13 avril 2003, Dimanche des
Rameaux
Is
50, 4-7 ; Ph 2,6-11 ; Mc 14,1-15,47
Homélie
Jésus avait vraiment manqué
de diplomatie. Il avait réussi à se
mettre toutes les autorités du peuple à dos, en les appelant "sépulcres
blanchis", en les comparant à des vignerons homicides, en les accusant
d'empêcher le peuple d'entrer dans le royaume, et en leur rappelant qu'ils
avaient transformé le Temple en caverne de brigands. Même à l'égard du peuple, il n'avait pas été plus tendre, le comparant
à un figuier couvert de feuilles mais ne produisant pas de fruits. Plus grave encore, ils s'était mis du côté des petits et des opprimés. Et dans ces circonstances le dernier mot est toujours aux violents.
Cette année, en ce Jour
du Dimanche des Rameaux, nous lisons la Passion selon saint Marc. Or Marc est un narrateur très concret, qui
a sans doute, comme les autres Évangélistes, sa vision théologique propre,
mais qui nous livre généralement les faits dans leur état brut, sans interprétation.
Au cours des siècles,
diverses interprétations de la passion du Christ ont été élaborées par les
prédicateurs et les théologiens. Durant
le premier millénaire de l'histoire de l'Église, on trouve chez beaucoup de
Pères le thème du rachat. Le démon
serait devenu en quelque sorte propriétaire de l'humanité depuis la première
faute, et la mort du Fils du Dieu aurait été la rançon payée par le Père pour
le rachat des hommes. Depuis Anselme
de Cantorbéry, au 11ème siècle, prévaut une autre interprétation,
de caractère juridique. Le Fils de
Dieu se serait fait homme pour expier à notre place notre péché et ainsi apaiser
son Père courroucé. Aucune de ces
interprétations théologiques n'est acceptable à notre sensibilité spirituelle
et théologique d'aujourd'hui. C'est
pourquoi il est bon de faire abstraction de toutes les interprétations et
de relire les faits dans leur objectivité brutale, tels que nous les décrit
Marc.
Les faits sont simples: Jésus est dérangeant, et surtout le message qu'il proclame est dérangeant. Autour de sa personne se développe une animosité qui devient graduellement
de la violence -- une violence aveugle, de plus en plus communicative. D'abord le fait de quelques membres du sanhédrin et de la secte des
pharisiens et de celle des Sadducéens, elle s'étend à tout le peuple qui finit
par crier d'une seule voix : "Crucifie-le".
En relisant ce récit dans
le contexte actuel de la guerre en Irak et de la situation de conflit en beaucoup
d'autres points du monde, j'ai été étonné de constater l'importance qu'y tient
la réalité de la violence et du pouvoir. Non seulement Jésus, qui a toujours refusé le pouvoir, refuse aussi
de se défendre ou de se laisser défendre par la force, mais son Père apparaît
aussi sans pouvoir. Celui qu'on appelle
dans le Credo le "tout-puissant" n'a pas pu sauver son fils de la
violence et de la malice des hommes.
Jésus comme son Père,
à l'aveugle violence des hommes ont opposé le pouvoir de l'amour et du pardon. Jésus s'est solidarisé avec les victimes de la violence de toute l'histoire
de l'humanité, qui sont toujours vaincues dans l'immédiat par la puissance
de leurs agresseurs. Mais en refusant de répondre à la violence
par la violence, il s'est assuré la victoire définitive par les armes de l'amour.
Nous n'avons pas à imaginer
notre libération comme le fruit du paiement d'un rachat ou comme une peine
subie à notre place par le Fils de Dieu. La violence est au coeur de tout être humain et au coeur de l'humanité. C'est en se situant du côté des victimes de
la violence que Jésus nous a libérés de celle-ci, démontrant l'aberration
que serait la recherche de la libération par la violence et encore plus tout
effort d'imposer à d'autres la libération par la violence. Toutes les voies de libération sont vouées à l'échec sauf celle
de l'amour qui est celle que Dieu et son Fils ont choisie.