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9 avril 2009 – Jeudi Saint Ex
12,
1...14; 1 Co 11, 23-26; Jn
13,
1-15 « Jésus sachant que son heure était venu... ». Les mentions de l’heure sont nombreuses dans l’Évangile de Jean. D’abord, il semble important pour lui d’indiquer
à
quelle
heure
précise
se
sont
produits
certains
événements. Et cela est d’autant plus remarquable que Jean
est
déjà
un
vieillard
lorsqu’il
raconte
ces
récits,
que
lui-même
ou
plus
probablement
un
de
ses
disciples
a
rédigés
dans
ce
que
nous
appelons
l’Évangile
de
Jean.
Cela
montre
bien
qu’il
a
gardé,
toute
sa
vie
durant,
un
souvenir
très
vif
de
chacun
de
ces
événements,
les
repassant
dans
son
coeur
comme
avait
fait
Marie. Il y a, en particulier ce beau texte où Jean
raconte
sa
première
rencontre
avec
Jésus
qui
l’avait
invité
chez
lui. C’était, dit-il, environ la dixième heure (c’est-à-dire
environ
4
heures
de
l’après-midi,selon notre façon de compter). De même, lorsque Jésus,
fatigué
de
la
route,
s’assit
près
du
puits
de
Jacob,
où
viendra
le
rencontrer
la
Samaritaine,
c’était,
dit
Jean,
à
la
sixième
heure,
c’est-à-dire
à
midi,
lorsque
le
soleil
plombait. Mais l’heure a, dans l’Évangile de Jean,
et
donc
dans
la
vie
de
Jésus,
un
sens
beaucoup
plus
profond. C’est l’heure où il doit mourir et, avec toute
son
humanité,
être
assumé
dans
la
vie
de
son
Père. À Cana, à Marie qui lui signalait l’embarras
des
hôtes
qui
n’avaient
plus
de
vin
Jésus
avait
répondu
mystérieusement
« mon
heure
n’est
pas
encore
venue »
(Jn
2,4).
Puis
à
la
Samaritaine
qui
lui
demandait
en
quel
lieu
il
fallait
adorer
Dieu,
il
avait
répondu :
« L’heure
vient
où
les
vrais
adorateurs
adoreront
le
Père
en
vérité »
(4,
21-23).
Un
peu
plus
tard
il
s’échappe
de
ceux
qui
veulent
l’arrêter
car,
dit
Jean,
« son
heure
n’était
pas
arrivée »
(7,30). Mais lorsqu’il amène avec lui trois de ses disciples
pour
prier
dans
le
Jardin
de
Oliviers,
il
déclare :
« Elle
est
venue,
l’heure
où
le
Fils
de
l’homme
doit
être
glorifié. »
(12,23) Et la dernière mention de l’heure, dans
l’Évangile
de
Jean,
sera
lorsque
Jésus
dit
à
Jean
et
à
Marie :
« Voici
ta
mère »
et
« voici
ton
fils ». « Depuis cette heure-là, conclut l’Évangéliste,
le
disciple
la
prit
chez
lui »
(19,27).
« Depuis cette heure » ne veut
pas
simplement
dire :
« depuis
ce
moment-là »,
mais
bien
depuis
cette
« heure »
tout
à
fait
unique
et
particulière,
qui
est
le
point
charnière
dans
la
vie
de
Jésus
et
de
toute
l’humanité
–
le
passage
de
ce
monde
à
son
Père. Cette heure l’effraie. Il est tenté de demander au Père d’en être
préservé ;
mais
il
ne
le
fait
pas,
car
c’est
précisément
pour
cette
heure
qu’il
est
venu
parmi
les
hommes
(12,27).
Et, de plus en plus dans ses derniers discours
à
ses
disciples,
il
dit
et
redit :
« l’heure
est
venue ». Et, finalement, au début du récit que nous venons
de
lire,
l’Évangile
de
Jean
nous
dit,
pour
la
première
fois,
ce
qu'est
cette
heure :
c’est
« l’heure
de
passer
de
ce
monde
à
son
père »
(13,1).
Et,
que
fait-il
en
cette
heure
si
importante
pour
lui ?
Il
aime
les
siens
et
les
aimera
jusqu’à
l’extrême.
Et
comme
pour
lui
le
sens
de
l’amour
a
toujours
été
de
servir,
il
manifeste
son
amour
à
ses
disciples
en
les servant. Le lavement des pieds des disciples, opéré par
Jésus
n’était
pas,
en
effet,
un
symbole,
dont
il
fallait
ensuite
leur
expliquer
le
sens.
C’était
un
acte
concret
de
service.
Lorsqu’on
entrait
dans
une
salle
à
manger
après
avoir
marché
en
sandales
dans
sur
des
chemins
poussiéreux,
il
convenait
de
se
laver
–
ou
de
se
laisser
laver
--
les
pieds,
et
c’était
le
service
que
rendaient
en
général
les
serviteurs.
Jésus
se
constitue
donc
serviteur
de
ses
disciples.
Dans la culture religieuse contemporaine, nous
avons
une
attitude
fort
ambigüe
à
l’égard
des
symboles.
Nous
aimons
inventer
et
réinventer
des
gestes
symboliques
–
ce
qui
est agréable et pas du tout exigeant. Or les gestes symboliques
appartiennent
au
même
ordre
de
réalités
que
les
sacrifices
de
l’Ancienne
Alliance,
auxquels
Jésus
a
mis
définitivement
fin. Dans l’économie chrétienne du Salut, on n’est
pas
sauvé
par
des
gestes
symboliques,
mais
par
la
communion
au
Salut
à
travers
des
gestes
concrets
et
bien
réels.
Autre
chose
est
de
poser
un
geste
symbolique
et
autre
chose
est
de
percevoir
la
valeur
symbolique
d’une
activité
concrète. Ce que j’ai fait à votre égard, dit Jésus à
ses
disciples,
vous
devez
le
faire
les
uns
aux
autres. Ce que Jésus demande à ses disciples de faire,
ce
n’est
pas
de
répéter
un
rituel,
mais
de
se
servir
mutuellement. Si nous répétons ce rituel ce n’est pas parce
qu’il
a
en
lui-même
une
valeur
salvifique,
mais
plutôt
pour
nous
rappeler
ensemble
le
commandement
de
Jésus. Il en va de même de l’Eucharistie. À la dernière Cène, Jésus n’a pas célébré un
rituel
sacré
avec
ses
disciples.
Il
a
pris
un
vrai
repas,
au
cours
duquel
il
leur
a
tenu
une
vraie
conversation. Il leur a expliqué le sens de ce repas lors
de
la
bénédiction
sur
le
pain
et
le
vin,
indiquant
que
ce
repas
réel
avait
une
valeur
symbolique.
Il
était
le
symbole
du
don
qu’il
leur
faisait
de
sa
vie,
à
travers
sa
mort
imminente. En leur disant immédiatement « Faites ceci
en
mémoire
de
moi »,
il
ne
les
invitait
pas
simplement
à
répéter
un
rituel,
mais
bien
à
donner
eux
aussi
leur
vie
par
amour
les
uns
les
autres,
en
se
mettant
au
service
de
tous
leurs
frères. Notre célébration de l’Eucharistie, qui est
pour
nous
un
mémorial
de
la
vie
et
de
la
mort
de
Jésus,
n’est
pas
un
geste
symbolique
magique
ayant
des
effets
automatiques. Elle a pour nous une valeur salvifique, et par
conséquent
glorifie
Dieu
dans
la
mesure
où
notre
vie
concrète
en
est
transformée,
nous
conformant
à
l’image
du
Christ
en
nous
faisant
les
serviteurs
les
uns
des
autres. Depuis que l’heure de Jésus est venue ;
c’est-à-dire
depuis
qu’avec
toute
son
humanité,
il
a
été
absorbé
dans
la
vie
de
son
Père,
nous
pouvons
nous
aussi
dire :
« mon
heure
est
venue ».
Ce
n’est
pas
nécessairement
l’heure
de
notre
mort
–
elle
viendra
un
jour !
–
c’est
chaque
moment
de
notre
existence
où,
dans
notre
vie
concrète,
et
non
seulement
à
travers
des
gestes
rituels,
nous
faisons
ce
que
Jésus
nous
a
dit
de
faire
en
mémoire
de
lui :
nous
aimer
les
uns
les
autres,
aimer
notre
prochain
et
tous
les
humains,
et
le
manifesterà
travers
le
service
mutuel. Armand VEILLEUX |
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