CHAPITRE
XI
PHILOSOPHIE DE
LA PERSONNE
ET NON – MOI
DU CHRISTIANISME
Un mot
d’introduction
Dans
les locaux de l’ancienne Chartreuse de Saint-Hugon, en Savoie, devenue
l’Institut Karma-Ling, se déroula, du 24 au 26 avril 1992, un colloque entre
bouddhistes de traditions différentes sur le thème fondamental de l’anattā. On m’autorisa aimablement à
y assister. Ce fut pour moi l’occasion de rédiger quelques pages à ce sujet. Il
me semble que cette étude peut avoir sa place dans un livre qui touche au
rapprochement de nos deux religions[1].
I. La
personne dans le christianisme
Citons d’abord le Vocabulaire technique et critique de la
philosophie d’André Lalande[2],
au mot Personne : « L’usage
de ce mot vient de deux sources. D’une part, l’idée stoïcienne du rôle qui joue l’homme ici-bas. (Prosôpon, persona ; cf. Manuel d’Épictète, 17 ; Entretiens, I, 29, etc.), usage auquel
se rattache le sens juridique de ce mot en latin. De l’autre, l’emploi qui en a
été fait en théologie, notamment dans les controverses sur la Trinité, où il a
servi à traduire Ypostasis en tant
qu’opposé à Physis (nature), à Ousia (substance). Voir en particulier
sur cette opposition Boèce, où se
trouve la définition restée classique pendant tout le Moyen Âge :
« Persona proprie dicitur naturae rationalis individua substantia »
(substance individuelle de nature raisonnable).
L’encyclopédie Catholicisme, à l’article Personne
(philosophie et théologie), retrace toute l’évolution de la pensée
occidentale à ce sujet. Nous en retiendrons seulement cette vue générale :
« Les philosophies monistes
(stoïcisme, spinozisme, idéalisme, matérialisme) ont du mal à définir
l’individuation supra-animale de la personne humaine. Elles l’abolissent, en
pensant la valoriser, par sa fusion dans le tout de la raison ou de la nature.
Les philosophies réflexives
saisissent, au contraire, la personne dans l’intimité ouverte et l’expérience
spirituelle, l’expérience de la liberté, l’expérience morale (Kant, Rauh,
Nabert), l’expérience de la valeur (Le Senne), l’expérience de la présence
totale (Lavelle), l’expérience de la transcendance au monde (Pascal),
expériences qui fournissent à chacun, avec l’ouverture à Dieu, l’axe central de
la définition de la personne[3]. »
La
même encyclopédie comporte un article Personnalisme,
plus court, mais qui nous intéresse davantage et que je vais suivre en cette
première partie[4]. Si le sens
proprement philosophique du mot « personnalisme » est de naissance
récente, l’idée qu’il recouvre est ancienne, et les sources lointaines en
peuvent être déjà discernées chez les grands tragiques grecs, Eschyle et Sophocle qui, avant Pascal, ont eu le
sentiment très fort de la misère de
la condition humaine, joint à l’exaltation de la grandeur de l’homme liée au pouvoir qu’il a de juger cette
condition. Un véritable personnalisme implicite anime, par exemple, l’Antigone de Sophocle et la pousse à
braver les ordres de son oncle Créon pour rendre à ses frères, Étéocle et
Polynice, les honneurs dus aux morts, tout en sachant le sort horrible qui
l’attend. Ainsi oppose-t-elle à la loi écrite la loi divine non écrite mais
ineffaçable du cœur de l’homme.
Pourtant,
c’est seulement avec l’irruption du
christianisme que le statut de l’homme comme créature d’un Dieu qui est
essentiellement Amour a trouvé sa formulation la plus nette. La dignité propre
à chaque être humain s’y trouve fondée sur l’universelle paternité de Dieu et
l’universelle fraternité du Christ. À chaque âme revient une vocation personnelle et une destinée
singulière qui ne s’arrête point à la vie en ce monde. Créé à « l’image et
ressemblance » de Dieu, l’homme, chaque homme est appelé à « la
liberté des enfants de Dieu ».
Les
théologiens n’auront plus qu’à raffiner sur cette très concrète présentation
des obligations qui résultent, pour chaque créature, de ce statut, tant à
l’égard de Dieu qu’à l’égard du prochain. En découvrant dans l’homme une
réalité qui lui est « plus intérieure que ce qu’il y a de plus intime en
lui », et « supérieure à ce qu’il y a de plus haut en lui », saint Augustin, dans la lignée inaugurée
par Platon et continuée par Plotin, a été le pionnier des philosophies modernes
de l’intériorité. Dans le secret du cœur, la personne transcendante de Dieu
parle à la personne de l’homme, et celui-ci peut, en retour, s’entretenir avec
son Créateur, le Dieu un et trine. Des débats sur la notion de
« trinité », déjà très élaborée par les conciles de Nicée et de
Constantinople, sortira une idée plus précise de la différence entre nature et personne. Ainsi peut-on concevoir qu’il y ait en Dieu trois
personnes et une seule nature et, dans le mystère de l’Incarnation, une seule
personne assumant tout ensemble nature divine et nature humaine.
La
personne humaine, pour saint Thomas
d’Aquin, se caractérise par la capacité d’agir par soi, c’est-à-dire de
posséder la maîtrise de ses actes : elle est existence actuelle et subsistante, initiative vitale.
Ces
précisions décisives vont marquer tout le développement de la réflexion
ultérieure sur la personne et les personnes. C’est à leur lumière que juristes
et philosophes vont travailler à constituer le personnalisme tel que nous
l’entendons aujourd’hui. Les premiers se sont appliqués à définir la personne juridique comme le sujet humain
en tant qu’il est détenteur de droits et chargé de devoirs déterminés par la
loi. Ainsi l’homme libre est-il progressivement reconnu comme celui qui a le
pouvoir de répondre personnellement de ses actes devant une instance juridique.
Les seconds, à la suite de Leibniz,
ont insisté davantage sur les qualités constitutives de la personne morale, substance non seulement immatérielle et
indivisible, mais encore indestructible et immortelle. Dans sa Théodicée, Leibniz estime que ce qui
subsiste dans l’homme, ce n’est pas seulement l’âme, mais c’est encore la personnalité, c’est-à-dire « ce qui
fait que c’est la même personne, laquelle garde ses qualités morales en
conservant la conscience ou le sentiment réflexif interne de ce qu’elle
est ». C’est cette conservation qui la rend capable de châtiment et de
récompense.
L’importance
de Kant ne saurait être minimisée.
Nous lui devons, en particulier, la reconnaissance du respect comme ce qui est spécifiquement dû à la personne
humaine : « Le respect s’applique toujours uniquement aux personnes,
jamais aux choses ou aux animaux. » En outre, sa pensée bien connue :
« Deux choses remplissent l’âme d’une admiration et d’un respect toujours
renaissants, et qui s’accroissent à mesure que la pensée y revient plus souvent
et s’y applique davantage : le ciel étoilé au-dessus de moi, la loi morale
en moi », inspire une éthique de la personne condensée en cette formule
qui sera désormais la charte de tout personnalisme : « Agis de telle
sorte que tu traites l’humanité, soit dans ta personne, soit dans la personne
d’autrui, toujours en même temps comme une fin,
et que tu ne t’en serves jamais simplement comme d’un moyen. »
Le
personnalisme philosophique a été véritablement fondé par Max Scheler (1874 – 1928). Il a mis au premier plan le thème des valeurs. Nul n’a plus insisté que lui
sur l’essence axiologique de la
personne. Elle est appelée à réaliser la vocation
que ne cesse de lui proposer l’amour divin. Elle n’y peut parvenir qu’en
s’unissant à autrui dans un mouvement de sympathie qui, à son sommet, est
perception de l’essence singulière de l’autre,
regardé comme témoignage de l’Absolu. Aimer vraiment autrui, c’est l’aimer en
Dieu. Par suite, la véritable communauté
des personnes repose sur la possible rencontre de chaque personne avec la
Personne des personnes, Dieu lui-même.
En
France, c’est à Emmanuel Mounier
(1905 – 1950) que revient le mérite d’avoir fait du personnalisme une
philosophie complète, tout entière axée sur l’affirmation de la valeur absolue
de la personne. Un thème fondamental de cette doctrine est celui d’une radicale
différence entre personnalisme et individualisme, car le premier souligne,
contre le second, « l’insertion collective et cosmique de la
personne ». La personne est étroitement solidaire du monde et de la
communauté des hommes, alors que l’individu n’est qu’une abstraite entité, être
de raison coupé arbitrairement des ensembles qui lui permettent de vivre en
homme. Ce qui caractérise la personne, selon Mounier, c’est sa capacité de se
détacher d’elle-même, de se déposséder, de se décentrer pour devenir disponible
à autrui. Par suite, la personne ne s’oppose pas au « nous », qui la
fonde et la nourrit, mais au « on » irresponsable et tyrannique,
dénoncé, vers le même temps, par Martin Heidegger. La personne vit de sa
fidélité à ce qui la constitue, c’est-à-dire, en dernière analyse, à Dieu
lui-même, Personne fondatrice des personnes et attraction permanente de
celles-ci.
Parallèlement
à l’effort de Mounier, poursuivi par la revue Esprit, s’est développé en France, à partir de 1934, le mouvement
de la Philosophie de l’Esprit,
regroupant, autour de Louis Lavelle
et René Le Senne, les philosophes
alors décidés à revendiquer, contre toutes les formes du scientisme, les droits
de la personne entendue comme l’esprit lui-même à l’œuvre dans la connaissance
comme dans l’action. Ce renouveau du spiritualisme se plaçait délibérément dans
la postérité de Maine de Biran, qui
avait su caractériser la personne morale comme saisie de soi en tant que cause
de l’effort volontaire, et de Bergson,
qui avait victorieusement combattu l’associationnisme et le mécanisme[5].
Dans
une étude sémantique sur prosôpon et persona dans l’Antiquité classique, M. Nédoncelle souligne l’évolution du
sens du mot persona. Dans son usage
au théâtre pour désigner le masque, il évoque autant l’intériorité de
l’individu humain que la relation par laquelle un autre, de l’extérieur, peut
aussi le percevoir et le désigner. Ainsi ce terme qui va prendre tant
d’importance dans le monde latin, spécialement dans le monde chrétien,
garde-t-il originellement une double évocation, ambiguë et complémentaire,
d’extériorité et d’intériorité. L’ambigüité se résout si la personne est prise
en perspective subjectivo-objective d’amour et de réciprocité. Sans doute
est-ce, chez Cicéron, le sens de
l’amitié, celui des relations sociales, mais aussi celui de l’intériorité du
Dieu unique, sens qui auront permis la justesse de sa notion de personne. On
saisit de même dans le néo-stoïcisme impérial, celui de Sénèque, d’Épictète, et
de Marc-Aurèle, le lien logique qui
unit une grande délicatesse dans les relations interhumaines en ouverture universelle,
d’une part, et un sens très interpersonnel de la relation à Dieu, d’autre part.
Avec la révélation chrétienne, la
personnalité de Dieu s’établit dans l’interpersonnalité du Père, du Fils, et de
l’Esprit, c’est-à-dire dans l’Amour personnalisé, ainsi révélé comme étant le
fondement même de l’Être[6].
L’exposé
qui précède n’a rien d’exhaustif. Son seul propos est de rappeler brièvement
les étapes du personnalisme. Même des auteurs importants, qui nécessiteraient
une étude nuancée, tels que Kierkegaard, n’y sont pas mentionnés. Par ailleurs,
il est évident que bien d’autres écoles philosophiques se sont disputé les
faveurs de l’Occident. Il n’en reste pas moins que ce courant, d’inspiration
profondément chrétienne, peut être considéré comme caractéristique de la
réflexion occidentale en tant qu’il a ses racines dans la pensée patristique et
médiévale. Il peut donc servir de représentant
qualifié d’une manière traditionnelle d’envisager la personne humaine en climat
chrétien. On sait que Carol Wojtyla en fut un des promoteurs et que son
humanisme personnaliste est le terreau d’où tire explicitement sa sève tout
l’enseignement de Jean-Paul II. Face
aux conceptions du bouddhisme, voilà donc un courant bien représentatif des
conceptions occidentales sur le moi humain.
II.
Face au non-moi du bouddhisme. Réponses dures: incompatibilité
Le
lecteur se rappellera que nous avons déjà parlé de l’anattā du bouddhisme dans notre Chapitre I – Le sujet de l’expérience religieuse. On
voudra bien s’y référer et relire les pages 14-17, où nous n’avons pas caché le
radicalisme du Dharma à ce propos.
C’est une doctrine classique et nette : pour cette philosophie, il n’y a
pas de moi personnel et les argumentations d’auteurs récents tels que Walpola
Rāhula ou Chögyam Trungpa sont actuellement bien connues. Nous n’allons
pas nous répéter. Le contraste avec le personnalisme chrétien est manifeste. Il
semble donc, à première vue, que la philosophie occidentale de la personne et
l’anattā bouddhique sont incompatibles.
On
trouve cette position dure chez Olivier Clément,
qui s’en tient en somme à l’antithèse entre la perte du moi orientale et le moi
retrouvé chrétien, en conclusion d’un article sur L’hésychasme [7].
Le
professeur René Habachi, Libanais catholique ayant vécu longtemps en Egypte,
est ancien directeur de la philosophie à l’Unesco. À plusieurs reprises, il
étudia le sujet[8]. Il publia
notamment un article dans les Études [9]:
Réincarnation ou immortalité. Il part
de la situation actuelle, qu’il caractérise en deux formules :
« fascination du moi » et « obsession du moi ». Il montre
comment notre Occident, terriblement fatigué de son « moi », cherche
à le fuir en se plongeant dans des expériences orientales de recueillement et
de méditation, où l’on espère trouver une issue aux angoisses par
l’intériorité. Mais au fond, il y a l’antagonisme de deux philosophies
inconciliables et chez pas mal de nos contemporains une confusion entre le psychique et le spirituel. On s’affaire
autour du moi psychique, oubliant la valeur intemporelle du Je, métaphysique.
Ce dernier seul surgit au-delà des impermanences et nous assure l’immortalité.
Cette étude est profonde et doit gagner l’adhésion de tout penseur qui a
l’esprit philosophique. Du moins en Occident. Car l’auteur accentue, me semble-t-il,
les oppositions et il est vraisemblable qu’il a moins saisi les valeurs
spécifiquement orientales.
C’est
dans un climat différent que nous mène l’œuvre récente d’un cistercien
hongrois, Gilbert Hardy, qui enseigne
à l’université de Dallas, au Texas : Monastic
Quest and Interreligious Dialogue[10].
Il s’agit d’une étude de religion comparée entre deux monachismes :
l’occidental, représenté par saint Benoît, l’oriental par Dôgen, qui
introduisit le Sôtô Zen au Japon en 1227. Ces deux maîtres diffèrent à bien des
égards ; c’est même pour cela que l’auteur les a choisis, car ils font
comprendre que, malgré bien des similitudes dans l’idéal de vie et les voies de
la pratique, les deux traditions spirituelles divergent en profondeur. Sans
rien forcer, l’observateur peut relever, en conclusion d’une étude attentive,
que nous sommes en présence de deux cheminements. D’une part, la Quête absolue
comme descente vers le véritable moi profond (to one’s true self) ; de l’autre, la Quête absolue comme
retour vers Dieu. En d’autres termes, nous sommes confrontés à une dialectique
de l’immanence et de la transcendance[11].
Au préalable, on n’a pas manqué de signaler le dépouillement du moi (the stripping of the self) comme une
condition de la voie monastique[12].
III.
Vers une conciliation
Si
je ne me trompe, une des raisons pour lesquelles les Occidentaux sont
allergiques au Nirvāna,
c’est qu’ils se le figurent comme un
anéantissement de l’être, ce qui tombe sous le coup d’accusation de nihilisme. Or il suffit d’avoir pratiqué
quelque peu les textes pour voir qu’il s’agit en réalité d’autre chose. Je
citerai d’abord notre ami Môhan Wijayaratna,
qui présenta en 1980 une thèse remarquable : Le renoncement au monde dans le monachisme bouddhique Theravāda et
dans le monachisme chrétien du désert (IVe siècle). Voici ce
qu’on y trouve [13]:
« Un ascète appelé Jambukādaka adressa à Sāriputta Thera cette
question : “Qu’est-ce donc, ami, que le nibbāna ?” Sāriputta Thera répondit :
“L’extinction du désir, l’extinction de la haine, l’extinction de l’égarement,
voilà, ô ami, ce qu’on appelle le nibbāna.”
(Samyutta, IV). Cet énoncé montre le
sens essentiel de la doctrine du nibbāna.
Il contient la signification d’un anéantissement expérimental, comme une
extinction d’un incendie. Le nibbāna
constitue un au-delà du chemin (magga)
et du fruit (phala), sa réalisation
signifie l’extinction du feu de la pensée qui brûlait. “Le monde est enflammé”,
dit le Bouddha (Samyutta, I, 31).
Selon lui (Vinaya, I, 34), “tout est
enflammé à cause du feu allumé par le désir, la haine et l’illusion, ainsi que
par la naissance, le déclin, la mort, les douleurs, les lamentations, le
chagrin, le désespoir, la souffrance. Pour cette raison, les disciples qui
avaient atteint le nibbāna
disaient qu’ils avaient éteint leur feu.”
Il
ne faudrait pas croire que cet état est purement négatif. Walpola Rāhula le décrit avec un certain
lyrisme :
« Celui qui a
réalisé la Vérité, le Nirvāna,
est l’être le plus heureux du monde. Il est libéré de tous les “complexes”, de
toutes les obsessions, des tracas, des difficultés et des problèmes qui
tourmentent les autres. Sa santé mentale est parfaite. Il ne regrette pas le
passé, il ne se préoccupe pas de l’avenir, il vit dans l’instant présent. Il apprécie
donc les choses et en jouit dans le sens le plus pur sans aucune “projection”
de son moi. Il est joyeux, il exulte, jouissant de la vie pure, ses facultés
satisfaites, libéré de l’anxiété, serein et paisible. Il est libre de désirs
égoïstes, de haine, d’ignorance, de vanité, d’orgueil, de tous empêchements, il
est pur et doux, plein d’un amour universel, de compassion, de bonté, de
sympathie, de compréhension et de tolérance. Il rend service aux autres de la
manière la plus pure, car il n’a pas de pensée pour lui-même, ne cherchant
aucun gain, n’accumulant rien, même les biens spirituels, parce qu’il est
libéré de l’illusion du Soi et de la “soif” de devenir[14]. »
Si W. Rahula cite
ce beau texte, c’est pour laver le bouddhisme de la fâcheuse réputation qu’il
endosse trop souvent : religion pessimiste… Mais ne pourrait-on pas y voir
davantage : une représentation évidente de ce qu’on peut appeler à juste
titre une personne, au vrai sens du mot, ouverte et pleinement épanouie ?
C’est le sens même du mot Bouddha en tibétain : sam-gyé.
Il
y a quelques années paraissait un livre assez volumineux et dont la lecture
exige de l’attention : Le
christianisme et les religions du monde. Islam, hindouisme, bouddhisme.[15].
À plusieurs reprises, Hans Küng y
affronte le problème du personnel et de l’apersonnel, soit à propos de
l’hindouisme, soit à propos du bouddhisme. Il s’agit tantôt de l’Absolu divin,
tantôt de la personne humaine. On n’accusera pas l’auteur d’être superficiel.
Les solutions qu’il propose ont de la profondeur. Ainsi dans l’article Compréhension de Dieu personnelle ou
apersonnelle ?[16]
Par contre, son examen critique de Nāgārjuna aboutit à des excès de
rationalité subtile[17].
Il mériterait qu’on lui adresse la remarque pertinente de Karl Rahner : « Parvenu à l’ultime
profondeur, ce que l’homme sait le mieux, c’est que son savoir (ou ce que l’on
désigne communément par ce terme) n’est qu’une petite île dans l’océan infini
qu’on ne peut traverser, et que la question existentielle qui se pose à celui
qui veut connaître est la suivante : préfère-t-il la petite île de son
prétendu savoir à la mer du mystère infini ?[18] »
Cependant, pour se limiter à notre problème, il faut tenir compte des
réflexions de Hans Küng sous le
titre : La dignité de la personne
humaine. Voici ce qu’il écrit à ce sujet:
« La façon
dont il convient de comprendre, en particulier, dans le contexte de l’interdépendance
mutuelle de toutes choses (phénomènes), la doctrine complémentaire de l’absence de moi, du non-moi (anātman) de l’homme est
sujette à controverses dans le bouddhisme. Même si elle a fait partie de
l’enseignement du Bouddha historique, il ne s’agit en tout cas pas encore chez
lui d’une doctrine métaphysique (fondamentalement récusée par le Bouddha), mais
d’une invitation éthique et pratique à une expérience[19] :
invitation à se détourner, dans une attitude de détachement, de
l’auto-attachement à ce monde des apparences, éphémère et rempli de
souffrances, à se libérer de l’égocentrisme du moi empirique, qui n’a pas de
consistance et est fondamentalement vide et sans valeur, pour accéder, par le
discernement du néant de toutes choses (en passant par la “grande mort”, comme
on l’appellera plus tard), à la délivrance.
En se situant dans cette perspective
éthique, on pourra dire que de telles réflexions fondamentales ne sont
nullement étrangères au christianisme. L’enjeu chrétien n’est-il pas
originairement la conversion (metanoia)
de tout l’homme de l’égocentrisme de
son moi au véritable soi ? Le moi empirique phénoménal ne doit-il pas
mourir, selon la conception chrétienne, pour accéder ainsi à la vie authentique
du soi véritable ? « Qui perdra sa vie la sauvegardera » (Lc.
17,33). Phrase clé, que maints bouddhistes citent volontiers aujourd’hui, dans
leur dialogue avec les chrétiens.
Les penseurs chrétiens qui ont
souvent compris la personne de façon individualiste, comme un individuum se suffisant à lui-même, se
préoccupent aujourd’hui d’une compréhension plus profonde, d’une compréhension relationnelle de la personne,
c’est-à-dire d’une compréhension de la personne humaine en relation – comme
être de relation. Ce faisant, ils réagissent contre cet individualisme
occidental fatal qui, en se réclamant du soi et de la réalisation de soi, a eu
des effets si dévastateurs sur la cohabitation humaine. Paul Knitter… a attiré l’attention sur une
connivence chrétienne étonnante – par-delà tous les malentendus – avec
l’interprétation de la doctrine bouddhiste du non-moi : « D’éminents
représentants chrétiens du dialogue reconnaissent que le bouddhisme aide les
chrétiens à percevoir et à éprouver que la véritable réalité de la personne
humaine ne consiste pas à être un individuum,
une entité donnée. Le véritable soi est radicalement, essentiellement et
perpétuellement en relation à l’autre soi et à toute réalité; son “être” est
toujours celui d’une continuelle “production dans la dépendance”; son être est
relationnel. Aussi le véritable soi est-il un soi vide de soi, qui perd et
trouve toujours son soi dans la relation à d’autre ! » Tel est donc
l’enjeu : éclatement de la conscience du moi et expérience d’une
conscience d’unité non égoïste, qui trouve son expression dans la
nature-de-bouddha du mahāyāna,
mais que des affirmations et des images bibliques (“être en Christ”, “je vis,
mais ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi”, “être un avec Dieu”)
permettent peut-être de comprendre sous un éclairage nouveau[20]. »
Les
penseurs catholiques ne sont pas les seuls à tâcher d’envisager la doctrine
bouddhiste dans un sens acceptable au christianisme. Directeur d’un centre
protestant d’études à Colombo (Sri Lanka), Lynn
A. de Silva publia en 1979 un livre important sur le sujet qui nous
occupe : The problem of the Self in
Buddhism and Christianity[21].
Il procède en deux temps. Négativement, la critique bouddhiste lui paraît
salutaire en ce qu’elle rejette toute conception d’un sujet-substance immuable
et autonome. Positivement, il rapproche le concept d’anattā (nécessaire évacuation du faux-moi, désappropriation)
et celui du pneuma paulinien : à
ce niveau l’esprit nous confère une dimension sociale, de relation aux autres,
requise pour éviter un caractère trop individualiste de l’anattā [22].
On ouvre ainsi la voie à une anthropologie chrétienne où le sujet se trouve en
se perdant, se reçoit des autres dans une communion qui différencie. Comme le
remarque le Père Jacques Scheuer [23]: « Ce
qui est ici énoncé positivement va certes au-delà de ce à quoi le bouddhisme
accepterait de souscrire, mais devrait satisfaire aux exigences bouddhistes du
non-soi (anattā). »
Le
sujet qui nous occupe n’intéresse pas seulement les philosophes, les
théologiens, les spécialistes de religion comparée. Il relève également de la
psychologie profonde, de la psychanalyse et de la psychothérapie. À ce titre,
il éveille depuis longtemps l’attention du Dr. Jean-Pierre Schnetzler dont on connaît les mérites pour
l’établissement de centres tibétains à travers la France. Ses convictions en
Dharma bouddhique n’ont jamais affecté son ouverture d’esprit pour les autres
voies spirituelles, comme en témoignent Les
Cahiers du bouddhisme et une sympathie avouée pour les valeurs du
christianisme. Voici, par exemple, ce qu’il écrivait sous le titre : « L’irréalité du moi et la
libération » [24]:
« La saisie
d’un Moi comme une entité réelle au sens ultime, c’est sur ce concept que porte
la négation du Bouddha, sur un concept qui pose le Moi comme une entité ultime,
absolue, autonome, existant par elle-même, ayant en elle-même sa raison
suffisante; elle ne porte pas sur l’existence du Moi considéré comme quelque
chose de relatif, interdépendant, d’un Moi empirique tel que nous allons
l’étudier de plus près au niveau de la réalité relative ou conventionnelle. En
effet, un tel Moi, corrélatif de l’existence d’autrui et de l’opposition du Moi
à autrui est le fondement pratique et dualiste de notre existence de tous les
jours telle que nous la connaissons et la vivons; il est aussi le fondement de
la souffrance universelle (p. 40)… La confusion de ces deux significations est
pathogène ; elle engendre la maladie et la souffrance, parce qu’elle est
un attachement passionnel pour ce qui n’a en fait que valeur de moyen, une valeur
fonctionnelle d’ailleurs indiscutable, le Moi étant quelque chose de très
précieux, mais dont la réalité est variable et transitoire, et dont le drame
est qu’il se prend pour quelque chose d’absolu. Pourquoi le Moi est-il ainsi
survalorisé ? Les motifs restent à préciser, mais on peut penser que
l’attribution au Moi de qualités telles que la solidité, la permanence,
l’unicité est empruntée au monde des objets matériels… et au premier rang de
ces objets, par notre propre corps (p.41)… Il est nécessaire d’avoir d’abord un
Moi qui fonctionne bien, un Moi fort, comme le disent les psychanalystes
(p.46)… Toute l’activité mentale de notre Moi est égocentrée, se prend pour le
centre du monde : elle est égoïste. Sa vision du monde est toujours
partielle, partiale, naïvement; nous absolutisons toujours notre point de vue.
De par son fonctionnement même, la vision du Moi est toujours dualiste… Tout
cela doit être dépassé. « Conformément à la vérité qui est en Jésus, il
vous faut, renonçant à votre existence passée, vous dépouiller du vieil
homme », dit saint Paul (Éphésiens IV,20-22), et il ajoute :
« Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi (Galates
II,20). » Ainsi, le christianisme enseigne aussi à tuer le vieil Adam, à
tuer le Moi. C’est un symbolisme général dans toutes les doctrines
traditionnelles (p. 46-47). »
Ici
s’achève notre citation du Docteur Schnetzler.
Quiconque
a une certaine connaissance de la philosophie de la personne, notamment en
contexte chrétien, se rendra compte que l’ego freudien ne lui est nullement
identique. La vraie personne humaine (qu’on se souvienne de la première partie
de notre exposé) est même à l’opposé de cette citadelle fermée sur soi,
égoïste, siège des angoisses et des obsessions. Elle se situe aux antipodes. La
personne chrétienne correspond davantage au parfaitement libéré du bouddhisme
que décrit avec lyrisme W.Rāhula. C’est une chose qu’a bien vue, non sans
une certaine audace, le Père Massein,
dans sa Postface au livre de Buddhadāsa,
Un bouddhiste dit le christianisme aux bouddhistes [25]:
« Dans mes
échanges avec les bouddhistes, ce qui m’apparaît de plus en plus est
l’apophatisme bouddhique concernant la personne : tout se passe comme s’il
fallait écarter toutes les notions susceptibles de pervertir cette réalité
mystérieuse – la personne – qui n’est jamais nommée; et aux yeux des
bouddhistes, l’ātman – tout
comme l’âme ou la réalité phénoménale individuelle – est une de ces notions.
L’enseignement de Buddhadāsa me paraît bien aller dans ce sens : “Pas
de Soi, en Soi, pour Soi”, répète-t-il sans cesse. Ce qu’il veut exorciser
ainsi, c’est la tentation de s’appuyer sur une réalité autonome, principe
d’auto-suffisance… alors que la loi de l’amour est l’hétéronomie. La personne
est justement le principe de communion qui fait exister un sujet comme ouvert
aux autres, et lui permet de transcender les limites de son individualité comme
de surmonter ses tentations d’autonomie et de fermeture. La notion bouddhique
d’anattā ne serait-elle pas plus
proche de la notion de personne que la notion d’ātman ? Lorsqu’un bouddhiste entend cette parole du
Seigneur : “Qui veut sauver sa vie, la perdra; mais qui perd sa vie à
cause de moi, la sauvera[26]”,
son cœur vibre à l’unisson du nôtre; n’aurions-nous pas là une expression
chrétienne de l’anattā ? »
Ce
n’est pas ici le lieu de présenter le livre du Vénérable Buddhadāsa. Nous en parlons ailleurs[27].
En toute hypothèse, nous sommes en présence d’un être d’exception. Par son
envergure spirituelle, aussi par son courage et son ouverture au christianisme.
Ce qui ne veut pas dire qu’un chrétien souscrirait à toutes ses argumentations.
Il est inévitable qu’il n’ait pu saisir toutes nos valeurs, comme nous ne
réussissons pas à toujours bien comprendre le bouddhisme. Son ouvrage fut
publié en français à l’initiative du Père Pierre Massein O.S.B. et grâce aux
labeurs de traduction du Père Edmond Pezet,
prêtre de la Société Auxiliaire des Missions. Ce dernier vécut des années en
Thaïlande et est sans doute un des missionnaires les mieux au courant du
bouddhisme de ce pays. Nous tenons à le citer parce qu’il eut évidemment à
rencontrer notre problème, comme en témoigne son article récent: Les religions…celles des autres et la nôtre,
paru dans la Lettre aux Communautés de
la Mission de France[28].
« Le point sur
lequel le bouddhisme s’est démarqué de l’hindouisme, c’est en proclamant “pas
d’Atman !”, c’est-à-dire pas
d’Atman individuel : pas de “principe” éternel de l’individu, pour entrer
en union-identité avec le Brahman
universel[29]. Car parler
d’un principe éternel, absolu, ultime, de l’individu particulier contredirait
la dualité du particulier individualisé, multiple. Il faut dire aussi que la
proclamation “pas d’Atman individuel”
n’est pas, dans la perspective bouddhiste, une négation, de mode indicatif, “de
ce qu’il y a ou de ce qu’il n’y a pas”, mais une consigne existentielle, de
mode performatif : “Qu’il n’y ait pas d’attachement à un soi individuel,
pris comme valeur ultime !”… “Pas d’Atman”
est pour les bouddhistes vérité éthique, fonctionnelle[30];
le point de vue spéculatif (ontologique, métaphysique) est sans intérêt, de
leur point de vue existentiel, pratique[31].”
Le bouddhisme le plus radical, non
théiste, voie du “Non soi”, du “Vide”, qui paraît évacuer toute valeur
personnelle, au moins théoriquement, en fait ne vise à “vider” que
l’attachement indu, égocentrique, à son propre “soi” individuel, particulier,
érigé en valeur absolue. Les valeurs de ce que nous appelons la “personne” sont
désignées comme “Non soi”. Ce n’est pas à entendre comme la négation ou le
reniement de “soi”, mais c’est la conversion du soi individuel, son
retournement. C’est la négation de l’égocentrisme, la kénose, le “Vide[32]”.
Ce que les bouddhistes désireraient
faire remarquer aux chrétiens, c’est que, à leur avis, s’ils veulent vraiment
entrer dans la voie spirituelle, ils devraient renoncer à vouloir sauvegarder
intact leur attachement à leur individualité particulière (puggala) jusqu’au terme ultime de la Voie. Salut ultime et
individualité particulière, ce n’est pas du même ordre de vérité : l’un,
Ultime, inconditionné de vérité ultime, l’autre d’expérience empirique, de
vérité relative, conventionnelle.
Mais alors, disent les chrétiens,
sans sauvegarde des individus, le salut ultime est fusion des individualités
dans le grand Tout : c’est du monisme, du panthéisme. Telles leur
apparaissent la mystique fusionnelle de l’hindouisme et la mystique bouddhiste
du Vide, du Non soi, du Nirvāna (“extinction”,
cela revient à peu près au même). Or, pour les chrétiens, le salut ultime,
communion avec Dieu, c’est “l’union sans confusion”, c’est la permanence de la
relation personnelle dans la communion. Dieu, l’Ultime, est personne, relation
tri-personnelle. Oui, mais la personne dont les chrétiens affirment la
permanence, et le particulier individualisé, multiple, de l’expérience
empirique, cela recouvre-t-il le même sens, la même valeur au sens
spirituel ? Les chrétiens affirmeraient-ils que Dieu est individu,
tri-individuel ? La désignation “individu” ne concerne qu’une
signification matérielle, empirique, relative à l’expérience empirique.
“Personne” renvoie à une signification spirituelle, vraie d’expérience
spirituelle; dans la perspective bouddhiste : An-attā, Non soi, vide de soi[33]. »
Nous
ne pouvons entrer ici dans une comparaison entre le Zen et la foi, ce qui nous entraînerait trop loin et déborde le
cadre de notre exposé. Il est cependant manifeste que les chrétiens qui
pratiquent le zazen ont dû forcément
rencontrer le problème qui nous occupe. Ne sont-ils pas en quête d’une
rencontre impersonnelle avec l’Être ? Celle-ci est-elle compatible avec la
prière chrétienne ? Un premier aperçu se trouve dans le petit livre
d’Alain Delaye « Le Zen et la
foi »[34]. On y cite
et commente brièvement la position des pionniers du dialogue : Enomiya
Lassalle, Ichiro Okumura, Shigeto Oshida, Thomas Merton, Aelred Graham,
Heinrich Dumoulin, William Johnston. On aurait pu ajouter J.K. Kadowaki. Il va
de soi que les livres mêmes de ces divers auteurs ont des études nuancées sur
la question.
Les
bouddhistes apprécieraient, je crois, les vues de Tauler parlant du fond de
l’âme. Chögyam Trungpa stigmatise
« un flux continu de bavardage mental ponctué par des éclats plus colorés
et intenses d’émotions ». Il nous souhaite « perçant au-delà de
l’agitation, de la pensée discursive, la couche nuageuse de bavardage qui nous
emplit l’esprit[35]. »
« La motivation inspirée provient de quelque chose qui est au-delà de la
pensée, au-delà des concepts du bon et du mauvais, du désirable et de
l’indésirable. Au-delà de la pensée se trouve une sorte d’intelligence qui est
notre nature fondamentale, notre fonds, une intelligence intuitive primordiale…
Ce type de motivation n’est pas intellectuel : il est intuitif[36]. »
Cependant, au moment où il décrit ce fond, il le représente comme un pur
espace, un désert[37], ce qui
correspond à la philosophie du Vide[38].
Gardons-nous d’y voir une entité métaphysique. C’est plutôt une disposition
psychologique, « une façon ouverte et créative de traiter les situations[39]. »
Au
sein du Mahāyāna existe une
école Yogācāra qui
ressemble à l’idéalisme de Fichte. Un seul grand Je y occupe la scène métaphysique; les sujets individuels ne sont
que l’affleurement empirique de ce Moi éternel qui se pense lui-même. Cet Esprit s’appelle « cognition
self-lumineuse » ; l’école est dénommée citta-mātra (esprit seulement)[40].
On
trouvera un bref exposé sur cette école dans un excellent petit livre : Méditation progressive sur la Vacuité.
Enseignement du Khenpo Tsultrim Gyamtso [41].
Plus intéressant à notre propos est le chapitre qu’il consacre à la Voie des Mādhyamika Shentong ou Vacuité qualifiée[42].
Lama Denys Teundroup s’exprime ainsi à ce sujet dans l’article Vajrayāna qui a paru dans le Dictionnaire des Religions de
Poupard [43]:
« Le tantrayāna s’appuie sur les points
de vue cittamātra et madhyamaka. Certaines de ses écoles les
intègrent dans la perspective dite des madhyamaka
chentong qui, tout en s’appuyant sur la démarche des mādhyamika classiques alors appelée madhyamaka rangtong, littéralement du “vide de nature propre” ou
“vide de soi”, met en valeur les qualités inhérentes à la vacuité. Le terme chentong qui caractérise cette approche madhyamaka signifie littéralement “vide
d’autre”, et s’interprète comme la “perfection absolue”, “vide de quelque chose
qui lui soit autre”, ce vide d’altérité étant celui des souillures adventices
que sont les illusions de la saisie dualiste. Śhūnyatā est alors une plénitude de vacuité ou
“vacuité-plénitude”, le vide de toute illusion étant concomitant avec la
plénitude de la réalité ultime, ou perfection absolue qui, bien que sa nature
soit absente de tout concept, est appelée dans le vajrayāna : luminosité-vide ou claire lumière. Toutes les
écoles madhyamaka ne développent pas
le point de vue du madhyamaka chentong,
mais elles ont néanmoins des perspectives très similaires, même si certaines
formulations diffèrent. »
On
remarquera que pareille manière de se représenter la Vacuité semble moins
éloignée que celle du madhyamaka rangtong
d’une conception « théiste ». Les chrétiens qui étudient ces choses y
trouvent un réel intérêt. C’est par exemple le cas de François Chenique, qui
lui consacra un article dans Les Cahiers
du bouddhisme [44]
et prépare une édition du texte fondamental de cette école. Il explique bien
les polémiques qui, historiquement, entourent l’interprétation de ce traité. En
ce domaine, on ne peut éviter des distinctions qui nous semblent subtiles, mais
qui s’imposent, vu la gravité de l’enjeu. On y rejoint, dans le vocabulaire des
philosophies de l’Inde et des érudits du Tibet, la précieuse (mais trop souvent
oubliée) tradition de l’apophatisme chrétien.
IV. Le
non-moi du christianisme
Le
titre de cette partie n’a pas l’intention d’être provocant ni d’afficher une
originalité indue. Ce n’est qu’un rappel de textes fondamentaux, on pourrait
presque dire fondateurs, de la spiritualité chrétienne. Le premier est l’hymne
solennelle qui se trouve dans l’épître de saint
Paul aux Philippiens (2,5-11): « Ayez entre vous la pensée même qui
fut en Christ Jésus. Lui qui, subsistant en forme de Dieu, n’a pas estimé comme
une usurpation d’être égal à Dieu, mais il s’est anéanti, prenant forme
d’esclave, devenant semblable aux hommes. Et par son aspect reconnu pour un
homme, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur
une croix ! C’est pourquoi Dieu l’a souverainement exalté et l’a glorifié
du nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou
fléchisse, dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue
proclame que Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père. »
Pour notre propos, on aura remarqué combien sont fortes les expressions qui
soulignent l’abaissement du Christ dans son incarnation : « Il s’est
anéanti, prenant forme d’esclave ». Le texte grec original est on ne peut
plus proche de la Vacuité bouddhique et de son anattā, quand il dit Alla
eauton ekenôsen (il s’est vidé
lui-même) morphên doulou labôn.
Saint Paul, aux Romains (12,1) en tirera les conséquences pour nous :
« Je vous exhorte donc, frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos
personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu : c’est là le culte
spirituel que vous avez à rendre. »
En
cela, il n’était nullement novateur. Jésus
lui-même y avait exhorté les siens. Je le cite dans saint Marc (8,34-36), mais on a une
formulation quasi identique en Matthieu et en Luc : « Appelant la
foule en même temps que ses disciples, il leur dit : “Si quelqu’un veut
venir à ma suite, qu’il se renonce,
qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive ! Car celui qui voudra
sauver sa vie la perdra, mais celui qui
perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. »
Parmi
les dernières déclarations publiques de Jésus : « En vérité, je vous
le dis: si le grain de blé jeté en terre ne meurt pas, il reste seul ;
mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd, et qui
hait sa vie en ce monde la conservera pour la vie éternelle. » (Jean 12,24-25).
On
peut lire ce beau témoignage sous la plume d’un bouddhiste de grande classe, le
maître thaïlandais Buddhadhāsa :
« Du point de vue d’un bouddhiste, Jésus a triomphé à la fois dans sa
mission et comme individu (or Buddhadhāsa sait parfaitement qu’à première
vue la passion et la mort sur la croix furent un échec). En tant que personne,
il n’était pas lié à ce monde ni aux choses mondaines. Dans sa mission, il
réussit à en convertir d’autres en mettant sa vie en jeu. En d’autres termes,
il avait survécu à toutes sortes d’enchevêtrements (entanglements), quels qu’ils soient, au sens bouddhiste du mot. “Ô
moines, disait le Seigneur Bouddha, je suis maintenant libre de toute espèce
d’entraves (shackles), qu’elles
soient divines ou humaines, et vous tous, vous êtes aussi libérés de toute
espèce d’entraves, qu’elles soient divines ou humaines.” Il vise à l’ultime
victoire par-dessus tout le reste. Nous pourrions donc dire qu’un des traits
les plus importants dans un prophète, c’est qu’ils sont tous des vainqueurs.
Nous, bouddhistes, regardons Jésus comme l’un des vainqueurs[45]. »
« Va,
vends ce que tu possèdes et suis-moi » , dit Jésus au jeune homme
riche (Marc 10,21). Or il ne s’agit pas seulement de renoncer aux biens
matériels. Il faut surtout se renoncer soi-même, comme nous y invite l’Imitation de Jésus Christ : « Fili,
relinque te et invenies me [46]».
Et comme le réalisa saint Paul : « Je suis crucifié avec le Christ.
Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi[47]. »
Maurice
Blondel écrit : « L’homme
ne peut gagner son être qu’en le reniant en quelque façon pour le rapporter à
son principe et à sa fin. Renoncer à ce qu’il a de propre et anéantir ce néant
qu’il est (anéantir tout ce qui, en nous, est néant, c’est-à-dire tout ce qui
n’est pas amour), c’est recevoir cette vie pleine à laquelle il aspire, mais
dont il n’a pas la source en soi. Il faut donner le tout pour le tout[48]. »
À
ce niveau, on rejoint comme naturellement les affirmations audacieuses de Maître Eckhart, qui attirent à bon droit
l’attention de nos contemporains. Ceux d’entre eux qui ont une certaine
connaissance de l’hindouisme ne manquent pas de le comparer avec l’acosmisme de
Shankara, « ce bouddhiste
déguisé ». Et bien qu’il faille tenir compte de distinctions importantes,
les travaux sérieux en ce domaine ne manquent pas de nos jours[49].
Certains
livres sur le Yoga, avec moins de
technicité, ont des réflexions judicieuses sur les diverses voies de la
contemplation, qu’elles s’enracinent dans les religions orientales ou dans la mystique
chrétienne[50].
De
son côté, saint Jean de la Croix
mérite l’intérêt des spécialistes de religion comparée. Représentant
remarquable de notre tradition apophatique, le radicalisme de son détachement
le rend proche de l’anattā
bouddhique bien comprise. Évidemment, le fond doctrinal de la religion révélée
n’est pas celui des Quatre nobles vérités. Mais si l’examen est fait avec les
restrictions légitimes, on comprend l’emprise de sa spiritualité sur les
bouddhistes qui en ont fait la découverte[51].
Un
grand spirituel de notre temps, Dom Bède
Griffiths, réalisant une heureuse synthèse des traditions orientales et des
expériences chrétiennes, eut évidemment l’attention attirée par le problème de
la personnalité. Au soir de sa vie, un petit livret, The Universal Christ [52]
nous donne l’essentiel de ses réflexions. On y trouve d’une part des
formulations « teilhardiennes » sur l’union des personnes dans le
Corps Mystique qui englobe l’humanité (p. 9, 11, 23, 60). Par ailleurs, influencé
par l’hindouisme, il est vigoureux dans son insistance sur le détachement du
faux moi, du sujet empirique (p.37, 38, 43, 50), à quoi l’aide la division
tripartite de l’homme en anthropologie. En voici un exemple (p.38) :
Le vrai soi (The true self)
« Des
êtres humains pleinement réalisés sont plus que corps et âme (psychè). Ils sont
corps, âme et esprit. L’esprit est là, à l’intérieur de tout être humain. Se
référer consciemment à “l’esprit” est, dans les termes de Jésus, découvrir le
vrai soi. Sans cette “réalisation de soi”, nous vivons comme des êtres humains
isolés. Nous ne sommes pas accomplis et manquons notre destinée d’êtres
humains. Unis à notre personnalité vraie et transcendantale, nous trouvons
notre union au Christ. En outre, nous découvrons une vraie unité ou communion
avec les autres. Toutes les barrières de séparation sont dépassées. Plus
encore, nous trouvons une unité avec toute la création. L’unité du genre humain
ne peut jamais être atteinte au seul niveau du corps et de l’âme. Ce n’est que
lorsque nous nous éveillons au vrai soi que nous pouvons trouver la vraie
harmonie avec les autres et avec l’ordre créé. »
Catherine de Sienne (1347-1380) n’était
certes pas dénuée de personnalité. Cette simple vierge italienne eut assez
d’ascendant sur le Pape Grégoire XI établi en Avignon pour l’amener à rentrer à
Rome, en 1337. Sa vie mystique était franchement nuptiale, toute d’amour pour
son Seigneur (« Pense à moi, je penserai à toi »). Ce qui ne
l’empêcha point d’écrire ces lignes : « L’homme n’est rien par
lui-même, il ne possède rien. Il n’existe qu’en son Créateur dont il a reçu
tout ce qu’il possède. Uni à ce Créateur qui est l’Amour infini, l’éternelle
Vérité, la Sagesse innée, cet homme participe aux qualités de Dieu, dans les
limites humaines naturellement… L’amour de son moi, c’est-à-dire de quelque
chose qui, en soi, n’a pas de réalité, mène au néant, c’est la poursuite d’un
objet toujours fuyant parce qu’inexistant. Un amour si purement égoïste n’est
rien, la vérité lui échappe, sa sagesse se révèle folie, sa justice injustice,
et pour finir les déceptions et les erreurs le conduiront à l’enfer, au démon,
qui est déception et stérilité[53]. »
Jean
Tauler (1300-1361), dominicain de
Strasbourg, est, dans la lignée de Maître Eckhart, un bon représentant de la
mystique rhénane. Voici ce qu’il écrivait sur le thème : Comment nous préparer à recevoir
l’Esprit : « La première et principale préparation pour recevoir
le Saint-Esprit, c’est le vide. Plus ce vide est complet, plus la capacité est
grande… Laissez-vous donc prendre par l’Esprit-Saint. Qu’il vous vide, qu’il
vous prépare lui-même, de telle sorte que vous ne vous attachiez à rien, que
vous paraissiez ne rien faire, ne rien sentir, mais seulement vous plonger dans
votre pur néant. Si telle n’est pas votre attitude, à coup sûr vous mettrez
obstacle au Saint-Esprit, qui ne pourra pas agir en vous dans la plénitude de
sa force. Mais hélas! personne ne veut entrer dans cette voie[54]. »
Nul
ne soupçonnera l’orthodoxie de saint
Bernard. Admirable commentateur du Cantique
des cantiques, il est un des représentants achevés d’une mystique
personnelle. Or il sut aussi exprimer des vues qui ne nous semblent pas très
éloignées de la śūnyatā.
Ainsi dans cette page du Traité de
l’amour de Dieu :
« Seigneur,
que votre volonté s’accomplisse sur la terre comme au ciel. » Ô amour
chaste et saint! Ô suave et douce affection! Ô intention pure et désintéressée
de la volonté, et d’autant plus désintéressée et plus pure qu’elle ne retient
en soi aucun mélange d’esprit propre, d’autant plus suave et plus douce qu’elle
ne ressent plus rien que de divin. Être transformé de la sorte, c’est être
déifié. De même qu’une petite goutte d’eau versée dans une grande quantité de
vin semble perdre tout son être et prendre en même temps la saveur et la
couleur du vin, de même qu’un morceau de fer tout embrasé et tout pénétré du
feu, dépouillé de la forme première qui lui était propre, ressemble
parfaitement au feu lui-même, et de même encore que l’air de toutes parts
éclairé par la lumière du soleil devient si semblable à cette même clarté de la
lumière que vous la prendriez plutôt pour la lumière même que pour un air
pénétré de lumière, ainsi, toute l’affection humaine, chez les saints, se fond
elle-même comme nécessairement d’une manière inexprimable et se transforme
alors tout entière en la volonté de Dieu. Comment pourrait-on dire autrement et
en vérité que Dieu est tout en nous, s’il devait rester encore en l’homme
quelque chose de l’homme? Sa substance, il est vrai, demeurera, mais sous une
autre forme, dans une autre gloire, et avec une autre puissance[55]. »
On
pourrait encore citer plusieurs passages où l’auteur
de l’Imitation se montre extrêmement proche de la Vacuité. Il est convaincu
de son néant devant Dieu. Ainsi au livre III :
-
Chap. 14,3 : « O quam profunde
submittere me debeo sub abyssalibus judiciis tuis, Domine : ubi nihil
aliud me esse invenio quam nihil et nihil!… O pelagus intransnatabile :
ubi nihil de me reperio quam in toto nihil! » « O combien
profondément dois-je me soumettre à vos jugements insondables, Seigneur, devant
lesquels je découvre que je ne suis qu’un rien, qu’un néant !… O mer
infranchissable où je ne trouve aucune autre chose de moi sinon qu’un néant
dans ce qui est tout. »
-
Chap. 31,2 : « Et quidquid Deus
non est, nihil est, et pro nihilo computari debet. » « Tout ce qui
n’est pas Dieu n’est rien et doit être compté pour rien. »
-
Chap. 40,1 : « Domine, nihil
sum, nihil possum, nihil boni ex me habeo ; sed in omnibus deficio, et ad
nihil semper tendo. » « Seigneur, je ne suis rien, je ne puis rien,
je n’ai de moi-même rien de bon, mais je suis déficient en tout et je tends
toujours au néant. »
NOTES
[1] Elle a paru dans Convergence du
christianisme et du bouddhisme. Les
Dossiers du Dharma, 18. Éditions
Prajña, Arvillard, 1993, p. 65 – 94. Texte abrégé dans la revue Dharma, nº 18, p. 37 – 43.
[2] Presses Universitaires de France, 5e éd., 1947, p. 741.
[3] Encyclopédie Catholicisme, Letouzey et Ané, 1988, tome 11, col. 30, par Paul GUILLUY.
[4] Catholicisme, tome 11, col 22 – 30, par André A. DEVAUX.
[5] Article cité note 4, col. 23 – 26.
[6] Article cité note 3, col. 34 – 35, 37 – 38.
[7] Dans Collectanea Cisterciensia, 1991 – 1, p. 18 – 19.
[8] Par exemple, dans la Revue Teilhard de Chardin, nº 108 – 109, septembre – décembre 1987, p. 37 – 41 : Recueillement Teilhardien et recueillement asiatique.
[9] Études, novembre 1988, p. 521 – 532.
[10] New York, Peter Lang, 1990, XII – 285 p.
[11] op. cit., 195 – 221.
[12] op. cit., p. 33 – 37.
[13] Thèse de Doctorat de troisième cycle à l’Université de Paris – Sorbonne, page 381 du tome I.
[14] WALPOLA RAHULA – L’enseignement du Bouddha d’après les textes les plus anciens. Éd. du Seuil, Points – Sagesses, 1978, p. 66 – 67.
[15] H. KÜNG, J VAN ESS, H. von STIETENCRON, H. BECHERT. Éd. du Seuil, 1986, 624 p.
[16] À propos de l’hindouisme, p. 290 – 292.
[17] Pages 538 – 541.
[18] Cité par H. WALDENFELS, La méditation en Orient et en Occident. Éd. du Seuil, 1981, p. 72. Karl RAHNER, Schriften zur Theologie, IV, p. 79.
[19] « Une invitation éthique et pratique à une expérience .»
Plutôt : thérapeutique et
libératrice. Par le dépassement de toute illusion, accéder à la délivrance
du sa-sāra (de l’ego et de la dualité et des passions qui en découlent). C’est
une perspective de délivrance.
[20] Livre cité à la note 15, p. 521 – 522. Il faut cependant tenir compte de la réaction de Mrs Shenpen Hookham à la phrase : « Le véritable soi est radicalement… en relation à l’autre soi et à toute réalité. » « Ceci n’est pas bouddhiste, affirme-t-elle, en dépit de ce qu’on répète souvent, car on reste ainsi en perspective d’ego, de dualité. »
[21] Coll. Library of Philosophy and Religion. London, Macmillan Press, 1979, XV – 185 p.
[22] Cité et résumé dans la revue Exchange, Leiden, nº 18, december 1977, p. 32 – 33.
[23] Dans la Nouvelle Revue Théologique, t. 103, juillet – août 1981, p. 611.
[24] Dans Les Cahiers du bouddhisme, nº 15, décembre 1982, p. 37 – 50.
[25] Coll. Jésus et Jésus-Christ, Desclée, 1987, p. 197 – 198.
[26] Luc 9, 24 et les textes parallèles (Mtt., Mc et Jean).
[27] Compte rendu dans Collectanea Cisterciensia, 1922, p. (159) – (160) du Bulletin de spiritualité monastique.
[28] Numéro 152, janvier – février 1992, p. 34-66.
[29] Ajouter : « non-dualiste » (Lama Denys Teundroup)
[30] « Vérité éthique, fonctionnelle ». Plutôt « thérapeutique et libératrice ». La « nature du Bouddha » n’est pas considérée comme une position métaphysique, mais comme une thérapeutique ; on veille à la purifier. Dieu est la santé fondamentale, le sain parfait (Lama Denys).
[31] Article cité à la note 28, p. 46.
[32] Même article, p. 38.
[33] Même article, p. 56 – 57.
[34] Éditions du Carmel, La Plesse, Avrillé, 1974.
[35] Pratique de la voie tibétaine. Au-delà du matérialisme spirituel. Éd. du Seuil, Points. Sagesses, 1976, p. 163.
[36] op. cit., p. 159.
[37] op. cit., p. 124.
[38] Voir le chapitre intitulé Śūnyatā, op. cit., p. 181 – 199.
[39] op. cit., p. 159.
[40] op. cit., p. 188 – 190.
[41] Traduit par Jérôme EYDOU. Kagyu Tekchen Shedra. Institut d’Études Bouddhistes Mahāyāna. Saint-Léon-sur-Vézère, F – 24290 Montignac, France. Sur cette école, p. 33 – 42.
[42] op. cit., 61 – 65.
[43] P.U.F., 3e éd., 1993, p. 2088 – 2089.
[44] Numéro 15, décembre 1982, p. 20 – 36. L’interprétation du Ratnagotra – Vibhāga (c’est ce qu’on appelle le rGyud-blama, la continuité absolue). Voir surtout p. 28 – 31.
[45] Christianity and Buddhism, by BHIKKHU BUDDHADHASA INDAPAÑÑO, Thailand, p. 97 – 98.
[46] Livre III, chap, 37, 1 : « Mon fils, quitte-toi, et tu me trouveras. » Il dit ailleurs : Non quaero dona tua, sed te. « Ce ne sont pas tes dons que je cherche, mais toi-même. »
[47] Galates 2, 19 – 20.
[48] Cité par François VARILLON : Joie de croire, joie de vivre. Le Centurion, 1981, p. 275.
[49] Signalons en particulier : Bernard BARZEL, Mystique de l’Ineffable dans l’hindouisme et le christianisme. Çankara et Eckhart, Éd. du Cerf, 1982. Doctrine de la non-dualité (advaita-vāda) et christianisme par Un moine d’Occident (=le Père Élie Levée, de la Grande Trappe. Il écrivait sous le pseudonyme d’Élie Lemoine dans les Études traditionnelles).
[50] Ainsi Yoga, contemplation, amour, par Jean-Michel DUMORTIER, O.C.D. et SWAMI AMALDAS (camaldule indien). Éd. du Cerf, 1980.
[51] Il faut recommander le livre d’un Swāmi de la Ramakrishna Mission : Pensée indienne et Mystique carmélitaine par SWAMI SIDDHESWARANANDA, Centre Védantique Râmakrichna, 77 – Gretz – Armainvilliers, 1974.
[52] The Universal Christ. Daily Readings with Bede Griffiths . Introduced and edited by Peter Spink. London, Darton, Longman and Todd, 1990.
[53] Catherine de Sienne, par Sigrid UNDSET, Bruxelles, Biblis, 1953, p. 148.
[54] Œuvres complètes de JEAN TAULER. Traduction par E.-Pierre NOËL, O.P., Paris, Tralin, 1911, Tome III, p. 33. Deuxième sermon pour la Pentecôte.
[55] Traité de l’amour de Dieu, X, 27 – 28. Dans Saint Bernard. Prière et union à Dieu. Textes choisis et présentés par Jean Châtillon. Paris, Éditions de l’Orante, 1953, p. 270 – 271.