30 avril 2000 -- 2ème dimanche de Pâque "B"

Centre Christus, Kigali, Rwanda

 

H O M É L I E

 

(Portes closes)

 

            La mention des portes closes, qui revient dans le récit de chacune des deux apparitions de Jésus rapportées dans ce récit de Jean, a toujours retenu mon attention et piqué ma curiosité.  On pourrait facilement être tenté de penser que Jean ne mentionne les portes closes que pour souligner que Jésus a maintenant un corps spirituel qui passe à travers les portes closes et les murs.  Mais cela irait tout à fait à l'encontre des quatre Évangiles qui s'efforcent tous de démontrer que le corps du Christ ressuscité est un corps physique normal, qui peut manger et être touché.

 

            La plupart des traductions de ce texte n'aident guère à sa compréhension, liant la mention des "portes closes" à celle de "la peur de Juifs", ce que l'original grec ne fait pas.  Le texte original ne dit pas que les disciples avaient fermé les portes par peur des Juifs, mais dit simplement que les portes étaient fermées à l'endroit où les disciples s'étaient réunis par peur des Juifs, et que Jésus se trouva soudain au milieu d'eux.

 

            Nous pouvons trouver une certaine lumière sur le sens de ce texte en le mettant en relation avec les paroles de Jésus lui-même:  "Lorsque tu pries, va dans ta chambre, ferme la porte et prie ton Père".  Ce que Jean veut souligner c'est le fait que les disciples étaient en prière, toutes portes fermées, lorsque Jésus leur est apparu le soir de Pâques.  Et il en fut de même lorsqu'il leur apparut de nouveau une semaine plus tard.

 

            En réalité, le texte original ne dit pas que Jésus se tint "devant eux".  Il dit: "Il était là, au milieu d'eux".  Évidemment, nous voyons tout de suite le lien avec la promesse de Jésus:  "Lorsque deux ou trois sont réunis, je suis là au milieu d'eux". 

 

            Jésus manifeste sa présence au milieu de ses disciples lorsque, suivant sa recommandation, ils se retirent quelque part ensemble en son nom pour prier.  Cela nous enseigne que chaque fois que nous nous réunissons en église au nom de Jésus, pour prier, Il est là au milieu de nous.

 

            Mais que peut bien vouloir dire l'expression "par peur des Juifs" dans ce contexte? -- Il s'agit d'une expression que Jean utilise de temps à autre dans son Évangile, et qui se rapporte toujours à l'incapacité ou au refus de parler du Christ ou de prêcher l'Évangile.  Par exemple, lorsque que Jésus vient au Temple, le jour de la Fête des Tentes, incognito, parce qu'Hérode veut le tuer, les foules se demandent qui Il est, mais personne ne parle de lui ouvertement "par peur des Juifs".  Lorsque Jésus guérit un homme né aveugle et que les Pharisiens interrogent les parents de cet homme, ils refusent de répondre, "par peur des Juifs".  Joseph d'Arimathie, qui s'occupa de la mise au tombeau de Jésus, était un disciple de Jésus, mais en secret, "par peur des Juifs".  Dans l'Évangile d'aujourd'hui, nous voyons donc les disciples réunis, mais ne disant pas un mot de Jésus, "par peur des Juifs".  Ils n'avaient pas encore reçu l'Esprit qui les amènerait à une vie nouvelle, et leur donnerait la force et le courage de témoigner de l'Évangile.

 

            Jésus vint donc et leur dit:  "Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie" et il souffla sur eux.  Quel est le sens de ce souffle?  Il s'agit évidemment de la transmission de l'Esprit.  Mais l'expression que Jean utilise signifie beaucoup plus que cela.  Il n'utilise pas le mot ordinaire qui signifie "souffler".  Il utilise un mot grec spécial et rare qui ne revient que trois fois dans la traduction grecque de la Bible.  La première fois est dans le récit de la création:  "Le Seigneur Dieu forma l'homme de la poussière du sol et insuffla dans ses narines son souffle de vie".  La seconde fois est le chapitre 27 d'Ézéchiel où l'Esprit de Dieu plane sur le champ d'os desséchés et leur insuffle une vie nouvelle. (Il y a seulement une troisième fois, dans la Sagesse, qui est en fait une citation de la Genèse). 

 

            Ce que Jésus réalise dans cet événement, est une nouvelle création. 

 

            Frères et soeurs,  nous nous sommes réunis ce matin au nom du Christ, pour prier son Père.  Il est donc au milieu de nous, nous engendrant à une vie nouvelle et nous envoyant en mission.  Recevons l'Eucharistie comme une nourriture qui nous donnera la force d'être ses témoins fidèles, chacun selon notre vocation.