23 janvier 2000 -- 3ème dimanche "B"                                        

 

 

H O M É L I E

 

            Lorsque les disciples ont tout quitté pour suivre Jésus, ils ont pris un grand risque.  D'autres prophètes étaient venus peu auparavant qui avaient prétendu être le Messie, et plusieurs les avaient suivis, pour se rendre compte par la suite qu'ils s'étaient trompés.  Les disciples de Jésus eurent plus de chance;  celui qu'ils suivirent était le vrai Messie.  En conséquence, ils se rappelèrent souvent, plus tard, le moment où ils avaient entendu leur premier appel, et ils l'embellirent sans doute quelque peu. Chacun des Évangélistes raconte d'une façon personnelle ce premier appel et le situe dans un contexte différent.  Ils tendent à donner l'impression que leur réponse fut immédiate et définitive.  En réalité, ils hésitèrent considérablement et n'abandonnèrent définitivement leurs occupations qu'après la Résurrection.  Mais en télescopant les événements dans un épisode unique, ils veulent souligner deux points essentiels.  Le premier est la capacité de l'appel de Dieu, une fois qu'il est entendu, de mobiliser toutes les énergies humaines.  Le second est l'autorité avec laquelle Jésus choisit ses disciples.

 

            La façon dont Jésus appelle ses disciples à le suivre est caractéristique du nouveau style que ce jeune rabbi veut adopter.  Il ne les réunit pas autour de lui comme faisaient de son temps les autres rabbis et les chefs d'écoles.  Il ne sera pas un maître à penser assis sur sa chaire, avec des auditeurs fervents assis à ses pieds.  Il sera un rabbi itinérant, toujours en route vers les pauvres et les errants.  De ses disciples il ne demandera pas tant des oreilles attentives et un regard enthousiaste, que la volonté de voyager, d'aller vers l'autre, le courage de rencontrer l'autre à la limite extrême.  L'évangélisation ne sera pas l'affaire de circuits fermés ou de personnes assemblées dans un même état d'esprit autour d'un maître commun.  Elle consistera plutôt à sortir de soi pour rencontrer l'autre.

 

            Cela est bien illustré - par contraste - par la première lecture tirée du livre de Jonas.  Il y a une différence énorme entre l'attitude de Jonas et celle que Jésus attend de ses disciples lorsqu'il les envoie quelque part.  Jonas n'alla pas à Ninive comme un missionnaire, mais plutôt pour exécuter le jugement inexorable de Dieu sur les nations.  La vision juive était que ce jugement apporterait la justice à Israël tout en punissant et détruisant les Gentils.

 

            Jonas, homme de la campagne va, sûr de lui-même, trouver les gens de la ville.  Il est convaincu de pouvoir contrôler la relation entre Dieu et Ninive.  Il possède la vérité sur Dieu, et il peut tout expliquer comme une conséquence, comme si Dieu pouvait être enfermé dans les idées que nous nous formons à son sujet.  Il était si sûr de sa théologie qu'il pensait savoir à l'avance quelle serait la réaction de son auditoire. D'où son chagrin devant l'attitude imprévue des Ninivites.   Au fond, Jonas ne veut ni d'un Dieu libre ni d'un auditoire indépendant.  Il a tout réduit à une théorie bien élaborée, et il ignore les personnes.

 

            Nous vivons dans une société et un temps dans lesquels l'intransigeance, les guerres saintes contre les mécréants, la sûreté naïve d'avoir le droit de son côté prévalent. On élimine les indésirables par la peine de mort ou bien l'on exécute sommairement les suspects, et l'on convoque à toutes sortes de guerres saintes contre tel ou tel péché, telle ou telle erreur.

 

            Les lectures d'aujourd'hui nous rappellent que Jésus ne nous invite à aucune guerre sainte.  Il invite chacun à une conversion personnelle.  Et lorsqu'il invite quelqu'un personnellement à le suivre, il s'agit d'une invitation à vivre sa conversion personnelle en montrant comme lui et avec lui amour et compréhension pour toutes les victimes des guerres saintes.

 

            Cette invitation nous est aussi adressée.