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décembre 2007 - 1er dimanche de l'Avent " A "
Is
2,1-5 ; Rm 13,11-14a ; Mt 24,37-44
Homélie
La recommandation de Jésus dans cet Évangile, se résume
en un mot : " veillez " -- " Veillez donc, car vous ne
connaissez pas le jour où votre Seigneur viendra. " On retrouve
cette même exhortation dans la parabole du serviteur fidèle,
et dans celle des dix vierges qui se termine de même par "
Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l'heure. "
L'heure dont il est question ici, c'est celle dont parlait Jésus
lorsqu'il disait " mon heure n'est pas encore venue ". C'est
l'heure de sa passion et de sa mort. C'est pourquoi la même recommandation
de Jésus sera répétée avec une insistance
troublante, un peu plus loin dans l'Évangile de Matthieu, dans
le récit de Gethsémani, quand Jésus dira à
ses disciples " Mon âme est triste à en mourir...
veillez avec moi, " puis, quelques instants plus tard : "
ainsi vous n'avez pas eu la force de veiller avec moi, " et, de
nouveau : " veillez et priez... "
On comprend encore mieux ce texte si l'on se souvient que l'Évangile
de Matthieu a été écrit après la persécution
de Néron, le martyre de plusieurs Chrétiens et la chute
de Jérusalem -- cette Jérusalem que, sept siècles
avant le Christ, Isaïe voyait comme un point de rencontre des nations
et qui, deux mille ans après le Christ, continue d'être
un lieu de tension et de guerre.
La vigilance, dans l'esprit de Matthieu, n'est donc pas une attente
passive du retour du Seigneur dans une prière de quiétude.
Elle est solidarité avec Jésus et participation à
sa souffrance et à sa mort. Elle est solidarité aussi
avec tous les malheureux avec qui il a choisi de s'identifier, spécialement
avec tous ceux qui, comme lui, sont victimes de la violence.
Dans le contexte des nombreux conflits armés qui défigurent
aujourd'hui encore l'humanité, la prophétie d'Isaïe
(1ère lecture) résonne comme un énorme reproche
mais aussi comme le fondement de notre espérance. " De leurs
épées ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances,
des faucilles " prophétisait Isaïe, " On ne lèvera
plus l'épée nation contre nation, on ne s'entraînera
plus pour la guerre. "
Pourquoi est-ce tout juste le contraire de cette prophétie qui
s'accomplit sous nos yeux ? Pourquoi ? - Sans doute parce que, collectivement,
nous n'avons pas été vigilants. Nous n'avons pas été
solidaires avec Jésus agonisant. Nous n'avons pas été
solidaires avec les pauvres. Nous avons érigé en institutions
les relations d'injustice entre les secteurs de l'humanité. Nous
n'avons été attentifs ni à la plainte des opprimés
ni à l'arrogance des oppresseurs.
L'utopie d'Isaïe est, je viens de le dire, le fondement de notre
espérance. Elle est en effet l'annonce de la venue du Messie.
Il est déjà venu, il est présent parmi nous, et
il est le maître de l'histoire. Il respecte cependant notre liberté,
il nous laisse somnoler tout en nous reprochant de temps à autre
de le faire : " ainsi donc, vous n'avez pas su veiller avec moi
? ", mais la victoire finale de son royaume de paix, de communion
et d'harmonie est assurée.
La victoire finale dépend de Lui et de Lui seul. Mais le moment
quand cette victoire sera-t-elle réalisée dépend
de nous ; car c'est à travers nous qu'Il a choisi de la réaliser.
La prophétie d'Isaïe qui est un reproche et une source d'espérance
est aussi le rappel d'une responsabilité et l'appel à
la vigilance. Réalisons-la par des uvres d'amour.
Être éveillé signifie non seulement ne pas s'endormir
sur nos lauriers, dans l'insouciance, comme au temps de Noé,
mais cela signifie aussi veiller avec Jésus, l'accompagner dans
sa montée vers Jérusalem et sur la croix. Cela signifie
ne pas le laisser seul devant sa mort, point culminant de sa lutte contre
les structures injustes de notre société.
Si toutes les armes utilisées actuellement dans les conflits
qui ravagent la planète étaient transformées en
socles de charrue et en faucilles, il y aurait de quoi labourer toute
la planète et de quoi procurer à manger aux milliards
d'êtres humains qui souffrent de la faim. Mais si nous ne faisons
qu'attendre que les politiciens résolvent ce problème,
nous ne " veillons " pas ; nous nous endormons simplement
sur nos lauriers comme faisaient les contemporains de Noé. Il
nous est demandé de faire notre part, chacun à son niveau.
Et pour cela il faut que nous transformions toutes les épées
et toutes les lances de nos petits conflits quotidiens en autant d'instruments
de travail pouvant servir à la construction de la communauté
humaine et d'une société plus aimante et plus conforme
au plan de Dieu.
Armand VEILLEUX
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Homélie pour le même dimanche :
en 1998 :
en français
en 2001 :
en français
en italien
en 2004 :
en français
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