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octobre 2007 – Dédicace de l’église de Scourmont
1Roi 8,
22-23.27-30 ; Actes 7,44-50 ; Luc 19, 1-10
H O M É L I E
Le
désir de voir Dieu traverse tout l’Ancien Testament. Plusieurs prophètes ont demandé explicitement
de voir la face de Dieu, ou même, selon la belle expression d’Isaïe, de le voir
« en se regardant l’un l’autre dans les yeux ».
La
raison en est que la face -- ou le visage -- d’une personne, particulièrement
ses yeux, est ce qui révèle le plus ce que cette personne porte en son coeur. C’est là qu’on lit l’amour ou la haine, la
joie ou la douleur, l’exaltation ou l’affliction. Lorsqu’une personne désire
voir la face de Dieu, elle veut non pas le connaître abstraitement mais savoir
qui il est pour elle.
En
même temps, l’homme est effrayé par la face de Dieu, car il est pécheur et il
en prend une conscience plus vive lorsqu’il est confronté avec Dieu. Il y avait donc aussi, dans l’Ancien
Testament, la croyance qu’on ne peut voir la face de Dieu et vivre.
Avec
l’Incarnation, cependant, la face de Dieu nous a été révélée et nous pouvons la
voir. Saint Paul nous dit que la gloire
de Dieu a brillé sur la face du Christ (2 Cor 4,6), et que la plénitude de la
divinité a habité en lui corporellement (Col 2,9). Nous pouvons donc désormais voir la face de
Dieu et vivre.
Nous
avons dans l’Évangile que nous venons de lire l’exemple de quelqu’un qui
voulait voir la face de Dieu : Zachée.
Zachée n’était pas précisément un pieux enfant de choeur. C’était un collecteur d’impôts, et même le chef
des collecteurs d’impôts de Jéricho. Il
était connu dans la ville comme un pécheur.
Il avait cependant un coeur d’enfant et quelque part en ce coeur, il y
avait un endroit tendre. Il savait que
Jésus allait passer par sa ville et il voulait tellement le voir, qu’il oublia
pour un instant son importance et se mit à courir comme un enfant et grimpa
dans un arbre pour le voir.
Que
se passa-t-il alors ? – Les rôles furent renversés. Alors que Zachée voulait voir Jésus, c’est
Jésus qui vit Zachée et le regarda avec des yeux pleins d’amour qui le
transformèrent. Jésus leva les yeux vers
Zachée dans son sycomore et lui dit : «Zachée, descends vite: aujourd'hui il
faut que j'aille demeurer chez toi». Jésus exauce alors la prière d’Isaïe que nous avons entendue
dans la première lecture : « Écoute, Seigneur mon Dieu, la prière et
le cri que ton serviteur lance aujourd’hui devant toi. Que tes yeux soient ouverts nuit et jour sur
ce Temple... »
Zachée
descendit, rempli de joie, et déclara : «Seigneur: je fais don aux pauvres de
la moitié de mes biens et si j'ai fait du tort à quelqu'un, je vais lui rendre
quatre fois plus». Lorsque Jésus regarde quelqu’un, il l’aime et cet amour
l’appelle à grandir. Rappelons-nous l’histoire
du jeune homme riche que Jésus avait rencontré peu avant sa rencontre avec
Zachée. Il voulait savoir quoi faire
pour avoir le salut éternel. Jésus
l’avait regardé et l’avait aimé. Il
l’avait alors appelé à grandir en se préoccupant non seulement de la vie
éternelle mais des pauvres. « Va, vends
tout ce que tu as, et donne-le aux pauvres ».
Comme il voulait bien avoir la vie éternelle après la mort mais
conserver ses richesses durant la vie présente, il repartit tout triste. Zachée au contraire, dès qu’il est touché par
le regard de Jésus, se préoccupe des pauvres et de ceux qu’il a lésés. Et Jésus
déclare que le salut (non pas un salut pour plus tard, après la mort, mais pour
aujourd’hui) s’est déjà réalisé pour lui.
«Aujourd'hui, -- dit-il -- le salut est arrivé pour cette maison».
C’est
ce qui arrive pour nous aussi chaque fois que nous ne nous contentons pas de
vouloir voir Dieu, mais que nous osons nous exposer à Son regard : à la fois
joie et appel à la croissance et donc à la conversion. Lorsque les personnes humaines nous regardent,
bien des choses peuvent se passer en nous.
Lorsque certaines personnes nous regardent, nous nous sentons
misérables, humiliés, déprimés. Il
semble qu’elles ont fait monter à la surface ce qu’il y a de moins bon en
nous. Lorsque d’autres personnes nous
regardent, c’est le contraire. Nous nous
sentons en forme, encouragés, capables de changer et de croître. Elles font monter à la surface le meilleur de
nous. Il est clair, dans l’Évangile de
ce matin, que c’est de cette seconde façon que Jésus regarda Zachée. C’est ainsi qu’il nous regarde chaque fois
que nous venons en cette église pour le prier.
Tout
en gardant bien vif notre désir de voir Dieu, exposons-nous à ses propres yeux
et acceptons qu’il nous appelle à la conversion et nous apporte la joie, comme
à Zachée. En même temps, dans notre vie
de tous les jours, regardons nos frères de la même façon que Jésus les
regarde. Ne disons jamais avec les
Pharisiens : «Il est allé loger chez un pécheur». Disons plutôt avec Jésus : « Lui aussi est un
fils d'Abraham ».
Armand VEILLEUX