1er novembre 2008

Apo 7,2-4.9-14 ; 1 Jn 3,1-3 ; Mt 5,1-12a

 

Homélie

 

            Dans ce beau texte des Béatitudes, tiré du Sermon de Jésus sur la Montagne, nous trouvons l’essentiel du message de Jésus, le coeur de ce qui constitue la vie chrétienne et donc aussi le coeur de ce qui constitue la vie monastique.  En effet ce qui est le plus important et le plus essentiel dans la vie monastique est ce que les moines ont en commun avec tous les Chrétiens, et non pas ce qui les en distingue, c’est-à-dire leur façon propre de vivre cet essentiel.

 

            Il faut prendre dans leur ensemble ces Béatitudes, comme un programme de vie.  Une lecture superficielle pourrait nous amener à y voir plusieurs catégories de personnes à qui Jésus promettrait à chacune un don différent : les pauvres, les doux, les artisans de paix, etc. chacun recevant sa récompense propre. En réalité chacune des béatitudes exprime un des aspects de ce que nous sommes tous appelés à vivre : nous sommes tous appelés à être pauvres de coeur, à avoir faim et soif de la justice, à être des artisans de paix, à être miséricordieux ;  et il nous arrivera à tous un jour ou l’autre de pleurer et de souffrir.  Et c’est à tous et à chacun que Jésus promet, le royaume, la terre promise, la consolation, la miséricorde, etc.

 

            Nous célébrons aujourd’hui la fête de tous les Saints, c’est-à-dire de ceux qui, avec les limites inhérentes à toute vie humaine, ont vécu suffisamment selon ce programme de vie pour être définitivement et de façon certaine accueillis dans le bonheur éternel.

 

            Mais comme, dans le Nouveau Testament, le mot « saint » est souvent appliqué à tous les fidèles, à tous les disciples du Christ, nous avons décidé dans notre communauté de Scourmont de fêter aujourd’hui tous les membres de notre communauté qui ont atteint au cours de la présente année un anniversaire important soit de naissance, soit de profession, soit d’ordination. – Il y a Dom Guerric et Père Bernard, qui, avec leurs 95 ans bien accomplis continuent d’être des membres très actifs de notre communauté, Père Charles qui a 90 ans, Père Omer et l’abbé André qui ont 75, frère Faustin qui a 40. Et puis il y a les anniversaires de profession : 75 pour dom Guerric, 65 pour P. Charles, 60 pour Père Godefroid, 55 pour Père Jacques et 30 pour Frère Edouard.  Il y a aussi 55 ans d’ordination pour Père Godefroid.

 

            Cette célébration est évidemment une célébration d’action de grâce. Nous remercions Dieu pour toutes les grâces qu’il a accordées à chacun d’entre eux durant ces nombreuses années et, qu’à travers eux, il a accordées à notre communauté.

 

            On demandait un jour à un frère d’une de nos communautés cisterciennes, qui avait eu une grande influence spirituelle sur beaucoup de personnes, quel avait été le secret de sa persévérance ; et il avait répondu : « Je n’ai pas de secret. En réalité je n’ai rien fait d’autre que durer ». Je crois que c’est une réponse très profonde. Durer, c’est persévérer dans un état, dans un cheminement, dans une communauté. C’est « rester » et « demeurer ».

 

Or, il est surprenant de voir combien de fois dans la Règle de saint Benoît, l’idée de stabilité est liée aux mots « demeurer », « rester » « persévérer » ou « durer ».  Cela est bien exprimé dans le grand finale du Prologue : « persévérant en sa doctrine dans le monastère jusqu’à la mort, nous participons par la patience aux souffrances du Christ pour être admis à partager son règne » (Prol. 50).  Et le quatrième degré d’humilité consiste précisément à persévérer dans les épreuves de la vie monastique, sans chanceler et sans chercher de fuite. (RB 7, 35-43).

 

La stabilité dans un lieu n’est qu’un moyen d’arriver à la stabilité d’un coeur totalement donné à Dieu. Dans les récits de saint Grégoire sur saint Benoît il y a cette charmante histoire où l’on voit Benoît qui, ayant trouvé un reclus qui s’était attaché à un rocher avec une chaîne, lui dit : « Si tu es un servant de Dieu, tu dois être attaché à Lui non par une chaîne de métal, mais par une chaîne d’amour ».

 

Ce doit être cela que signifie Benoît lorsque, dans le chapitre sur l’acceptation des frères, il veut qu’on lise la Règle trois fois au nouveau venu au cours de son noviciat, et qu’on lui permette de rester au monastère que si, chaque fois il promet la persévérance dans sa stabilité.

 

            Dans l’Évangile, surtout dans celui de Jean, le verbe demeurer revient plusieurs fois, en quelque sorte comme un refrain. "Demeurer" est un mot qui signifie permanence, implique stabilité et exige fidélité. Jésus nous dit qu'il demeure dans l'amour de son Père, gardant fidèlement ses commandements, et il nous invite à demeurer à notre tour dans son amour.  Il veut aussi que sa joie demeure en nous et qu'elle soit totale.  Il nous a choisis comme ses amis et nous a envoyés pour que nous portions du fruit et que notre fruit demeure.  Durant sa conversation avec ses disciples durant son dernier souper avec eux, il leur dit: si vous m'aimez, vous observerez mes commandements; mon père vous aimera, nous viendrons et nous ferons en vous notre demeure.

 

            Une communauté monastique n'est pas un groupe de personnes qui se sont choisies et vivent ensemble parce qu'elles ont les même goûts et se sont découvert les mêmes affinités.  C'est plutôt un groupe de personnes que Dieu s'est choisies et qu'il a rassemblées afin de faire en leur communion l'expression de sa présence et en leur rassemblement le lieu de sa demeure.

 

            Scourmont est demeure de Dieu, parce que depuis 158 ans des hommes y sont réunis en son nom.  Des hommes bien ordinaires, avec leurs qualités et leurs défauts, leurs vertus et leurs péchés;  mais réunis au nom de Dieu pour le louer.  Remercions-le de cette grâce de l’appel et demandons-lui la grâce de demeurer toujours dans son amour.

 

Armand  Veilleux

 

           


 

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