Chapitre du 16 février 2014

Abbaye de Scourmont

 

 

Ce qu’est un Chapitre Général (Cst. 77)

 

C. 77                Le Chapitre Général    

1

Au temps fixé, tous les abbés et toutes les abbesses se réunissent ensemble ;  ils traitent alors du salut de leurs âmes et de celles des frères et sœurs qui leur sont confiés; ils prennent des dispositions si, dans l'observance de la sainte Règle ou de l'Ordre, quelque chose est à amender ou à faire croître; ils ravivent entre eux le bien de la paix et de la charité; ils œuvrent au maintien du patrimoine de l'Ordre ainsi qu'à la conservation et à l'accroissement de l'unité. (Version 2011).  

 

            Nous commençons aujourd’hui le commentaire d’un deuxième chapitre de la troisième partie de nos Constitutions. Ce chapitre traite des « assemblées de supérieurs », c’est-à-dire des réunions dans lesquelles s’exerce la responsabilité collégiale au sein de l’Ordre. Et la première de ces assemblées est évidemment le Chapitre Général. Trois Constitutions (77-78-79) lui sont consacrées traitant, respectivement de la nature du Chapitre, de ceux et celles qui le composent et, finalement de l’extension et des limites de sa compétence. Nous nous en tiendrons ce matin au premier point : qu’est-ce qu’un Chapitre Général.  

 

          Nos pères cisterciens ont conçu l’Ordre comme une communauté, comme une sorte de « Grand Cîteaux », vivant, dans la charité fraternelle, sa fidélité à un même idéal. Ils instituèrent le Chapitre Général comme un moyen de « revigorer le lien de paix et la charité mutuelle », y traitant en commun du « salut de leurs âmes » et y décidant au besoin « de ce qui doit être redressé ou ajouté dans l’observance de la sainte Règle et des prescriptions de l’Ordre ». Toutes ces expressions, qu’on retrouve dans le premier paragraphe de la Cst. 77, proviennent de la Charte de Charité.

 

          Cette institution, qu’on doit au génie législatif d’Étienne Harding, est une invention proprement cistercienne. Elle eut un tel succès dans le développement de notre Ordre qu’elle fut adoptée par d’autres groupements monastiques et fut par la suite établie comme une norme pour tous les Instituts religieux au sein de l’Église. Elle influença même l’évolution politique de l’Europe, car les historiens ont trouvé une influence de la Charte de Charité de Cîteaux dans la rédaction de la Carta Magna de 1215, qui est à l’origine de toutes les formes de système parlementaire en Europe.

 

          Lorsque nous avons entrepris la révision de nos Constitutions au cours des Chapitres Généraux qui suivirent le Concile Vatican II, en particulier aux Chapitres de 1969 et 1971, l’une des premières questions qui se posa fut celle de la nature du Chapitre Général. Je me souviens d’avoir rédigé entre ces deux Chapitres, un texte intitulé « Pour un Chapitre Général prophétique ». Je crois que quelques idées que j’y exprimais sont toujours d’actualité. (http://ads.scourmont.be/Armand/writings/gen-chap-char_fra.htm).

 

          Il apparaît très clairement à la lecture de la Charte de Charité que l’objet premier du Chapitre était d’être une forme de communion fraternelle vécue concrètement, alors que l’aspect législatif y avait une importance réelle mais secondaire. Au cours des siècles, sous l’influence de plusieurs facteurs, il y avait eu une inversion de ces deux éléments. Le Chapitre avait acquis un important rôle de « contrôle » tout autant sinon plus que de « communion ».  La lecture des « Cartes de Visites » (ou rapports des Visites Régulières), qui en constituait une partie essentielle pouvait certes être conçue comme un exercice de communion, mais elle devenait dans la pratique facilement un contrôle de la fidélité de chaque maison à une observance monastique identique et uniforme. 

 

          Je crois que le premier élément de la révision de notre législation au cours des cinquante dernières années a été de revenir à la conception du Chapitre Général comme un moment de communion entre toutes les communautés de l’Ordre à travers les supérieurs qu’elles ont elles-mêmes choisies pour les gouverner.

 

          La Cst 77.1 conserve l’ordre des buts du Chapitre tels qu’ils avaient été conçus par nos Pères du 12ème siècle : Les membres du Chapitre doivent tout d’abord s’occuper « du salut de leurs âmes et de celles des frères ou soeurs qui leur sont confiées ». Il est important de toujours se rappeler que c’est le but, même si pour atteindre ce but il faut parfois utiliser des moyens pratiques tels que la rédaction d’une bonne législation et un examen attentif de la situation concrète de chaque communauté.

 

          Cela peut amener, comme dit la deuxième phrase de ce paragraphe à «prendre des dispositions si, dans l'observance de la sainte Règle ou de l'Ordre, quelque chose est à amender ou à faire croître ». Ce peuvent être des dispositions concernant l’ensemble de l’Ordre ou une communauté en particulier.

 

          Mais le but ultime demeure toujours, pour les Capitulants de « raviver entre eux le bien de la paix et de la charité », d’oeuvrer « au maintien du patrimoine de l’Ordre ainsi qu’à la conservation et à l’accroissement de l’unité ».  Le patrimoine dont il est question n’est évidemment pas un patrimoine matériel, puisque l’Ordre comme tel ne possède rien, mais un patrimoine spirituel ainsi que législatif et artistique.

 

          En ce qui concerne l’accroissement de l’unité, la dernière réalisation de nos Chapitres Généraux a été le fait d’arriver à la Constitution d’un chapitre juridiquement unifié composé des supérieurs de toutes les communautés de moines et de moniales. C’est le fruit d’une évolution de plus d’un demi-siècle. 

 

          Comme je l’ai dit plus haut, la structure juridique de l’Ordre cistercien, avec l’institution du Chapitre Général a eu une influence sur l’évolution de l’Église et même de la société civile.  Il n’est peut-être pas prétentieux de penser que la façon dont nous sommes graduellement arrivés à faire de notre Chapitre Général un « collège » où tous les membres – abbesses ou abbés – partagent une unique responsabilité pastorale et un unique pouvoir de décision pourrait avoir une influence sur l’évolution de l’Église... surtout au moment où le Pape François dit et répète que les femmes doivent acquérir un rôle plus important dans les organes de décision au sein de l’Église.

 

 

 


 

ads.scourmont.be