17 décembre 2007 – Lundi de la troisième
semaine de l’Avent
Genèse 49, 2.8-10 ; Matt. 1, 1-17
Prieuré de Kibungo, Rwanda
Homélie
Avec
le 17 décembre, nous commençons notre dernière semaine de préparation à la
célébration de la Nativité du Seigneur. Nous interrompons donc la série de
lectures prévues pour les semaines avant Noël, pour utiliser des lectures
propres à chacun des jours à partir d’aujourd’hui jusqu’au 24 décembre.
Comme
première lecture nous avons aujourd’hui non pas une prophétie d’Isaïe, mais un
récit de la Genèse ; et comme Évangile nous avons le début de l’Évangile
de Matthieu qui commence par les mots : « Genèse » de
Jésus-Christ, fils de David.
Matthieu
n’essaie pas de donner tous les ancêtres de Jésus. Il n’essaie pas de remonter jusqu’à Adam. Il
commence sa généalogie à Abraham et il l’organise en trois grandes
phases : une allant d’Abraham à David, l’autre de David jusqu’à l’exil et
la troisième de l’exil jusqu’au Christ lui-même. Il veut montrer que Jésus est vraiment le
fils de la promesse faite à Abraham, qu’il est le descendant du roi David et
qu’avec lui se termine l’exil et se réalise le grand retour.
La
lecture du Livre de la Genèse, qui nous livre un oracle prophétique mystérieux
datant probablement du temps du prophète Isaïe, annonce que le Messie naîtra de
la tribu de Juda et nous fait déjà percevoir les mots de l’Apocalypse :
« Il a vaincu, le lion de Juda » (Apoc.
5,5).
Toutes
ces lectures et celles que nous entendrons au cours des prochains jours ont
pour but de nous faire percevoir que ce que nous célébrons le jour de Noël,
n’est pas simplement l’anniversaire d’un événement arrivé à un jour précis,
mais bien le fait grandiose de l’entrée personnelle de Dieu dans l’humanité
qu’il avait créée. Lorsque Dieu s’est fait
l’un de nous, il est né, bien sûr, d’une femme déterminée, Marie, appartenant à
une tribu, -- une tribu qui avait connu ses grandeurs et aussi les épreuves de
l’exil -- descendant d’un ancêtre, Abraham, à qui une promesse avait été faite.
C’est
donc toute l’humanité entière qui se trouve transformée par l’Incarnation, que
nous pourrions appeler le mystère de la divinisation de l’humanité tout aussi
bien que celui de l’humanité de Dieu. Ainsi nous est révélé la dignité de notre
propre nature et ce que nous sommes appelés à devenir en nous laissant toujours
plus transformer par la présence de Dieu en chacun de nous.
Armand VEILLEUX
18 décembre 2007
Prieuré de
Kibungo, Rwanda
H o m é l i e
Si le peuple d’Israël a joué un rôle
considérable dans l’histoire ancienne, ce ne fut certes pas à cause de son
importance numérique ou militaire, mais à cause de sa position
stratégique. Israël était une sorte de
zone tampon entre les grandes puissances de l’époque : entre l’Assyrie et
l’Égypte durant un certain temps, puis entre la Perse et l’Empire
gréco-romain. Ces superpuissances,
chacune à son tour, considéraient comme leur droit et leur devoir d’agir comme
police internationale et d’imposer ou de déposer les chefs du peuple
d’Israël. Au moment de la naissance de
Jésus, la Judée était sous l’autorité d’un roi qui était un pantin des Romains
et la Galilée sous un gouverneur romain.
Le Fils de Dieu ne naquit dans
aucune des superpuissances du temps, mais dans un tout petit pays qui était
méprisé et qui avait été à plusieurs reprises envahi par l’une ou l’autre de
ces superpuissances.
L’une des choses que les deux
lectures d’aujourd’hui ont en commun, c’est le titre « Fils de
David », donné aussi bien à Jésus qu’à Joseph. Ce qui est ainsi souligné, est le caractère
profondément humain de l’intervention de Dieu dans l’histoire. Le Fils de Dieu ne s’est pas incarné dans
l’abstrait. Il devint homme – un homme
concret --, né à un moment particulier de l’histoire humaine, dans un peuple
déterminé et d’une famille bien précise.
Cet environnement particulier l’a façonné, lui a donné les catégories de
pensée et de langage qui lui permirent de nous parler utilisant un ensemble
bien spécifique d’images et de concepts.
Sa mission s’est réalisée dans une
vie humaine très ordinaire. Un enfant
est né d’une femme. Une très jeune femme.
Si Marie fut fiancée à l’âge habituel dans sa société, c’est-à-dire dès
le début de la puberté, elle devait avoir entre 12 et 14 ans lorsqu’elle donna
naissance à Jésus. Selon les même
coutumes, Joseph devait avoir entre 13 et 15 ans – pas le vieillard barbu de
tant de représentations artistiques. Cet
enfant grandit et devint un adulte. Il
exerça le métier de son père. Un jour il
ressentit l’appel prophétique et prêcha la bonne nouvelle dans les villes et
villages. Les autorités le trouvèrent
embarrassant et se débarrassèrent de lui comme elles l’avaient fait de tant
d’autres. Il n’y a rien de vraiment
extraordinaire en tout cela. La même
chose, y compris la mort, était arrivée à bien d’autres. Or, ce fut par cette existence humaine tout
ordinaire que le cours de l’histoire fut profondément changé et que le salut se
réalisa.
Matthieu, dans l’Évangile
d’aujourd’hui, veut montrer que ce fils d’Israël était plus qu’un simple fils
d’Israël. Il n’était pas simplement un
pieux Juif envoyé au peuple juif. Il
était l’Emmanuel, le Dieu-avec-nous,
pour tout être humain et pour toutes les races.
Lorsque Matthieu nous parle de la naissance virginale, ce qu’il veut
souligner n’est pas tant un événement miraculeux que le fait que Jésus est
beaucoup plus qu’un enfant d’Israël.
Oui, il était Juif de naissance.
Oui, ses ancêtres étaient Juifs.
Mais son vrai père était Dieu qui, par lui, comme il l’avait fait par
Adam, donnait naissance à une nouvelle race, une race dans laquelle les liens
du sang avaient bien peu d’importance.
Le rôle de Joseph dans cette
histoire est une sorte d’expression symbolique de la déception du peuple juif
lorsqu’il découvrit que le Messie n’était pas sa propriété exclusive. La naissance de Jésus met fin à la domination
d’une race sur l’autre, d’une culture sur l’autre. Depuis Jésus, quelle que soit notre
citoyenneté politique, que nous appartenions à un tout petit pays ou à un état
puissant qui peut agir comme police internationale, nous n’avons qu’une seule
citoyenneté qui compte vraiment :
nous sommes tous fils et filles de Dieu.
Une autre conséquence de tout cela
est que Dieu n’est pas simplement « notre » Dieu et que Jésus n’est
pas seulement « notre » Jésus.
Or, nous sommes habitués à considérer Jésus comme « nôtre » ;
et, bien sûr, puisque nous sommes généreux, nous voulons le partager avec les
autres ! En réalité, nous n’avons
pas à le « partager » avec les autres. Nous avons à le « découvrir » dans
les autres. Personne -- ni Joseph, ni
nous-mêmes -- ne peut réclamer la paternité de Jésus.
C’est ce qui est absolument nouveau
et original. Pourquoi alors sommes-nous
Chrétiens ? Précisément dans ce
but : témoigner de l’égalité
absolue de tous les êtres humains ; aider l’humanité à découvrir enfin que
personne ne peut, pour aucune raison, dominer une autre personne, que ce soit dans
l’ordre militaire et politique ou dans l’ordre de la religion.
Dans le nom de Jésus
« Emmanuel » ou « Dieu-avec-nous », le « nous »
nous désigne tous, qui que nous soyons, sans exception.