7 mars 1999 -- 3ème dimanche de Carême AA@
H O M É L I E
Il y a dans cet Évangile quelque chose de surprenant et qui comporte sans doute une leçon pour nous. Cest que Jésus, finalement, na pas reçu leau quil demandait. Il était fatigué et assoiffé et il demanda de leau à la Samaritaine en lui disant : " Donne-moi à boire ". Cette demande provoque entre eux deux une conversation animée et, à la fin, la femme est si excitée que, laissant là sa cruche, elle court à la ville pour parler de Jésus aux gens quelle rencontre. Si nous nous en tenons au récit tel que nous le trouvons dans lÉvangile, elle ne puisa pas deau pour Jésus avant de courir à la ville.
Il y a sans doute une leçon là-dedans. Nos besoins créent en nous une ouverture à la relation, et lorsque nous les exprimons à une personne, nous établissons une relation avec celle-ci. La relation elle-même est plus importante que la satisfaction du besoin. La relation de Jésus avec la Samaritaine était plus importante pour Lui et aussi pour elle que le fait de recevoir ou de ne pas recevoir deau à boire.
Cest peut-être là aussi le sens de la prière. Lorsque nous exprimons à Dieu tous nos besoins, nous établissons une relation entre Lui et nous; et cette relation est beaucoup plus importante que le fait de recevoir ou non ce que nous Lui demandons. Sur la Croix, le Vendredi Saint, Jésus criera : " Jai soif ". Et là encore, il ne recevra pas deau à boire simplement quelques gouttes de vinaigre placées sur ses lèvres avec une éponge au bout dun long bâton. Et pourtant, quelques minutes plus tard, il dira : " Père, en tes mains je remets mon esprit ".
Le récit du Livre de lExode nous décrit le peuple de Dieu au désert. Ils sont fatigués, car il marchent depuis longtemps et nont rien à manger. Il est donc tout à fait compréhensible du point de vue humain, quils se rebellent contre Dieu, même sil a déjà tant fait pour eux. Ils oublient le passé et lattention constante de Dieu à leur égard et, avec une violence déraisonnée, ils se mettent à se plaindre et disent avec colère : " Donne-nous à boire " (Exode 17,2). Ce cri adressé à Dieu par lintermédiaire de Moïse, aurait pu être un appel confiant en un moment dépreuve une requête inspirée par loptimisme et sûre de recevoir une réponse favorable. En réalité, cétait une sorte de blasphème prononcé dans le désespoir. Et pourtant Dieu lécouta... Il leur donna leau jaillissant du rocher.
Il est facile détablir un lien entre ce récit et les paroles de Jésus sur l " eau vive " dans lÉvangile de Jean (4, 5-42) : " Quiconque boira de leau que moi je lui donnerai... aura en lui une source jaillissante pour la vie éternelle. "
Il serait cependant erroné de voir dans lÉvangile daujourdhui seulement le thème de leau vive. Cet Évangile est beaucoup plus riche que cela. Nous y trouvons plusieurs éléments entrelacés avec soin. LÉvangile de Jean est en effet construit autour dune série de signes, chacun étant expliqué soit par un discours soit par un dialogue. Nous avons ici deux signes et deux dialogues.
Tout dabord Jésus est fatigué et demande du pain à ses disciples (v. 8). Lorsquils le lui apportent, à la fin, il leur fait réaliser quil y a une autre nourriture (vv. 31-34). De même, entre ces deux moments, cest-à-dire après le départ des disciples et avant leur retour, Jésus demande à boire à la Samaritaine (v.7) et lorsquelle lui répond par une série de questions, il lui parle dun autre type deau (vv. 13-14). Nous avons une transposition semblable lorsquil passe de la mention des cultes matériels samaritain ou juif à celle du culte en esprit et en vérité (v. 20-24), et aussi lorsquil demande à ses disciples de regarder la récolte matérielle, pour les préparer à la récolte spirituelle.
La leçon est double. Il y a tout dabord que nous ne devons pas nous soucier seulement de nourriture et de breuvage matériels ou encore du culte extérieur et de la récolte, mais que nous devons nous préoccuper du breuvage spirituel qui est lamour de Dieu répandu en nos curs par lEsprit Saint (voir la lecture de saint Paul), et de la nourriture spirituelle, qui consiste à faire la volonté de notre Père, comme du culte spirituel qui consiste à témoigner de la Bonne Nouvelle.
La deuxième leçon, qui est sans doute le cur du message que nous avons ici, est que ces deux dimensions la matérielle et la spirituelle sont si essentiellement liées lune à lautre, que la seconde ne peut exister sans la première.
Il est important de remarquer que Jésus parle deau vive seulement à une personne à qui il a demandé de donner de leau naturelle à boire à un ennemi, et quil mentionne le pain éternel à ses disciples seulement après les avoir envoyés chercher du pain matériel pour apaiser leur faim physique.
Cest là une importante leçon pour nous. Nous avons des besoins matériels et des besoins spirituels, et Dieu soccupe des deux. De même, nos soeurs et nos frères ont des besoins matériels et des besoins spirituels, et nous devons nous aussi nous occuper des deux. Si nous ne répondons pas aux premiers nous ne pouvons prétendre comprendre les seconds!