1er novembre 2007
Apo 7,2-4.9-14 ; 1 Jn 3,1-3 ; Mt 5,1-12a

 

Homélie

 

Si, en ce jour où nous fêtons la mémoire de tous les saints, nous proclamons le texte des Béatitudes, c'est pour nous rappeler que pour arriver à la sainteté -- à laquelle nous sommes tous appelés -- il faut assumer pleinement dans notre vie cet enseignement de Jésus. Nous lisons aujourd'hui l'énoncé de ces béatitudes dans le texte de Matthieu, qui les présente comme le premier grand discours de Jésus, dans lequel Celui-ci résume tous les grands thèmes de son message. Ce texte est tellement riche et prégnant, que chaque fois que nous le méditons ou voulons en faire un commentaire, nous ne pouvons évidemment nous arrêter qu'un l'un ou l'autre de ses nombreux aspects. C'est comme un admirable diamant dont on ne peut voir qu'une facette à la fois.

Une première chose à remarquer c'est que toutes ces béatitudes sont au pluriel. Il ne s'agit donc pas d'une recette pour le salut éternel privé, une liste de choses à subir ici-bas pour être sûr d'entrer au ciel après la mort. Il s'agit d'une mission donnée par Jésus à ses disciples en vue du salut de toute l'humanité. Le début du texte de Matthieu est digne du meilleur metteur en scène. Il y a toute la foule qui suit Jésus. Celui-ci gravit la montagne, face à cette foule. Alors ses disciples s'approchent de lui et il leur donne ce message. À la fin (dans les versets qui suivent immédiatement le texte que nous avons lu) il conclut en disant : " vous êtes le sel de la terre... vous êtes la lumière du monde. Il s'agit donc d'une mission à l'égard de l'ensemble du monte. Nous avons entendu le même message de salut universel dans le texte de l'Apocalypse que nous avons lu, où une foule immense, provenant de toutes nations, races et peuples et langues proclamait : " Le salut est donné par notre Dieu... ". C'est là aussi un thème majeur du message du Concile Vatican II, qu'il nous faut préserver envers et contre tout : l'Église existe non pas pour elle-même mais pour le monde.

Une deuxième chose à noter c'est que Jésus manifeste ici ce qui sera l'objet central de toute sa prédication durant les trois années de sa vie publique : le Royaume de Dieu, ou le Règne de Dieu. Il ne s'agit pas d'une récompense après la mort promise à ceux qui auront souffert ici-bas : il s'agit d'un royaume qui ne durera pour les siècles des siècles que s'il commence ici-bas. La première et la dernière des béatitudes sont au présent : " Heureux les pauvres de coeur : le Royaume des cieux est à eux ! " et " Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux ! " Il s'agit donc du Royaume dont Jésus a dit ailleurs : " Il est au milieu de vous - il est en vous ".

À l'Office des Vigiles, cette nuit, nous avons lu un beau texte de Grégoire de Nysse sur les Béatitudes. Il expliquait que, selon lui, lorsque Jésus dit : " Heureux les coeurs purs, ils verront Dieu ", il ne veut pas dire que ceux-là auront un regard purifié qui leur permettra de voir Dieu, là-haut dans le ciel, hors d'eux-mêmes. Il veut dire qu'ils seront capables de percevoir l'image de Dieu qui est en eux. Nous avons là un thème très cher à tous les Pères de l'Église, grecs d'abord, latins ensuite : Nous avons été créés à l'image de Dieu. Cette image est en nous une semence de vie divine qui est toujours là, ne demandant qu'à croître jusqu'à sa pleine mesure, malgré notre négligence ou nos péchés qui ont pu la recouvrir de poussière ou même de boue.

La route vers la sainteté ne consiste pas à faire des choses extraordinaires qui nous gagneront le ciel après la mort. Elle consiste à nous laisser graduellement transformer à l'image de Dieu, en travaillant avec Lui et comme Lui à l'avènement de son Royaume, un Royaume où ceux qui pleurent sont consolés, ceux qui ont faim et soif de justice en sont rassasiés. C'est ainsi que nous considérons dans notre Ordre la " formation " monastique, depuis l'entrée au monastère jusqu'à la mort : comme une transformation graduelle à l'image du Christ, en utilisant les moyens propres qui nous sont donnés par l'ascèse monastique ; c'est également ainsi que doit être comprise la formation de tout chrétien et toute chrétienne : devenir de plus en plus semblable à notre Père céleste en vivant selon la logique des Béatitudes.

Armand VEILLEUX



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