29 novembre 1998, Scourmont
Premier dimanche de l’Avent " A "
Is 2,1-5 ; Rm 13,11.14 ; Mt 24,37-44
H O M É L I E
 
 
Il est venu d'abord dans la chair et la faiblesse; puis, dans l'entre-deux, il vient en esprit et en puissance; enfin il viendra dans la gloire et la majesté... Cette venue intermédiaire est vraiment comme la voie par laquelle on passe de la première à la dernière; dans la première le Christ fut notre rédemption; dans la dernière il apparaîtra comme notre vie, et entre-temps, il est notre repos et notre consolation.  
(Saint BERNARD, Homélie sur l'Avent 5,1-2, Éditions cisterciennes, 1966, p.128-129)
Durant les premiers siècles qui suivirent la mort de Jésus, les Chrétiens étaient convaincus que le Seigneur reviendrait d’un jour à l’autre comme Juge de l’univers et mettrait fin à l’histoire. Le premier siècle en particulier fut vécu comme une longue période d’Avent, c’est-à-dire comme une longue période de retour du Seigneur. Ces Chrétiens n’avaient guère d’intérêt à créer des structures ecclésiales comme on en créera plus tard, ou même dans la célébration de temps liturgiques. Ils étaient convaincus que le temps dans lequel ils vivaient – le temps réel et non pas un temps symbolique – était comme un arc tendu dans la direction de l’accomplissement définitif de l’histoire. 
Ils avaient évidemment tort d’attendre la fin du monde de leur vivant. Mais cette erreur était de bien peu d’importance. Pour les premiers Chrétiens comme pour Jésus lui-même, en effet, le temps comme réalité matérielle n’avait pas beaucoup d’importance. Ce qui était important c’était comment il était assumé et vécu, c’était l’attitude intérieure dans laquelle il était vécu. En d’autres mots, ce qui était important pour eux était non pas la succession des jours et des années, mais la direction dans laquelle l’histoire s’orientait. Et ils étaient eux-mêmes totalement orientés dans cette direction. L’Avent était pour eux – comme il devrait être pour nous – une attitude plutôt qu’une période de temps.

Avec ceci présent à l’esprit, il nous sera peut-être plus facile de comprendre l’Évangile par lequel s’ouvre aujourd’hui la liturgie de l’Avent. Lorsque ce texte fut écrit, la persécution de Néron avait déjà été vécue, et plusieurs Chrétiens, parmi lesquels Pierre et Paul, étaient tombés victimes de l’Antéchrist. Jérusalem avait été dévastée et beaucoup de Juifs avaient été tués et ceux qui restaient avaient fait l’objet d’une nouvelle déportation. Tous ces événements obligeaient les Chrétiens à considérer plus attentivement que jamais le sens de l’histoire et à relire ce qu’avaient annoncé les prophètes, dans des textes comme celui du troisième Isaïe, que nous avons eu comme première lecture.

Dans l’Évangile de Matthieu (quel qu’en ait été le rédacteur final) l’auteur écrit en considérant les événements contemporains et essaye de décrire l’attitude que ces événements demandent. Il fait appel à une attitude de " vigilance " et d’" attention ". Il faut vivre les yeux ouverts et les mains étendues. C’est le temps de faire comme Noé qui vit venir le déluge et fit des préparatifs en conséquence, malgré l’ironie de ses concitoyens.

Voilà la première leçon à retenir : L’Avent n’est pas en réalité une période de quatre semaines durant laquelle nous lisons des textes différents de ceux du reste de l’année. L’Avent est une vertu qui consiste à interpréter tout ce qui se produit dans notre vie quotidienne, regardant au delà du bout de notre nez et essayant de voir tout ce qui nous arrive dans la perspective de l’histoire et du but vers lequel celle-ci se dirige.

Lorsqu’au quatrième siècle les persécutions cessèrent et qu’il devint " populaire " d’être chrétien, l’Église cessa de vivre sous la tente et se donna des temples de pierre. Les Chrétiens se sont habitués, au long des siècles, à vivre le temps présent comme ultime et définitif, comme un projet déjà réalisé. Le temps cesse d’être un Avent....

La liturgie de l’Avent est alors importante pour nous empêcher de nous installer dans le moment présent. Elle vient nous rappeler que nous sommes en situation de cheminement. Et la beauté de ce cheminement est que Jésus marche avec nous sur la route, comme avec les disciples d’Emmaüs tout en étant en même temps Celui-là même que nous rencontrerons au bout du chemin.