Questions cisterciennes
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LA TRAPPE DE N.-D. DU SAINT-ESPRIT (1862-1872) Les premiers moines en Amérique L'Implantation de l'Ordre de Cîteaux en Amérique
fut
en
quelque
sorte
une
conséquence
de
la
Révolution
française. L'idée en germa dans l'esprit fécond et entreprenant
de
Dom
Augustin
de
Lestrange,
en
quête
d'un
refuge
sûr
pour
le
"peuple"
cistercien
chassé,
de
pays
en
pays,
qu'il
conduisait
à
travers
l'Europe. Dès
son
arrivée
à
la
Val-Sainte
(Suisse),
en
1791,
Dom
Augustin
avait
pressenti
que
c'était
dans
les
forêts
et
les
plaines
immenses
de
l'Amérique
qu'il
trouverait
le
meilleur
refuge
pour
ses
religieux
en
ces
temps
troublés
de
la
Révolution.
Aussi
immédiatement
après
la
fondation
de
Ste-Suzanne
(Espagne),
mit-il
un
groupe
de
moines
en
route
vers
le
Canada.
Mais
ceux-ci,
sur
l'invitation
du
peuple
Belge,
s'établirent
à
Westmalle.
Une
seconde
colonie,
également
destinée
à
l'Amérique,
s'arrêta
à
Lulworth,
dans
le
Dorset
(Angleterre). Enfin,
en
1803,
Dom
Urbain
Guillet,
dernier
novice
à
faire
profession
au
monastère
de
la
Trappe
avant
la
Révolution
quittait
Amsterdam
en
direction
de
l'Amérique,
à
la
tête
de
moines,
de
jeunes
gens
et
d'enfants
du
Tiers-Ordre
fondé
par
Dom
Augustin
:
en
tout
une
quarantaine
de
personnes. Débarqués à Baltimore, ils entreprirent, à travers
les
Etats-Unis,
une
Odyssée
comparable
à
celle
de
Dom
Augustin
à
travers
l'Europe,
Jusqu'à
ce
qu'en
1813
ce
dernier,
parvenu
lui-même
en
Amérique
avec
un
autre
groupe
de
moines,
les
rappelât
tous
près
de
New
York
où
il
voulait
réunir
en
une
seule
fondation
tous
les
Trappistes
d'Amérique. L'Amérique
n'avait
toutefois
été
envisagée
par
Dom
Augustin
que
comme
un
refuge
temporaire.
Aussi
des
qu'il
eût
appris
la
chute
de
Napoléon,
il
plia
bagage,
avec
tout
son
monde,
pour
regagner
la
France.
Il
semblait
bien
que
ces
dix
années
de
dévouement
héroïque
avaient
été
inutiles,
et
que
l'odyssée
américaine
était
close.
A
la
vérité,
elle
ne
faisait
que
commencer... Le Monastère de Petit-Clairvaux, à Tracadie Un certain Père Vincent de Paul Merle était demeuré
à
New
York
avec
quelques
autres
religieux,
pour
le
règlement
final
des
affaires.
Durant
le
voyage
de
retour
vers
l'Europe,
le
Père
Vincent
de
Paul
profita
d'une
escale
à
Halifax
pour
faire
quelques
achats
en
ville.
Mais
lorsqu'il
revint
au
port,
le
navire
était
déjà
rendu
au
large,
emporté
par
un
vent
favorable
que
le
capitaine
avait
jugé
bon
de
ne
pas
manquer
pour
un
homme
... Un
tel
incident
n'était
pas
toutefois
apte
à
décourager
ce
religieux
qui,
avant
de
se
faire
Trappiste,
avait
plus
d'une
fois
frôlé
la
guillotine,
au
cours
de
ses
labeurs
apostoliques
dans
la
France
révolutionnaire. Se trouvant seul à Halifax, en cet automne 1814,
sur
un
immense
territoire
peuplé
de
blancs
et
d'Indiens,
où
la
pénurie
de
prêtres
était
presque
complète,
il
crut
conforme
aux
voies
de
la
Providence
de
se
lancer
dans
le
ministère
des
âmes.
Ce
qu'il
fit
jusqu'en
1818,
avec
la
permission
de
Mgr
Plessis
qui
avait
entre-temps
écrit
à
Dom
Augustin
pour
obtenir
la
permission
d'un
dernier
essai
de
fondation.
Le
Père
Vincent
de
Paul
ne
perdait
pas,
lui
non
plus,
l'espoir
de
cette
fondation. Aussi, ayant découvert, au printemps de 1818,
un
terrain
propice
à
l'établissement
d'un
monastère,
près
de
grande
Tracadie,
en
Nouvelle
Ecosse,
il
y
acheta
300
âcres
de
terre. Il lui manquait cependant, entre bien d'autres
choses,
des
moines…et
ses
demandes
à
Dom
Augustin
restèrent
sans
réponse
jusqu'à
ce
qu'en
1821
ce
dernier
lui
conseillât
de
renoncer
à
son
projet.
Sur
l'avis
de
Mgr
plessis,
le
père
Vincent
s'embarqua
pour
la
France
en
1823,
dans
le
but
de
gagner
Dom
Augustin
à
sa
cause. Dès
1820
toutefois,
Mgr
Plessis
avait
eu
l'intention
d'établir
les
Trappistes
dans
le
Bas-Canada
plutôt
qu'à
Tracadie.
Il
avait
alors
écrit
à
M.
de
Colonne,
missionnaire
dans
l'île
Saint
Jean
(Ile
du
Prince
Edouard):
"Finissons-en
par
nos
religieux
de
la
Trappe,
dont
je
persiste
en
mon
particulier,
à
désirer
le
passage
dans
ce
diocèse. Quel
sort
avez-vous
l'intention
de
leur
faire
dans
l'île
de
Saint-Jean,
quelle
étendue
de
terre
avez-vous
l'intention
de
leur
accorder? Quels autres avantages leur faites-vous? Ces
renseignements
me
seraient
nécessaires
pour
pouvoir
vous
dire
s'ils
seraient
mieux
ici
que
là.
C'étaient
là
les
premières
démarches
en
vue
de
la
fondation
du
monastère
de
Ste-Justine,
mais
ce
projet
n'eut
pas
de
suite
immédiate,
car
le
Père
Vincent,
ayant
gagné
les
bonnes
grâces
de
Dom
Augustin,
s'embarquait
à
Rochefort,
le
10
mai
1823,
avec
cinq
moines
de
Bellefontaine
(France),
pour
fonder
le
monastère
de
Petit-Clairvaux,
près
de
Grande
Tracadie. Ce
monastère
allait
végéter,
dans
une
misère
et
des
travaux
indicibles,
jusqu'en
1857,
faute
d'un
personnel
suffisant
et
de
recrutement
local. Aussi, le 28 janvier 1836, le père Vincent de
Paul,
voyant
bien
que
le
monastère
de
Tracadie
ne
pourrait
survivre
longtemps
par
suite
du
manque
de
vocations
en
Nouvelle-Écosse,
écrivit
à
Mgr
Turgeon,
coadjuteur
de
l'archevêque
de
Québec,
pour
lui
demander
la
permission
d'aller
s'établir
dans
son
diocèse.
Le
Séminaire
de
Québec
aurait
en
effet
consenti
à
donner
aux
moines
les
lots
boisés
de
St
Joachim,
avec
les
bâtiments
qui
s'y
trouvaient. Mgr
Turgeon
lui
répondit,
le
15
mars
suivant,
que
dans
l'état
actuel
des
choses,
cette
fondation
lui
semblait
impossible.
Le
Père
Vincent
était
en
effet
très
brisé
par
l'âge
et
les
fatigues,
et
avait
très
peu
de
religieux.
De
plus,
les
forêts
de
St-Joachim
étaient
encore
absolument
vierges. Le coadjuteur de Québec lui conseillait donc
d'accepter
l'invitation
que
Mgr
Fraser
leur
faisait
de
demeurer
dans
son
diocèse.
Il
terminait
cependant
sa
lettre
par
un
regret
qui
donnait
tout
lieu
d'espérer
pour
l'avenir:
"J'avoue,
écrivait-il,
que
si
vous
étiez
25
ans
plus
jeune
et
aviez
une
douzaine
de
compagnons
capables
d'affronter
le
travail
immense
que
demanderait
une
fondation
ici,
je
vous
presserais
de
venir
sur
notre
territoire
où
vous
feriez
certainement
beaucoup
de
bien." Le
Père
Vincent
de
Paul,
tenace,
réitéra
sa
demande
à
Mgr
Turgeon,
le
11
février
1841.
sa
lettre
se
trouve
encore
dans
les
archives
de
l'archidiocèse
de
Québec,
mais
on
n'y
trouve
pas
de
réponse.
Elle
nous
apprend
que
la
communauté
ne
comptait
alors
que
7
membres
(3
choristes
et
4
convers)
dont
un
seul,
semble-t-il,
était
encore
capable
de
gros
travaux
manuels…L'absence
de
réponse
n'est
donc
pas
tellement
surprenante. Sans
plus
de
succès,
le
Père
Vincent
de
Paul
s'éteignit,
en
odeur
de
sainteté,
le
1
janvier
1853,
âgé
de
84
ans. Enfin,
en
1857,
un
groupe
de
moines
belges
partis
de
Westmalle
allaient
amener
à
Petit-Clairvaux
un
regain
de
vie
et
la
prospérité
qui
permettraient,
quelques
années
plus
tard,
la
fondation
en
terre
québécoise. Durant le carême de 1859, arriva à Tracadie
un
autre
contingent
de
moines
belges
parmi
lesquels
se
trouvaient
les
Pères
André
et
François-Xavier,
venus
tous
deux
du
monastère
de
Saint-Sixte,
et
qui
allaient
être
les
deux
premiers
supérieurs
du
monastère
de
Notre-Dame
du
saint-Esprit,
dans
le
Canton
Langevin. Préparatifs de la Fondation de N.D. du Saint-Esprit L'instigateur de la fondation du Monastère de Notre-Dame
du
Saint-esprit
allait
être
le
Père
André. Ce religieux avait été autrefois frère convers
à
Ste-Marie
du
Mont-des-Cats,
d'où
il
était
passé
au
Monastère
de
saint-Sixte
comme
religieux
de
chœur,
au
moment
de
la
fondation
de
cette
maison
par
Ste-Marie
du
Mont.
Il
y
fut
ordonné
prêtre,
et
en
partit
en
1859
pour
se
rendre
au
Petit-Clairvaux. Dès
sa
première
année
en
ce
dernier
monastère,
le
Père
André
avait
souvent
manifesté
le
désir
d'aller
fonder
un
nouveau
monastère
dans
le
Bas-Canada. Le Père Jacques, supérieur de la communauté
de
Tracadie,
depuis
l'arrivée
des
moines
belges,
après
avoir
été
longtemps
opposé
à
ce
projet,
se
décida
à
consulter
la
communauté
pour
savoir
si
elle
accepterait
si,
par
hasard,
le
Père
André
venait
à
réussir. La majorité ayant accepté la motion, le Père
André
se
mit
en
route
vers
le
Bas
Canada. Il
alla
tout
d'abord
à
Montréal,
où
les
Sulpiciens
lui
offrirent
le
terrain
qu'ils
ont
donné
en
1881
aux
Trappistes
de
Notre
Dame
du
Lac
(Oka). Mais les conditions posées ne lui agréant pas,
il
déclina
l'offre
et
se
rendit
à
Québec.
Là,
il
trouva
Monsieur
Bernard,
curé
de
Ste-Claire,
qui
l'invita
à
s'établir
dans
sa
paroisse
et
engagea
Mgr
Turgeon,
archevêque
de
Québec,
et
les
trois
frères
Langevin:
Jean,
qui
devint
bientôt
évêque
de
Rimouski
et
qui
était
alors
principal
de
l'école
normale
Laval,
Edmond,
prêtre
du
diocèse
et
par
la
suite
grand
vicaire
de
Rimouski,
et
Hector,
membre
du
parlement
et
plus
tard
ministre,
à
donner
avec
lui
chacun
un
lot
de
terrain
pour
l'établissement
d'un
monastère
Trappiste
dans
la
province
de
Québec.
(Il
semble
toutefois
que
ce
soit
le
gouvernement
qui
ait
donné
aux
Trappistes
tous
les
terrains
qu'ils
occupèrent
dans
le
canton
Langevin,
et
qui
se
composait
des
lots
14-15-16-17-18-19-20
et
21
du
rang
n°9). Le
Père
André,
ravi
de
l'offre
de
Monsieur
le
curé
Bernard,
en
fit
part
à
son
supérieur,
le
Père
Jacques,
qui,
de
Tracadie,
le
26
décembre
1861,
écrivit
à
Monseigneur
Charles-François
Baillargeon,
évêque
de
Flox
in
partibus
infidelium
et
administrateur
du
diocèse
de
Québec,
pour
lui
demander
si
le
temps
n'était
pas
venu
de
réaliser
au
moins
en
partie
les
désirs
d'un
de
ses
prédécesseurs,
le
Père
Vincent
de
Paul.
Voici
le
texte
de
sa
lettre,
empreinte
d'esprit
de
religion
et
de
soumission:
"
Je
procurerai
certainement
à
Votre
Grandeur
un
plaisir
spirituel,
en
l'informant
que
je
crois
devant
Dieu
un
temps
précieux
arrivé. Dieu, dans ses adorables desseins, vous ménage
l'occasion
de
procurer
à
l'Église-mère
du
Canada
un
nouvel
ornement
par
l'établissement
d'un
monastère
de
Trappistes. "
Un
bon
et
fervent
chrétien,
que
Dieu
a
béni
dans
ses
affaires
temporelles,
vient
de
vous
(nous)
offrir
avec
une
généreuse
charité
les
moyens
d'acquérir
le
terrain
suffisant
pour
commencer
un
petit
monastère
de
notre
Ordre. "
Il
ne
s'agit
de
rien
de
prétentieux:
quelques
simples
et
modestes
bâtiments
convenables
à
notre
état,
avec
une
petite
chapelle,
voilà
ce
qui
s'accomplira
facilement
moyennant
l'inspiration
de
Dieu
dans
quelques
âmes
charitables
comme
il
y
en
a
tant
autour
de
vous. "
Mais
il
faut
la
manifestation
plus
certaine
de
la
volonté
de
Dieu
par
votre
parole
épiscopale. "
Une
fois
cette
parole
donnée,
les
pierres
vivantes
qui
doivent
faire
partie
de
l'édifice
spirituel
s'offriront
d'elles-mêmes
pour
se
joindre
à
celles
que
nous
avons
déjà,
et
pour
se
faire
tailler,
polir
et
sanctifier,
en
attendant
qu'elles
entrent
dans
le
grand
palais
de
la
Jérusalem
céleste. Le grand Architecte, qui a choisi et désigné
d'avance
ces
pierres,
les
révélera
à
votre
œil
pastoral
et
aux
Supérieurs
que
la
Sainte
Eglise
désignera
pour
diriger
son
œuvre." L'intention
du
Père
Jacques
n'était
pas
de
transporter
toute
sa
communauté
dans
le
diocèse
de
Québec,
mais
d'y
envoyer
seulement
un
petit
détachement,
tout
en
laissant
la
majeure
partie
de
ses
religieux
à
Tracadie.
Cependant,
il
est
possible
que
le
transfert
complet
de
la
communauté
se
serait
effectué
plus
tard,
si
la
fondation
de
Ste-Justine
avait
survécu
aux
difficultés
des
premières
années,
car
le
recrutement
était
à
peu
près
nul
à
Tracadie. Toujours
est-il
que
le
16
janvier
1862,
Mgr
Baillargeon
répondit
au
Père
Jacques:
"
Mon
Révérend
Père.
En
réponse
à
votre
lettre
du
26
décembre
dernier
je
m'empresse
de
vous
dire
que
je
serais
heureux
de
voir
votre
petite
communauté
s'établir
dans
le
Nord;
que
je
crois
qu'avec
l'aide
de
Dieu
elle
y
ferait
beaucoup
de
bien,
qu'elle
serait
bien
accueillie
par
le
clergé
et
par
le
peuple,
enfin
qu'il
serait
facile
de
lui
procurer
un
coin
de
nos
forêts
pour
s'y
fixer.
"
Mais
les
difficultés
que
présentent
les
défrichements
des
terres
au
Canada
sont
grandes:
il
faudrait
même
aux
bons
pères
de
la
Trappe
d'abondantes
ressources
pour
pouvoir
vivre
et
opérer
le
défrichement
durant
plusieurs
années,
et
tout
ce
que
l'archevêque
pourrait
faire
pour
les
aider,
ce
serait
de
les
bénir
et
d'inviter
son
peuple
à
les
assister
de
ses
aumônes. "
Je
prie
Dieu
de
vous
éclairer
sur
ce
projet,
et
de
le
faire
réussir
pour
sa
plus
grande
gloire,
et
je
demeure…
(signé:
C.F.,
Evêque
de
Flox,
administrateur). Cette
réponse
qui
ne
voilait
en
rien
les
difficultés
de
l'entreprise,
satisfit
sans
doute
le
père
Jacques
qui,
le
lundi
de
la
Pentecôte
1862,
envoya
trois
religieux
rejoindre
le
P.
André,
pour
commencer
la
fondation. On connaît le nom de deux d'entre eux: le Père
Placide,
religieux
de
chœur
non-prêtre,
et
le
frère
Edmond,
convers,
tous
deux
venus
de
Saint-Sixte
au
Petit-Clairvaux,
le
20
octobre
1858. le
Père
placide
quittera
Ste-Justine
en
1867,
avec
un
autre
religieux
prêtre,
le
Père
Gérard,
pour
fonder
à
Old
Monroë,
dans
le
diocèse
de
Saint-Louis,
Missouri,
un
nouveau
monastère
qui
subsistera
jusqu'en
1875;
après
quoi
il
retournera
à
Petit-Clairvaux.
Le
Frère
Edmond
demeurera
à
Ste-Justine
jusqu'à
la
fermeture
en
1872,
et
regagnera
alors
lui
aussi
Petit-Clairvaux.
A
leur
arrivée
à
Québec,
les
trois
religieux
furent
accueillis
à
l'archevêché.
Après
y
être
demeurés
trois
ou
quatre
jours,
ils
se
rendirent
à
Ste-claire
où
les
attendait
le
Père
André
qui
s'y
trouvait
depuis
le
premier
mai,
comme
hôte
et
ami
de
Monsieur
le
curé
Bernard.
Entre
temps,
le
Père
André
avait
fait
publier
à
Québec
une
brochure
où,
en
termes
spirituels,
il
expliquait
au
peuple
canadien
le
sens
de
la
vie
cistercienne.
On
en
lira
avec
profit
certains
passages. "
Chaque
membre
du
corps
mystique
de
Notre
seigneur
Jésus-Christ,
pour
répondre
aux
desseins
de
miséricorde
et
d'amour
de
son
divin
chef,
doit
suivre
le
Divin
Pasteur
dans
une
partie
de
sa
vie
qu'il
est
venu
nous
montrer
dans
son
Incarnation
et
en
vivant
trente
trois
ans
sur
la
terre,
afin
d'instruire
l'homme
de
ses
devoirs
envers
son
Créateur
et
qu'en
suivant
l'exemple
donné
par
le
divin
Maître,
l'homme
pût
obtenir,
par
sa
fidélité
à
l'aimer
et
à
le
servir
en
cette
vie,
le
bonheur
d'une
éternelle
félicité. "
Pour
répondre
à
la
fin
de
sa
création
tout
homme
donc
doit
se
conformer
à
la
vie
de
son
Sauveur
Jésus-Christ
dans
la
partie
dans
la
quelle
il
veut
être
suivi
et
dans
laquelle
il
l'appelle
par
ses
divines
inspirations
et
autres
différents
moyens,
toujours
efficaces,
si
l'homme
de
son
côté
est
de
bonne
volonté. "
Le
genre
de
vie
de
la
stricte
observance
de
l'ordre
de
Cîteaux,
selon
la
réforme
de
N.-D.
de
la
Trappe
par
Dom
Rancé,
que
nous
proposons
ici,
est
de
suivre
N.S.
J.C.
dans
sa
vie
commune
dans
la
maison
de
Nazareth,
occupé
à
toutes
sortes
d'ouvrages
sous
l'obéissance
de
sa
très
Sainte
Mère
et
dans
l'atelier
de
St.
Joseph,
son
tuteur
et
Père
putatif;
ensuite
dans
le
désert,
où
il
fut
conduit
par
l'Esprit
(et
ne
doutons
pas
que
ce
fut
par
l'esprit
de
Dieu,
quoique
N.S.
y
fut
tenté
après
par
l'Esprit
malin.)
Cette
vie
de
N.S.
dans
le
désert
a
été
une
pratique
de
jeûnes,
de
prières,
de
souffrances,
de
renoncement,
de
mortifications
et
d'humiliation.
C'est
cette
partie
de
la
vie
de
N.S.
que
les
religieux
de
la
Trappe
font
profession
d'imiter,
autant
que
la
faiblesse
humaine
le
puisse
permettre.
"
S'anéantir
continuellement
avec
J.C.,
se
dépouiller
de
tout
avec
J.C.,
compatir
sans
cesse
avec
Marie
aux
peines
de
la
passion
de
J.C.,
c'est
faire
le
chemin
royal
de
la
Croix,
d'une
manière
sensible,
et
en
esprit
et
en
vérité
en
même
temps;
c'est
y
suivre
le
Divin
Maître
constamment
jusqu'à
la
mort
et
aller
ensuite
partager
son
Royaume
éternel
qu'il
réserve
à
ceux
qui
l'auront
imité
dans
sa
vie
passagère
et
qui
auront
bien
appris
le
livre
de
sa
croix
qui
nous
enseigne
toutes
les
vertus
de
la
vie
chrétienne
et
parfaite,
non
pas
avec
de
simples
paroles,
mais
avec
des
actions,
même
héroïques. Ce livre est si intelligible à tous qu'il ne
faut
que
des
yeux
pour
le
comprendre."
La fondation Le départ pour le Canton Langevin, où se trouvait
le
site
du
futur
monastère,
eut
lieu
le
24
juin
suivant,
et
nous
est
raconté
d'une
façon
pittoresque
dans
le
Canadien
du
27
juin
1862,
par
un
citoyen
de
Ste-Claire
qui
signe
S.F.: "
Mardi
le
24
juin,
fête
de
saint
Jean-Baptiste,
patron
des
Canadiens,
les
bons
religieux
qui
avaient
édifié
les
paroissiens
de
Ste-Claire
par
leur
piété
si
naïve
et
si
sincère
pendant
leur
séjour
dans
cette
paroisse,
devaient
partir
pour
leur
nouvel
établissement.
Vers
9
heures,
le
son
de
la
cloche
appelait
les
fidèles
à
l'église
pour
implorer
le
secours
du
ciel
et
la
protection
de
saint
Jean-baptiste
sur
cette
grande
entreprise
si
religieuse
et
si
nationale
en
même
temps.
"
M.
le
curé
bénit
au
nom
de
Dieu
les
courageux
religieux
qui,
à
l'exemple
de
saint
Jean-Baptiste,
allaient
s'enfoncer
dans
les
bois
pour
y
établir le règne de Jésus-Christ, et tous les généreux
paroissiens
de
Ste-claire
qui
allaient
leur
prêter
secours
pour
le
défrichement
et
les
nouvelles
bâtisses
de
première
nécessité. Au sortir de l'église, après avoir exprimé leur
reconnaissance
à
M.
le
Curé,
ils
montèrent
dans
les
voitures
qui
leur
étaient
offertes,
et
furent
escortés
jusqu'à
l'extrémité
du
village
par
une
foule
de
personnes
et
par
plus
de
200
enfants
qui
conserveront
sans
doute
le
souvenir
d'un
si
beau
jour." Monsieur
le
curé
Bernard
et
le
Père
André
accompagnèrent
quelque
temps
les
religieux
en
procession,
puis
rentrèrent
à
Ste-Claire
pendant
qu'une
partie
des
paroissiens
les
conduisaient
jusqu'au
Lac
Etchemin,
distant
de
Ste-Claire
d'environ
10
lieues
et
en
ramenèrent
les
charrettes. De
Ste-Claire
à
St-Malachie,
la
route
était
encore
ce
qu'on
pouvait
appeler,
dans
le
temps,
un
beau
chemin;
mais
de
St-Malachie
au
Lac
Etchemin,
elle
n'était
qu'un
long
marécage
bordé
de
bois
touffu.
Même
à
partir
de
Standon,
on
était
forcé
de
laisser
la
voiture
à
quatre
roues
pour
prendre
le
tombereau.
Le
pire
n'était
cependant
pas
encore
fait,
car
depuis
le
Lac
Etchemin
jusqu'au
lieu
de
destination,
c'est-à-dire
treize
ou
quatorze
milles,
il
fallait
s'enfoncer
à
pied
dans
la
forêt
vierge
où
les
seuls
sentiers
étaient
ceux
des
bêtes
sauvages.
Par
conséquent
il
fallut
porter
sur
son
dos
les
provisions
et
les
bagages
de
premières
nécessité. Une dizaine d'hommes accompagnèrent les religieux
jusqu'à
leur
terrain
et
s'y
établirent
pour
une
semaine
afin
d'aider
au
défrichement;
la
semaine
suivante
une
dizaine
d'autres
venaient
remplacer
les
premiers
et
étaient
à
leur
tour
remplacés
par
d'autres
la
troisième
semaine;
cela
dura
un
mois
environ. Après
leur
longue
journée
de
marche,
les
courageux
voyageurs,
heureux
d'avoir
enfin
atteint
leur
"terre
promise",
durent
dormir
à
la
belle
étoile,
car
aucun
abri
ne
les
attendait
dans
le
canton
Langevin. Mais le courage ne manquait pas à ces vaillants
religieux
habitués
aux
austérités
de
la
vie
cistercienne. Aussi, dès le lendemain, ils commencèrent à
se
fabriquer
une
cabane
d'écorce
et
de
branches,
qui
les
abriterait
jusqu'à
la
construction
d'un
premier
monastère
en
bois
rond. Tels
furent
les
humbles,
mais
combien
généreux
débuts
de
la
Trappe
de
Notre-Dame
du
St-Esprit.
Il
est
difficile
de
concevoir
tout
ce
qu'il
fallut
d'abnégation
à
ces
religieux. Moines de Belgique, ils avaient quitté leurs
frères
en
religion
et
s'étaient
expatriés
en
1858
pour
venir
accomplir,
à
Petit-Clairvaux
presque
tous
les
travaux
d'une
véritable
fondation. Trois ans plus tard, ils quittaient à nouveau
leur
famille
monastique
pour
s'enfoncer
dans
les
forêts
vierges
du
Bas-Canada
où
le
climat
était
beaucoup
plus
rigoureux
que
dans
leur
chère
Belgique. De tels renoncements ne devaient pas tarder
à
porter
des
fruits.
Avant
de
continuer,
il
convient
de
rendre
un
hommage
tout
particulier
aux
habitants
de
Ste-Claire,
et
à
leur
curé,
pour
la
sympathie
et
la
générosité
qu'ils
eurent
constamment
à
l'égard
des
Trappistes.
On
les
vit
souvent
se
rendre
au
monastère
pour
y
accomplir
des
"corvées",
sans
lesquels
les
religieux
auraient
difficilement
suffi
aux
travaux
de
défrichement
et
de
construction.
Monsieur
l'abbé
Rousseau,
curé
de
St-Malachie,
fut
toujours,
lui
aussi
un
soutien
précieux.
La
prière
fervente
des
vaillants
religieux
ne
manqua
sans
doute
pas
de
redescendre
sur
ces
braves
gens,
en
pluie
de
bénédictions
célestes.
Les débuts Les débuts de la fondation furent extrêmement durs
pour
les
religieux.
Ils
s'étaient
fait
une
mauvaise
cabane
d'écorce
et
de
branches,
à
la
manière
des
sauvages,
et
y
vécurent
dans
la
plus
grande
pauvreté,
car
les
vivres
qu'ils
avaient
apportés
avec
eux
avaient
été
consommés
dès
les
premiers
jours
par
leurs
guides
et
par
les
autres
personnes
qui
étaient
venues
les
assister. Pendant les trois ou quatre premières semaines,
ils
furent
réduits
à
se
nourrir
exclusivement
de
poissons
qu'ils
pêchaient
eux-mêmes
et
d'un
reste
de
biscuits
de
marine
durs
et
moisis. Le
père
André
était
resté
environ
trois
semaines
à
Ste-Claire,
pour
se
procurer
les
choses
les
plus
indispensables,
et
recueillir
les
aumônes
qui
lui
étaient
apportées
assez
largement
pour
son
monastère.
Après
ce
laps
de
temps
il
vint
rejoindre
ses
fils. Mais, porté par tempérament à une excessive
austérité,
il
ne
chercha
guère
à
alléger
les
privations
toujours
inévitables
dans
un
premier
établissement. Aussitôt
après
avoir
construit
leur
cabane,
les
religieux
s'étaient
mis
à
bâtir
une
maison
provisoire
en
troncs
d'arbres
équarris,
selon
le
plan
donné
par
le
Père
André.
Mais
cette
maison
n'était
guère
plus
confortable.
Elle
avait
huit
pieds
de
haut,
trente
de
large
et
soixante
de
long.
Tout
le
solide
consistait
dans
les
quatre
murs
et
la
toiture;
les
cloisons
étaient
faites
de
grosse
toile,
et
le
plancher,
sur
lequel
il
fallut
coucher
une
partie
de
l'hiver,
était
constitué
de
branches
d'arbres;
et
il
y
avait,
cette
année
là,
huit
pieds
de
neige. Le
Père
Jacques,
supérieur
de
Petit-Clairvaux,
arriva
pour
sa
première
visite,
le
14
août
1862,
en
compagnie
de
deux
nouvelles
recrues:
les
Pères
François-Xavier
et
Maur,
tous
les
deux
minorés.
Ayant
trouvé
les
frères
sur
le
point
de
perdre
courage,
et
parlant
déjà
de
retourner
au
Petit-Clairvaux,
il
les
consola
de
son
mieux. Puis, constatant que le Père André, à cause
de
son
austérité
excessive,
n'était
pas
apte
au
gouvernement
d'une
communauté,
il
décida
de
le
remplacer
comme
supérieur
par
le
Père
François-Xavier. Le Père François-Xavier Le Père François-Xavier, dans le monde: Henri de
Brie,
était
né
le
29
janvier
1825,
à
Rotterdam,
dans
le
diocèse
de
Harlem
en
Hollande.
Entré
au
monastère
de
Saint-Sixte
en
Belgique,
le
1er
mars
1859,
il
fut
immédiatement
envoyé
à
celui
de
Notre-Dame
du
St-Esprit
au
mois
d'août
1862
en
compagnie
du
Père
Jacques
qui
le
nomma
aussitôt
supérieur,
comme
nous
venons
de
le
dire,
bien
qu'il
ne
fût
que
minoré.
Rempli
de
courage
et
d'esprit
religieux,
en
même
temps
que
doué
d'un
bon
sens
d'organisation,
il
procurera
à
sa
communauté
un
rapide
développement
tant
au
temporel
qu'au
spirituel. Développement matériel L'Honorable Hector Langevin fit au monastère, dans
les
premiers
jours
d'août
1862,
une
visite
qu'il
nous
a
décrite
dans
le
Canadien
du
15
août
suivant: "…Au
mois
de
juillet
dernier,
il
ne
se
trouvait
dans
ce
Township
aucun
chemin,
il
n'y
résidait
personne;
pas
un
arpent
de
terre
n'y
avait
été
défriché. Au bout de trois mois, un chemin de plus de
treize
milles
de
longueur
y
a
été
ouvert,
un
établissement
de
Trappistes
y
est
fondé,
quinze
à
vingt
beaux
lots
de
terre
y
laissent
voir
des
défrichements
de
plusieurs
acres
chacun,
et
les
Pères
Trappistes
y
ont
déjà
récolté
de
belles
patates
et
des
navets
qui
feraient
honneur
à
une
vieille
paroisse. "
En
parlant
des
Pères
Trappistes,
il
convient
de
dire
que
c'est
un
établissement
permanent
qu'ils
viennent
de
faire
au
Township
Langevin. Ils y ont huit cent acres de terre; ils en ont
au
moins
10
acres
défrichées,
et
leur
monastère
temporaire
est
une
bâtisse
en
bois
de
55
pieds
sur
25.
ils
viennent
d'y
construire
une
écurie,
et
sont
à
l'œuvre
pour
hiverner
au
milieu
de
cette
belle
forêt
à
la
place
de
laquelle
ils
veulent
implanter
la
civilisation. "
Nous
arrivâmes
chez
les
Trappistes
vers
8
heures
du
soir. Le supérieur, le Frère François-Xavier vint
nous
recevoir
au
dehors
et
nous
offrir
l'hospitalité
pour
laquelle
cet
ordre
religieux
est
si
renommé.
Nous
y
vîmes
le
lendemain
la
communauté
composée
pour
le
moment
de
cinq
religieux,
et
nous
comprîmes
que
les
écrivains
n'ont
rien
exagéré
en
parlant
des
privations
auxquelles
ces
bons
religieux
se
soumettent.
Je
n'entrerai
pas
dans
les
détails
sur
la
vie
monastique. Je ma contenterai de dire qu'aux privations
ordinaires
des
Trappistes,
ceux
du
Township
Langevin
ont
encore
celle
que
font
subir
les
communications
difficiles
et
la
fondation
d'un
nouvel
établissement. Mais ils sont pleins de courage et de confiance;
ils
continuent
à
compter
sur
l'appui
et
les
secours
si
généreux
que
leur
ont
accordé
l'Archevêché
de
Québec,
et
Messieurs
Bernard
et
Rousseau,
qui
ont
tant
fait
et
font
encore
tant
pour
eux.
Ils
ont
aussi
les
sympathies
des
populations
de
Dorchester
qui
les
ont
puissamment
aidés,
surtout
les
habitants
de
Ste-Claire,
en
leur
fournissant
des
corvées
dans
les
temps
les
plus
difficiles." Aussitôt
après
son
installation,
le
Père
François-Xavier
se
lança
aussi
dans
la
construction
d'un
vaste
et
beau
monastère,
capable
de
recevoir
environ
quatre-vingts
religieux.
Le
bois
fut
choisi
comme
matériau,
mais
on
y
employa
de
gros
troncs
de
cèdre
équarris,
et
on
n'épargna
rien
pour
donner
à
ce
monastère
une
garantie
de
solidité
et
de
durée,
non
moins
qu'un
certain
cachet
de
beauté
simple
qui
faisait
l'admiration
des
gens
de
Québec
et
de
Montréal
qui
venaient
le
visiter. Il fut achevé vers le milieu de l'année 1867.
Les
frais
de
cette
construction
furent
payés
par
les
aumônes
spontanées
des
fidèles
et
par
les
collectes
que
firent
les
religieux
et
qui
furent
abondantes. Le
Père
Placide
servit
d'architecte
pour
cette
construction. Il fit le plan, dirigea les travaux, et allait
lui-même
choisir
les
arbres
nécessaires,
au
milieu
de
la
forêt. Le monastère avait la forme traditionnelle d'un
vaste
quadrilatère
dont
les
ailes
de
côté
mesuraient
120
pieds
chacune. Le préau était divisé en deux cours distinctes,
dont
l'une
servait
de
cimetière.
L'église,
dans
sa
simplicité
bien
monastique,
présentait
un
cachet
tout
particulier;
comme
dans
toutes
les
églises
cisterciennes,
la
nef
comprenait
deux
paries
dont
l'une
était
réservée
aux
frères
convers
et
l'autre
aux
religieux
choristes. Les
années
se
succédaient,
tout
aussi
prospères
les
unes
que
les
autres. Si bien que, Mgr Baillargeon, à la suite de
sa
visite
pastorale
du
14
juin
1868,
pouvait
écrire
dans
le
registre
de
cette
visite:
"
L'église
et
tout
le
monastère
et
ses
dépendances
sont
en
bon
ordre.
Immense
défrichement
des
terres
du
monastère;
ensemencement
d'une
quantité
considérable
de
terre
neuve
qui
promet
une
magnifique
récolte.
Un
nombre
suffisant
d'animaux
pour
les
besoins
de
la
maison:
une
somme
assez
ronde
entre
les
mains
du
procureur,
fruit
d'une
quête
générale
dans
le
diocèse
de
Montréal,
laquelle
somme
suffit
pour
faire
achever
ce
qui
manque
aux
édifices,
pour
payer
les
petites
dettes
de
la
maison
et
aider
les
frères
dans
leurs
besoins
pour
quelque
temps.
On
peut
dire
que
le
monastère
est
dans
un
état
prospère
du
côté
du
temporel
et
qu'il
n'a
plus
besoin
de
bons
sujets
pour
se
recruter
et
se
multiplier,
ce
que
nous
souhaitons
fortement
et
avons
exhorté
les
RR.PP.
à
demander
à
Dieu
dans
leurs
ferventes
prières." Erection canonique En décrivant ainsi le développement matériel de la
communauté,
jusqu'en
1868,
nous
avons
anticipé
sur
les
faits,
laissant
sous
silence
le
fait
de
l'érection
canonique
du
Monastère. En
effet,
le
monastère
de
Notre-Dame
du
Saint-Esprit,
bien
que
fondé
le
24
juin
1862
ne
fut
érigé
canoniquement
que
le
20
juin
1863,
en
vertu
d'une
ordonnance
de
Mgr
Baillargeon
datée
du
14
juin. Le
Père
André,
peu
après
l'arrivée
du
Père
Jacques,
était
parti
pour
l'Europe,
où
il
mourut
quelques
années
plus
tard.
Cependant,
demeuré
attaché
à
son
monastère
de
Ste-Justine,
il
s'occupe
d'y
envoyer
trois
recrues
et
quelques
aumônes.
Les
trois
recrues
étaient
le
Père
Yves
et
le
Père
Guillaume
ainsi
qu'un
postulant
qui
persévérera
jusqu'à
la
fermeture,
sous
le
nom
de
Père
Antoine.
Quant
aux
deux
premiers,
ce
n'était
peut-être
pas
des
recrues
de
choix;
aussi
donnèrent-ils
quelques
difficultés
à
leur
jeune
supérieur. Les
nouveaux
venus
arrivèrent
à
Québec
dans
les
débuts
de
juin
1863. Mgr Baillargeon leur offrit l'hospitalité durant
quelques
jours
à
l'archevêché,
et
profita
de
leur
passage
pour
faire
parvenir
au
monastère
l'ordonnance
signalée
ci-dessus,
et
dont
voici
le
texte: "
Charles
François
Baillargeon,
par
la
miséricorde
de
Dieu
et
la
grâce
du
S.Siège
apostolique,
Evêque
de
Flox,
administrateur
du
diocèse
de
Québec. La fondation d'un monastère de Trappistes dans
le
diocèse
de
Québec,
étant
la
preuve
d'une
bénédiction
spéciale
du
Ciel,
nous
rendons
grâces
à
la
divine
Providence
de
ce
que
cette
fondation
est
rendue
possible
par
l'arrivée
de
nos
chers
fils
en
N.S.
le
Rd
Yvon,
prêtre,
profès
du
monastère
de
S.
Marie
de
la
Trappe
de
S.
Benoît
d'Achel
muni
d'une
obédience
du
Rd
Joseph
Marie,
prieur
de
ce
monastère,
en
date
du
17
mai
1863,
le
Rd
Guillaume,
prêtre
profès
du
monastère
de
S.
Sixte,
de
l'Ordre
de
Cîteaux,
à
Westoletere
diocèse
de
Bruges,
autorisé
par
une
obédience
du
Rd
Dom
…,
prieur
de
son
monastère
et
le
Frère
Charles
Louis
Verhulst,
novice
convers
de
ce
même
monastère,
également
autorisé
par
le
P.
Prieur
de
S.
Sixte
le
6
mai
1863. Notre cher fils le frère François, de concert
avec
les
Pères
Maur
et
Placide,
religieux
de
chœur
et
les
frères
convers
Clément
et
Edmond
ayant
préparé
les
voies
à
cet
établissement
en
ouvrant
la
forêt
et
pourvoyant
aux
premiers
édifices,
nous
croyons
le
moment
arrivé
de
consentir
à
la
formation
d'une
Communauté
régulière
qui
relèvera
de
nous,
des
Archevêques
de
Québec
sans
dépendre
d'une
autre
maison,
jusqu'à
ce
que
les
circonstances
permettant
son
affiliation
ou
union
à
une
communauté
déjà
formée
soit
en
Europe
soit
en
Amérique.
Et
pour
que
rien
ne
puisse
(nuire)
à
la
régularité
du
monastère,
nous
avons
réglé
et
ordonné,
réglons
et
ordonnons
ce
qui
suit: 1°
Le
monastère
de
N.D.
de
la
Trappe
du
Saint-Esprit
dans
le
Township
de
Langevin
sera
sous
la
règle
de
l'ordre
de
Cîteaux,
selon
la
réforme
de
Rancé. 2°
Aussitôt
que
les
Rd
Yvon
et
Guillaume
que
nous
acceptons
comme
religieux
du
dit
monastère,
aussi
bien
que
les
frères
qui
y
sont
déjà
rendus,
ainsi
que
le
frère
Charles
Louis
Verhulst
et
le
postulant
Napoléon
Stanislas
Stienmetsen
seront
arrivés
au
monastère
du
saint-esprit,
le
chapitre
sera
assemblé
pour
organiser
la
communauté.
3°
Après
avoir
pris
connaissance
des
lettres
d'obédience
des
nouveaux
religieux,
notre
cher
frère
François
faisant
les
fonctions
de
supérieur
par
intérim,
donnera
lecture
de
notre
présente
ordonnance,
et
procèdera
avec
tous
les
religieux
de
chœur
à
l'élection
d'un
supérieur,
conformément
aux
règles
de
l'Ordre. 4°
Un
procès
verbal
de
cette
première
élection
nous
sera
adressé
sans
délai
par
le
nouveau
supérieur
qui
en
même
temps
nous
demandera
notre
approbation
conformément
aux
règles
canoniques.
5°
Les
élections
se
feront
ensuite
régulièrement
comme
il
est
prescrit
par
les
Constitutions,
puis
chaque
nouveau
supérieur
donnera
avis
de
sa
nomination
à
l'archevêque
de
Québec
et
n'entrera
en
fonction
qu'après
avoir
reçu
son
approbation.
6°
la
présente
sera
enregistrée
en
tête
du
livre
des
délibérations
du
chapitre
et
en
note
avec
soin
pour
y
recourir
au
besoin.
Donné
à
l'archevêché
de
Québec
sous
notre
seing,
le
sceau
du
diocèse,
et
le
contre-seing
de
notre
secrétaire,
le
14
juin
1863. C.F.
Evêque
de
Flox.
Par
monseigneur,
Edmond
Langevin,
P.
secrétaire. La
jeune
communauté
reçut
avec
joie
cette
ordonnance
de
l'ordinaire
du
diocèse,
et
s'empressa
de
l'exécuter
avec
toute
la
fidélité
possible. L'élection eut lieu sans retard, et le Père
François,
bien
que
simple
minoré,
fut
confirmé
dans
sa
charge
de
supérieur,
par
le
vote
de
la
communauté.
Cette
dignité,
jointe
à
l'estime
que
lui
portaient
ses
supérieurs
ecclésiastiques
qui
reconnaissaient
en
lui
un
homme
de
grande
valeur,
exigeaient
qu'il
fût
promu
au
sacerdoce.
Il
le
fut
en
effet
le
27
septembre
1863,
après
avoir
reçu
le
sous-diaconat
le
19
et
le
diaconat
le
20
du
même
mois.
La vie spirituelle de la communauté Les Trappistes qui s'étaient fait volontairement
pauvres
pour
l'amour
du
Christ
pauvre
avaient
à
cœur
de
gagner
leur
pain
à
la
sueur
de
leur
front,
comme
le
plus
humble
colon,
et
à
l'exemple
du
Christ
lui-même
et
des
apôtres.
Ils
n'oubliaient
pas,
toutefois,
que
le
but
essentiel
de
leur
vie
était
l'adoration,
la
louange
et
la
contemplation
de
Dieu. La
vie
spirituelle
du
monastère
ne
le
laissait
en
rien
à
l'activité
que
les
moines
menaient
dans
leurs
travaux
manuels.
On
y
célébrait
chaque
jour
la
messe
conventuelle
ainsi
que
l'Office
divin,
et
on
y
trouvait
encore
le
temps
de
vaquer
à
la
lecture
spirituelle
et
à
l'étude
de
la
théologie.
Lors
de
la
visite
pastorale
du
14
juin
1868,
Mgr
Baillargeon
conféra
la
tonsure
et
les
ordres
mineurs
aux
Pères
Joseph-Marie,
Antoine
et
Bruno,
et
promut
le
Père
Maur
au
sous-diaconat.
Ce
dernier
accéda
au
diaconat
et
à
la
prêtrise,
le
4
et
le
11
octobre
de
la
même
année;
et,
à
ces
mêmes
dates,
les
Pères
Joseph-Marie
et
Antoine
recevaient
le
sous-diaconat
et
le
diaconat,
en
attendant
d'être
ordonnés
prêtres
à
Montréal,
le
21
janvier
1869.
L'atmosphère
de
la
communauté
était
faite
de
satisfaction,
de
joie,
et
de
paix
surnaturelle,
malgré
l'austérité
de
la
vie.
En
1864
chacun
des
religieux
écrivit
à
Mgr
Baillargeon
pour
lui
exprimer
leurs
sentiments
de
reconnaissance.
Dans
la
lettre
pastorale
qu'il
leur
adressa
le
1er
mars
de
la
même
année,
en
guise
de
réponse,
Monseigneur
témoigne
à
la
communauté
de
ses
propres
sentiments,
en
ces
termes:"
Nous
ne
saurions
vous
exprimer,
nos
très
chers
Frères,
la
consolation
que
nous
avons
éprouvée
dans
le
Seigneur,
en
lisant
les
pieuses
lettres
que
vous
venez
de
nous
envoyer.
Toutes
ces
lettres,
en
effet,
respirent
l'esprit
religieux
qui
vous
anime.
Car
toutes
expriment
vos
sentiments
de
respect,
d'amour
et
de
soumission
pour
votre
digne
Prieur". Comme
gage
du
bon
esprit
régnant
dans
la
communauté,
nous
possédons
aussi
le
texte
d'une
lettre
du
frère
Bernard,
convers,
à
son
ancien
supérieur
de
Saint-Sixte,
datée
du
23
janvier
1866
:
"…Grâce
à
Dieu,
je
suis
en
bonne
santé,
et
espères
avec
la
grâce
de
Dieu
rester
en
notre
nouveau
monastère
jusqu'à
la
mort.
Chez
nous
il
fait
très
froid
en
hiver,
mais
je
crois
que
c'est
très
bon
pour
la
santé,
car
en
notre
maison
il
y
a
généralement
peu
de
malades. En été nous tous, Pères comme Frères, travaillons
beaucoup,
car
l'été
est
court;
mais
grâces
à
Dieu,
notre
Supérieur
l'arrange
de
telle
sorte
que
nous
ayons
en
leur
temps
les
lectures
et
exercices
spirituels,
et
la
Messe
tous
les
jours,
et
nous
pouvons
aussi
toute
l'année
aller
à
la
lecture,
et
quand
c'est
férie
des
défunts
nous
pouvons
aussi
dire
l'office
avant
les
vêpres:
dix
Pater
et
dix
Ave,
et
encore
autant
pour
les
vigiles.
Et
quand
c'est
jour
de
fête
pour
les
Pères,
ce
l'est
aussi
pour
nous,
ce
qui
me
plaît
beaucoup…". Si
les
religieux
étaient
satisfaits
de
leur
supérieur,
comme
l'exprime
avec
candeur
et
simplicité
le
bon
frère
dont
nous
venons
de
citer
la
lettre,
le
supérieur
entretenait
des
sentiments
identiques
à
l'égard
de
ses
sujets. Aussi, pouvait-il écrire à un ami, dans une
lettre
datée
de
la
fête
de
St
Pierre-aux-Liens
1866:
"
Avec
la
grâce
de
Dieu,
je
travaille
autant
que
possible
à
extirper
du
monastère
tout
ce
qui
peut
nous
éloigner
de
la
sainteté
de
notre
état;
et
la
bonté
infinie
de
Notre-Seigneur
semble
bien
vouloir
se
servir
d'un
être
aussi
faible
et
inutile
que
moi
pour
opérer
quelque
bien.
Tous
les
jours
la
régularité
s'établit
de
plus
en
plus. Priez Dieu pour que j'obtienne de sa libéralité
les
lumières,
les
forces
et
la
fermeté
si
nécessaires
dans
nos
jours
où
l'indépendance
et
la
sensibilité
semblent
vouloir
dominer
partout. Conduire une communauté semble vraiment être
l'œuvre
de
la
Providence.
Cette
communauté
semble
appelée
à
faire
le
bien
dans
notre
Canada. Les sujets ne manquent pas; il s'en présente
tous
les
jours,
mais
il
faut
choisir.
Nous
sommes
21
religieux
en
tout;
c'est
assez
peu
aux
yeux
de
quelques-uns,
mais
qu'importe
le
nombre
pourvu
que
ce
soit
de
vrais
religieux.
Tout
en
travaillant
au
spirituel,
je
n'ai
pu
manquer
d'arrêter
mes
yeux
sur
les
ornements
d'église
qui
nous
sont
venus
de
Belgique
et
qui
sont
loin
d'être
selon
l'esprit
de
notre
sainte
règle.
Et
pourquoi,
me
suis-je
dit,
tout
ce
luxe?
De
pauvres
trappistes
doivent
édifier
autrement
qu'en
portant
des
étoffes
tissées
d'or
et
d'argent,
comme
dans
une
cathédrale;
c'est
le
sentiment
de
St
Bernard. Mes bons Frères l'ont adopté." Ces
dernières
lignes
nous
montrent
comment
les
moines
de
Ste-justine
étaient
demeurés
attachés
à
l'esprit
de
leur
Ordre
de
Cîteaux,
dont
la
simplicité
jusque
dans
le
culte
divin
est
une
des
principales
caractéristiques.
Ils
ne
s'en
tenaient
pas
à
des
paroles,
cependant.
Aussi,
le
Père
François-Xavier,
cherchant
le
moyen
de
se
débarrasser
de
ces
richesses,
le
trouva
lorsque
son
ami
et
bienfaiteur,
Monsieur
l'Abbé
Jean
Langevin,
fut
nommé
évêque
de
Rimouski.
Dès
le
printemps
de
1867,
il
se
rendit
lui-même
à
Québec,
malgré
le
mauvais
état
des
chemins,
et
offrit
les
précieux
ornements
au
prélat,
la
veille
de
sa
consécration
épiscopale.
La mission de Ste-Justine Le moine, consacré par vocation à la "recherche
de
Dieu",
quitte
les
bruits
et
les
affaires
du
monde,
pour
s'enfoncer
dans
la
solitude
et
le
silence
des
forêts,
où
Dieu
l'attire
pour
lui
parler
au
cœur.
Mais,
si
paradoxal
que
cela
puisse
paraître,
chaque
fois
que
des
hommes
s'enfuient
ainsi
dans
la
paix
que
le
monde
ne
peut
leur
donner,
ce
monde,
assoiffé
lui
aussi-
sans
le
savoir-
de
cette
paix,
les
y
poursuit.
Ainsi,
tout
au
long
du
Moyen-age,
les
bourgades
et
les
villes
se
sont
formées
autour
des
monastères,
à
travers
toute
l'Europe.
De
même,
les
établissements
de
colons
s'édifièrent
rapidement
tout
autour
du
Monastère
de
Notre-Dame
du
Saint-esprit,
pour
former
bientôt
la
mission
de
Ste-justine,
qui
se
développa
sous
la
sollicitude
spirituelle
des
Pères
Trappistes
Mgr
Baillargeon
qui
y
fit
la
visite
pastorale,
le
14
juin
1868,
y
trouva
110
communiants,
dont
22
reçurent
alors
de
ses
mains
la
confirmation
dans
la
chapelle
située
à
quelques
milles
du
monastère
et
construite
en
1865
par
les
soins
du
père
François-Xavier.
Recrutement Dès les débuts de l'œuvre, les postulants, attirés
par
la
vie
austère
mais
belle
des
Trappistes,
s'étaient
présentés
en
assez
grand
nombre.
Parmi
eux
se
trouvèrent
quelques
prêtres,
dont
le
premier
à
être
admis
au
noviciat
fut
l'Abbé
Charles-Irénée
Laforce
du
diocèse
de
Montréal.
Sa
santé
étant
très
épuisée
d'avance,
il
ne
put
vivre
longtemps
au
milieu
de
ces
austérités.
Tombé
malade
au
presbytère
de
Ste-
Claire,
il
y
décéda
après
avoir
fait
sa
profession
religieuse.
"Il
est
consolant,
écrivait
Monsieur
le
Curé
Bernard
à
un
ami,
de
mourir
comme
il
est
mort
et
je
désire
bien
une
mort
semblable."
Cependant,
tous
n'avaient
pas
le
courage
de
ce
saint
prêtre;
et
sur
les
31
canadiens
entrés
en
communauté,
sept
seulement
persévérèrent. C'est
pourquoi
le
Père
François-Xavier,
voulant
assurer
l'avenir
de
sa
communauté,
se
décida
à
envoyer
le
Père
Placide
en
Europe
à
la
recherche
de
quelques
postulants.
Après
avoir
laissé
les
dernières
instructions
sur
la
construction
du
monastère,
dont
il
dirigeait
les
travaux.
Le
père
Placide
partit
pour
l'Europe
au
commencement
de
l'automne
1865,
sans
argent. Il avait déjà ramassé 40.00$ en arrivant à la
ville
de
Québec;
il
donna
cet
argent
au
Père
François-Xavier
qui
l'avait
accompagné
jusque
là,
puis
il
se
rendit
à
Montréal
par
le
bateau. Là, il trouva un commis obligeant qui fit une
collecte
en
sa
faveur
parmi
les
passagers
et
cette
collecte
lui
rapporta
encore
100.00$.
Il
séjourna
trois
semaines
à
Montréal
où
il
fut
très
bien
accueilli
particulièrement
par
des
Messieurs
de
Saint-Sulpice
et
où
il
reçut
des
aumônes
pour
le
monastère
en
argent
et
en
livres.
Ayant
conservé
200.00$
pour
son
voyage
en
Europe,
le
Père
Placide
envoya
le
reste
à
son
supérieur
et
quitta
le
Nouveau
Monde.
Il
traversa
la
France,
l'Allemagne,
la
Hollande
et
la
Belgique
et
partout
il
fut
bien
accueilli.
A
Saint-Sixte,
qui
avait
été
son
premier
monastère,
le
prieur
lui
promit
tous
ses
anciens
confrères
du
noviciat,
qu'il
devait
revenir
chercher
lorsqu'il
aurait
terminé
ses
courses,
et
serait
prêt
à
s'embarquer.
Tout
joyeux,
le
Père
Placide
écrivit
immédiatement
cette
nouvelle
au
Père
François
et
termina
promptement
ses
affaires.
Lorsqu'il
revint
à
Saint-Sixte,
il
trouva
tout
changé. Le
Père
François,
dans
une
lettre
au
Prieur
de
Saint-Sixte,
disait
en
substance
qu'il
serait
très
heureux
d'avoir
quelques
bons
prêtres
pour
le
soutenir
dans
ses
difficultés
et
partager
son
labeur,
mais
que,
ayant
déjà
eu
à
souffrir,
dans
le
passé,
de
quelques
religieux
indésirables,
qu'on
lui
avait
envoyé,
il
préférait
demeurer
seul
plutôt
que
d'en
recevoir
encore
de
semblables… Le
Prieur
de
Saint-Sixte,
craignant
de
ne
pas
contenter
le
Père
François
par
les
sujets
qu'il
se
disposait
à
envoyer,
n'envoya
personne. Le Père Placide fut contraint de rentrer à Québec
avec
les
deux
seuls
postulants
qu'il
avait
choisis,
s'étant
contenté
de
se
frayer
une
route
et
de
préparer
une
dizaine
de
sujets
qu'il
devait
venir
chercher
après
quelques
années;
il
craignait
en
effet
qu'ils
cédassent
à
un
moment
en
ferveur
et
tenait
beaucoup
à
ce
qu'ils
puissent
mûrir
à
loisir
leur
détermination.
Les
deux
postulants
amenés
par
lui
devinrent
plus
tard
frères
convers
sous
les
noms
de
Frère
Ambroise
et
de
Frère
Albéric.
L'un
et
l'autre
persévèrent
jusqu'à
la
fin,
et
se
rendirent
alors
le
premier
à
Petit-Clairvaux,
et
le
second
à
saint-Sixte.
En
1870,
après
un
voyage
qu'il
avait
fait
en
Europe,
le
père
François-Xavier
ramenait
à
Québec
les
postulants
que
lui
avait
préparés
le
Père
Placide
quatre
ans
auparavant.
Ils
étaient
au
nombre
de
sept.
Deux
entrèrent
au
chœur,
quatre
devinrent
frères
convers,
et
un
rentra
dans
le
monde. A
leur
arrivée
au
monastère
les
nouveaux
venus
y
trouvèrent
environ
12
religieux
de
chœur
dont
8
étaient
profès,
et
une
vingtaine
de
frères
convers
dont
3
novices. Le cimetière contenait déjà 4 tombes. Le monastère était achevé depuis longtemps et
le
terrain
était
défriché
en
assez
grande
partie. La prospérité semblait s'annoncer prochaine
pour
le
monastère
et
lui
garantir
une
existence
durable. Mais certains maux secrets sapaient par la base
cette
fondation,
et,
après
une
durée
d'un
plus
de
dix
ans
le
Monastère
de
Notre-dame
du
Saint-Esprit
allait
tomber.
La suppression Au moment où le Père André avait accepté la fondation,
en
1862,
le
Gouvernement
avait
cédé
800
acres
de
terre. Cette donation avait été faite "pour"
les
Trappistes,
mais
"à"
la
mense
épiscopale. Aussi l'archevêché de Québec en avait toujours
conservé
les
titres
de
propriété
en
fidei-commis. Vers
1867,
les
religieux,
les
religieux,
qui
s'étaient
imposé
beaucoup
de
fatigues
pour
élever
leur
monastère
et
défricher
leurs
terres,
crurent
le
moment
arriver
d'assurer
la
stabilité
matérielle
de
leur
œuvre
par
une
incorporation
civile.
Ils
ne
pouvaient
toutefois
obtenir
de
la
Législature
cette
incorporation
sans
posséder
entre
leurs
mains
les
titres
de
propriété.
A
diverses
reprises,
de
1867
à
1872,
ils
en
firent
la
demande
à
Mgr
Baillargeon,
puis
à
Monseigneur
Taschereau.
Mais
ceux-ci
étant
d'opinion
que
le
temps
n'était
pas
encore
arrivé,
ne
crurent
pas
devoir
donner
leur
consentement
à
ce
projet,
posant
comme
condition
préalable
que
l'avenir
du
monastère
soit
assuré
par
l'affiliation
à
une
communauté
nombreuse
et
fervente,
soit
d'Amérique,
soit
d'Europe.
Cette
condition,
qui,
à
la
vérité,
était
essentielle
à
la
survivance
de
la
communauté,
n'était
pas
facile
à
remplir,
car
les
autres
communautés
d'Amérique
étaient
encore
elles
aussi
en
voie
de
formation,
et
celles
d'Europe
étaient
peu
en
mesure
d'accepter
un
tel
fardeau.
Le
25
août
1871,
le
père
François-Xavier
fit
une
nouvelle
demande,
énergique
et
motivée,
à
l'archevêque
de
Québec,
en
vue
d'obtenir
l'incorporation
civile.
Il
avertit
Mgr
Taschereau
qu'il
croyait
devoir
en
conscience
en
appeler
au
saint
Siège,
auquel
il
enverrait
un
mémoire.
Mgr
Taschereau
reconnut
le
droit
qu'il
avait
à
ce
recours,
dans
une
lettre
du
31
août,
mais
se
déclarait
intimement
convaincu
que
le
Saint
Siège,
une
fois
instruit
des
raisons
qu'il
avait
à
faire
valoir,
partagerait
sa
manière
de
voir. Malgré
cette
divergence
de
vue,
les
rapports
entre
le
Supérieur
et
l'Archevêque
demeurèrent
empreints
de
charité.
Le
Père
François-Xavier
communiqua
à
Mgr
Taschereau
le
texte
du
mémoire
qu'il
faisait
parvenir
au
R.P.
François-Régis,
procureur
général
des
Trappistes
à
Rome;
et
Mgr
Taschereau
y
joignit
une
lettre
où,
expliquant
sa
propre
attitude,
il
faisait
connaître
les
dangers
que
le
monastère
de
N.D.
du
Saint-Esprit
avait
déjà
connu
par
le
défaut
d'un
personnel
convenable. "La même misère, ajoutait-il, existe encore
et
menace
de
durer
si
l'on
n'y
apporte
un
remède
prompt
et
efficace.
Mgr
Baillargeon,
mon
prédécesseur,
comprenant
les
dangers,
n'a
jamais
voulu
consentir
à
ce
dessein
(dessaisir)
en
faveur
de
la
communauté
des
terres
considérables
données
par
le
gouvernement,
sur
lesquelles
sont
construits
tous
les
édifices
où
logent
les
religieux…Il
craignait
que
la
communauté
venant
à
se
dissoudre,
le
gouvernement
ne
réclame
ces
biens
comme
abandonnés,
et
qu'ainsi
cette
valeur
ne
fût
perdue
pour
la
religion.
On
a
renouvelé
auprès
de
moi
les
instances
à
ce
sujet,
et
j'ai
refusé
de
passer
titre
de
propriété
en
faveur
de
la
communauté
pour
ces
biens
qui
ont
été
donnés
par
le
gouvernement
à
la
mense
épiscopale.
"Du
moment
que
je
serai
certain
que
la
communauté
à
bonne
chance
de
se
soutenir
et
de
se
perpétuer,
je
n'aurai
aucune
objection
à
donner
ces
terres
en
pleine
propriété
aux
religieux." Monseigneur
Taschereau
proposait
ensuite
comme
remède
à
l'état
de
chose
existant: 1)
L'envoi
de
plusieurs
religieux
capables
d'être
supérieurs,
maîtres
des
novices,
etc.
etc… 2)
Quelques
modifications
dans
la
règle,
exigée
par
notre
climat. 3)
L'affiliation
du
monastère
à
une
communauté
nombreuse
et
fervente. L'archevêque
de
Québec
n'était
pas
le
seul
à
qui
n'avait
pas
échappé
le
danger
que
le
manque
d'affiliation
faisait
courir
à
la
Trappe
de
Ste-Justine. En 1867, le monastère du Petit-Clairvaux s'était
allié
à
la
Grande
Trappe
et
Dom
Benoît,
abbé
de
Gethsémani
(Kentucky),
avait
été
nommé
visiteur
par
Rome.
Effrayé
de
la
ruine
qui
menaçait
le
monastère
de
Ste-Justine,
Dom
Benoît
avait
formé
le
dessein
de
l'arrêter.
Les
religieux
lui
en
fournirent
l'occasion
en
le
priant
de
vouloir
bien
prendre
aussi
leur
monastère
sous
sa
juridiction.
L'abbé
leur
répondit
qu'il
n'y
avait
aucun
droit
et
les
renvoya
au
Père
Jacques,
leur
supérieur
légitime.
En
même
temps,
il
priait
ce
dernier
de
se
rendre
à
Ste-Justine
pour
examiner
les
choses
et
connaître
les
sentiments
de
chacun
des
religieux
sur
un
projet
d'alliance
avec
la
Grande
Trappe.
Le
Père
Jacques
obéit
et
se
rendit
au
monastère
de
Notre-Dame
du
saint-esprit,
où
il
trouva
les
religieux
fort
indécis
et
très
divisés
dans
leurs
sentiments.
Les
uns
en
petit
nombre
acceptaient
l'alliance
avec
la
Grande
Trappe;
d'autres,
en
plus
grand
nombre
n'étaient
pas
favorables
à
un
changement
d'observance
qui
leur
apporterait
de
nouvelles
austérités
peu
compatibles
avec
la
vie
rude
du
Canada. Les autres enfin et le Père jacques lui-même
ne
voulaient
pas
se
prononcer,
se
disant
prêts
à
suivre
la
majorité. Il fut impossible d'arriver à une autre conclusion
sinon
que
pour
le
moment
les
choses
resteraient
dans
le
statu
quo.
De
retour
chez
lui
le
Père
Jacques
écrivit
à
Dom
Benoît
pour
lui
rendre
compte
de
sa
mission.
L'abbé,
ne
sachant
que
faire,
consulta
Rome.
Mais
avant
qu'une
réponse
ne
lui
fût
parvenue,
la
Trappe
de
Notre-dame
du
saint-esprit
avait
cessé
d'exister.
Ne
trouvant
aucun
succès
ni
dans
leurs
tentatives
d'affiliation,
ni,
conséquemment,
dans
leur
désir
d'incorporation
civile,
les
religieux
avaient
été
peu
à
peu
gagnés
par
le
découragement.
Incertains
de
l'avenir
de
la
communauté,
plusieurs
novices
avaient
quitté
le
monastère;
d'autres
ne
voulurent
pas
y
faire
profession.
Le
2
juillet
1872,
un
plus
de
10
ans
après
la
fondation,
la
fermeture
du
monastère
fut
décidée,
et
les
religieux
commencèrent
à
se
disperser. Ils n'étaient plus que cinq religieux de chœur
et
3
novices,
ainsi
que
10
frères
convers
et
1
novice. Tous les frères convers, sauf deux, se rendirent
au
monastère
de
Petit-Clairvaux,
à
Tracadie. Quant aux religieux de chœur, trois retournèrent
en
Europe,
et
les
deux
autres,
dont
le
Père
François-xavier,
obtirent
leur
sécularisation
et
se
consacrèrent
au
ministère
pastoral. Le
Père
François-Xavier,
désormais
l'abbé
Henri
de
Brie,
devint
le
premier
curé
de
la
Paroisse
de
Ste-Justine
qui
s'était
formée
autour
du
monastère,
sous
son
regard
vigilant.
Il
se
dévoua
admirablement
à
cette
charge
jusqu'à
sa
mort,
survenue
le
23
mars
1885,
après
un
an
de
cécité
presque
totale
et
une
agonie
des
plus
pénibles. Les
Trappistes
quittèrent
Ste-Justine
aussi
pauvres
qu'ils
y
étaient
venus,
n'ayant
vendu
que
quelques
objets
pour
payer
leurs
dettes
et
défrayer
leur
voyage
de
retour.
La
paroisse
de
Ste-Justine,
dont
les
habitants
avaient
généreusement
secondé
la
communauté
dans
ses
commencements,
eut
en
partage
la
chapelle
et
les
ornements
et
vases
sacrés
nécessaires
au
culte.
Le
reste
du
mobilier
sacré,
avec
l'autorisation
du
Saint
Siège,
fut
donné
à
l'Hôpital
du
Sacré-Cœur
de
Québec,
qui
se
chargea
d'acquitter
fidèlement
les
messes
et
les
prières
prescrites
par
les
Trappistes
à
leurs
bienfaiteurs. Les terres et les autres bâtiments furent vendus,
et
le
produit
de
cette
vente
fut
donné
par
l'archevêque
à
l'Université
Laval.
A qui la faute?… On
ne
peut
que
regretter
la
fermeture
de
ce
monastère
qui
fut
un
moment
si
florissant
et
qui
a
laissé
un
très
bon
souvenir
dans
la
région,
et
bien
au-delà.
On
s'est
parfois
demandé
sur
qui
retombait
la
responsabilité
de
cet
échec;
et
diverses
réponses
ont
été
proposées…
Mais,
en
fait,
la
question
est
oiseuse.
Chacun
des
hommes
en
cause
a
fait
ce
qui
lui
a
semblé
son
devoir.
La
véritable
cause
de
l'échec
est
plus
profonde.
C'est
que
cette
fondation,
comme
d'autres
tentatives
semblables
faites
en
Amérique
à
la
même
époque,
portait
en
elle
un
germe
de
mort,
étant
une
fondation
prématurée
effectuée
par
une
communauté
incapable
de
la
soutenir. Cette anomalie n'était d'ailleurs elle-même
qu'une
répercussion
lointaine
du
désarroi
dans
lequel
les
persécutions
religieuses
avaient
jeté
les
communautés
religieuses
d'Europe,
les
forçant
à
s'exiler.
Inutile
donc
de
rechercher
à
qui
la
faute.
Bénissons
plutôt
dieu
qui,
dans
sa
sagesse
infinie
dispose
tout
avec
nombre,
poids,
et
mesure,
de
s'être
servi
de
cette
fondation
pour
implanter
dans
la
région
de
Dorchester
de
solides
traditions
religieuses
qui
y
ont
toujours
persévéré
de
concert
avec
le
courage
et
l'amour
du
travail. Nul
doute
aussi
qu'on
ne
doive
à
la
prière
des
Trappistes
de
Notre-Dame
du
Saint-Esprit
les
vocations
sacerdotales
et
religieuses
qui
ont
germé
jusqu'ici
dans
la
paroisse
de
Ste-Justine
et
qui,
espérons-le,
continueront
d'y
germer
en
nombre
de
plus
en
plus
grand.
N.-D.
de
Mistassini
29
avril
1962.
Armand
Veilleux,
ocso
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