20 mars 2008 - Jeudi Saint
Ex 12, 1...14; 1 Co 11, 23-26; Jn 13, 1-15


H o m é l i e

 

Tout au long de sa vie Jésus a refusé d'être l'objet d'un culte. Au cours de la dernière Cène, selon le récit de saint Jean que nous venons de lire, il a institué un culte : le culte du frère et de la communauté, un culte qui s'exprime essentiellement à travers le service. Et il a conclu, tout simplement, par les mots : " faites de même ".

Le récit s'ouvre par la phrase suivante : " Jésus, sachant que l'heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout. " Cette phrase grandiose est l'introduction non seulement au récit du lavement des pieds que nous avons lu, ni même à tous les récits de la dernière Cène, mais bien à tout le récit de la passion et de la mort de Jésus jusqu'à ses dernières paroles sur la croix. Il les aima - il nous aima, jusqu'à la fin, jusqu'à l'extrême.

L'Évangile de Jean avait commencé par l'admirable Prologue nous découvrant le Verbe éternel de Dieu pénétrant notre temps. Maintenant, une trentaine d'années plus tard, il sait que son heure est venue, l'heure de retourner à l'éternité de sa relation avec son père. Son passage dans le temps a mis une semence d'éternité dans notre temps et nous a permis par notre union avec Lui, d'entrer déjà nous-mêmes en quelque sorte dans son éternité.

Le lavement des pieds n'était pas un rituel, et Jésus n'en a pas fait un rituel. C'était un service nécessaire qu'un hôte faisait rendre à ses visiteurs par un serviteur ou par un esclave non juif. Jésus a rendu à ses disciples ce service. Les gestes de Jésus ne sont pas des symboles ; ce sont des gestes bien concrets. Les symboles sont plutôt dans le langage - très symbolique s'ailleurs - qu'utilise l'évangéliste Jean pour interpréter ces gestes. Dans l'expression " il quitta son vêtement ", puis, un peu plus loin, l'expression corrélative " il reprit son vêtement " Jean utilise, dans le texte grec, exactement les mêmes mots déjà utilisés dans l'affirmation de Jésus quelque temps auparavant : " J'ai pouvoir de donner (déposer) ma vie... et pouvoir de la reprendre ".

Donc Jésus, " sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu'il est venu de Dieu et qu'il retourne à Dieu " veut, une fois pour toutes, rendre bien visible à ses disciples que lui, leur Seigneur, l'homme libre par excellence, il leur rend ce service qu'on réservait à une certaine " catégorie " de personnes - serviteurs et esclaves. Le grand service qu'il rendra à l'humanité sera de faire de tous des personnes libres, égales, ayant toutes la même dignité d'enfants de Dieu.

Avec toute leur force symbolique les images utilisées par l'Évangéliste sont d'une puissance théologique extraordinaire. Le vêtement que Jésus dépose, c'est son humanité, qu'il a assumée au moment de son incarnation. Il reprendra ensuite ce vêtement pour aller à sa passion et pour retourner à son père. Entre les deux dans un bref moment- se dépouillant de ce vêtement -- il nous révèle qui est Dieu. Et le Dieu qu'il révèle est un Dieu qui se met au service des personnes qu'il a créées par amour. Et si nous portons attention au texte de Jean, nous voyons qu'au début du récit Jésus a déposé son vêtement pour revêtir le tablier de service mais qu'à la fin il a remis son vêtement mais n'a pas enlevé son tablier de service. Il est entré dans le sein du père avec ce tablier de service. C'est là pour nous aussi la voie du salut. Nous ne pourrons entrer dans l'éternité qu'avec le tablier de service. C'est l'habit de noce dont Jésus parlait aussi dans une parabole.

Il serait naïf d'interpréter le geste de Jésus comme un simple acte d'humilité. La grandeur des grands de ce monde n'est pas une valeur à laquelle Jésus renoncerait par humilité. Elle est une fausseté et une injustice qu'il dénonce et qu'il refuse. (" Les grands des nations les dominent, qu'il n'en soit pas de même pour vous...) L'enseignement de cette scène est que l'unique grandeur pour l'homme est d'être, comme Dieu, don total et gratuit de lui-même aux autres.

Le repas communautaire que nous célébrons en mémoire de Jésus, comme il nous a dit de le faire, est une expression symbolique de notre volonté de nous faire les serviteurs les uns des autres.

Armand Veilleux




 

 

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