4 avril 2010 – Jeudi Saint

Ex 12, 1...14;  1 Co 11, 23-26; Jn 13, 1-15 

 

H o m é l i e

 

            Il arrivait aux prophètes de l’Ancien Testament de donner leur enseignement à travers des gestes symboliques ou des paraboles mimées. Ainsi, par exemple, Jérémie qui s’achète une ceinture de lin toute neuve et la dépose dans la fente d’un rocher et l’y retrouve tout abîmée plusieurs jours plus tard ; décrivant par ce geste le sort réservé au Peuple d’Israël s’il continue à se détourner du Seigneur.   

            La lavement des pieds des disciples par Jésus est un geste symbolique du même genre -- ce qui est tout autre qu’un rituel.  Jésus explique ensuite à ses disciples le sens de son geste. Et lorsqu’il dit « vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres », il ne les appelle donc pas à répéter ce geste rituel mais bien à l’imiter dans toute leur vie, se faisant les serviteurs les uns des autres comme lui-même s’est fait leur serviteur alors qu’il était leur seigneur. En conséquence lorsque, dans nos communautés, nous répétons une fois par année -- ou plus souvent -- le rite du lavement des pieds, ce n’est pas ce rite qui est notre réponse à la recommandation de Jésus. Au contraire, ce rite n’a pas d’autre sens que de nous rappeler que, dans toute notre vie nous devons éviter toute attitude de domination les uns sur les autres et plutôt nous constituer les serviteurs les uns des autres, comme Jésus nous en a donné l’exemple. 

            C’est là l’une des dernières recommandations faites par Jésus à ses disciples, au moment où son heure est venue.  Tout au long de l’Évangile, il est souvent question de l’heure de Jésus, chaque fois pour dire que « son heure » n’était pas encore venue.  Dans la première phrase du récit que nous venons de lire, Jean nous dit en quoi consistait cette heure : « Avant le fête de la Pâque – écrit-il – sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père ». Son heure, c’est donc l’heure de sa mort, de son passage au Père. Que fit-il alors à l’égard de ses disciples. « Il les aima jusqu’au bout » dit Jean.  Ce « jusqu’au bout » ne signifie pas « jusqu’au dernier moment », mais plutôt « jusqu’à l’expression suprême de l’amour ». Et ce qu’il leur enseigne à travers les gestes qu’il pose, c’est que l’amour porté jusqu’à l’extrême consiste tout simplement à se faire les serviteurs les uns des autres, quels que soient nos rôles dans la Société ou dans l’Église, et à se faire les serviteurs dans les besoins les plus élémentaires. 

            Alors que l’Évangéliste Jean nous rapporte la réflexion de Jésus sur sa vie, telle qu’exprimée dans cette parabole actée du lavement des pieds, et l’invitation à faire de même, les autres Évangélistes -- et saint Paul -- nous rapportent un autre geste de Jésus posé au cours du même repas avec ses disciples – un geste qui est une réflexion sur le sens non seulement de sa vie mais aussi de sa mort.  Rompant le pain, Jésus dit : « ceci est mon corps rompu pour vous » et en leur présentant la coupe il dit « ceci est la coupe de mon sang versé pour vous ». Il exprime ainsi le sens de sa mort prochaine qui sera la conséquence de son existence toute donnée, toute rompue, toute versée par amour pour son Père et pour nous tous. Et lorsqu’il leur dit : « Faites ceci en mémoire de moi », on perd toute la richesse et la force engageante de cette invitation, si l’on n’y voit que l’invitation à répéter un geste symbolique ou un rituel.  C’est tout d’abord une invitation à nous donner nous-mêmes comme Lui s’est donné ; et à nous donner pour tous ceux pour qui il s’est donné Lui-même.  Se donner par amour c’est accepter d’être éventuellement rompu ou même vidé. C’est le prix de l’amour. C’est ce prix, payé par Jésus, que nous célébrons dans cette Eucharistie du Jeudi Saint.

 

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