Questions cisterciennes
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Le problème des frères convers
[1]
Introduction Le problème Il existe actuellement, dans notre
Ordre
comme
ailleurs,
à
n’en
pas
douter,
un
réel
problème
des
Frères
Convers.
Leur
recrutement
va
à
un
rythme
décroissant,
et
bon
nombre
des
recrues
ne
persévèrent
point. Cependant, ce problème du recrutement
n’est,
en
réalité,
que
la
conséquence
d’un
problème
plus
radical
qui
semble
être
celui
de
la
non
actualité
de
l’état
de
convers,
ou
du
moins
de
ses
cadres
présents... Monde moderne Il y a une antinomie complète entre
la
vocation
de
convers
humble
et
dépouillée,
et
l’esprit
du
monde
moderne
orgueilleux
et
indépendant.
Si
bien
que
chaque
vocation
de
convers,
de
nos
jours,
est
une
victoire
presque
héroïque
contre
le
monde,
remportée
par
l’esprit
de
foi.
Haec
est
victoria
quae
vincit
mundum, fides nostra. Monde nouveau Mais, à côté du monde moderne qui s’effrite,
s’édifie
un
monde
nouveau,
une
Chrétienté
Nouvelle,
qui
sait
assimiler
tout
ce
qu’il
y
a
de
foncièrement
évangélique
dans
les
aspirations
de
la
société
moderne. On peut alors se demander sérieusement
si
l’état
de
convers,
incompatible
avec
l’esprit
orgueilleux
du
monde
moderne,
ne
l’est
pas
aussi
avec
ce
qu’il
y
a
de
parfaitement
évangélique
dans
les
acquisitions
de
la
pensée
moderne. Comme le ferment dans
la
pâte La sagesse païenne réservait la vie
contemplative
à
quelques
privilégiés,
pour
lesquels
travaillaient
la
masse
des
ignorants. – La sagesse chrétienne a donné l’accès de la
vie
contemplative
à
tous,
y
ordonnant
positivement
le
travail.
Cependant, l’action du ferment évangélique
se
fait
lentement,
et
n’atteindra
sa
perfection
qu’au
jour
de
la
Parousie.
–
à
un
point
donné
de
cette
Révolution
Évangélique,
se
place
l’institution
des
Frères
Convers
par
nos
Pères
du
XIIème
siècle.
Huit
siècles
ont
passé...
le
ferment
du
Message
chrétien
a
travaillé
la
pâte... Les quelques lignes qui suivent voudraient essayer
de
répondre
à
la
question
suivante : « Cette institution des Frères Convers
(dans
notre
Ordre),
parfaitement
normale
dans
la
chrétienté
du
Moyen-âge,
cadre-t-elle
avec
les
perspectives
de
la
Chrétienté
nouvelle
qui
s’inaugure)... » ______ I – Le droit à la vie
contemplative 1) Reconnaissance progressive
de
ce
droit Sagesse humaine La sagesse humaine d’avant le
Christ
avait
déjà
compris
que
la
vie
contemplative
est
supérieure
à
la
vie
active.
Ce
fut
la
hantise
de
l’Inde,
en
particulier.
La
pensée
hellénique,
à
son
tour,
lorsqu’elle
aura
atteint
son
apogée,
avec
Aristote,
affirmera
que
la
perfection
ultime
de
l’homme
réside
dans
l’actuation
la
plus
parfaite
de
sa
faculté
la
plus
noble,
par
son
objet
le
plus
parfait : à savoir, la vision intellective de
Dieu.
Mais, ces païens, ignorant l’ordre
surnaturel,
s’imaginaient
atteindre
cette
contemplation
uniquement
par
la
suprême
tension
des
énergies
les
plus
hautes
de
l’homme. Ils la faisaient résider uniquement dans l’intellect,
et,
--
ne
moralisant
que
pour
cette
vie,
--
ils
lui
donnaient
comme
but
unique
le
perfectionnement
suprême
du
sage
(par
lui-même). Aussi, réservaient-ils cette activité
suprême
à
quelques
privilégiés
pour
lesquels
tout
le
reste
de
l’humanité
travaillait.
Ainsi,
Aristote
distinguait,
dans
sa
cité
idéale,
deux
groupes
d’hommes : Tout d’abord les citoyens : Ce sont les hommes libres que la naissance,
l’éducation,
des
dispositions
rendent
dignes
d’aspirer
à
la
plénitude
de
la
vie
intellectuelle.
L’état
doit
tout
organiser
pour
leur
permettre
d’atteindre
ce
but. Puis, il y a les serviteurs, ceux que
leur
condition
rend
incapables
d’aspirer
à
la
fin
de
l’homme : la béatitude. Outre les esclaves, presque dépourvus d’intelligence
par
naissance,
ce
sont
parmi
les
hommes
libres
les
agriculteurs,
les
artisans,
les
commerçants
et
les
mercenaires.
Ils trouvent dans leur travail un double obstacle
à
l’acquisition
de
la
béatitude : ils y prennent des habitudes grossières
qui
s’opposent
à
la
pratique
de
la
vertu ; et de plus, ils n’ont pas les loisirs nécessaires
à
l’acquisition
de
la
science. Sagesse divine Mais, lorsque la miséricorde et la
vérité
se
furent
rencontrées,
que
la
justice
et
la
paix
se
furent
entrebaisées,
que
la
rosée
des
cieux
fût
descendue
et
que
les
nuées
eurent
fait
pleuvoir
le
JUSTE,
une
révolution
a
commencée ;
un
nouvel
ordre
de
choses
est
apparu. Le Christ venait réaffirmer que la
vie
contemplative
est
la
meilleure
part.
Mais
la
véritable
contemplation,
fin
ultime
de
l’homme,
ce
n’est
plus
celle
des
philosophes,
c’est
celle
des
saints.
C’est
la
contemplation
vraiment
déiforme
qui,
de
l’intelligence,
passe
dans
le
coeur
et
y
surabonde
en
amour
de
charité. Cette contemplation, -- et c’est ici
le
point
capital,
---
n’est
plus
le
privilège
de
quelques
individus ; tous y sont appelés, les pauvres comme les riches,
et
même
...
les
pauvres
plus
que
les
riches. Ordre spirituel et ordre
social Cette immense révolution, comme il
appert,
était
essentiellement
d’ordre
spirituel. Mais, parce que le surnaturel s’enracine dans
le
naturel,
que
la
grâce
élève
et
parfait
la
nature,
cette
révolution
allait
engendrer
peu
à
peu
et
indirectement
de
grands
changements
dans
l’ordre
temporel
et
social. Car, si Dieu reste toujours maître
d’infuser
la
contemplation
mystique
dans
l’âme
de
qui
Il
veut,
quand
Il
veut,
et
comme
Il
veut,
il
n’en
est
pas
moins
vrai
que
la
voie
normale
pour
atteindre
à
cette
connaissance
expérimentale
de
Dieu
en
est
la
connaissance
intellectuelle
naturelle :
celle
du
philosophe
et
du
théologien. Ce sont les mystères de la Foi :
---
Trinité,
Incarnation,
Eucharistie
---
qui
constituent
l’objet
propre
de
la
contemplation
infuse.
C’est
pourquoi
une
âme
est
normalement
apte
et
disposée
à
recevoir
cette
contemplation,
dans
la
mesure
où
elle
a
pénétré
avec
sa
raison
naturelle
éclairée
par
la
Foi
(Ratio
fide
illustrata). Dès lors, si toute ne portion de l’humanité
est
dans
l’impossibilité
de
développer
ses
facultés
supérieures,
c’est,
dans
les
perspectives
d’u
humanisme
intégral
et
chrétien,
comme
celui
de
saint
Thomas,
une
conséquence
du
péché
original ; et l’économie de la Rédemption doit y porter
remède.
Seulement, le royaume de Dieu est semblable
à
un
grain
de
sénevé
qui
germe
et
croît
lentement,
encore
que
sûrement. Bien que l’inégalité sociale soit naturelle
et
eût
existé
même
sans
le
péché,
il
n’en
reste
pas
moins
que
tous
les
hommes
ont
des
droits
premiers
inviolables
à
une
égalité
proportionnelle
dans
la
commune
jouissance
des
biens
suprêmes,
même
ici-bas. C’est cet ordre qu’est venu enseigner
et
réaliser
progressivement
le
Christ. L’Évangile veniat affirmer qu’il n’y a pas deux
espèces
d’hommes :
les
uns
faits
pour
la
sagesse,
les
autres
pour
le
travail ;
mais
que,
selon
un
mot
de
Maritain,
tout
homme
est
à
la
fois
« homo
faber »
et
« homo
sapiens » ;
« homo
faber »
afin
d’être
« homo
sapiens ». (De Bergson à Thomas d’Aquin, p. 266). 2) À huit siècles de
distance. La Chrétienté médiévale Au douzième siècle, lorsque nos Pères
fondèrent
Cîteaux,
régnait
encore
le
système
féodal
où
se
retrouvaient
tous
les
éléments
de
la
« cité »
d’Aristote,
avec
la
séparation
(quoique
un
peu
atténuée)
des
hommes
en
deux
catégories : les seigneurs et les travailleurs ; une élite très raffinée (où se recrutaient généralement
les
moines),
et
une
multitude
d’ignorants
(où
se
recrutaient
généralement
les
convers). Étant données ces conditions sociales,
il
était
en
quelque
sorte
normal
de
retrouver
dans
les
monastères
des
choristes
(instruits)
et
des
convers
(ignorants),
divisés
en
deux
catégories
bien
distinctes. De plus, dans ce système féodal alors
régnant
se
retrouvait
la
vieille
distinction
entre
les
hommes
faits
pour
le
travail
et
ceux
faits
pour
les
activités
intellectuelles. Et c’est ici le point le plus important. Nos Pères ont institué la catégorie
des
frères
convers
« pour
le
travail » ; c’est là une chose indubitable, affirmée en
plusieurs
endroits :
il
suffit
de
relire
certains
décrets
des
Chapitres
Généraux
1220,
1224,
1225,
qui
prescrivent
d’admettre
les
convers
après
six
mois
de
probation
« s’ils
sont
utiles »,
i.e.
capables
de
donner
le
rendement
d’un
bon
mercenaire.
Ce
qu’on
attend
d’eux
avant
tout,
c’est
une
bonne
dose
de
travail. Nos Pères ont institué les Frères Convers
parce
que,
désireux
de
réaliser
d’une
façon
absolue
et
parfaite
leur
idéal
de
vie
contemplative,
ils
s’étaient
aperçu
qu’ils
ne
pourraient
y
être
sans
cesse
fidèles,
tout
en
pourvoyant
eux-mêmes
à
tous
leurs
besoins
matériels. Évidemment, nos Pères ne refusaient
pas
à
ces
Frères
le
droit
à
la
contemplation ; mais ils leur refusaient au moins implicitement
la
vie
contemplative,
telle
qu’ils
l’envisageaient
pour
eux-mêmes,
avec
ses
principaux
éléments
constitutifs : en particulier la
vie
liturgique,
et
la
contemplation
intellectuelle,
des
mystères
de
la
foi,
par
l’étude
et
la
méditation,
prélude
normalement
nécessaire
à
la
contemplation
mystique. En un mot, au point de vue spirituel
(au
sens
le
plus
large
du
terme),
les
Frères
Convers
étaient
réduits
à
un
état
d’infériorité...
D’ailleurs,
à
cette
époque,
peu
de
personnes
avaient
le
privilège
du
travail
intellectuel. Il fallait œuvrer dur pour gagner son pain. La Chrétienté nouvelle
Mais huit siècles on passé. Le ferment évangélique a vigoureusement travaillé,
et
nous
assistons
de
nos
jours
à
l’aube
d’une
nouvelle
humanité,
d’une
nouvelle
chrétienté.
Les
biens
intellectuels
autrefois
réservés
à
quelques
privilégiés,
deviennent
de
plus
en
plus
le
lot
de
tous ;
le
nombre
des
ignorants
diminue.
De
même
l’égalité
de
tous
les
hommes
dans
la
race
humaine,
et
l’égalité
au
moins
relative
de
leurs
droits
aux
biens
suprêmes
de
l’esprit
et
du
coeur
est
de
plus
en
plus
revendiquée
et
reconnue.
La
distinction
entre
la
foule
des
travailleurs
et
celle
des
spirituels
tend
à
disparaître. Le doigt de Dieu est
là Cette évolution sociale est, en
elle-même,
(sinon
dans
la
façon
où
elle
se
réalise
parfois),
parfaitement
ÉVANGÉLIQUE,
et
il
faut
y
reconnaître
le
doigt
de
Dieu
conduisant
la
société
humaine
à
sa
perfection
naturelle
et
surnaturelle. Dans ces perspectives, ce qui pouvait
sembler
tout
à
fait
normal
au
douzième
siècle,
l’est
beaucoup
moins
au
vingtième. Dès lors, faire disparaître la distinction
qui
divise
nos
communautés
en
deux
catégories
dont
l’une
a
comme
but
immédiat
de
favoriser
par
son
travail
les
activités
spirituelles
de
l’autre,
ne
serait-ce
pas
tout
simplement
entrer
dans
les
voies
de
la
Providence
qui
ouvre
de
plus
en
plus
à
tous
les
hommes
l’accès
aux
biens
supérieurs
de
l’esprit ? Ne serait-ce pas réaliser plus parfaitement
la
volonté
de
celui
qui
est
venu
ut
sint
unum , et enfin préparer l’ordre eschatologique
où
il
n’y
aura
plus
de
ces
distinctions,
mais
omnia
et
in
omnibus
Christus ? II – Le travail dans
le
plan
divin D’ailleurs, il semble bien que le motif
pour
lequel
nos
Pères
ont
institué
les
Frères
Convers
n’existe
plus. Ce motif était propter laborem. Or, sous l’action vigoureuse du ferment évangélique,
les
conditions
de
travail
(et
aussi
la
conception
du
travail)
ont
profondément
évolué
depuis
huit
siècles,
surtout
depuis
la
parution
de
Rerum
Novarum
et
de
Quadragesimo
Anno. Le Fils de Dieu, se faisant simple
artisan
a
ennobli
le
travail
manuel,
considéré
comme
dégradant
par
l’antiquité.
Cette
nouvelle
conception
du
travail
s’est,
elle
aussi,
implantée
lentement. La mécanique appelle
la
mystique Dans les perspectives d’un humanisme
chrétien,
le
travail
des
hommes
a
pour
fin
de
leur
ouvrir
l’accès
des
biens
intérieurs
de
l’â,
qui
sont
l’objet
des
activités
immanentes
propres
à
la
connaissance
et
à
l’amour,
et
qui
sont
une
ébauche
et
déjà
une
participation
de
la
vie
contemplative. Alors, dans ces perspectives, on reconnaît
facilement
que
les
progrès
de
la
technique
sont
voulus
par
Dieu
pour
permettre
à
la
multitude
humaine
de
se
procurer
par
un
travail
quotidien
de
durée
relativement
restreinte
les
biens
matériels
nécessaires
à
la
vie. Et ainsi, selon le mot de Bergson, « la
mécanique
appelle
la
mystique »,
c’est-à-dire
qu’elle
permet
à
la
multitude
et
non
plus
seulement
à
quelques
privilégiés,
de
se
livrer
aux
activités
d’épanouissement
libre
et
de
fruition,
qui
nourrissent
l’âme
de
vérité
et
de
beauté,
et
la
conduisent
vers
la
Vérité
et
la
Beauté
subsistante. Du douzième au vingtième
siècle Ceci nous replonge au coeur de notre
problème.
Nos
Pères
ont
institué
les
Frères
Convers,
parce
qu’ils
ne
pouvaient
réussir
à
bien
mener
leur
vie
contemplative
et
effectuer
en
même
temps
tout
le
travail
nécessaire
à
leur
subsistance. Or, l’évolution des conditions de travail
et
surtout
l’usage
rationnel
de
la
mécanique
permettent
d’effectuer
aujourd’hui
le
travail
nécessaire
à
notre
subsistance
en
un
laps
de
temps
extraordinairement
plus
court
qu’au
douzième
siècle. Les ouvriers du monde peuvent gagner le pain
de
leur
famille
dans
un
nombre
d’heures
assez
restreint,
et
jouissent
ainsi
de
loisirs
très
considérables
qu’ils
peuvent,
s’ils
le
veulent,
consacrer
à
leur
épanouissement
spirituel. Devoir de justice Dès lors, est-il juste de laisser une
partie
de
nos
communautés
dans
un
« status »
social
inférieur
à
celui
des
ouvriers
laïcs ? Ne serait-ce pas faire tout simplement
acte
de
justice
et
entrer
dans
les
voies
de
la
Providence
que
de
profiter
de
l’amélioration
des
conditions
de
travail,
pour
faire
partager
à
nos
Frères
tous
les
avantages
de
notre
vie
contemplative
–
en
particulier
de
l’Office
divin,
et
d’une
lectio
divina
plus
considérable ? Travail et servitude Cette Révolution évangélique de l’ordre
social
soulève
aussi
le
problème
de
ce
que
Marx
appelait
l’aliénation
du
travail. Le travail, dans l’humanité, a toujours
été
lié
à
une
forme
quelconque
de
servitude
(esclavage,
servage,
domesticité,
prolétariat),
auxquelles,
espérons-le,
d’autres
formes
toujours
plus
atténuées
succéderont. Pour saint Thomas (I, q. 96, a. 4),
cette
servitude
du
travail
est
une
suite
du
péché,
parce
qu’elle
est
un
état
humiliant
pour
l’homme,
et
va
contre
les
aspirations
les
plus
légitimes
de
la
nature.
Car
tout
homme
désire
naturellement
son
bien
propre,
et
il
lui
est
pénible
de
travailler
pour
d’autres,
de
céder
le
fruit
immédiat
de
son
travail,
qui
devrait
être
son
bien
propre.
Le
perfectionnement
chrétien
des
sociétés
humaines,
selon
saint
Thomas,
doit
aller
vers
un
affranchissement
de
plus
en
plus
parfait
du
travail. Servitude du travail
des
Convers Cet état de servitude se retrouve dans
le
statut
social
de
nos
frères.
Comme
nous
l’avons
vu,
le
travail
humain
a
pour
fin
de
procurer
les
bien
spirituels
de
l’homme
(et
les
biens
matériels
uniquement
par
voie
de
conséquence).
Or,
le
travail
des
Frères
Convers,
(sans
considérer
le
mérite
personnel
inhérent
à
toute
œuvre
surnaturelle)
est
ordonné
non
pas
immédiatement
à
leur
bien
personnel,
mais
au
bien
spirituel
des
moines,
ayant
pour
but
de
faciliter
à
ceux-ci
les
exercices
de
la
vie
contemplative. Il y a là un état de servitude et d’aliénation
du
travail,
qui
a
pu
être
normal
en
certains
temps
et
en
certaines
circonstances,
mais
qui
semble
bien
être
anormal
in
se. Toujours la même conclusion La conclusion revient toujours la même :
il
semble
bien
qu’une
correspondance
fidèle
aux
voies
de
la
Providence
nous
demande
d’ouvrir
toutes
grandes
à
nos
Frères
les
sources
de
la
vie
spirituelle
et
surnaturelle,
en
les
faisant
devenir
MOINES,
comme
nous. Conclusions Pratiques Priorité des principes Tout ce qui précède peut sembler beaucoup
trop
spéculatif
et
pas
suffisamment
considéré
en
regard
des
conditions
pratiques.
Mais
les
principes
n’ont-ils
pas
une
priorité
de
nature
sur
leur
application
pratique ? Si la « monacalisation »
des
Frères
convers
se
réalise
un
jour,
cette
réalisation
rencontrera
de
nombreuses
et
grandes
difficultés.
Mais
il
semble
que
nous
ne
devons
pas
considérer
ces
difficultés
au
moment
où
nous
jugeons
de
la
question
de
principe.
Il faut se demander avec esprit de
Foi
si
–
oui
ou
non
–
il
est
conforme
à
la
volonté
de
Dieu
de
faire
disparaître
la
distinction
entre
moines
et
convers.
Si
nous
répondons
affirmativement,
alors,
et
alors
seulement,
il
faudra
examiner
soigneusement
toutes
les
difficultés.
La
considération
des
difficultés
inhérentes
à
l’application
du
principe
doit
conditionner
cette
application ;
mais
ne
doit
en
aucune
façon
conditionner
notre
jugement
du
principe. L’Esprit de Foi doit nous convaincre
que
si
une
chose
est
conforme
à
la
volonté
de
Dieu,
son
exécution
est
certainement
possible. Communautés contemplatives
et
communautés
actives Dans tout ce travail, nous avons considéré
le
problème
des
Convers
uniquement
tel
qu’il
se
présente
dans
notre
Ordre. Avant de tirer des applications pratiques
plus
précises
de
nos
principes,
voyons
un
peu
comment
le
problème
se
présente
très
différemment
pour
un
Ordre
contemplatif,
comme
le
nôtre,
et
pour
les
communautés
actives. Les membres des communautés actives
ont
à
remplir
un
apostolat
déterminé,
qui
constitue
la
fin
particulière
de
leur
institut.
Parce
que
cet
apostolat
est
la
raison
d’être
de
l’institut
et
des
membres,
ceux
qui
y
sont
destinés
doivent
y
consacrer
toutes
leurs
forces
et
tout
leur
temps. C’est pourquoi il est plus admissible que, dans
ces
communautés,
il
y
ait
une
catégorie
spéciale
de
religieux
qui
sont
destinés
ad
corporalia
et
qui
concourent
ainsi
indirectement
à
la
fin
propre
de
l’institut. Mais une communauté contemplative n’a
pas
de
fin
particulière.
Sa
fin
à
elle,
n’est
pas
autre
que
la
fin
même
de
toute
vie
chrétienne,
qu’elle
veut
réaliser
en
plénitude :
i.e.
l’union
à
Dieu.
Toute
la
vie
du
contemplatif,
qu’il
soit
choriste
ou
convers,
consiste
à
rechercher
Dieu,
par
la
prière,
le
travail
et
la
lectio
divina.
Dès
lors,
la
seconde
catégorie
de
religieux
n’est
pas
au
service
de
la
fin
particulière
de
la
communauté,
mais
bine...
au
service
de
la
première
catégorie. Et cela est-il bien chrétien ? Que dans une même communauté contemplative,
les
uns
aient
comme
grâce
particulière
de
chercher
Dieu
surtout
dans
l’étude,
et
d’autres
de
le
chercher
surtout
dans
le
travail,
c’est
très
admissible.
Mais
POURQUOI
deux
catégories
distinctes,
et
deux
états
juridiques
distincts ? L’histoire est irréversible,
mais
elle
est
perfectible Ces considérations ne sont aucunement
une
critique
de
l’œuvre
de
nos
Pères ;
car
l’état
de
convers,
tel
qu’il
existe
aujourd’hui
n’est
pas
celui
qu’ont
institué
nos
Pères. Les convers étaient, au début, des
laïcs,
sorte
de
familiers,
à
qui
nos
Pères
voulurent
faire
partager
certains
avantages
de
l’état
religieux.
Peu
à
peu,
ils
sont
devenus
de
véritables
religieux,
avec
toutes
les
obligations
que
cela
comporte.
Mais,
ils
sont
demeuré des religieux de second ordre. L’histoire est irréversible ;
mais
elle
est
perfectible.
Et
la
perfection
de
cette
évolution
ne
consisterait-elle
pas
à
établir
l’égalité
entière
d’état
et
de
droits
entre
les
choristes
et
les
convers
actuels,
en
les
fusionnant
dans
une
seule
catégorie ? Tous moines et choristes Donc tous seraient moines. Conserver la distinction entre moines choristes
et
non-choristes
serait
garder
la
vieille
inégalité
juridique
sous
l’apparente
égalité
de
nom
et
de
costume.
Donc
tous
seraient
moines
et
choristes. Ce serait un retour aux Sources.
Le
nouvel
état
de
choses
ne
serait
autre
que
celui
prévu
par
la
Règle
de
saint
Benoît. L’Abbé appellerait aux Ordres qui il voudrait,
et
quand
il
le
voudrait.
De
même,
il
répartirait
les
emplois
spirituels
et
matériels,
selon
les
aptitudes
de
chacun. Conformément aux désirs du Saint-Siège,
tous
feraient
des
études
assez
poussées,
selon
leurs
aptitudes.
Il
n’y
aurait
aucune
objection
à
ce
qu’un
moine
fasse
des
études
théologiques
très
complètes,
alors
même
que,
pour
une
raison
ou
une
autre,
il
ne
serait
pas
appelé
au
sacerdoce. Il ne faut pas oublier, en effet, que si les
études
théologiques
conduisent
normalement
au
sacerdoce,
pour
lequel
elles
sont
requises,
elles
n’ont
pas
le
sacerdoce
comme
fin
propre. Elles ont comme but la contemplation
des
mystères
divins
–
actuation
suprême
de
la
Foi,
en
même
temps
que
préparation
immédiate
et
prélude
normal
à
la
vision
béatifique. Le mode de transition On pourrait inviter tous les convers
qui
le
désirent
à
devenir
choristes.
Dès
lors,
on
n’admettrait
que
des
novices
choristes,
destinés
ou
non
aux
Ordres
sacrés. Quant à ceux qui auront voulu demeurer
convers,
ils
s’éteindront
lentement...
Ce
sera
sans
doute
douloureux
pour
certains
de
voir
disparaître
un
état
humble
qu’ils
auront
aimé
et
où
ils
se
seront
sanctifiés ; mais c’est ainsi que, par leur souffrance, ils
achèteront
pour
leurs
successeurs
un
état
encore
plus
favorable. APPENDICE Pain quotidien et travail
manuel La « monacalisation » des
Frères
Convers,
si
elle
se
réalise,
accroîtra
le
problème
de
la
subsistance
matérielle,
qui
existe
déjà
dans
bien
des
monastères. Actuellement, chaque monastère se débrouille
comme
il
peut.
Ne
pourrait-on
pas
coordonner
les
efforts
et
les
idées ?
Il
y
a,
dans
l’Ordre,
plusieurs
Commissions
–
Études,
Chant,
Liturgie,
Architecture. Pourquoi n’y aurait-il pas une Commission
de
la
subsistance
matérielle
ou
Commission
du
travail
manuel,
qui
étudierait
les
problèmes
que
rencontrent
nos
communautés,
dans
ce
domaine ? Voici quelques questions que pourrait
se
poser
cette
Commission : Quels sont les genres de travaux qui
sont
le
plus
compatibles
avec
notre
vie
contemplative
et
solitaire,
de
même
qu’avec
notre
horaire :
alternance
de
travail,
prière,
et
lectio
divina
(cette
alternance
semble
assez
importante
pour
le
« cachet »
monastique
de
notre
vie).
La culture du sol répond-elle encore
à
ces
conditions ?
Elle
y
répondait
autrefois ;
mais,
dans
les
conditions
où
nous
devons
l’exécuter
de
nos
jours,
avec
grand
renfort
de
machinerie,
y
répond-telle
encore ? Surtout, fournit-elle les rendements voulus ? Autrefois, on avait peu besoin de rendement
monétaire,
ayant
peu
de
dépenses
à
faire.
Il
suffisait
de
récolter
les
substances
dont
on
avait
besoin.
Les
conditions
de
la
vie
moderne
exigent
beaucoup
de
dépenses
monétaires
(assurances,
hôpitaux,
aumônes,
etc.)
donc,
beaucoup
de
revenus
monétaires.
La
culture
procure-t-elle
ces
revenus ? L’industrie est peut-être plus payante.
mais
elle
est
instable ;
et
cela,
dans
la
mesure
où
elle
est
petite.
Pour
parer
à
cette
instabilité,
plusieurs
monastères
d’une
même
contrée
ne
pourraient-ils
pas
s’unir
dans
une
même
industrie ? Il y aurait lieu aussi de considérer
les
conditions
subjectives
nécessaires
pour
un
rendement
valable
du
travail :
organisation
rationnelle,
de
manière
à
éviter
les
pertes
de
temps,
surtout
dans
les
travaux
communs
–
exploitation
des
aptitudes
particulières
de
chacune
–
surtout
concentration
des
formes,
par
le
petit
nombre
d’emplois,
et
si,
possible,
par
l’unité
de
moyen
de
subsistance. Temps consacré au travail Actuellement, les moines travaillent
de
quatre
à
six
heures
par
jour
(sauf
les
étudiants). Les futurs moines, prêtres ou non, seront, en
principe,
soumis
à
cet
horaire.
Une
comparaison
avec
les
industries
séculières
prouve
que
cette
quantité
de
travail
bien
employée
serait
amplement
suffisante
à
notre
subsistance,
à
la
condition
d’avoir
une
industrie
payante. D’ailleurs, même s’il faut travailler
un
peu
plus,
ce
ne
sera
pas
pire
de
le
faire
« comme
moine »
que
« comme
convers ».
L’avantage
sera
que,
tous
étant
moines,
l’Abbé
pourra
périodiquement
remplacer
les
officiers
chargés
d’emplois
plus
accaparants.
Enfin, une dernière suggestion, présentée
avec
beaucoup
de
réserve : N’y aurait-il pas moyen de faire « rapporter »
notre
travail
intellectuel,
sans
aucunement
abandonner
le
travail
manuel,
ni
léser
en
rien
notre
esprit
cistercien ? Simple question. Deus providebit in tempore
opportuno. [1] Dans une lettre du 19 août 1960 Dom Gabriel Sortais consultait les Supérieurs de l’Ordre concernant la question des Frères convers dans l’Ordre et de la possible “unification” de nos Communautés. Mon Père Abbé, dont j’étais alors le secrétaire, me demanda de rédiger un réponse, qu’il envoya à la Maison Généralice. Ce fut ma première participation au travail de renouveau des structures de l’Ordre. J’avais 22 ans et je n’étais pas encore profès solennel. Le texte de ma réponse a été retrouvé récemment par l’archiviste de la Maison Généralice, Dom Santiago Fidel Ordoñez Fernández. AV |
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