CONFÉRENCE DE P. SYLVAIN

Abbaye N-D du Lac (Oka)

Les défis de la mentalité contemporaine

 

            De l'ensemble des compte-rendus des conférences régionales et des documents préparatoires au Chapitre rédigés sur ce thème, deux préoccupations majeures se dégagent. D'abord celle de montrer que les défis varient d'une aire culturelle à l'autre. Ce qui pose la question  - que je soumets à votre réflexion -, de savoir s'il existe des éléments trans-culturels spécifiques, caractéristiques d'une mentalité contemporaine (moderne ou post-moderne). Ensuite la préoccupation d'une attitude positive à l'égard de la culture ambiante, attitude qui intègre une saine critique mais sans se réduire à la seule confrontation (ou "contre-culture") [i] .

            Il serait intéressant de poursuivre la réflexion sur notre attitude à l'égard de la culture, et sur ce qui la motive en profondeur. Je ne ferai ici que renvoyer à un récent article de F. Mannion, paru dans The American Benedictine Review [ii] , où l'auteur identifie quatre paradigmes majeurs ou façons globales de se situer par rapport au monde qui se retrouvent actuellement dans l'Église catholique, les communautés religieuses et les communautés monastiques. Il s'agit du conservatisme, du libéralisme, du radicalisme et du néo-conservatisme. Ces diverses attitudes peuvent coexister simultanément à l'intérieur d'une institution (Ordre, région, communauté), selon les tendances qui l'agitent, plus difficilement dans une même personne. Elles se vérifient notamment dans le rapport à la tradition, l'ecclésiologie (en particulier le rapport à l'autorité) et la liturgie [iii] . Ces clés de lecture pourraient également s'avérer utiles pour situer et dégager le profil des personnes qui se présentent aux portes de nos monastères comme candidat(e)s possibles à la vie monastique.

            Les défis de la mentalité contemporaine sont nombreux et variés. De façon un peu schématique, on peut les regrouper sous trois grands titres, indiquant trois niveaux distincts mais inter-reliés: (1) le rapport à la nature et à la technologie moderne (niveau cosmologique), (2) l'homme et la femme post-modernes (niveau anthropologique) et (3) la sécularisation et le retour du sentiment religieux (niveau théologique).

1. Le rapport à la nature et à la technologie contemporaine

            La vie monastique est née et s'est développée surtout dans le contexte de sociétés agricoles. Contexte particulièrement favorable à son style de vie et à l'épanouissment de la dimension contemplative, notamment par le contact direct qu'il permet avec la nature. Le souci particulier du choix de l'emplacement de nos monastères, et le type de travail mis de l'avant (souvent l'agriculture) ont fait que notre genre de vie a pu jusqu'à présent éviter les écueils des sociétés industrielles et post-industrielles tout en bénificiant de leurs avancées technologiques. On ne voit pas pourquoi cette situation ne pourrait se prolonger dans le cadre du virage technologique (informatique) actuel, sinon peut-être pour des raisons d'ordre économique. D'autant plus que le courant écologique nous a sensibilisés à l'importance de la préservation de l'environnement et au maintien d'un sain équilibre entre ses différentes composantes. Cette nouvelle sensibilité à l'écologie demeure d'ailleurs pour nous une interpellation. Elle interroge notre rapport effectif à l'environnement de nos monastères, ainsi qu'aux intervenants qui se font les promoteurs et les défenseurs des "droits de la nature", aux divers plans politique, éthique et spirituel [iv] .

            L'urbanisation croissante de l'environnement - et, en certaines régions, l'"occidentalisation" rapide des modes de vie traditionnels [v] -, les contraintes économiques [vi] , et peut-être aussi un souci de solidarité avec les pauvres, peuvent modifier ces conditions "idéales" de lieu et de travail qui ont prévalu jusqu'à présent dans nos communautés. On pourrait interroger ici les communautés qui ont opté pour un travail de type industriel (usine) ou utilisant les technologies de pointe (ordinateurs) pour évaluer l'impact réel de ces nouvelles conditions sur la dimension contemplative de notre vie. À titre de comparaison, on peut évoquer l'impact qu'a pu avoir l'avènement de l'imprimerie sur les scriptorium de nos monastères et les interrogations que cette nouvelle situation a pu alors susciter, notamment quant à la pratique de la lectio divina. Cette pratique n'a pas été perdue, même si les conditions de son exercice avaient changé. Dans cette optique, on a évoqué dans un document le terme et la pratique de la video divina [vii] ; la réflexion et la mise en commun d'expériences d'une telle pratique serait à poursuivre.

            Par-delà ces préoccupations plus immédiates, on peut se demander si l'on est en mesure d'évaluer exactement, à long terme, l'impact des nouvelles technologies sur notre façon de vivre. En ce domaine, il semble que nous n'ayions pas encore dépassé le stade de l'acculturation, c'est-à-dire d'une adaptation intelligente et appropriée à de nouveaux procédés de travail et de communication, sans accéder au stade de l'inculturation proprement dite. Il faudra attendre pour cela l'arrivée de nouvelles générations de moines et de moniales, formés dans cette nouvelle culture, celle de l'homo informaticus. L'une des modifications majeures qu'elle laisse présager est celle de notre rapport à la temporalité. On pourrait prendre le seul exemple de l'expédition d'une lettre: acheminée autrefois par bateau, puis par avion et maintenant par le FAX [viii] , le temps d'attente qui caractérisait le rapport épistolaire se trouve considérablement réduit. Une culture de l'immédiateté est en train de prendre forme [ix] , notamment par l'utilisation de l'ordinateur qui rend accessible une masse considérable d'informations dans un laps de temps minimal. Une certaine atrophie de la mémoire (humaine) pourrait en résulter. Ce qui constituerait une menace potentielle à la formation et à la préservation d'une identité propre (personnelle ou institutionnelle), dans la mesure où le sentiment d'identité s'enracine dans la mémoire individuelle et dans la mémoire collective [x] . Par contre, on peut voir aussi dans l'ordinateur une aide qui, par son efficacité et sa rapidité, libère la mémoire et l'esprit humain, leur permettant d'exercer leur activité dans les domaines qu'ils privilégient. Pour ce qui est de l'utilisation de l'ordinateur, on a parfois évoqué aussi le risque d'un enfermement dans le monde de l'information - ou de la sur-information [xi] - neutre, désinvestie de tout contenu affectif, avec ses effets à plus ou moins long terme sur les relations humaines ou sur la relation à Dieu qu'est la prière [xii] . Si une telle possibilité demeure réelle et appelle à la vigilance, elle a aussi sa contrepartie positive, celle du franchissement des limites spatiales qui permet de vivre au rythme des événements mondiaux - conflits, guerres, famines, etc. - et peut grandement contribuer à développer la solidarité humaine.

2. L'homme et la femme post-modernes

            La post-modernité se caractérise par une certaine désillusion suite à l'effondrement du mythe du progrès (années 1960-70), c'est-à-dire de la maîtrise de la nature par la personne humaine, et de l'utopie marxiste (années 1980-90), soit la maîtrise de l'histoire par la personne humaine. Les deux figures typiques qui les représentaient: l'homme/la femme du progrès, le/la militant(e) ont laissé place à cette autre figure-type qu'est l'homme/la femme "problématique". "Problématique", c'est-à-dire privé(e) de références identitaires significatives et/ou de cohérence globale, de projet de vie. Tel semble être le profil d'un bon nombre de candidat(e)s actuel(le)s à la vie monastique. L'absence ou la quête de références se vérifie aux divers niveaux constitutifs d'une culture, soit le niveau de l'expression (langages, symboles, etc.), le niveau des institutions (famille, milieu éducatif, structures économiques et politiques, etc.) et le niveau des valeurs (esthétiques, éthiques, etc.) [xiii] .

            Au niveau de l'expression, le sain pluralisme de nos sociétés cosmopolites contemporaines se manifeste en particulier dans la multiplicité des langages qui s'y déploient, langages qui renvoient le plus souvent à des anthropologies diverses [xiv] . Ce qui vient en quelque sorte redoubler le défi particulier que rencontre les responsables de formation, celui de la transmission d'une expérience et d'un patrimoine spirituel bien caractérisés - notamment en son expression privilégiée qu'est celle du douzième siècle. Par ailleurs, la fréquente absence de données premières en ce qui regarde le langage de la foi, et plus encore celui de la tradition monastique, permet de les recevoir dans leur nouveauté. À condition toutefois qu'une herméneutique appropriée en accompagne la transmission.

            C'est peut-être au niveau des institutions que les défis rencontrés varient le plus d'une aire culturelle à l'autre. Signalons-en quelques-uns. Dans les compte-rendus de certaines régions, on a fait mention de la crise de l'institution familiale (famille éclatée, reconstituée, monoparentale, etc.) qui semble réduire chez les jeunes les possibilités même de choix vocationnel: problèmes psycho-sociaux, immaturité affective, etc [xv] . Le défi que cette situation pose à nos communautés est celui de bien identifier leur capacité d'accueil, d'intégration et d'accompagnement de telles personnes, sans risque d'une désorganisation interne [xvi] . En d'autres régions, c'est le niveau de vie plus élevé de nos communautés, au plan matériel comme au plan éducationnel, par rapport au milieu ambiant, qui interroge sur les motivations réelles dans le choix de la vie monastique. Le défi est ici encore le discernement à opérer à court, moyen et long terme; l'expérience de nos communautés et fondations récentes dans les jeunes Églises est ici précieuse. La promotion de la femme, en divers secteurs de la vie sociale et en quelques secteurs de la vie ecclésiale, n'est peut-être pas sans lien avec la crise actuelle des communautés religieuses féminines, surtout de vie active. Sur ce point, notre Ordre, avec ses neuf siècles d'histoire et ses récentes Constitutions, offre peut-être une contribution originale sur la façon de vivre l'alliance homme/femme à l'intérieur d'une institution. Sans doute nous reste-t-il du chemin à parcourir; notre réflexion sur la revitalisation des organes pastoraux de l'Ordre pourrait y contribuer. Quelques régions signalent également la méfiance vis-à-vis des institutions et des structures sociales - quelles qu'elles soient - qu'entraîne chez les jeunes en particulier la corruption du système politico-économique ambiant. D'autres s'interrogent sur l'influence de l'esprit démocratique sur nos communautés et les diverses instances de l'Ordre, notamment sur le service de l'autorité abbatiale [xvii] . Situations et interogations qui interpellent en particulier les supérieur(e)s dans l'exercice de leur charge, comme aussi tout responsable d'emploi dans les communautés. En ce qui concerne l'instance qu'est le Chapitre Général, on ne peut pas ne pas évoquer à ce propos la question, non encore résolue de façon définitive, du droit de vote des délégué(e)s.

            Le niveau des valeurs est peut-être celui où nos communautés interpellent prophétiquement plus la société qu'elles ne sont interpellées par elle. C'est du moins l'impression d'ensemble qui se dégage de la lecture d'un bon nombre de compte-rendus, où l'on dresse une liste assez longue des anti-valeurs sociales, auxquelles on oppose les valeurs évangéliques telles que  transmises par la Règle de saint Benoît et la tradition cistercienne: matérialisme/vie spirituelle et liturgie, consom-mation/pauvreté et détachement, individualisme/vie cénobitique, hédonisme/ascèse et simplicité de vie, etc. Chacun de ces thèmes pourrait faire l'objet d'un ample développement. Toutefois, cette vision un peu unilatérale ne doit pas masquer le questionnement et les défis que posent pour nos communautés les valeurs authentiques qui animent les générations actuelles, telles que les énoncent par exemple les Directives sur la formation dans les instituts religieux [xviii] : sensibilité aux valeurs de justice, de non violence et de paix; ouverture à la fraternité et à la solidarité; mobilisation pour les causes de la vie et de la nature; aspirations à un monde meilleur. Notre esprit d'initiative et notre créativité sont ici stimulés à trouver des voies nouvelles dans la manifestation de notre solidarité, mais qui respectent en même temps notre identité contemplative. Je ne ferai ici que signaler, à titre d'exemple, la participation plus ou moins grande de certaines communautés ou de moines/moniales au mouvement de l'A.C.A.T. (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture) et, pour me référer à une situation connue mais de caractère plus ponctuel, au rôle de "médiation pacifique" joué par la communauté du Lac dans la crise autochtone (Oka, Québec, Canada) à l'été 1990.

            Au-delà de ces défis particuliers, le grand défi que nous pose l'attente du monde et surtout des jeunes dans cette société post-moderne est peut-être celui d'une identité claire, d'un projet anthropologique (et théologique) cohérent, où les trois niveaux des valeurs, des institutions et de l'expression ne se contredisent pas. De cette identité et de ce projet, nos récentes Constitutions présentent les traits fondamentaux; reste à savoir si nos communautés y sont effectivement accordées [xix] .

3. La sécularisation et le retour du sentiment religieux

            Au plan religieux, la transition de la modernité à la post-modernité se caractérise par le passage d'une mentalité fortement sécularisée à un retour du sentiment religieux avec ses manifestations les plus diverses et les plus ambigues (fraternités, sectes, New Age, etc.). En certaines régions et en certains secteurs de la vie sociale, la sécularisation est encore prédominante, tandis qu'ailleurs elle coexiste avec les formes les plus inattendues de l'irrationel. Un double défi se trouve ainsi posé à notre identité contemplative et à notre mission spécifique dans l'Église [xx] .

            La sécularisation, avec les attitudes qui la caractérisent - pragmatisme, rationalisme, relativisme, réductionnisme anthropologique, etc. - nous incite à devenir toujours davantage "témoins du transcendant", dans un esprit d'ouverture et de dialogue, d'accueil et de respect, de partage et de gratuité, notamment dans le service de l'hospitalité, de l'accueil inconditionnel des hôtes. Témoigner de l'Absolu, comme aussi de notre foi en l'humain et en sa capacité de contemplation, dimension constitutive de son être même qui ne demande le plus souvent qu'à être éveillée. Ce qui fait dire à R. Pannikar que la vie monastique est un archétype religieux et humain universel, qui interpelle toujours [xxi] . Par ailleurs, si, au départ, les sciences humaines (anthropologie, psychologie, sociologie, etc.) se sont développées en majeure partie en dehors d'un cadre religieux, il semble que nous n'ayons pas encore terminé d'apprécier leur contribution à une meilleure compréhension de la dynamique de la vie spirituelle (personnelle, communautaire et sociale). 

            Outre une même attitude d'ouverture, d'accueil et de dialogue, les adhérents et les représentants des nouveaux mouvements religieux trouvent - ou s'attentent à trouver - en nos monastères des lieux propices à une "expérience spirituelle". Dans ce contexte, notre patrimoine est d'une particulière actualité quand on considère l'importance accordée par nos Pères et Mères cisterciens à l'expérience, comme aussi au thème également très actuel du désir. L'héritage d'une tradition multi-séculaire est aussi précieux dans l'exercice du discernement que requiert une quête spirituelle authentique qui s'exprime souvent en des langages et rites multiples, empruntés aux traditions les plus diverses. Face à ce syncrétisme, il semble important de bien faire ressortir l'enracinement ecclésial - à la fois dans l'Église locale et dans l'Église universelle - et la spécificité chrétienne de notre tradition spirituelle. Spécificité qui ne se durcit pas en opposition, mais s'enrichit au contact des traditions autres, comme nous y invite le mouvement oecuménique actuel, inter-confessionnel et inter-religieux [xxii] .

            Au terme de cette brève présentation, un court texte de Jean-Yves Baziou, tiré d'un article de la revue Christus intitulé "Traverser la désillusion. Une autre façon d'habiter le monde", décrit bien, ce me semble, l'attitude qui devrait être celle du chrétien - et plus encore du moine/de la moniale - vis-à-vis des défis de la mentalité contemporaine:

Au lieu donc de lire négativement ce moment d'effondrement des absolus, nous pourrions renouer avec la manière biblique de lire les crises: dans la Bible, les mutations culturelles, les temps de passage, les conflits apparaissent comme des moments privilégiés de révélation de Dieu qui casse les images qu'on se fait de lui, de l'homme et de l'Église. Nous les découvrons plus grand, plus neufs que ce que nous imaginions. La nouveauté culturelle est l'occasion d'un progrès spirituel [xxiii] .

     

 

                                                                      NOTES



[i] .La région ASPAC en a même fait l'objet d'un vote: "While recognizing the dangers inherent in certain aspects of the contemporary mentality, ASPAC notes that it is equally important to see in the contemporary mentality so many expressions of fundamental human aspirations. It believes that attention to the positive aspects of contemporary culture will help to guarantee the authenticity of our monastic program." (vote 22, p.37, voté à l'unanimité des participants). Voir également le texte de Dom Colmcille (région des Îles, Mount Melleray, 1992, p.5-6). Les Commissions Centrales ont retenu cet aspect comme le troisième point à prendre en considération dans la présentation du thème des défis de la mentalité contemporaine au Chapitre Général (les deux autres étant l'impact de la mentalité contemporaine sur notre vie contemplative, et les défis que représentent les problèmes de la société pour nos communautés; Gethsemany, 1992, p.28).

[ii] ."Monasticism and Modern Culture: I. Hostility and Hospitality - Religious Community and "The World", M. Francis Mannion, The American Benedictine Review (44:1) march 1993, 3-21.

[iii] .On peut tenter un bref résumé de la présentation que fait F. Mannion de chacun des para-digmes. Le conservatisme se caractérise par une ouverture minimale à la culture ambiante: restauration du modèle institutionnel passé, ecclésiologie centralisatrice et hiérarchique, liturgie pré-conciliaire; en termes monastiques, prédominance de la fuga mundi (sous son aspect péjoratif). Le propre de l'attitude libérale est "a dynamic dialogue between the Gospel and human culture" (p.10). Il s'agit surtout d'adapter la tradition chrétienne et ecclésiale aux aspirations du monde moderne; démocratiser, dé-romaniser et dés-européaniser l'Église; incul-turer la liturgie avec créativité, sans crainte d'innover. Dé-ritualisation de l'existence et re-ritualisation sous un mode libéral caractérisent la vie religieuse et monastique; l'aggiornamento prédomine sur le "retour aux sources". L'approche radicale ne vise pas seulement à accorder tradition chrétienne et société moderne, mais à créer un nouvel ordre religieux et culturel, à partir d'une lecture sélective et d'une critique profonde des institutions passées et actuelles (ainsi par exemple dans la théologie de la libération ou la théologie féministe). Cette tendance appelle une reconfiguration complète de l'Église, de ses structures et de ses expressions symboliques. La vie religieuse et la vie monastique s'y présentent comme un lieu alternatif, à la frontière de la tradition chrétienne et du contexte socio-culturel ambiant; on y parle de "refondation" (au sens fort du terme) et d'"ecclésiogénèse". Enfin le néo-conservatisme se caractérise par une approche tout à la fois ouverte et critique face au monde contemporain, dans le respect des origines chrétiennes, mais en même temps orientée vers le développement de la tradition, tant en ce qui regarde la théologie, l'ecclésiologie que la liturgie: "New cultural elements can always enter into the Christian synthesis, but the Church's continuity with its origins must always be preserved" (p.16). Une grande confiance en l'héri-tage des traditions religieuses et monastiques s'y manifeste, comme aussi en leur vitalité et en leur capacité d'interpellation de la culture ambiante. Les recherches et les conclusions de F. Mannion sur le sujet recoupent en grande partie ceux de Avery Dulles s.j., qui identifie aussi quatre paradigmes (substantiellement les mêmes): traditionalisme, libéralisme, radicalisme prophétique, néo-conservatisme. Voir Avery Dulles, Catholicism and American Culture: The Uneasy Dialogue (New York: Fordham UP 1990).

[iv] .L'attention à l'environnement et aux problèmes écologiques, dans le cadre plus global d'une attention aux problèmes sociaux, a fait l'objet d'un vote dans la région USA: "Nous recommandons que les problèmes sociaux (liés à la guerre, à la torture, aux réfugiés, aux sans-abris, à l'oppression des indigènes et à la destruction des ressources de la terre et de l'écosystème) soient pris en considération dans le thème secondaire des Chapitres Généraux: "Les défis de la mentalité contemporaine" (Conyers 1992, vote 23a, p.8; voté à l'unanimité des participants).

[v] .Voir en particulier le développement sur le sujet que fait Père Josaphat Kato Kalema dans son texte sur "L'identité cistercienne contemplative", 2ième partie, point 1: Les défis, p.42.

[vi] .La question économique, liée à complexification croisssante de l'administration, est soulevée par la région FSO (Timadeuc, 1991, p.6; voir aussi la grille préparée pour la région sur le thème des défis de la mentalité contemporaine, p.13).

[vii] .Texte de Dom Frans Harjawiyata sur "L'identité contemplative cistercienne", point 2.4 La vie contemplative chrétienne dans nos monastères cisterciens, p.7. 

[viii] .Dans notre Ordre, 54 communautés de moines (sur 92) et 19 communautés de moniales (sur 62) possèdent ou utilisent maintenant le FAX (Elenchus 1993).

[ix] .Comme aussi de l'instantané et du provisoire, avec ses répercussions inévitables sur les valeurs de stabilité, de permanence et de durée qui caractérisent notre vie, ainsi que le souligne M. Marie St-Pierre (CRC, Prairies, 1991, p.13).

[x] .Voir à ce sujet le compte-rendu de la RIM (Tre Fontane 1992), "Identité contemplative et formation de la conscience chrétienne: Écoute - Mémoire - Désir", p.3-36.

[xi] .Thème évoqué dans les compte-rendus de quelques conférences régionales, dont celui de la RIM (Vitorchiano 1991), où l'Abbé Général avance le terme de "culture de l'information", dont l'un des effets nocifs sur la vie de nos communautés est d'éveiller la curiosité et d'entretenir une certaine superficialité (p.18). Dans le compte-rendu de la région américaine (Santa Sabina Center, 1991), Dom Bernard McVeigh emploie le terme d'"information-pollution" (Appendix A, Challenges of the comtemporary mentality, p.12). 

[xii] .Cet aspect est développé en particulier par Dom Bernard McVeigh (USA, Santa Sabina Center, 1991, p.12), ainsi que plusieurs autres aspects relatifs à l'utilisation des ordinateurs.

[xiii] .J'emprunte cette distinction à Dom Armand Veilleux, dans son article "Culture et monachisme (Monachisme et culture contemporaine)", Annexe 6 du compte-rendu de la réunion de la CRC, Mistassini 1992, p.7.

[xiv] .La région espagnole a traité de ce point dans son compte-rendu (San Pedro de Cardena, 1992), p.3-5, et de façon plus développée dans deux textes donnés en annexe: "Desafios de la mentalitad contemporanea" (p.30-36, notamment le point 4: La muerte del hombre), et "Incidencia de la mentalidad actual en nuestra vida contemplativa" (p.37-44, notamment le point 2: Problema del lenguaje, p.38-39, et le point 4: Temas relativos a la persona, p.40-44). On connaît aussi la préoccupation de Dom Bernardo en ce qui regarde la question de l'anthropologie: élaborer pour nos communautés une anthropologie personnaliste et cénobitique, qui rende compte aussi de la dimension pluri-culturelle de notre Ordre.

[xv] .Cet aspect est souligné dans le compte-rendu de la REMILA (Humocaro 1992), p.12, et dans celui d'Oriens (Nishinomiya, 1992), p.10 (point 2.4 Discussion). À propos de la difficultés de certains jeunes à s'engager et à tenir leurs engagements, la région néerlandophone évoque la possibilité d'autres modes d'engagement à la vie cistercienne (p. ex. oblature), ou encore un rythme d'initiation adapté, ce qui signifierait pour la communauté un élément moins stable et exigerait plus de souplesse (Zundert, 1991, p.11).

[xvi] .Ou sans que nos communautés adoptent ce que G. Arbuckle nomme le "modèle (relationnel) thérapeutique" (USA, Santa Sabina Center, Appendix A, p.14). Un autre modèle communautaire qui n'est pas sans répercussions sur notre vie contemplative est aussi le modèle "associatif" (voir le compte-rendu de la région CNE, Oelenberg, 1991, p.13).

[xvii] .Ces trois points: promotion de la femme, méfiance à l'endroit des institutions, influence de la démocratisation sur l'exercice du service abbatial, sont mentionnés ou traités surtout dans le compte-rendu de la REMILA (Humocaro 1992, p.11-13).

[xviii] .Document romain Potissimum institutioni, du 2 février 1990. Voir en particulier le chapitre V, paragraphe A: "Les jeunes candidats à la vie religieuse et la pastorale des vocations" (p.57 dans l'édition française publiée par la Conférence Religieuse Canadienne).

[xix] .C'est à une telle réflexion que nous invite en particulier P. Placido Alvarez dans son texte sur "L'identité contemplative cistercienne", p.20-24, en particulier p.21: "Dans une deuxième étape de réflexion nous pouvons nous demander comment nous vivons les différents éléments sur lesquels porte notre réflexion, quelles sont les incohérences existant entre ce que nous reconnaissons comme dimension contemplative et ce que nous vivons, et pourquoi ces incohérences se produisent-elles; ou au contraire, quel élan de vie découvrons-nous et par quoi cet élan est-il encouragé".

[xx] .Ces deux aspects sont bien identifiés par P. Charles Dumont dans son texte sur "L'identité contemplative cistercienne", point VI: Les défis de la mentalité contemporaine, p.31-33. On pourra aussi se référer au document préparatoire au prochain Synode des évêques sur la vie consacrée: "La vie consacrée et sa mission dans l'Église et le monde. Lineamenta" (1992), bien que dans l'ensemble on y réserve peu de place aux instituts intégralement ordonnés à la contemplation.

[xxi] .Pannikar, R, Blessed Simplicity. The Monk as universal Archetype, New York: The Seaburg Press, 1982. Cf. aussi Dom Jean Leclerc, Monastic Studies 18 (1988) 64-78.

[xxii] .Signalons ici la magnifique synthèse de Dom Frans Harjawiyata, qui identifie, au plan théologique, des défis particuliers pour chacun des six continents: sécularisation vs Mysterium Salutis pour l'Europe, inculturation vs Mysterium Incarnationis pour l'Afrique, libération vs Mysterium Liberationis pour l'Amérique latine, et dialogue inter-religieux vs Mysterium Revelationis pour l'Asie (texte du document sur "L'identité contemplative cistercienne", point 1.2 L'évolution de l'Église, p.1-2).

[xxiii] .Jean-Yves Baziou, "Traverser la désillusion. Une autre façon d'habiter le monde", Christus 157 (janvier 1993) 8-17, citation, p.14. Y fait écho cette parole d'espérance de la région africaine: "Un monde nouveau, peut-être plus intérieur, lutte pour naître, mais il manque encore de l'assurance qui vient de la maturation et de l'incorporation dans l'ensemble de la culture humaine" (Awhum, 1991, p.7).