22 avril 2007 – 3ème
dimanche de Pâques « C »
Actes 5, 27-32.
40.41 ; Apoc. 5, 11-.14 ; Jean 21, 1-19
Abbaye de N.-D. de
la Clarté-Dieu, Murhesa, Rép. Dém. du Congo.
H O M É L
I E
Depuis Pâques, le
lectionnaire liturgique, pour la première lecture de la messe, puise
abondamment dans les premiers chapitres des Actes des Apôtres, qui nous décrivent
l’expérience des Apôtres et de la première communauté chrétienne de Jérusalem,
tout de suite après la mort et la résurrection de Jésus, et surtout après la
Pentecôte. Les Apôtres, qui étaient si
pusillanimes à l’heure de la Passion, sont maintenant remplis de l’Esprit Saint
et ils parlent publiquement et avec force au nom de Jésus, et accomplissent des
miracles en son nom. Lorsqu’on leur
défend de le faire, ils répondent tout simplement qu’ils doivent obéir à Dieu
plutôt qu’aux hommes.
Au début de la lecture du
Livre des Actes que nous venons d’entendre, il y a quelque chose qu’il est
important de remarquer. Le grand prêtre
et le Sanhédrin, dans leur dialogue avec les Apôtres, ne mentionnent jamais le
nom de Jésus. Ils disent simplement : « Nous vous avions donné des
ordres stricts de ne pas enseigner en ce
nom... ». Et ils ajoutent : « vous voulez nous rendre
responsables du sang de cet homme ». Pourquoi ce refus d’utiliser le nom de
Jésus ? Je ne crois pas qu’il
s’agisse de mépris ou de manque de respect. C’était probablement plutôt, de
leur part, de la crainte ou de l’appréhension.
Il y a un pouvoir dans un
nom. Et lorsque vous utilisez ce nom
vous ne savez pas ce qui peut arriver.
Ils ne veulent pas croire en Jésus ; mais ils ne sont pas absolument sûrs qu’il ne
vienne pas de Dieu.
Qu’est-ce qu’un nom ?
Dans toutes les cultures anciennes, y compris celle d’Israël, comme dans de
nombreuses cultures encore aujourd’hui, le nom n’est pas simplement une
étiquette qu’on met sur une personne pour l’identifier. Ce n’est pas un simple
signe d’identification. C’est quelque chose qui exprime la nature même,
l’identité propre de la personne. Ce nom est donc rarement utilisé. Je ne sais trop ce qu’il en est ici, au Kivu,
mais je me souviens qu’au Ghana, où j’ai vécu quelques années, le nom qui est
donné à un enfant, et qui est souvent celui d’un ancêtre, conditionne toute son
existence. C’est quelque chose de sacré,
en quelque sorte, et ce nom sera très rarement utilisé. Dans la vie courante on utilise d’autres noms
correspondant par exemple au jour de la semaine où l’on est né ou à son rang
dans la famille.
Dans la Bible, quand Moïse
reçoit la mission de libérer son peuple, il veut savoir « en quel
nom » il fera cela. Il sait que le
peuple lui demandera : « En quel nom agis-tu ainsi ? » Tout
comme les Scribes et les Docteurs de la Loi, dans l’Évangile, demandent à Jésus
en quel nom il accomplit ses miracles. Ils
ne peuvent pas nier les miracles, qui sont évidents, mais ils veulent savoir de
qui vient à Jésus le pouvoir de les accomplir. Quant à Moïse, il reçoit une
réponse mystérieuse qui est, comme nous le savons, le nom de Yahvé, qui n’est pas
simplement le nom de Dieu, mais le nom au-dessus de tout nom, Le Nom par excellence, le nom dans
lequel réside tout pouvoir.
Saint Paul, dans sa Lettre
aux Philippiens, parle de Jésus qui s’est
fait obéissant jusqu’à la mort – ce pourquoi le Père l’a exalté et lui a donné
« le nom » qui est au-dessus de tout nom, c’est-à-dire le nom de Kurios, le nom de Yahvé.
Agir au nom d’une personne
c’est utiliser le pouvoir de cette personne, c’est participer à son
identité. C’est en quelque sorte être
transformé en cette personne. Lorsque
Pierre, quelques jours après la Pentecôte, rencontre un mendiant infirme, il
lui dit : « Je n’ai pas d’argent ou d’or mais ce que j’ai je te le
donne. Au nom de Jésus, prends ton
grabat et marche. » Par le pouvoir de ce nom de Jésus, le mendiant est
guéri. Et c’est pour cette raison que le
grand prêtre veut empêcher les Apôtres d’agir
en « ce nom ».
Mais puisque
« ce » nom est devenu « leur » nom, parce qu’ils ont été
transformés en agissant et en prêchant au nom de Jésus, les Apôtres ne peuvent
plus s’empêcher de le faire. Ce serait être dépouillé de leur propre
identité. Et lorsqu’ils sont roués de
coups de fouets, ils quittent le Sanhédrin pleins de joie d’avoir été jugés
dignes de mauvais traitements à cause de
ce Nom.
Frères et soeurs, c’est en
ce Nom que nous sommes rassemblés. Jésus
a dit : « Chaque fois que deux ou trois seront assemblés en mon nom, je suis au milieu
d’eux » et encore : « Tout ce que vous demanderez au Père en mon
nom, il vous le donnera. » Il est
donc en ce moment même au milieu de nous.
Il est celui qui fait de nous tous une communauté. En son nom, prions les uns pour autres et
pour toute l’humanité. Demandons-lui
d’avoir le courage de parler en son nom, et même de souffrir si nécessaire,
pour « Le nom » qui est à la fois le sien et celui de son Père.