17 juin 2007 – 11ème dimanche ordinaire « C »

2 Sam 12, 7-10.13 ; Ga 2, 16.19-21 ; Luc 7, 36-8,3

 

 

H O M É L I E

 

          Au coeur de ce récit se trouve l’enseignement de Jésus sur la miséricorde divine, sur la gratitude humaine et sur le lien entre les deux.

 

          Deux personnes avaient des dettes à l’égard d’un prêteur.  Dans le texte original, la dette était contée en deniers.  Un denier (denarius) était le salaire d’une journée de travail. L’un des deux débiteurs devait donc l’équivalent de 500 journées de travail ; l’autre en devait l’équivalant de 50.  Comme aucun des deux n’avait de quoi payer,  le créancier remit à chacun sa dette.

 

          On pourrait évidemment réfléchir ici sur la dette des pays en voie de développement, qui ne sauraient la payer, à l’égard des pays riches, qui l’ont d’ailleurs déjà récupérée plusieurs fois sous forme d’intérêts ; mais ce n’est pas là ce dont il s’agit pour le moment.  La pointe du récit se trouve dans la question de Jésus : « Lequel des deux l’aimera davantage ?»

 

          Dieu nous aime.  Et le degré de son amour pour nous se manifeste dans l’étendue de sa miséricorde à notre égard et donc, indirectement, dans l’étendue de notre péché.  Nous sommes tous pécheurs.  Nous sommes tous constamment pardonnés par Dieu.  Et plus nous faisons l’expérience d’être des pécheurs pardonnés, plus nous pouvons croître en amour à l’égard de celui qui est si généreux dans son amour miséricordieux à notre égard.                                                 

 

          L’un de nos problèmes constants dans la vie communautaire, dans la vie sociale en général, et sans doute aussi dans la vie de couple, c’est que nous ne pouvons pas lire dans le coeur des autres – même lorsque nous pensons pouvoir le faire. Nous jugeons les personnes à partir de ce que nous voyons ; et nous nous trompons souvent dans nos jugements. Nous voyons les verrues à la surface de la peau et nous ne voyons pas la beauté des coeurs.  Évidemment si nous pouvions lire tout ce qui se trouve dans le coeur des autres, nous ne pourrions probablement pas le porter.  Et d’ailleurs, très probablement, nous ne voudrions pas que tous ceux qui nous entourent puissent lire constamment tout ce qui se passe en nos propres coeurs !

 

          L’histoire du Pharisien et de la pécheresse est une bonne illustration de tout cela. Luc est toujours un très bon écrivain.  Ici, il place la parabole dont nous venons de parler, au coeur d’un autre récit, celui de la réception de Jésus chez le Pharisien Simon. Un Pharisien avait donc invité Jésus à manger chez lui ; ce qui est un signe d’appréciation. Mais son amitié n’était sans doute pas très profonde, car il omet un certain nombre de geste réclamés par les règles contemporaines de l’étiquette. Il aurait dû donner l’accolade à son hôte lorsque celui-ci est arrivé et lui laver les pieds.  Il n’en a rien fait.

 

          Par ailleurs une femme connue dans la ville comme une pécheresse, ayant appris que Jésus était chez Simon, vient et se met à lui baiser les pieds, les lave de ses larmes et les essuie de ses cheveux.  Une effusion d’affection que même dans la société du temps, tout le monde devait considérer comme inappropriée en public.  Alors, ce Pharisien qui ne juge qu’à partir du comportement extérieur de cette femme, ne pouvant lire dans son coeur, en tire une conclusion sur les talents de Jésus comme prophète.  Si ce type était vraiment un prophète il saurait quel genre de femme est en train de le toucher.

 

          Or Jésus lit dans les coeurs.  Aussi bien dans celui de Simon que dans celui de la femme. Et c’est pour éclairer le jugement de Simon qu’il lui raconte cette parabole des deux débiteurs et qu’il pose, en conclusion, la fameuse question : « Lequel des deux l’aimera davantage ? ».  Il rend alors manifeste ce qu’il y a dans le coeur de la femme en faisant la comparaison entre elle et le Pharisien : « Je suis entré chez toi, et tu ne m’as pas versé d’eau sur les pieds ; elle, elle les a mouillés de ses larmes et essuyés avec ses cheveux.  Tu ne m’as pas embrassé ;  elle, depuis son entrée, elle n’a pas cessé d’embrasser mes pieds.  Tu ne m’as pas versé de parfum sur la tête ;  elle, elle m’a versé un parfum précieux sur les pieds... » Et quelle est la conclusion évidente de tout cela ?...

 

          Ici le texte original grec peut être compris de deux façons : Ou bien on peut traduire, comme dans le lectionnaire que nous venons de lire : « ses péchés ont été pardonnés à cause de son grand amour » ; mais on peut aussi traduire d’une autre façon, plus cohérente avec la dynamique du récit et sa conclusion: « si elle aime à ce point, c’est que ses nombreux péchés lui ont été pardonnés ». Jésus révèle ainsi que la femme -- que le Pharisien et sans doute toutes les personnes présentes considéraient comme une pécheresse --  avait déjà été pardonnée avant d’entrer dans la salle du repas et qu’elle venait pour exprimer son amour parce qu’elle avait été pardonnée.

 

          Cela nous enseigne au moins trois choses.  Premièrement, plus on a eu à se faire pardonner, plus on doit aimer ; deuxièmement, que le fait de ne pas être conscients de notre propre besoin de pardon est la meilleure façon d’être durs et sévères à l’égard de nos frères et de nos soeurs ; et, troisièmement, que même si nous devons parfois avoir le courage de porter un jugement sur certaines attitudes et certains comportements, nous ne pouvons jamais juger la personne, car nous ne connaissons pas l’intime de son coeur.  Dieu seul le connaît.  Il connaît aussi le nôtre.

 

 

Armand VEILLEUX

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