PREMIER DIMANCHE DE L’AVENT
ANNÉE C.
Luc 21,25-28.34-36
Novembre
2012.
Comme le dit Jésus dans la synagogue de Nazareth au début de sa vie
publique en Luc 4,21 : « cette parole de l’Ecriture que vous venez
d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ». Donc, comme tant
d’autres l’ont fait avant moi, je vous annonce que c’est la fin du monde !
Il parait même que ce serait pour le 12 du 12 2012, et que seul un petit
village français y échapperait (mais dans le cas de ce petit village audois, la
prédiction est fixée pour le 21 du 12 2012…). Bref, 12 décembre ou 21 décembre,
fin du monde ou non, c’est une nouvelle fois l’heure du choix. Et si le Christ
ne nous a pas donné de date, car ce n’est ni son souci ni le cœur de son
message, il nous appelle bien à faire le choix : choix de la panique
devant un tel évènement et la recherche d’un lieu pour y échapper, ou choix
entre la sérénité et une attitude pour ne pas sombrer ; choix entre une
vie fondée sur ce que nous voyons, sur ce que nous touchons ou possédons, vie
qui finira de toute façon et de toute manière par nous échapper. Ou choix d’une
vie bâtie sur Dieu, avec Dieu ; choix d’une vie de foi, d’une vie
éternelle qui s’accomplit dès aujourd’hui, qui commence maintenant.
Notre texte peut être décomposé ainsi : l’annonce de signes qui
ébranleront le monde ; la venue du Christ en gloire ; l’invitation à
ne pas se laisser ébranler.
Puis la liturgie de ce dimanche omet la parabole du figuier (parabole
que nous avons entendue ce 33e dimanche de l’année B en Marc). Nous
avons enfin une exhortation à la vigilance.
L’ébranlement du monde :
Il y aura donc des signes, signes que malheureusement nous connaissons
bien. Le soleil, la lune et les étoiles, astres immuables qui peuvent nous
faire croire à la solidité de notre monde, qui semblent soudain se détraquer à
l’image de notre planète et du réchauffement climatique. Il y a les
catastrophes naturelles, la guerre, les maladies et la mort, la crise, la
pauvreté et la misère…
Ces astres sont un peu comme notre tranquillité ou nos certitudes qui
s’effondrent, comme notre belle étoile ou le soleil de notre vie qui
s’éteignent. Ou encore, ces astres peuvent toujours être bien en place, mais ne
plus nous parler, nous sembler dérisoires face à ce qui nous accable ; la
vie devient lourde, trop lourde, pour nous comme pour l’ensemble de notre
monde. Comme l’écrit un poète anglo-saxon face au deuil (mort ou
séparation ?) :
« Je croyais que cet amour
durerait toujours, je me trompais.
Désormais, les astres sont de
trop : éteins-les tous :
Enveloppe la lune et défais le
soleil ;
Épuise l’océan et balaie les
forêts,
Car rien, désormais, ne pourra
jamais advenir de favorable. »
« Rien, désormais, ne pourra jamais advenir de favorable. »
C’est fini, c’est la fin, plus rien à espérer. Tout ce sur quoi nous nous
sommes appuyés glisse sous nos pieds. Il n’y a plus de terre ferme, mais, comme
poursuit l’évangile, « le fracas de la mer et de la tempête. » Cela,
chacun de nous par son histoire le connaît, mais aussi l’humanité entière. Au
moment même où l’Eglise nous invite à nous préparer à cette révélation de
l’humanité de Dieu, à son incarnation, c’est la fragilité de cette humanité
qu’elle met en avant ; c’est sa misère.
Cet écroulement nous invite au choix : là où tout pourrait me dire
qu’il n’y a pas d’issue pour nous, que tout est absurde et finira dans le
gouffre du néant, que tout même va contre l’idée d’un Dieu créateur qui serait
bon, je peux faire le choix de la foi en un autre avenir, je peux croire qu’il
y a un appel, une promesse comme le dit Jérémie dans la première lecture :
« Voici venir des jours où j’accomplirai la promesse de bonheur… »
(Jr 33,14). Permettez-moi de mentionner ici la parole d’Elisabeth à Marie lors
de la Visitation : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des
paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » (Lc 1,45) :
non pas ‘celle qui a cru aux paroles’, mais ‘à l’accomplissement de ces mêmes
paroles’. En cet Avent, nous sommes invités à croire à l’accomplissement, à la
réalisation de cette promesse de Vie pour chacun de nous et pour l’humanité
entière.
Jérémie nous parle donc de l’accomplissement de cette promesse et
pourtant Jérémie est ce qu’on appelle un prophète de malheur. Il annonce la
prise de Jérusalem et la ruine du Temple ; ses prophéties sont habitées
par le bruit des armes et le fracas de la destruction. Mais il propose une
solution : non pas s’allier à l’Egypte contre Babylone, non pas creuser
des citernes d’eau pour se préparer au siège, mais mettre toute sa confiance
dans le Seigneur. Non seulement il ne sera pas écouté, mais en plus il sera
persécuté. Nous connaissons ses fameuses confessions, ses cris de détresse vers
le Seigneur.
Jérusalem tombera, le Temple sera dévasté et, comble de sa vie, Jérémie
sera emmené de force en Egypte, l’endroit même dont il disait qu’il ne fallait
rien attendre. Pourtant, en parcourant la dizaine de livres sur Jérémie dans la
bibliothèque de la communauté monastique, il est frappant de constater que deux
de ces livres mettent en valeur sa foi dans leur titre : « Jérémie,
l’épreuve de la foi » et « le courage de la foi ».
De la foi il en faut car Luc nous parle des « nations…affolées…(d)es hommes mour(a)nt de peur dans la crainte des malheurs
arrivant sur le monde ». C’est moins la fin du monde dans son déroulement
qui nous est présentée, que ce qu’elle provoquera dans le cœur des hommes. Ou
plus exactement, il s’agit d’une révélation – Apocalypse – de ce qui habite notre cœur, cœur individuel
et collectif. L’homme matérialisé, celui qui met son espoir, sa sécurité, dans
la société de consommation, qui perd pied quand son socle s’effondre, quand il
se retrouve seul, nu, face à lui-même, face à son Dieu, face à la vie. Dans un
roman de Morris West, une jeune fille du début du XXIe siècle dit à son
père : « vous nous avez tout
donné, sauf l’avenir ».
Dans cette situation d’angoisse et de détresse où tout semble perdu, «
on verra le Fils de l’homme venir dans la nuée… »
Comment ressentons-nous cette venue du Christ ? Quels sentiments
nous inspire-t-elle ? Est-ce une angoisse comme celle des nations, ou
est-ce la joie confiante de la rencontre ?
Car cette fin du monde ne s’arrête pas aux cataclysmes, mais elle
annonce la vision, la rencontre avec Celui que, je l’espère, nous espérons.
Elle ouvre à une autre vie, et c’est ainsi toute notre vie qui est orientée,
qui doit s’orienter vers le Christ. C’est lui le but, l’objet, le sens de notre
regard. Notre avenir, personnel et collectif, n’est donc pas une catastrophe, la
mort, mais le Christ, la Vie. Et s’il est notre avenir, il est aussi notre
présent : c’est aujourd’hui que nous le rencontrons, que nous
l’accueillons dans notre chair. Dieu s’incarne pour nous rejoindre dans nos
sens, nos sentiments, dans notre pâte. Ce Dieu que Thomas a pu toucher nous
ouvre un chemin vers la vie. Comme l’a écrit Saint Augustin : « Le Christ Dieu est la patrie où nous allons.
Le Christ homme est le chemin par lequel nous y allons. » Les
évangiles nous donne ce chemin à vivre, ce modèle à suivre. Il nous est désormais
plus facile de vivre pleinement, plus facile d’aimer parce que quelqu’un – Le
Christ – nous l’a montré, nous l’a appris dans l’Esprit.
« Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez
la tête, car votre rédemption est proche »
Nous l’avons dit, ce chaos final, qui rappelle celui d’avant la
création, ne doit pas, peut-être contre toutes les apparences, nous inquiéter.
Nous savons où va l’humanité : non à sa perte, mais dans la main de Dieu.
« Croire, c’est comprendre
que l’on n’appartient pas au monde…mais bien au Dieu de la vie » (Roberto Gibellini).
Face à l’ébranlement du monde, à son inquiétude, nous devons opposer la
solidité du Roc sur lequel nous sommes bâtis, sur lequel nous grandissons. Le Roc,
une des images de Dieu dans l’Ancien Testament, s’oppose ici à la destruction
du Temple et de Jérusalem que Jésus annonce à ses disciples alors même que ces
derniers s’émerveillaient d’une telle construction. J’oserais dire que tout ce
qui est construit par nos propres forces, à l’image de ce Temple, symbole en
péril de la religion des hommes, que tout ce qui n’est pas donné et reçu, que
tout cela va vers sa ruine.
L’image du roc est reprise dans la tradition monastique avec le vœu de
stabilité. Nous avons choisi une communauté, à la fois par hasard et par grâce,
et, lors de la profession monastique, nous nous engageons à y vivre. Nous
incarnons alors concrètement, au quotidien, notre réponse à la fidélité de Dieu
en vivant en ce lieu, avec ces frères, pour toute notre vie monastique, pour
toute notre vie d’homme, un peu planté comme un arbre. Vous pouvez aisément
deviner que, comme dans toute vie, il y a des moments où ça vacille, où les
branches et le tronc vont et viennent, mais la base, les racines sont solides.
Ces temps derniers où tout s’ébranle, comme ce temps de l’Avent, sont
donc une invitation à bien nous appuyer sur nos racines, sur ce qui nous donne
la sève et la force, et paradoxalement cette bonne terre qui donne vie à tout
cela, c’est un roc, c’est le Christ. Notre vœu de stabilité manifeste notre
stabilité en Christ, notre enracinement en sa personne, en la Parole de Dieu
faite chair.
« Dieu est la solidité de
l’homme » (B.Sesboüé).
C’est pourquoi nous pouvons nous redresser et relever la tête ! Notre
foi en Dieu, et peut-être davantage sa foi en nous, sa fidélité, doivent nous
permettre de nous mettre debout tels des ressuscités, là-même où nous
penserions d’abord nous allonger, nous recroqueviller croyant nous protéger comme
on le ferait devant une explosion.
« C’est la foi que les
autres mettent en nous qui nous indique notre route. » (François Mauriac). Dieu a foi en nous,
personnellement et collectivement ; ayons donc foi en nous, en notre
monde, en notre temps.
Se redresser : se redresser comme nos lointains ancêtres l’ont fait
lors de l’évolution pour devenir des hommes. Se redresser comme la femme
courbée de l’évangile guérie par Jésus (Lc 13,11). Avec cette fin du monde, Luc
n’a pas cherché à nous effrayer, mais bien à nous encourager, à faire grandir
en nous l’espérance.
« La confiance n’abolit pas
la peur. Elle la traverse » (Dominique Ponnau).
Une recension du film « Des hommes et des dieux »
disaient :
« Les moines de l’Atlas n’y
sont ni des héros ni des fous ; ils connaissent le doute, l’angoisse et la
lâcheté. C’est précisément leur refus de se laisser vaincre par la peur qui
fait d’eux des hommes libres. » Nous ajouterions évidemment que ce
refus vient de la grâce, de leur foi, de l’amour. Une citation de Gustave
Thibon peut ici rejoindre leur foi et la nôtre : « la foi consiste à ne jamais renier dans les ténèbres ce qu’on a
entrevu dans la lumière. »
« Car votre rédemption approche ». Ce mot de rédemption est
cher à Luc. On le trouve dans le cantique de Zacharie (« Dieu qui rachète
son peuple » (1,76) ; avec la prophétesse Anne, au Temple, qui parle
de Jésus bébé « à tous ceux qui attendaient la libération de
Jérusalem » (2,38) ; et avec les disciples d’Emmaüs, découragés, qui
espéraient que Jésus « était celui qui allait délivrer Israël » (24,21). Ce
terme de l’Ancien Testament désigne le rachat qui dit plus que l’achat, comme recréation
dit plus que création. Ce rachat laisse entendre à la fois une libération, un
affranchissement, mais aussi une nouvelle appartenance : nous sommes à Dieu,
et c’est pourquoi nous n’avons rien à craindre de son retour.
Le Christ est notre sauveur, non parce qu’il nous apporte le salut, mais
parce qu’il est le salut. Comme nous l’avons dit, il est notre horizon, notre
vie. Il annonce la destruction du Temple, mais il est le nouveau Temple dans
lequel toute l’humanité va se rassembler. Nous sommes aussi chacun son Temple
puisqu’il vient habiter en nous, demeurer en nous, et même demeurer par nous. Notre
confiance en lui, malgré un monde qui s’ébranle, et à commencer par notre monde
ecclésial, doit être signe pour les autres de sa venue. Par notre foi, nous
avons à manifester au monde que le Christ a vaincu le monde. Mais membres de
son corps, nous devons, nous aussi, passer par l’épreuve de la croix.
Vous le savez, la foi est une véritable adhésion qui nous rend confiant
et inébranlable. Mais là encore, elle n’est pas un Temple à bâtir, mais une
plante à aider à croître. Comme le dit Kierkegaard « Le contraire du péché, ce n’est pas la vertu. C’est la foi. » Il
faut donc bien, à l’image du Christ qui vient, se situer dans l’accueil et non
pas dans un volontarisme. Si, dans la seconde lecture, Paul invite les
Thessaloniciens à faire de « nouveaux progrès », une traduction littérale
montre combien ces progrès ne sont pas un effort mais un accueil :
« abondez de plus en plus ». Abonder, comme le ferait une source qui
ne peut donner que ce qu’elle a reçu. Dans ce temps de l’Avent, nous sommes
donc invités une nouvelle fois à accueillir le Christ et son amour en lui
laissant de la place dans notre vie.
Exhortation à la vigilance :
La deuxième partie de notre évangile, nous exhorte donc à la vigilance.
Elle nous indique quelle attitude nous devons avoir face à cet ébranlement du
monde, ou plutôt face à ce monde qui pourrait nous ébranler. Il nous faut
compenser notre ignorance de l’heure et des vicissitudes qui nous guettent et
s’abattent sur nous, par une attente fidèle, par une conformation de notre vie
à celui que nous avons choisi de suivre et d’attendre. Il nous faut donc poser
des actes, vivre en conformité avec ce que nous désirons, avec ce qui nous fait
vivre. S’aimer soi-même, c’est cela. Faire, choisir ce qui nous fait
grandir ; s’unifier. Ne pas s’aimer, c’est s’abandonner, se laisser aller
à ce qui nous emmène loin de nous, loin des autres, loin du Christ ; c’est
s’ébranler, se désagréger.
« La vraie liberté ;
c’est l’adhésion à ce que j’ai choisi » (Dom Bernardo Olivera, o.c.s.o.)
La Bible de Bayard ne traduit pas « tenez-vous sur vos
gardes » mais «gardez-vous d’encombrer vos cœurs » et Chouraqui
« défiez-vous de vous-mêmes ». Ce filet qui s’abattra à l’improviste,
ce piège, c’est souvent nous qui nous le tendons en ne choisissant pas toujours
ce que nous reconnaissons pourtant comme l’essentiel, en nous rendant captifs
des choses de la terre.
Voici une belle, longue mais riche page de Saint Bernard : « Il faut que ton esprit, occupé tout entier
d’affaires aussi importantes que nombreuses, soit libéré absolument de tous
soucis petits et vulgaires. Il faut qu’il soit libre : qu’aucun travail ne
l’accapare. Il faut qu’il soit pur : qu’aucun penchant indigne ne
l’abaisse. Il faut qu’il soit droit : qu’aucune sollicitude importune ne
le détourne. Il faut qu’il soit serein : qu’aucun doute secret ne le visite.
Il faut qu’il soit vigilant : qu’aucune préoccupation profane ne vienne le
distraire. Il faut qu’il soit ferme : qu’aucun trouble imprévu ne vienne à
l’ébranler. Il faut qu’il soit constant : que nulle épreuve, si prolongée
soit-elle, ne réussisse à l’abattre. Il faut qu’il soit magnifique, indifférent
par conséquent à toute perte de bien temporel.
Sois-en bien sûr : tu te
priverais de tous ces biens, tu te chargerais de tous ces maux, si, divisant
ton esprit, tu entendais le partager entre les affaires de Dieu [qui,
comprenons le bien, sont évidemment les nôtres] et tes petits intérêts
personnels. »
Dans la même veine, Victor Hugo fait dire à Mgr Bienvenu dans Les
misérables : « Ne craignons
jamais les voleurs ni les meurtriers. Ce sont là les dangers du dehors, les
petits dangers. Craignons-nous nous-mêmes. Les préjugés, voilà les
voleurs ; les vices, voilà les meurtriers. Les grands dangers sont
au-dedans de nous. Qu’importe ce qui menace notre tête ou notre bourse !
Ne songeons qu’à ce qui menace notre âme. »
Notre texte parle des « hommes de la terre ». Une traduction
littérale dirait « les hommes assis sur la terre », comme le benedictus
parle des hommes « assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort »
(Lc 1,79).
Luc, nous l’avons dit, nous invite à nous relever, à vaincre par la foi
ce qui nous englue, à ne pas nous installer dans une vie sans avenir.
L’Avent est donc le temps du veilleur. Il nous faut « lutter contre la torpeur et la négligence
afin de parvenir au but visé » (Marcel Didier, bibliste), c'est-à-dire
la vision de Dieu. Comme le dit encore M. Didier : « Vivre dans la nuit sans être de la nuit ».
« L’hiver, saison la plus
nue, silencieuse ; là, c’est le froid qui manie la faux et arase la terre,
les jours, la lumière. Et la nuit qui s’épanche, haute et glacée, très pure,
invite moins à un surcroît d’ensommeillement qu’à un sursaut de vigilance, de
veille intérieure. C’est au profond de la nuit que le veilleur accomplit son
office.
De grandes forces sont à l’œuvre
sous la peau aride de l’hiver, des merveilles s’y trament en secret. L’Avent
illustre magnifiquement ce lent et discret travail préparant l’avènement de la
plus inouïe des merveilles » (Sylvie Germain).
Dans cette veille, le Christ nous appelle à la prière :
« priez en tout temps ». Vigilance et prière comme deux attitudes
indissociables pour vivre la rencontre avec Dieu ; vigilance et prière comme
deux expressions de notre désir, comme deux aliments de ce désir. Saint Paul,
dans la deuxième lecture (1Th 3,12-4,2), ajoute le commandement de l’amour
mutuel qui nous rend possible cette rencontre avec le Christ, qui incarne cette
rencontre avec lui.
L’absence de vigilance est donc bien le plus gros risque pour notre foi,
pour notre vie : nous laisser embarquer par notre quotidien dans une vie
que nous n’avons pas choisie.
Nous voici donc armés pour affronter cette fin du monde, pour ne pas
rencontrer le Christ à l’improviste car alors nous pourrions nous sentir
coupables et voir en lui un juge au lieu de reconnaitre le Bien-aimé qui vient
nous rejoindre dans la nuit.
Cette rencontre, nous l’avons dit, elle est pour la fin, et elle est
pour maintenant, elle est maintenant. C’est cette fin, cette rencontre ultime,
qui donne un avenir, un sens à notre présent.
« Le monde commence, la
Création vit un nouveau départ à chaque battement nouveau de notre cœur, et
c’est aujourd’hui, c’est chaque jour le premier jour.
Nous ne sommes plus liés par
notre passé, nous savons qu’un seul mouvement de notre cœur nous remet en face
du Dieu vivant et qu’avec lui la vie est toute neuve puisqu’elle est une
nouvelle naissance chaque fois que nous approchons de lui. » (Maurice Zundel)
Ou cette citation de la maman d’une petite fille mortellement
malade : « Lorsqu’on ne peut
pas ajouter des jours à la vie, il faut se battre pour ajouter de la vie à
chaque jour… »
Je reviens avec Zundel : « si
nous ne sommes pas vivant au moment de
notre mort, nous ne le serons pas après ».
Ou encore, comme le dit Dom Mauro Lepori (o.c.) : « crainte de la mort sans amour de la vie ».
Il est des prédicateurs qui nous touchent parce qu’après les avoir
écoutés nous ressentons comme un petit malaise. En effet, nous voyons
clairement que le beau visage qu’ils ont esquissé devant nous, nous ressemble
assez peu. Au contraire, nous nous sommes reconnus dans les caricatures qu’ils
ont pu dresser çà et là. Avec eux, il y a déjà de cette fin du monde : ils
nous réveillent, nous invitent à faire un peu de ménage en nous, à être plus
vigilants par la suite, et à prier notre Dieu car nous connaissons notre
faiblesse.
Pour ma part, je choisirai l’inverse en vous laissant sur une parole
plus apaisante, à la fois pour ne pas vous décourager, et pour bien insister
sur la miséricorde de notre Dieu, Celui qui nous accompagne aujourd’hui et qui
nous accueillera au terme de notre chemin parce qu’il est celui qui vient.
Il s’agit d’une citation d’Adolphe Gesché à propos d’un tableau
anonyme du XVe siècle que l’on peut voir au musée de Cologne. Cette œuvre « représentant le Christ au Mont des Oliviers...nous
montre deux des trois apôtres qui dorment la tête complètement enfouie et
invisible dans leur capuchon, mais demeurent éclatantes d’or, immenses et bien
visibles, leurs auréoles de saints, malgré leur démérite en cette heure ! »
La mort du Christ était bien une fin du monde, mais, dans la foi, elle se
révèlera la venue d’une nouvelle vie, l’incarnation du salut.