dans une sorte de post-scriptum à l’histoire après une fin imaginée de l’univers.

C’est là une tâche qui demande que nous restions éveillés et attentifs.

 

Armand Veilleux

 

 

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