1 mars 2009 – 1er dimanche de Carême B

Gen 9, 8-15; Pierre 3, 18-22; Marc 1, 12-15

 

Homélie

 

            Alors que les Évangélistes Matthieu et Luc s’efforcent de bien situer l’événement Jésus dans le temps, Marc s’attache à le situer dans l’espace. Jésus vient de Galilée en Judée pour se faire baptiser au bord du Jourdain et il repart pour la Galilée où se développera l’essentiel de sa prédication, avant de revenir à Jérusalem pour y mourir.  Le Jourdain est le fil conducteur de ces récits, tout comme il est le lien physique entre le lac de Galilée à la Mer Morte près de Jéricho. Le passage du Jourdain avait été, au temps de Josué le moment de la naissance du nouveau Peuple d’Israël en Terre Promise. De la aussi part l'activité de Jésus.

 

            Le très bref texte de Marc que nous venons de lire parle de l’Esprit – l’Esprit qui est descendu sur Jésus au moment de son baptême et qui le pousse tout de suite au désert où, durant quarante jours il sera tenté par Satan. Il y était avec les bêtes sauvages mais aussi avec les anges qui le servaient.

 

            Essayons de déchiffrer ce langage symbolique. Tout d’abord, il ne s’agit certainement pas d’un désert géographique, et les quarante jours en question ne sont pas des jours de vingt-quatre heures, pas plus que les six jours de la création dans la Genèse. Ce désert et ces quarante jours rappellent les quarante ans du peuple juif dans le désert du Sinaï avant de pénétrer dans la Terre Promise.  Ils désignent toute la période de la vie publique de Jésus jusqu’à son retour à Jérusalem pour sa Pâque. 

 

            Satan ne désigne pas ici un être individuel particulier, mais il s’agit de la personnification des forces du mal.  Le tentateur qui mettra sans cesse Jésus à l’épreuve durant cette longue période de désert ce sera, en Marc, les Pharisiens qui le mettront sans cesse à l’épreuve.  Les bêtes sauvages au milieu desquels Jésus vit, dans ce désert, ce sont non seulement les Pharisiens, mais aussi les scribes et les docteurs de la Loi, qui s’acharnent contre lui jusqu’à le faire mourir.  Les anges qui le consolent sont toutes les femmes et les hommes qui le suivent dans ses tournées, et qui veillent à ses besoins.

 

            Jésus quitte donc la Judée et Jérusalem, le centre de la religion établie -- le centre du pouvoir -- pour se retirer en Galilée, aux confins des nations païennes, appelée d’ailleurs la Galilée des Nations.

 

            Les tentations auxquelles il sera soumis au cours de ses années de vie publique, par les Pharisiens qui lui tenderont des pièges, seront toutes des tentations visant à diviser et à séparer ce que Jésus et son Père veulent unir.

 

            La première épreuve ou tentation consiste à savoir si Dieu est le Dieu de tous ou seulement des Juifs. En Marc, en effet, Jésus opère deux multiplications des pains : l’une en Judée (avant son départ pour la Galilée), donc en territoire juif (Marc 6) et une dans la région de Tyr, parmi les païens (Marc 8).  La première ne crée pas de problème aux Pharisiens, mais la deuxième leur fait scandale. Ils demandent à Jésus un « signe venant du ciel » qui justifierait cette ouverture aux païens.  Jésus se refuse à leur donner un signe autre que ceux qui sont déjà visibles.

 

            La deuxième épreuve concerne l’égalité de l’homme et de la femme dans le plan de Dieu. En Marc 10, ils s’approchent de Jésus et lui demandent s’il est permis à un homme de répudier sa femme. Ils lui demandent donc, implicitement, s’il confirme la Loi ancienne qui permet à l’homme de répudier sa femme, mais pas à la femme de répudier son mari.  En affirmant l’indissolubilité du mariage, Jésus rétablit à la femme les mêmes droits qu’à l’homme.

 

            La troisième épreuve concerne le tribut (ou l’impôt à payer à César).  Ils veulent lui faire choisir entre Dieu et César.  Jésus ne choisit pas, car Dieu et César ne sont pas sur le même pied.  Obéissez, leur dit-il, à Dieu dans les choses de Dieu et à César dans les choses de César.

 

            Ce qui ressort de toutes ces épreuves ou tentations, c’est que toute division, toute ségrégation, toute séparation vient de Satan.  L’union, l’entente, l’acceptation de l’autre et la coopération viennent de l’Esprit de Dieu, qui est un esprit d’union et de communion.

 

            Pour nous, comme pour Jésus, nos quarante jours d’existence, c’est-à-dire notre vie, se passe dans le désert de ce monde.  Nous y sommes avec les bêtes sauvages, c’est-à-dire toutes les tentations de division et de repli sur nous-mêmes et nous y sommes consolés par tous ceux qui travaillent à l’unité et à l’harmonie au sein de la grande famille humaine.

 

            C’est l’Esprit que nous avons reçu au baptême et à la confirmation qui nous envoie dans ce désert qu’est notre monde pour qu’à la suite de Jésus, par notre victoire sur toutes les forces de division et de séparation nous fassions notre petite part pour assurer la victoire définitive des forces de l’amour sur les forces du mal et pour établir ici-bas le royaume de son Père.

 

Armand VEILLEUX

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