19
avril 2007 – Jeudi de la 2ème semaine de Pâques
Actes
5, 17-26 ; Jean 3, 16-21
Abbaye de La Clarté-Dieu,
Murhesa, Rép. Dém. du Congo
H
O M É L I E
Depuis lundi nous lisons à l’Évangile le récit de la rencontre de Jésus
avec Nicodème. C’est dire l’importance de ce récit en ce temps pascal.
Lorsque Jésus commença son ministère, beaucoup crurent en lui à cause
des miracles qu’il réalisait. Quelques-uns eurent en lui une foi profonde et
sans hésitation. D’autres
refusèrent violemment de croire. Mais pour la plus grande majorité, ce fut un
type de foi ambigüe : un mélange de religiosité naturelle et d’attrait
pour le miraculeux – une foi pas trop engagée.
Nicodème fut
l’un de ces croyants ambigus. J’aime
beaucoup Nicodème ; il est tellement l’un d’entre nous. Il croit, mais il n’a pas le courage
d’accepter totalement les conséquences
de sa foi. Il connait les Écritures,
puisqu’il est un docteur en Israël. Il
peut donc voir que Dieu est avec Jésus, mais il ne va pas jusqu’à reconnaître
que Dieu est en Jésus. Il vient à Jésus
dans le but d’apprendre, mais il vient de nuit.
En réalité il restera toujours fidèle, mais toujours ambigu dans sa foi. Il sera au Calvaire, au moment de
l’ensevelissement de Jésus, mais pas trop proche.
Et ce qui est
merveilleux c’est que Jésus l’accepte
comme il est et le prend au sérieux. Il
l’interpelle et l’oblige à choisir entre la lumière et l’obscurité. N’est-ce pas ce qu’il fait avec nous lorsque
nous venons à lui avec nos propres zones obscures ?
Le récit des
Actes des Apôtres, que nous avons comme première lecture nous montre ce petit
groupe d’Apôtres et de Disciples de Jésus, qui, lorsqu’ils furent remplis de
l’Esprit Saint qui leur fut communiqué par Jésus après sa Résurrection,
passèrent subitement d’une foi qui était tout aussi ambigüe que celle de
Nicodème à une foi courageuse et totale.
Peu de temps
avant la mort de Jésus, alors que celui-ci avait déjà annoncé sa passion, ils
discutaient entre eux pour savoir lequel aurait la première place dans son
royaume, lequel serait premier ministre, ministre des finances, ministre ceci
ou de cela (abbé, prieur, cellérier...).
Ils étaient encore tout centrés
sur leurs désirs individuels. Ils
étaient un groupe d’individus qui suivaient Jésus avec une foi réelle, mais une
foi encore ambigüe. Ils voulaient se
donner à Jésus, mais ne pas se perdre.
Ils recherchaient des honneurs et des intérêts personnels. Maintenant, transformés par l’Esprit, ils
sont devenus une véritable communauté, une véritable Église. Ils n’ont pas peur de tout donner, de tout
risquer pour le nom de Jésus. Alors qu’ils ont été mis en prison pour avoir
prêché le nom de Jésus, ils se remettent à le prêcher dès qu’ils sont
mystérieusement délivrés de la prison durant la nuit.
En ce temps
pascal, où nous avons renouvelé l’expression de notre foi au Christ, par le
renouvellement de nos engagements baptismaux, demandons à Jésus de nous combler
nous aussi de son Esprit, de faire de nous une véritable communauté où, selon
les mots de saint Paul repris par Benoît dans sa Règle, chacun de nous
recherche non ce qui lui est favorable et agréable, mais le bien des autres et
de tous. Pour cela demandons une foi en Jésus qui soit pure et sans partage.
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20 avril 2007 – vendredi de la 2ème semaine de Pâques
Actes 5,34-42; Jean 6, 1-15
Abbaye de La Clarté-Dieu,
Murhesa, Rép. Dém. du Congo
H O M É L I E
La multiplication des
pains est le seul signe accompli par Jésus qui nous soit rapporté par les
quatre Évangiles. C'est dire l'importance
que lui attribuaient les premiers Chrétiens.
Aujourd'hui c'est dans la version de Jean que nous lisons ce récit. Jean raconte cet événement après environ 65
ou 70 ans de méditation. Ce n'est pas le
signe ou le miracle comme tel qui l'intéresse.
Tout son récit est centré sur la personne de Jésus. Il nous montre Jésus partageant simplement,
très simplement, sans compter, sans faire attention à la dimension de la foule.
Au début du récit, il y
a une de ces petites phrases mystérieuses, caractéristiques de Jean. Il dit: "C'était un peu avant la
Pâque..." Cela signifie que la
multiplication des pains dont il nous parle, ce partage de ce qu'on avait
apporté, était une dimension essentielle du mystère pascal, et donc l'est aussi
de la célébration eucharistique. Les
douze paniers de morceaux ramassés correspondent aux douze tribus d'Israël et
aux douze apôtres. C'est donc aussi une
dimension essentielle de l'Église.
Jésus a traversé le Lac avec ses
disciples et est monté dans la montagne. De là, il lève les yeux
et voit la foule nombreuse qui le suit et perçoit son besoin de nourriture,
avant même que personne n'ait manifesté ce besoin. Philippe, à qui Jésus expose d'abord cette
situation, ne peut concevoir une solution autre que monétaire et mathématique:
"le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun ait un
petit morceau de pain". Cette
attitude de Philippe correspond sans doute à la nôtre, puisque nous sommes sans
cesse tentés de donner une importance majeure dans notre vie aux réalités
matérielles dont nous pouvons disposer, que nous pouvons compter, même si c’est
avec le désir de les donner, ce qui est aussi une forme d’exercice de pouvoir.
La
solution proposée par André et choisie par Jésus est autre. C’est celle du
partage. Lorsqu’il y a un vrai partage, il y a en général assez pour tout le
monde. Les personnes présentes ne sont pas appelées à se présenter à la queue
leu leu pour recevoir leur pitance de la main de généreux bienfaiteurs; elles sont invitées à s'allonger comme on le
faisait dans les banquets et tout particulièrement pour le repas pascal, afin
de prendre un repas en toute dignité avec des commensaux. Et lorsque tous sont allongés dans l'herbe
abondante (signe de l'abondance du Royaume), Jésus leur distribue lui-même la
nourriture, comme un hôte le fait avec ses invités.
Les
foules suivaient Jésus parce qu’ils
avaient vu les guérisons et les autres miracles qu’il avait faits et voulaient
en voir encore. Mais Jésus n’est pas intéressé à jouer au thaumaturge. Il
s’intéresse aux besoins des personnes. De même, à la fin du récit, lorsque la
foule veut le proclamer Messie, il s’enfuit seul dans la montagne.
Dans
une communauté, nous sommes tous appelés à nous servir mutuellement. Notre
tendance humaine est de rechercher les fonctions qui nous mettent en évidence
ou qui nous permettent d’exercer un certain pouvoir. Jésus nous montre que pour lui c’est tout le
contraire. La seule chose qui
l’intéresse est de servir. Nous savons,
puisque les célébrations des Jours Saints nous l’ont rappelé, que cela lui a
coûté cher. De même, aujourd’hui, dans
la première lecture, nous voyons les Apôtres, qu’on vient de rouer de coups,
tout heureux d’avoir mérité de souffrir un peu pour le nom de Jésus.
Efforçons-nous
donc de vivre dans le même esprit de service mutuel, de fuir les honneurs et
les avantages matériels plutôt que de les rechercher, et si cela nous procure
des souffrances, d’être heureux de les joindre à celles du Christ et de ses
Apôtres.
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21 avril 2007 - Samedi de la 2ème semaine de
Carême
Actes 6, 1-7; Jean 6,16-21
Abbaye de La Clarté-Dieu,
Murhesa, Rép. Dém. du Congo
H O M É L I E
Il y a beaucoup de détails
mystérieux et lourds de symboles dans ce bref texte de saint Jean. La scène se situe tout de suite après la
première multiplication des pains (dont nous avons lu le récit hier). Nous sommes encore au début de la vie
publique de Jésus, et ses relations avec ses disciples sont en train de
s'établir. Après la multiplication des
pains, alors que la foule veut le faire roi, Jésus se retire seul sur la
montagne. Les disciples sont déjà habitués à ces nuits que Jésus passe seul sur
la montagne à prier. Lorsque le soir
arrive et que Jésus ne revient pas, les disciples savent qu'il y passera la
nuit. Ils descendent alors au bord du
lac et s'embarquent pour la ville de Capharnaüm, de l'autre côté. Jean a alors une de ces phrases pleines de
mystères: “Déjà il faisait nuit et Jésus ne les avait pas encore
rejoints". La mention de la nuit,
chez Jean, signifie aussi le trouble, le manque de compréhension, l'absence de
Jésus. Les disciples sont un peu perdus.
Tout à coup un grand vent se mit à
souffler. Comme il arrive souvent sur
les lacs d'une grande étendue (et le lac de Tibériade est une vraie mer
intérieure), des tempêtes très fortes peuvent commencer de façon subite. Le récit de Jean est extrêmement sobre en
détails. Tout ce qui l'intéresse est de
montrer ce que vivent intérieurement les disciples et la relation que Jésus est
en train d'établir avec eux.
Les disciples ont déjà ramé cinq
kilomètres environ lorsque tout à coup ils voient Jésus marcher sur la mer et
se rapprocher d'eux. Il est intéressant
de remarquer que Jean n'est pas intéressé à décrire un miracle, un phénomène
extraordinaire. Il dit simplement que
les disciples virent Jésus marchant sur la mer et se rapprochant d'eux, comme
si c’était la chose la plus normale du monde.
Dans leur difficulté, leurs pensées et leurs coeurs se tournent vers lui
et cette foi en lui le rend déjà présent.
Lorsqu'ils l'aperçoivent, ils sont saisis de crainte; mais il s'agit de la crainte
référentielle. Jésus se révèle alors
dans toute la grandeur de sa divinité en utilisant l'expression "Ego
eimi" -- Je suis, c'est moi (ce qui est énormément plus fort que la
traduction insipide : « c’est moi »). Et il ajoute la recommandation qui accompagne
presque chaque apparition: "soyez sans crainte".
Alors les disciples veulent le
prendre dans la barque, mais ils sont déjà au rivage. Il ne faudrait pas imaginer que la barque a
été miraculeusement transportée au bord du lac.
L'explication la plus probable est que, tout en continuant à ramer, ils
sont si totalement pris par leur conscience de la présence de Jésus qu'ils ne
s'aperçoivent pas du chemin parcouru et de la fatigue, avant d'être arrivés au
port.
Il serait facile de mettre ce récit
évangélique en relation avec ce que nous vivions soit individuellement, soit
comme communauté. Dans la région des
Grands Lacs, comme sur le Lac de Tibériade, la mer a été houleuse depuis déjà
plusieurs années. Votre communauté en a
vécu bien des conséquences. Vous ramez depuis longtemps contre vents et
marrées. Seule votre foi en Jésus le
rend suffisamment présent pour que la conscience de sa présence puisse vous
donner la force de continuer à cheminer jusqu'à ce que vous parveniez au port
qu'il vous a préparé.
Ce matin, au moment où vous vous
apprêtez à faire un geste communautaire qui pourra avoir de grandes
conséquences sur la vie de votre communauté pour les années à venir, laissez de
côté vos craintes ; mais laissez aussi de côté tout ce qui peut rester de
calculs humains. Vous êtes réunis ici au
nom de Jésus, alors il est au milieu de vous, comme il l’a promis. Centrez vos regards sur Lui qui seul peut
être le lien qui vous unisse les unes aux autres et fasse de vous une véritable
communauté tout en respectant vos différences.
Croyez que Jésus descend aujourd’hui de la montagne pour être au milieu
de vous, dans votre barque, d’une façon toute nouvelle et spéciale. À travers ses yeux à Lui regardez votre
communauté et chacune de vos soeurs.
Alors vous saurez quel nom choisir.
Armand
VEILLEUX