|
|
||
|
|||
6 septembre 2009
-- 23ème dimanche "B" Is
35,4-7a; Jc 2,1-5; Mc 7,31-37 H O M É L I E Les Évangiles nous montrent rarement
Jésus
en
dehors
du
territoire
d’Israël.
Dans
le
passage
qui
précède
immédiatement
celui
que
nous
venons
de
lire,
dans
l’Évangile
de
Marc,
Jésus
était
allé
dans
la
région
de
Tyr,
au
nord
du
Lac
de
Galilée.
C’était
une
région
limitrophe,
avec
une
population
mêlée,
de
religion
surtout
païenne.
C’est
là
qu’il
avait
guéri
la
fille
de
la
Syro-phénicienne.
Et,
au
début
du
texte
d’aujourd’hui,
nous
le
voyons
quitter
Tyr,
passer
par
Sidon,
en
direction
du
Lac
de
Galilée
et
aller
directement
en
terre
païenne,
dans
la
fédération
de
dix
villes
qu’on
appelait
la
Décapole. Que fait Jésus en terre païenne,
c’est-à-dire
non
juive ?
Il
ne
prêche
pas. Il n’essaie pas de convertir les habitants au
judaïsme.
Il
ne
leur
parle
même
pas
du
Royaume,
comme
il
le
fait
aux
Juifs.
Il
fait
plutôt
advenir
le
Royaume.
Il
fait
simplement
une
guérison.
Et
ce
récit
est
une
introduction
à
celui
de
la
deuxième
multiplication
des
pains. Ce récit de guérison, qui
est
propre
à
Marc,
est
plein
de
détails
lourds
de
symboles. On dit que le malade était sourd et muet. Or,
l’adjectif
grec
(mogilalon)
qu’on
traduit
ici
par
muet,
et
qui
signifie
plutôt
quelqu’un
qui
parle
difficilement,
n’existait
pas
dans
le
grec
classique
et
ne
se
trouve
qu’une
fois,
ici,
dans
le
NT
et
une
fois
dans
l’AT,
précisément
dans
la
prophétie
d’Isaïe
que
nous
avions
comme
première
lecture.
Le
texte
de
Marc
renvoie
donc
explicitement
à
la
prophétie
d’Isaïe :
Les
yeux
des
aveugles
s’ouvriront,
les
sourds
entendront
et
la
bouche
de
ceux
qui
ont
de
la
difficulté
à
parler
criera
de
joie. Isaïe est le prophète de
la
consolation.
Le
peuple
était
encore
écrasé
par
la
douleur
engendrée
par
l’exil
à
Babylone,
et
avait
besoin
d’un
message
d’encouragement
et
d’espérance,
que
lui
donne
Isaïe. Celui-ci évoque le souvenir de la terre de Palestine
qui
les
attend
après
l’exil :
une
terre
fertile
et
spacieuse,
avec
sa
richesse
naturelle,
ses
sources
et
ses
torrents,
un
véritable
paradis
terrestre.
C’est
dans
cette
même
terre
que
se
trouve
Jésus
dans
le
récit
de
Marc. On lui amène donc un sourd-muet.
Celui-ci
pourrait
bien
représenter,
dans
la
pensée
de
Marc,
les
disciples
qui
,
dans
le
texte
précédent
(=l’Évangile
de
dimanche
dernier),
n’avaient
pas
compris
l’enseignement
de
Jésus
(sur
ce
qui
sort
du
coeur
de
l’homme),
et
ne
pouvaient
donc
pas
encore
transmettre
correctement
le
message
de
Jésus.
On
amène
à
Jésus
ce
malade ;
il
ne
vient
pas
de
lui-même,
et
il
n’est
pas
dit
qui
l’amène.
On
supplie
Jésus
(on
ne
lui
« demande »
pas
simplement ;
on
le
« supplie »)
–
non
pas
de
le
guérir,
mais
de
lui
imposer
les
mains,
et
donc
de
lui
transmettre
sa
force
vitale. Jésus lève les yeux au ciel,
dans
un
geste
de
prière
à
son
père,
en
soupirant
–
ce
qui
souligne
l’importance
du
moment,
et
exprime
probablement
sa
tristesse
à
cause
de
la
lenteur
de
ses
disciples
à
comprendre.
Après
avoir
touché
les
oreilles
et
la
langue
du
malade
il
dit
à
celui-ci :
« Ouvre-toi ».
Le
mot
« effata »
est
un
mot
araméen,
un
impératif
à
la
deuxième
personne
du
singulier.
Jésus
ne
dit
pas
aux
oreilles
« ouvrez-vous ».
Il
dit
au
malade,
à
la
personne :
« ouvre-toi ». Lorsque la personne s’ouvre à la grâce et à
la
personne
de
Jésus,
elle
peut
parler
et
entendre.
Elle
est
libérée
de
ses
obstacles.
Revenons sur le contexte
dans
lequel
Jésus
accomplit
ce
miracle.
C’est
l’une
des
rares
fois
où
Il
pénètre
en
terre
païenne.
À
ces
non-Juifs
Il
ne
parlera
pas
en
utilisant
le
langage
des
prophètes
d’Israël.
Il
n’essaiera
évidemment
pas
d’en
faire
des
Juifs.
Il
les
évangélisera
-- non
pas
en
leur
apportant
un
contenu
intellectuel,
en
leur
parlant
du
salut,
mais
simplement
en
le
réalisant
au
milieu
d’eux,
en
leur
apportant
ce
salut
sous
forme
de
guérison. En certains pays, de nos
jours,
il
n’est
pas
possible
d’annoncer
l’Évangile
en
paroles,
ce
qu’on
appelle
« prosélytisme »
étant
interdit.
En
Algérie,
par
exemple.
En
ces
pays,
de
petites
communautés
de
Chrétiens
évangélisent
simplement
en
vivant
la
charité
au
milieu
des
gens.
Comme
l’ont
fait
nos
frères
de
Tibhirine
avec
un
résultat
si
évident
et
si
surprenant. Même nos sociétés européennes,
qui,
du
point
de
vue
matériel,
sont
des
terres
fertiles
comme
la
Décapole
du
temps
de
Jésus,
ont
largement
perdu
le
contact
avec
les
expressions
orales
du
message
chrétien.
Certains
d’entre
nous
sont
sans
doute
appelés
à
prêcher
ce
message
en
paroles. Mais ce n’est possible ni partout ni toujours.
Ce
qui
est
toujours
possible,
à
nous
tous
et
en
tout
temps,
c’est
de
vivre
le
royaume,
d’incarner
l’amour
chrétien
dans
des
gestes
de
charité
et
de
communion
comme
ceux
de
Jésus
touchant
de
ses
doigts
les
oreilles
du
sourd
et
touchant
sa
langue
avec
sa
salive. Le Règne de Dieu est dans
les
gestes
avant
d’être
dans
les
paroles. Armand VEILLEUX |
Autre homélie pour le même dimanche 2000
|
||
|
|||