5e
dimanche
de
Carême :
Jn
11,1-45. Mars 2011 Ce
passage
d’évangile
s’ouvre
un
peu
comme
un
conte :
«Un homme était tombé malade. C’était Lazare, de Béthanie, le village de
Marie
et
de
sa
sœur… ».
On
pourrait
y
ajouter :
« Il était une fois… Il était une fois un
homme
qui
était
tombé
malade.
C’était
Lazare…».
Le Petit Robert propose trois définitions pour le mot conte :
« récit
de
faits
réels ;
court
récit
de
faits,
d’aventures
imaginaires,
destinés
à
distraire ;
histoire
invraisemblable
et
mensongère ».
Avec
ce
texte,
sommes-nous
devant
des
faits
réels ?
Dans
ce
cas
il
faudra
préciser
lesquels.
Ou
sommes-nous
face
à
une
histoire
finalement
invraisemblable ?
Le
retour
d’un
mort
à
la
vie… On
nous
parle
ici
des
amis
de
Jésus.
Je
note
au
passage
qu’il
peut
être
bon
pour
nous
de
savoir
que
Jésus
avait
des
amis.
Même
entouré
des
douze
apôtres,
on
l’imagine
facilement
comme
un
solitaire
inatteignable.
Peut-être
que
cette
petite
remarque
nous
aidera
à
mettre
le
doigt
sur
toutes
nos
fausses
représentations
de
Jésus
dans
lesquelles,
finalement,
nous
l’enfermons
comme
dans
un
tombeau. Je
ne
développerai
pas
le
passage
du
dialogue
de
Jésus
avec
ses
disciples.
Il
y
est
notamment
question
de
lumière
et
de
ténèbres,
et
on
vous
en
parlé
avec
l’évangile
du
4e
dimanche.
Je
relève
simplement
la
phrase
de
Thomas :
« Allons-y
nous
aussi,
pour
mourir
avec
lui ! ».
C’est
la
version
johannique
du
verset
plus
connu
des
synoptiques :
« Si
quelqu’un
veut
venir
à
ma
suite,
qu’il
renonce
à
lui-même
et
prenne
sa
croix,
et
qu’il
me
suive. »
(Mc
8,
34).
Suivons
donc
Jésus
dans
ce
récit. « Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre ». Marthe, fidèle à l’image de femme active qu’on connaît d’elle, s’en va au devant de Jésus dès qu’elle apprend sa venue. Pourtant, là aussi, il ne faudrait pas la réduire à son tempérament. Une traduction littérale donnerait : « Marthe, lorsqu’elle entendit que Jésus vient, vint à sa rencontre ». Marthe, comme les brebis du bon pasteur, entend sa voix. Elle est aussi celle qui vient à ‘Celui qui vient’. « Jésus vient », c’est ce que Jean nous dit lors des récits d’apparition du Ressuscité au chapitre 20 (versets 19, 24 et 26). Ce récit du retour à la vie de Lazare a, nous le verrons, de nombreux parallèles avec les récits de la passion et de la résurrection du Seigneur. Pourtant, comme le fera Marie, les premières paroles de Marthe à Jésus sonnent un peu comme un reproche : « Seigneur, tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ». Et il est vrai que Jésus a attendu avant de rejoindre Béthanie : « il demeura pourtant deux jours à l’endroit où il se trouvait ». Difficile pour nous de comprendre cette attitude de Jésus. Ce silence de Dieu a peut-être pour rôle de purifier notre relation à lui : « il n’est pas un talisman contre la maladie et la mort » (Yves Simoens) ; il n’est pas là pour nous éviter solitude, larmes et drame de la mort. L’homme s’est toujours interrogé face à la souffrance et la mort. Il semblerait qu’aujourd’hui, dans nos sociétés occidentales, son interrogation ou sa révolte soit différente : le souci du bien-être est si présent, et la médecine a fait tellement de progrès, qu’on ne comprend pas, qu’on ne comprend plus, quand cette dernière doit se reconnaitre impuissante face à la souffrance ou à la mort. « Il était une fois un homme qui ne pouvait plus tomber malade… » C’est là une de nos nouvelles illusions, l’un de nos nombreux refus de notre condition. Jésus n’est évidemment pas du côté de la maladie et de la mort, mais il nous rappelle qu’il ne faut pas les nier, mais les traverser. En
contrepoint
de
ce
que
nous
venons
de
dire,
on
peut
mentionner
la
question
de
l’euthanasie
où,
cette
fois,
c’est
la
société
qui
tend
à
ne
plus
repousser
la
mort.
Citons
alors
Mgr
André
Vingt-Trois :
« La dignité n’est pas de chercher dans la mort la solution aux situations
graves
et
angoissantes
auxquelles
tous
les
hommes
sont
confrontés
un
jour
ou
l’autre. » Marthe
exprime
néanmoins
un
fol
espoir :
« Mais je sais que, maintenant encore, Dieu t’accordera tout ce que tu lui
demanderas. »
Au-delà
de
ce
qu’il
y
aurait
à
purifier
dans
son
rapport
à
Jésus,
Marthe
a
conscience
d’une
relation
privilégiée,
unique,
de
Jésus
à
Dieu.
Et
c’est
donc
par
Jésus
qu’elle
tente
d’entrer
en
relation
avec
Dieu.
Le
Christ,
notre
unique
médiateur. Et
Jésus
fait
cette
déclaration : « Moi, je suis la Résurrection et la Vie. Celui qui croit en moi, même s’il
meurt,
vivra ;
et
tout
homme
qui
vit
et
qui
croit
en
moi
ne
mourra
jamais. »
Je
ne
développe
pas
cette
phrase
capitale
car,
finalement,
c’est
ce
que
fait
tout
notre
récit.
Je
précise
néanmoins
que
« Je suis » est le nom de Dieu, et qu’ainsi
Jésus
s’identifie
à
lui. A la question « Crois-tu cela ? », Marthe répond : « Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois ; tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde ». « Oui, Seigneur », comme Pierre au chapitre 21, les deux premières fois où Jésus lui pose la question : « m’aimes-tu ? ». Marthe croit comme elle peut, autant qu’elle peut ; elle croit là où elle en est. C’est peut-être cela cette foi grosse comme une graine de moutarde qui peut soulever les montagnes : Dieu ne nous demande pas (et j’ajouterais peut-être ‘ ne nous demande pas encore’…) la plus grande foi du monde, mais simplement toute celle que nous avons, toute celle dont nous sommes capables : la graine de moutarde est petite, mais elle grosse parce qu’elle est une, vraie, entière. « Avant tous nos efforts, avant nos fidélités
de
détail
et
nos
initiatives,
la
première
chose
que
Dieu
nous
demande
c’est
de
dire
oui.
Ce
n’est
pas
un
acte
de
vertu…
(Cette)
victoire…est
plutôt
une
défaite,
c’est
une
capitulation.
Que
va-t-il
arriver
après ?
Nous
n’en
savons
rien.
Serons-nous
capables
de
tenir ?
Nous
ne
le
savons
pas
non
plus,
et
nous
n’avons
pas
à
le
savoir :
il
suffit
de
faire
confiance,
de
donner
sa
confiance. »
(M.D.Molinié,
o.p.) « Je crois » : le temps employé ici est le parfait qui exprime la durée et la permanence : je crois, j’ai cru, je croirai. « Tu es…celui qui vient dans le monde ».
Celui
qui
vient,
le
Messie,
est
celui
qui
vient
réaliser
les
attentes
d’Israël.
Est-ce
que
je
dis
la
même
chose
au
Seigneur ?
Est-ce
que
je
lui
dis :
tu
es
celui
qui
vient
réaliser
mes
attentes,
mon
espérance,
ma
vie ?
Il
ne
s’agit
pas
ici
de
porter
un
jugement
moral,
mais
plutôt
de
mieux
entendre
l’appel
que
Dieu
nous
adresse.
Entendre
son
désir
de
nous
et
pour
nous.
Découvrir
le
chemin
qu’il
veut
parcourir
avec
nous.
C’est
certainement
ce
retentissement
en
elle
qui
pousse
Marthe
à
retrouver
Marie
et
à
lui
dire
tout
bas, du
fond
de
son
intériorité,
de
son
intimité :
« Le maître est là, il t’appelle ». Cette voix de Marthe doit évidemment
être
celle
de
l’Eglise,
et
donc
la
nôtre. « Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva aussitôt et partit rejoindre Jésus. » Marie semble être ici la première ressuscitée, et il y a chez elle un empressement qui rappelle la joie de Marie, la mère de Jésus, à la suite de l’annonciation en Luc 1, 39. Marie de Béthanie est, elle aussi, cette brebis qui entend la voix du bon pasteur. Marie, comme Marthe, va vers Celui qui vient. Elle se jette à ses pieds : geste de désespoir ou geste du disciple ? Elle aussi exprime comme un reproche, mais elle ne va pas plus loin. Difficile à dire alors si sa foi est moins grande que celle de Marthe, ou si au contraire elle s’abandonne dans le silence et la confiance au Seigneur. La
figure
de
Marie
peut
être
aussi
rapprochée
de
Marie-Madeleine
au
matin
de
la
résurrection ;
les
deux
récits
se
rejoignant
sur
plusieurs
points. Et
« Jésus
fut
bouleversé
d’une
émotion
profonde ».
La
traduction
française
est
certainement
trompeuse.
Il
s’agit
en
réalité
d’un
trouble
qui
exprime
de
la
colère,
un
débat,
une
lutte.
Jésus
entre
dans
un
combat
contre
la
mort :
un
combat
contre
la
mort
de
Lazare,
mais
surtout
un
combat
contre
sa
propre
mort
et
donc
contre
celle
de
tous
les
hommes.
On
retrouve
la
même
expression
au
chapitre
12
dans
ce
qui
équivaut
en
Jean
à
l’agonie
de
Gethsémani :
« Maintenant mon âme est troublée… » (v.27). Elle est présente
aussi
lorsque
Jésus
annonce
la
trahison
de
Judas
(13,21).
Incontestablement,
Jésus
est
face
à
sa
propre
mort. Il
demande
où
est
le
corps
et
on
lui
répond :
« Viens voir ». Ce sont les mêmes paroles que Philippe dit à Nathanaël
quand
il
lui
annonce
qu’il
a
trouvé
le
Messie
(1,
46).
Là
où
Dieu
nous
invite
à
venir
voir
la
vie,
nous
ne
lui
présentons
que
la
mort,
que
nos
petites
et
grandes
morts,
mais
c’est
pour
qu’il
les
fasse
revenir
à
la
vie.
Présentons
à
Dieu
nos
morts,
ce
qui
nous
paraît
définitif,
sans
issue.
Un
proverbe
chinois
dit :
« Aime-moi
lorsque
je
le
mérite
le
moins,
car
c’est
alors
que
j’en
ai
le
plus
besoin. » « Alors Jésus pleura ». Trois petits mots pour constituer certainement le plus court verset des évangiles. Un verset tellement court que finalement il se prolonge. Il laisse place au silence comme pour permettre aux mots qui manquent d’être dits ou pensés. Et le verbe grec utilisé ici indique bien un pleur silencieux, contrairement à celui de Marie et des juifs. Un pleur silencieux qui pourrait être un point final à ce récit. Lazare est mort et il faut se rendre à l’évidence, il n’y a plus rien à faire : Dieu se tait, la vie se tait. Ces
larmes
sont
peut-être
comme
ces
gouttes
de
sang
qui
perlent
le
visage
de
Jésus
lors
de
son
agonie
en
Luc
22,44.
Mais
elles
sont
aussi
peut-être
de
ces
larmes
de
joie,
car
Jésus
connaît
le
projet
du
Père
et
la
puissance
de
son
amour.
Comme
Marthe
qui,
par
ses
paroles,
redonne
vie
à
Marie,
Jésus
sait
qu’il
est
« la
Résurrection
et
la
Vie »
et
qu’il
est venu
pour
que
nous
ayons
la
vie
en
plénitude
(cf.
Jn
10,10). Certains
juifs
exprimeront
encore
un
reproche : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare
de
mourir ? ».
On
pourrait
mettre
cette
parole
en
écho
avec
celle
que
Jésus
entendra
sur
la
croix : « Il en a sauvé d’autres. Qu’il se sauve lui-même… »
(Lc
23,35).
Le
tombeau
nous
renvoie
évidemment
là
aussi
à
la
passion
et
à
la
résurrection.
La
pierre
qui
ferme
la
grotte
est
enlevée
comme
au
jour
de
Pâques. Le
récit
va
de
nouveau
nous
laisser
en
suspens.
C’est
d’abord
l’intervention
de
Marthe :
« Mais,
Seigneur,
il
sent
déjà ;
voilà
quatre
jours… ».
Marthe
exprime
sa
répugnance,
sa
peur
de
la
mort ;
et
nous
sommes
comme
elle.
Mais
c’est
aussi,
excusez-moi
du
terme,
notre
propre
‘puanteur’
qu’il
faut
présenter
au
Seigneur
car,
les
évènements
du
monde,
et
notamment
en
Lybie,
nous
montrent
bien
que
cette
‘puanteur’
existe,
et
qu’elle
se
tapit
certainement
dans
tout
homme. Les
quatre
jours
signifient,
dans
la
tradition
biblique,
qu’il
n’y
a
plus
rien
à
espérer ;
le
délai
de
trois
jours
est
passé. Autre suspens dans le récit, les paroles de Jésus à son Père. Jésus lui rend grâce. Comme le dit Evode Beaucamp : « Action de ‘grâces’ ne s’identifie pas à ‘remerciements’. Il s’agit d’un cri d’admiration ». Jésus rend grâce devant la grandeur de l’œuvre d’amour du Père. Il se sait déjà exaucé ; il est sûr de son Père car il « ne demande que ce qu’il sait être la volonté du Père » (note bible Osty). Cette prière est de la même veine que celle du chapitre 17 qu’on appelle la prière sacerdotale : « Père, l’heure est venue, glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie et…qu’il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés » (v.1-2). Le Fils ne retient pas jalousement la gloire que le Père lui donne, mais il nous en rend participant par la foi. On a vu que Jésus avait des amis, des troubles et des larmes, des combats à mener. Jésus est bel et bien comme nous, mais ce qui le distingue, c’est cette relation au Père, ou plus exactement cette confiance inébranlable en lui et sa fidélité à sa volonté. Et cette vie, cette résurrection, cette gloire qu’il nous offre, c’est justement de participer à cet amour du Père. Cette vie que Dieu nous donne, c’est la relation entre le Père et le Fils et le Saint-Esprit. « Être exaucé par le Père, c’est le propre du
Fils.
Et
cela
nous
est
promis
en
tant
que
nous
sommes
enfants
du
Père
et
frères
du
Christ.
Mais
nous
ne
sommes
l’un
et
l’autre
que
pour
autant
que
nous
sommes
entrés
dans
la
volonté
du
Père. »
(K.Rahner).
(Peut-être
en
écho
avec
« il
aime
le
bon
droit
et
la
justice »). « Après cela, il cria d’une voix forte :
‘Lazare,
viens
dehors ! »,
littéralement :
« Lazare, ici, dehors ! ». Cette
voix
forte
est
encore
celle
du
combat.
Elle
est
celle
de
la
foule
qui
criera : « Pas
celui-là,
mais
Barrabas ! »
(18,40). A
la
suite
de
ce
retour
à
la
vie,
Jean
ne
nous
parle
pas
de
joie,
mais
de
foi :
« Les
nombreux
juifs…crurent
en
lui. »
La
suite
de
l’évangile,
qui
n’a
pas
été
retenue
pour
la
liturgie
de
ce
dimanche,
précise
que
d’autres
s’éloignent
et
rejoignent
les
pharisiens :
« C’est
ce
jour-là
qu’ils
décidèrent
de
le
faire
mourir »
(v.53).
On
voit
une
fois
de
plus
que
la
mort
de
Jésus
est
liée
à
celle
de
son
ami
Lazare.
Et
cela
à
tel
point
qu’au
chapitre
suivant
on
apprend
que
les
grands
prêtres
décident
« de faire mourir aussi Lazare » (12,
10). Ce texte nous renvoie donc à notre foi, et il le fait certainement dans le contexte le plus difficile : l’épreuve de la souffrance et de la mort. Nous avons vu la foi de Marthe et de Marie ; nous avons entrevu aussi quelque chose de celle des disciples à travers la foi de Thomas. Nous percevons surtout celle de Jésus. Ce qui nous sauve ce ne sont pas les souffrances ou la mort de Jésus, mais Jésus dans ses souffrances et dans sa mort. Ce qui nous sauve, c’est que Jésus c’est totalement donné au Père, dans le sens où il a cru en lui jusqu’au bout, où il a aimé comme aime le Père jusqu’au bout. Ce qui nous sauve, c’est que Jésus, par cet amour du Père et de l’homme, et par cette foi, a révélé, a rendu présent le Père, Dieu, aux hommes. Ce qui nous sauve c’est qu’enfin, en lui, Dieu et l’homme ont pu se donner totalement l’un à l’autre. Et c’est à cela que nous sommes appelés à participer. « Croire est une certaine façon de devenir ce que l’on croit…de devenir celui-là même qui nous parle » (G.Lafon). Le silence de Lazare nous laisse aussi la parole et nous permet ainsi de poursuivre, dans nos vies ce « il était une fois ». Lazare
signifie :
« Dieu
a
secouru ».
Ainsi
Jésus,
« Dieu
sauve »,
rencontre
Lazare,
« Dieu
a
secouru ».
Lazare
n’est
pas
ressuscité
car
il
mourra
de
nouveau ;
disons
qu’il
est
revenu
à
la
vie.
Mais
il
découvre
certainement
que
cette
vie
qu’il
croyait
sienne
est
fondamentalement
un
don.
Il
nous
suffit
d’avoir
été
contraint
de
marcher
trois
semaines
avec
des
béquilles,
pour
comprendre
combien
marcher
est
un
beau
et
grand
cadeau.
Ce
retour
à
la
vie
est
un
don ;
la
vie
est
un
don.
C’est
peut-être
cela
aussi
la
résurrection :
découvrir
combien
nous
sommes
don
pour
nous-mêmes
et
donc
pour
les
autres.
« Aimer le bon droit et la justice », c’est peut-être entrer dans
ce
don,
ne
pas
se
sentir
propriétaire
jaloux
de
soi-même.
C’est
dans
cette
dynamique
de
vie
que
Jésus
veut
et
peut
nous
faire
entrer.
« La vie antérieure était là, sans plus. Elle
avait
été
donnée,
certes,
mais
sans
qu’on
l’eût
demandée.
Il
lui
manquait
d’être
le
fruit
d’une
prière. »
(Guy
Lafon). Dans
ce
récit
nous
sommes
à
la
fois
pris
par
le
définitif,
la
mort,
la
réalité
implacable,
et
d’un
autre
côté
par
le
fol
espoir,
le
tout
est
possible,
le
« il
était
une
fois ».
Jésus
n’a
pas
nié
la
première
dimension.
Il
est
même
parti
de
celle-ci
pour
faire
naître
la
seconde.
Il
a
d’abord
consenti
à
la
réalité
pour
pouvoir
y
faire
naître
un
chemin
de
vie.
« Sauver,
pour
le
christianisme,
c’est
d’abord
rencontrer
les
choses
où
elles
en
sont. »
(A.Gesché).
Dieu
n’est
pas
un
magicien.
Il
ne
s’agit
pas
d’abord
d’un
miracle
mais
d’un
signe
dans
lequel
les
hommes
peuvent
lire
la
gloire
de
Dieu,
son
projet
pour
nous
et
avec
nous.
« La
glorification
ne
se
réalise
pas
dans
l’ambiguïté
d’un
acte
de
puissance ;
mais
dans
l’humilité
sans
ambiguïté
de
ce
qui
arrive :
Lazare
est
mort »
(M.Korbik,
s.j.).
Alors
un
nouveau
chemin
de
vie
s’est
ouvert :
nouvelle
vie
pour
Lazare,
nous
l’avons
vu ;
nouvelle
vie
aussi
pour
Marthe
et
Marie
qui
ont
cheminé
dans
la
foi.
Certes,
ce
qui
était
espéré
dans
ce
récit
c’était
bien
que
Lazare
soit
rendu
aux
siens.
Mais,
comme
on
l’a
dit,
ce
n’est
pas
là
le
centre
du
récit ;
ce
n’est
finalement
qu’anecdotique.
Saint
Jean
nous
dit
ici
que
Dieu
est
la
Vie
et
qu’il
a
vaincu
la
mort.
Nous
sommes
donc
invités
à
croire
cela
dans
notre
quotidien,
à
ne
pas
craindre
la
mort
ou
les
morts
inévitables.
Dans
ce
récit,
Dieu
a
répondu,
mais
il
l’a
surtout
fait
en
changeant
les
vies.
Croyons
que
si
Dieu
ne
nous
répond
pas
aussi
explicitement
que
dans
ce
texte,
il
le
fait
en
changeant
nos
vies,
en
changeant
nos
cœurs,
en
nous
donnant
des
signes
que,
telles
les
brebis
du
bon
pasteur,
nous
sommes
invités
à
entendre
et
à
reconnaitre.
Pour
cela
nous
pouvons
scruter
les
Écritures
pour
y
découvrir
des
signes
de
vie :
« Le Dieu de l’alliance ne répond pas en modifiant le cours de l’histoire
mais
par
la
Parole. »
(P.Abadie).
Cette
Parole,
c’est
à
nous
de
la
proclamer
par
toute
notre
vie. Robert Brazillac, intellectuel français, collaborationniste pendant la seconde guerre mondiale, a été condamné à mort. La veille du rejet de son recours en grâce, l’avant-veille de son exécution, il écrit : « Compagnon de
Dieu,
Lazare
mon
frère Viendrez-vous demain,
viendrez-vous
ce
soir Ô vous né deux fois
aux
joies
de
la
terre Patron à jamais des derniers espoirs. » Prière évidemment non exaucée dans les faits, mais que savons-nous du cœur ? Thomas,
Marthe,
Marie
et
les
autres
nous
indiquent,
dans
leur
compagnonnage
avec
Jésus,
le
chemin
de
la
foi
à
suivre.
Comme
le
dit
J.Moingt : « La certitude de la foi n’est pas pure affaire
de
persuasion
intérieure,
d’intense
activité
de
réflexion,
de
démonstrations,
de
visions,
de
lumières
célestes,
elle
est
aussi
et
surtout
affaire
de
mouvement,
d’action,
de
‘conversion’,
de
‘mission’ :
c’est
en
prenant
la
suite
de
Jésus
qu’on
perçoit
sa
venue
vers
nous ;
c’est
en
conformant
nos
actions
et
notre
vie
à
ses
enseignements
et
à
son
destin,
bref
en
s’identifiant
à
lui
qu’on
perçoit
sa
présence
avec
nous ». Au
terme
de
notre
parcours,
je
dirai
que
ce
récit
est
bien
un
conte
dans
le
sens
où
il
rapporte
des
faits
réels :
l’appel
incessant
de
Dieu
au
sein
de
nos
vies.
C’est
également
un
conte,
parce
qu’il
y
a
là
quelque
chose
d’invraisemblable.
Mais
pour
que
ce
conte
soit
pleinement
réalité,
il
faut
peut-être
que
le
« Il était une fois » devienne « Il était une foi ». Je terminerai avec quelques mots sur le Caravage et sa peinture de ce récit en m’appuyant sur Dominique Ponnau. Sur ce tableau, la lumière vient de derrière Jésus : Jésus, lumière du monde, convoque pour nous la lumière du Père avec lequel il ne fait qu’un. Un des bras de Lazare est encore comme mort, tandis que l’autre, ressuscité, se dresse. « La main droite reçoit la lumière…mais est-ce qu’elle reçoit avec bonheur cette vie qui de nouveau advient ou est-ce qu’elle voudrait la repousser ? ». C’est là aussi pour nous tout un combat de la foi, de la vie. Enfin, il y a dans ce tableau un personnage qui ne regarde ni Lazare, ni Jésus, mais la source de lumière. Il ne s’arrête pas au miracle, mais reconnait le signe, l’appel que Dieu adresse. Il a les mains jointes du priant. Cet homme, c’est le peintre lui-même. Lui, dont la vie fut si dissolue, et qui mourra un an plus tard, est ici illuminé par l’amour de Dieu, magnifique signe d’espérance et de foi dans la miséricorde de Dieu, dans la Vie et la Résurrection. La Résurrection de Lazare - Le Caravage |
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