Homélie d'une anné précédente pour le même dimanche

 

16 février 2003 - 6ème dimanche "B"
Lév. 13, 1-2. 45-46; I Cor. 10, 31-11, 1; Marc 1, 40-45

 

 

 

H O M É L I E

 

            Comment se fait-il que Jésus "ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, et qu'il était obligé d'éviter les lieux habités", après que le lépreux qu'il avait guéri de sa lèpre eut répandu la nouvelle? -- C'est que Jésus était devenu impur.

 

            En effet, un lépreux était considéré comme une personne impure.  Il devait vivre en marge de la société, et personne ne devait entrer en contact avec lui d'aucune façon au risque de devenir également impur.  Or Jésus a non seulement permis au lépreux de l'approcher, de se jeter à ses pieds et de le supplier de le guérir, mais il l'a touché de sa propre main.  Ce faisant, il s'est lui-même rendu impur aux termes de la Loi d'Israël, telle qu'elle était interprétée par les Docteurs de la Loi. 

 

            C'est souvent à travers un toucher de sa main que Jésus guérit les malades. C'est lorsqu'il touche de sa main la belle-mère de Simon-Pierre que la fièvre la quitte (Matt. 8,3 ou Marc 1,41: évangile de dimanche dernier). C'est en touchant les yeux de deux aveugles qu'il les guérit (Matt. 9, 29; de même en Matt. 20,34) C'est en touchant les oreilles et la langue d'un sourd-muet qu'il lui rend l'ouïe et la parole (Marc 7,33). Enfin il rend la vie au jeune homme de Naïm (Luc 7,14) en touchant son cercueil, ce qui était aussi une façon de se rendre impur.

 

            Tout cela est en quelque sorte une conséquence logique de l'Incarnation même, par laquelle Jésus s'est fait l'un des nôtres, il a assumé nos impuretés; ou encore "il s'est fait péché" selon la très forte et surprenante expression de Paul (2 Cor. 5,21).

 

            Le concept de "pur" et d'"impur" n'est pas propre à Israël.  On le retrouve dans toutes les religions et toutes les cultures.  C'est la façon par laquelle les privilégiés, qui se considèrent les "purs" marginalisent les petits, les blessés, les faibles en les taxant d'"impureté".  Jésus a toujours prix le parti de ceux que la société et la religion marginalisait.

 

            Si Jésus était obligé d'éviter les lieux habités, comme dit la dernière phrase de notre Évangile, "de partout on venait à lui".  Lorsque Jésus prend le parti des marginaux, un nombre de plus en plus grand vont le rejoindre dans la "marge", de telle sorte que le reste de la page devient de plus en plus insignifiant.

 

            Nos sociétés d'aujourd'hui, comme celle d'Israël au temps de Jésus, ne cessent de créer des marginaux et des exclus.  On considère facilement comme marginaux ceux qui appartiennent à telle race, qui ont telles opinions politiques, qui sont affectés par telle maladie.  À la fin, la marge est si large que le texte qui constitue le reste de la page -- c'est-à-dire nous les "purs" -- est devenu largement insignifiant, d'autant plus que Celui qui seul pourrait donner un sens à notre "texte" est dans la marge, avec ses frères, les marginaux. 

 

            Si Jésus a pris le parti des blessés de la vie, c'est qu'il s'est laissé "émouvoir".  La parole utilisée par Matthieu veut dire être troublé au fond des entrailles, et n'est utilisée dans la Bible que pour parler des sentiments de Dieu à notre égard.  Demandons la grâce de nous laisser émouvoir, toucher, nous aussi par la misère de quelque nature qu'elle soit qui nous entoure et qui est en réalité toujours la nôtre.

 

            Notons en terminant le caractère hautement incisif du dialogue entre le lépreux et Jésus:

 

            "Si tu le veux, tu peux me guérir."

            "Je le veux, sois purifié" .

 

            Demandons à Jésus de participer non seulement à sa compassion, mais aussi à son vouloir.  Nous ferons alors des miracles sans le savoir.           

Armand VEILLEUX 

 

 

 

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