Vie religieuse en général
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L'ENJEU DE LA VIE RELIGIEUSE À L'ÂGE DE LA SECONDE ÉVANGÉLISATION
[1]
La
vie
religieuse
étant
un
style
de
vie
chrétienne
et
un
service
au
sein
de
la
communauté
ecclésiale,
tout
effort
pour
approfondir
la
signification
de
cette
vie,
pour
la
repenser
ou
la
rénover,
ne
peut
se
faire
qu'à
l'intérieur
d'une
vision
générale
de
l'Église,
et
en
fonction
des
besoins
et
des
enjeux
de
l'Église
d'ici
et
d'aujourd'hui. Au
cours
des
dernières
décennies,
nos
communautés
ont
parfois
été
comme
projetées
dans
une
évolution
et
des
transformations
importantes
par
l'impact
des
mutations
socioculturelles
de
notre
milieu.
Ce
nouveau
contexte
socioculturel
a
eu
une
influence
immédiate
sur
nos
styles
de
vie,
donc
sur
nos
conceptions
de
la
vie
communautaire
et
nos
modes
d'insertion
dans
la
société. Cependant,
ces
mutations
sociales
que
nous
avons
vécues
ici
ne
sont
pas
des
phénomènes
isolés.
Elles
s'inscrivent
dans
une
vaste
mutation
qui
est
mondiale,
et
qui,
fondamentalement,
n'est
ni
d'abord
économique,
ni
d'abord
politique
ou
culturelle
-
en
ce
sens
qu'elle
affecte
toutes
les
cultures
-
mais
qui
est
fondamentalement
anthropologique.
Un
nouveau
type
d'homme,
un
nouveau
type
d'humanité
est
en
train
de
naître. Et,
comme
à
toutes
les
époques
de
transformation
profonde
du
monde,
l'Église
est amenée à repenser et à redéfinir ses modes d'insertion
dans
une
société
nouvelle
au
sein
de
laquelle
elle
a
pour
mission
de
témoigner
de
l'Évangile.
Tout
comme
nous
vivons
à
la
fois
dans
un
monde
qui
meurt
et
dans
un
monde
qui
naît,
de
même
nous
devons
rencontrer
le
défi
de
vivre
à
la
fois
dans
une
Église
qui
meurt
et
dans
une
Église
qui
naît.
Je
voudrais
que
nous
nous
laissions
interpeller,
en
tant
que
religieux,
par
cette
Église
nouvelle
qui
est
en
train
de
naître
chez
nous. Être
chrétien
c'est,
globalement,
être
témoin
de
Jésus-Christ
et
ministre
de sa Bonne Nouvelle, de son Évangile, donc être évangélisateur.
La
vie
religieuse
est
un
style
de
vie
que
nous
avons
choisi
pour
accomplir
ce
témoignage,
ce
ministère,
cette
évangélisation. La
vie
religieuse
n'est
pas
une
réalité
abstraite
que
l'on
puisse
définir
a priori. II n'y a pas une forme de vie
chrétienne
essentiellement
distincte
des
autres
formes
de
vie
chrétienne,
que
l'on
puisse
définir
théologiquement
comme
vie
religieuse.
Celle-ci
est
plutôt
une
donnée
historique.
C'est
un
fait
que,
tout
au
long
de
l'histoire
de
l'Église,
il
y
a
des
chrétiens
qui,
pour
répondre
à
l'appel
du
Christ
à
être
ses
témoins,
ont
choisi
un
style
de
vie
et
des
modes
de
témoignage
qu'on
a
appelés
par
la
suite
« vie
religieuse ». Or,
lorsqu'on
examine
l'histoire
de
la
vie
religieuse,
depuis
ses
débuts,
une
chose
nous
frappe,
c'est
que
cette
histoire
est
intimement
liée
à
celle
des
ministères.
Et
c'est
sans
doute
pourquoi
il
y
a,
à
mon
point
de
vue,
un
lien
très
étroit
entre
ce
que
nous
appelons
de
nos
jours
la
« crise des ministères » d'une part, et la « crise de la vie religieuse », d'autre part. La naissance d'une forme nouvelle de
vie
religieuse,
à
travers
la
Tradition,
a
toujours
été
l'invention
d'un
nouveau
ministère
rendu
nécessaire
par
de
nouvelles
conditions
de
vie
socio-ecclésiale,
ou
encore
la
redécouverte
d'un
ministère
disparu
ou
sclérosé, Je
voudrais
d'abord
décrire
les
grandes
lignes
de
cette
évolution,
ensuite
essayer
de
discerner
quelles
formes
de
témoignage,
quelles
formes
de
ministère
sont
nécessaires
dans
le
contexte
actuel
d'évangélisation. Vie
religieuse
et
ministère Les
nombreuses
études
faites
au
cours
des
dernières
années
nous
ont
montré
comment
l'Église
primitive
a
connu
en
peu
de
temps
plusieurs
formes
successives
de
structuration
des
ministères,
avec
de
grandes
divergences,
d'un
secteur
à
l'autre
de
la
Chrétienté.
La
première
communauté
de
Jérusalem
se
structure
autour
du
ministère
des
Douze
et
des
Sept.
Puis,
après
la
mort
d'Étienne,
l'un
des
Sept,
Philippe,
se
transforme
en
prédicateur
itinérant
de
la
Bonne
Nouvelle,
en
« apôtre », comme le
sera
Paul
un
peu
plus
tard.
Ensuite,
l'Église
d'Antioche
connaît,
entre
autres
ministères,
des
apôtres,
des
prophètes
et
des
docteurs.
Ceux
qui
remplissent
ces
ministères
ne
constituent
pas
encore
une
classe
ou
groupe
à
part.
Parmi
eux,
il
y
a,
dès
ces
premières
générations
chrétiennes,
des
parthenoi,
vierges
et
ascètes
des
deux
sexes,
qui
vivent
au
sein
de
la
communauté
ecclésiale,
pratiquant
non
seulement
le
célibat,
mais
aussi
une
ascèse
rigoureuse.
Ils
montrent
une
égale
assiduité
à
la
célébration
du
culte
qu'à
la
visite
des
pauvres,
des
malades
et
des
orphelins.
D'après
les
écrits
de
l'époque,
ils
appartiennent
à
toutes
les
classes
de
la
société
et
à
toutes
les
professions. À
une
étape
subséquente
de
l'évolution
des
ministères,
le
modèle
presbytéral
s'étend
à
toute
l'Église.
Les
historiens
ont
montré
qu'au
fur
et
à
mesure
que
ce
modèle
se
structure
et
s'organise,
le
ministère
de
la
parole
(auquel
étaient
reliés
tous
les
ministères
à
l'étape
précédente)
est
de
moins
en
moins
en
évidence.
C'est
alors
qu'apparaît
le
phénomène
monastique.
Non
seulement
en
Égypte,
mais
un
peu
partout
dans
la
chrétienté,
des
hommes
et
des
femmes
quittent
la
communauté
ecclésiale
locale
pour
se
retirer
dans
la
solitude
et
se
mettre
à
l'écoute
de
la
Parole
de
Dieu.
Si
paradoxal
que
cela
puisse
paraître,
cette
fuite
au
désert
est
une
sorte
de
renaissance
du
ministère
de
la
Parole.
Chaque
fois
qu'un
spirituel
s'est
retiré
au
désert
pour
s'y
mettre
à
l'écoute
de
la
Parole
de
Dieu,
les
hommes
le
suivent
en
foule
pour
lui
demander:
« Père,
dis-nous
une
Parole.., », et ainsi une nouvelle communauté
se
constitue
autour
de
la
Parole. L'histoire
de
la
vie
religieuse,
depuis
ses
débuts
jusqu'à
aujourd’hui,
peut
se
diviser
en
deux
grandes
périodes,
l'une
allant
des
origines
jusqu'au
dixième
siècle,
et
l'autre
allant
de
la
réforme
grégorienne
jusqu'à
nos
jours.
La
première
période,
après
un
moment
de
rapide
expansion,
est
caractérisée
par
un
rétrécissement
continuel
de
l'éventail
des
formes
de
la
vie
religieuse.
On
peut
dire,
d'une
certaine
façon,
que
dès
les
premières
générations
chrétiennes,
existent
toutes
les
formes
que
nous
connaissons
de
la
vie
religieuse.
Elle
n'est
absente
d'aucune
section
de
la
vie
sociale.
Peu
à
peu
cependant,
le
monachisme
se
développant
d'une
façon
extraordinaire,
et
ce
développement
suscitant
un
effort
de
législation,
cette
législation
fait
graduellement
de
la
vie
religieuse
un
« état »
officiellement reconnu, et finit par refuser toute reconnaissance
aux
formes
non-monastiques
de
vie
religieuse.
Le
rétrécissement
de
l'éventail
est
complet
lorsque,
avec
la
réforme
carolingienne,
la
seule
forme
de
vie
religieuse
reconnue
en
Occident
est
le
monachisme,
et
la
seule
forme
de
monachisme,
le
monachisme
bénédictin. À
partir
du
onzième siècle, un mouvement en sens inverse apparaît. Nous sommes
au
moment
où
les
institutions
féodales
atteignent
leur
plus
haut
sommet
de
développement,
et
où
on
assiste
à
une
compénétration
de
plus
en
plus
grande
de
l'Église
et
de
l'État.
Un
grand
mouvement,
appelé
réforme
grégorienne,
commence
alors
à
se
manifester
au
sein
de
l'Église,
pour
établir
la
chrétienté
sur
de
nouvelles
bases.
C'est
une
période
riche
en
grands
hommes
et
en
sève
créatrice,
où
abondent
les
saints
et
les
mystiques.
On
assiste
alors
au
début
d'une
sorte
de
« reconquête »...
Reconquête
par
laquelle
graduellement,
les
diverses
façons
de
vivre
les
conseils
évangéliques
retrouvent
leur
droit
de
cité.
Ce
sont
d'abord
les
très
nombreuses
réformes
monastiques
caractérisées
par
la
pauvreté,
la
solitude
et
l'idéal
de
vie
fraternelle.
C'est,
à
peu
près
en
même
temps,
l'essor
des
Chanoines
réguliers,
puis
des
Ordres
mendiants
qui
viennent
répondre
aux
exigences
toutes
nouvelles
d'une
seconde
évangélisation
de
l'Europe.
Enfin,
au
fil
des
siècles
suivants,
ce
seront
les
innombrables
formes
de
vie
religieuse
non
cloîtrée
qui
peu
à
peu
s'établiront
de
fait
dans
le
giron
de
l'Église,
pour
finalement
y
être
reconnues
de
droit
au
bout
de
quelques
siècles.
Puis,
à
notre
époque,
la
boucle
sera
refermée
par
la
reconnaissance
des
Instituts
séculiers
comme
états
de
perfection. À
notre
époque
où,
de
nouveau,
et
d'une
façon
sans
doute
plus
profonde
que
jamais
auparavant,
l'Église
doit
réviser
son
mode
d'insertion
dans
la
société,
une
étape
tout
à
fait
nouvelle
et
très
importante
de
l'évolution
se
manifestera
par
autre
chose
que
par
l'invention
de
nouvelles
formes
de
vie
religieuse;
car,
après
tout,
l'imagination
humaine
a
des
limites!
Elle
se
fera,
me
semble-t-il,
à
un
autre
niveau. Je
crois
qu'il
est
futile
d'essayer
de
prévoir
et
de
programmer
cette
évolution.
Tout
ce
que
nous
pouvons
faire
à
cette
étape-ci,
je
crois,
c'est
de
nous
mettre
à
l'écoute
de
la
vie
de
l'Église
et
de
nous
demander:
quelles
formes
de
témoignages,
quels
services,
quels
ministères
sont
exigés
par
l'Église
d'aujourd'hui.
La
vie
religieuse
de
demain
naîtra
de
notre
fidélité
à
répondre
à
ces
appels. Vous
aurez
sans
doute
remarqué,
dans
le
titre
de
ma
conférence,
une
allusion
au
titre
de
l'ouvrage
du
Chanoine
Jacques
Grandmaison
« La
seconde
évangélisation ».
Je
n'essaierai
évidemment
pas
de
vous
en
résumer
le
contenu.
J'ai
simplement
voulu
prendre
comme
point
de
référence
l'ensemble
de
la
description
qu'il
donne
de
l'Église
qui
naît
chez
nous
en
ce
moment.
À
la
fin
de
son
premier
volume,
il
énumère
un
certain
nombre
de
caractéristiques
de
ce
christianisme
nouveau
;
et
j'ai
retenu
quatre
de
ces
caractéristiques,
qui
me
semblent
les
plus
importantes,
et
qui
sont
les
suivantes: -
un
christianisme
plus
prophétique
-
un
christianisme
plus
intériorisé -
un
christianisme
plus
communautaire
-
un
christianisme
plus
populaire. Je
voudrais
maintenant,
en
reprenant
chacun
de
ces
sous-titres,
montrer
rapidement
les
enjeux
qui
sont
ainsi
posés
à
la
vie
religieuse. Un
christianisme
plus
prophétique Dans
la
chrétienté
d'hier,
l'évangélisation
se
faisait
dans
une
très
large
mesure
de
société
à
individu.
C'était
une
Église
multitudiniste,
visant
à
l'unanimité
de
l'appartenance
et
constituant
en
elle-même
un
facteur
d'intégration
sociale
pour
le
groupe
humain.
Elle
donnait
une
importance
majeure
à
l'organisation
et
aux
codes,
ainsi
qu'aux
structures
encadrantes.
Les
communautés-cadres
dans
lesquelles
ont
était
appelé
à
entrer
faisaient
partie
des
moyens
de
salut. Dans
une
telle
Église,
l'évangélisation
prenait
une
forme
essentiellement
sociale,
et
elle
était
sans
doute
la
plus
efficace
dans
le
contexte
donné.
Les
communautés
religieuses,
étant
elles-mêmes
de
ces
communautés
cadres,
étaient
appelées
à
jouer
un
rôle
comme
groupes
dans
cette
évangélisation.
Celui
qui
y
entrait
se
donnait
à
cette
activité
pastorale
de
groupe
et
devait
être
disposé
à
accepter
toute
fonction
que
l'obéissance
pouvait
lui
demander
d'y
remplir. Or,
il
se
fait
que
l'homme
d'aujourd'hui,
charrié
par
toutes
sortes
d'idéologies
et
de
propagandes,
est
de
plus
en
plus
insensible
aux
mouvements
de
masse.
11
ne
prête
une
oreille
vraiment
attentive
qu'aux
témoins
authentiques,
aux
convictions
vécues.
Dans
la
mesure
où
les
hommes
se
dégagent
des
emprises
sociologiques
et
émergent
de
la
matrice
sociale,
dans
la
mesure
où
ils
se
personnalisent,
l'évangélisation
se
réalise
de
moins
en
moins
par
une
action
collective
et
de
plus
en
plus
uniquement
par
une
action
d'être
à
être,
de
personne
à
personne. Les
temps
ne
sont
plus
aux
grands
mouvements
de
masses,
mais
aux
multitudes
d'initiatives
personnelles,
poussières
d'actions
souvent
inorganisables,
souvent
éphémères
aussi,
agissant
en
profondeur
sur
des
individus
isolés
ou
réunis
en
groupes
minuscules
qui,
l'heure
venue,
savent
se
reconnaître, La
vie
religieuse
appartenant
à
la
dimension
prophétique
de
l'Église,
il
me
semble
que,
même
si
les
oeuvres
communautaires
demeurent
toujours
légitimes
et
nécessaires
comme
cadre
permettant
à
plusieurs
personnes
de
communier
dans
l'accomplissement
d'une
mission
identique,
il
est
important
que
cette
vie
religieuse
engendre
de
plus
en
plus
de
ces
« témoins
en
liberté » dont parle Grandmaison, dont les cheminements souvent
inédits
et
créateurs
creusent
les
sillons
de
l'avenir.
De
toute
façon,
l'efficacité
évangélisatrice
de
tout
religieux
dépend
de
plus
en
plus
uniquement
de
sa
valeur
personnelle
de
témoignage,
beaucoup
plus
que
de
son
appartenance
à
telle
ou
telle
organisation
de
pastorale. De
plus,
notre
action
doit
viser
à
susciter,
à
former
et
à
soutenir
des
témoins
répondant
aux
besoins
du
milieu,
plutôt
qu'à
essayer
de
trouver
des
ouvriers
pour
continuer
à
faire
marcher
nos
organisations.
De
la
communion
de
ces
témoins
naîtront
sans
doute
des
modèles
ecclésiaux
nouveaux
dans
lesquels
se
perpétuera
la
tradition
de
vie
religieuse
que
nous
avons
reçue
et
dont
nous
vivons. N'aurions-nous
pas
besoin
aujourd'hui
de
nouveaux
missionnaires
semblables
aux
« apôtres », dont parlent les Actes, un peu dans le style de Paul lui-même? C'est-à-dire
des
apôtres
itinérants,
vivant
en
quelque
sorte
« sous la tente », avec toute la liberté que peut procurer une vie de
pauvreté,
de
célibat
et
d'ascèse,
passant
dans
les
communautés
locales,
comme
faisaient
les
Apôtres
dans
les
communautés
naissantes,
n'exerçant
nulle
part
un
rôle
d'administrateur
ou
d'organisateur,
mais
étant
partout
des
témoins
de
l'Évangile,
des
liens
de
communion,
des
faiseurs
de
liens?
Un
peu
comme
fait
un
Jean
Vanier,
un
Elder
Camara
et
d'autres
prophètes
de
notre
époque. Nos
communautés
religieuses
auraient
rempli
un
rôle
important
pour
l'Église
d'aujourd'hui
et
de
demain,
si
elles
suscitaient
en
grand
nombre
de
tels
apôtres,
et
les
soutenaient
discrètement
dans
un
tel
travail
apostolique
nécessairement
très
personnel
et
dans
une
large
mesure
imprévisible. Un
christianisme
plus
Intériorisé Et
l'on
rejoint
ainsi
une
autre
dimension
du
christianisme
nouveau,
à
savoir
un
christianisme
plus
intériorisé.
Une
telle
mission
personnelle
ne
peut
se
découvrir
qu'à
travers
une
expérience
approfondie
et
constante
d'intériorité,
c'est-à-dire
de
solitude
et
de
prière. Depuis
le
Concile,
on
a
déployé
dans
l'Église
de
grands
efforts
pour
réorganiser
la
pastorale.
La
plupart
du
temps
cette
réorganisation
s'est
faite
en
fonction
de
la
rentabilité
administrative,
à
grands
renforts
de
programmation
et
de
techniques.
11
semble
qu'on
ait
été
aussi
loin
qu'on
le
pouvait
en
ce
domaine,
et
qu'on
ait
été
à
même
de
se
rendre
compte
que
toutes
les
techniques,
si
utiles
et
parfois
si
nécessaires
soient-elles,
sont
impuissantes
à
susciter
un
renouveau
spirituel.
Celui-ci
ne
peut
provenir
que
de
l'intérieur. Nous
avons
pu
faire
les
mêmes
constatations
dans
nos
communautés
religieuses.
Nos
Chapitres
Généraux,
avec
beaucoup
de
techniques
et
des
tonnes
de
paperasse,
n'ont
pas
toujours
rapporté
les
fruits
escomptés.
De
fait,
l'histoire
de
la
vie
religieuse
nous
montre
que
les
grands
renouveaux
spirituels
n'ont
jamais
été
le
fait
de
réformes
administratives,
mais
de
l'influence
de
personnes
ou
de
communautés
charismatiques.
C'est
égaiement
un
fait
historique
qu'il
y
a
toujours
eu
une
poussée
d'érémitisme
au
début
de
tout
grand
renouveau
de
la
vie
religieuse. Heureusement,
on
discerne
actuellement
un
peu
partout
dans
le
peuple
chrétien
en
général,
et
donc
aussi
chez
les
religieux
et
religieuses,
une
grande
soif
de
prière.
Par-delà
une
réforme
liturgique
qui
a
fait
long
feu,
le
peuple
réinvente
ses
chemins
de
prière:
groupes
Jean
Vanier,
groupes
Shalom,
renouveau
charismatique
etc.
II
me
semble
important
que
les
religieux
soient
présents
à
cette
redécouverte
de
la
prière,
qu'ils
en
soient
solidaires,
d'abord
pour
y
puiser
eux-mêmes
un
regain
de
vie
spirituelle,
mais
aussi
pour
y
exercer
du
dedans
un
certain
rôle
de
discernement.
Car
le
discernement
est
important.
Les
grands
maîtres
spirituels
du
passé
ont
toujours
pensé
qu'on
ne
pouvait
s'aventurer
sur
les
sentiers
de
la
prière
et
de
l'expérience
spirituelle
sans
l'assistance
d'un
guide
qui
puisse
nous
aider
à
nous
orienter
en
nous
faisant
partager
sa
propre
expérience. Il
est
important
en
effet
que
ces
expériences
de
prière
en
groupe
débouchent
sur
une
prière
personnelle
et,
tout
d'abord,
s'enracinent
dans
une
prière
personnelle.
Il
semble
que
beaucoup
de
religieux
sont
en
train
de
redécouvrir
cette
prière
personnelle.
Toute
leur
formation
â
la
prière
avait
été
liée
à
des
structures
de
vie
communautaire
qui
sont
souvent
disparues.
Dans
beaucoup
de
cas
la
prière
est
disparue,
parce
qu'on
n'était
pas
arrivé
à
réinventer
des
formes
nouvelles
satisfaisantes.
On
les
réinvente
aujourd'hui. Un
article
publié
dans
La
Croix
de
Paris,
l'an
dernier,
s'intitulait:
On
demande
des
Gourous »...
Or,
on
ne
s'improvise
pas
gourou
!
La
prière
ne
s'enseigne
pas
comme
les
mathématiques
ou
le
français.
Il
n'y
a
pas
de
« Livre
du
maître »
que
l'on
puisse
consulter
avant
le
cours.
Les
disciples
avides
de
découvrir
les
chemins
de
la
prière
reconnaissent
d'instinct
les
spirituels
authentiques
qui
ont
pénétré
assez
loin
dans
les
chemins
de
la
prière
pour
y
guider
les
autres.
Les
religieux
et
religieuses
n'ont
pas
à
se
proclamer
gourous
ou
maîtres
spirituels.
Mais
si
nous
sommes
vraiment
des
personnes
de
prière,
comme
nous
devrions
l'être,
nous
deviendrons,
sans
même
le
rechercher,
et
peut-être
sans
trop
nous
en
rendre
compte,
des
gourous. Si
la
vraie
prière,
la
vraie
présence
à
Dieu
est
difficile,
c'est
qu'il
est
difficile
d'être
présent
à
soi-même.
Et
si
la
vraie
prière
chrétienne
est
ce
gémissement
de
l'Esprit
en
nous,
dont
parle
saint
Paul,
on
ne
peut
l'atteindre
que
si
l'on
consent
à
ne
plus
vivre
à
la
superficie
de
son
être,
à
mourir
à
tout
ce
qui
en
nous
n'est
pas
nous-mêmes,
pour
rejoindre
notre
véritable
moi
en
cette
fine
pointe
où
notre
être
jaillit
de
la
Source
de
l'Être.
C'est
dans
cette
solitude,
face
à
soi-même
et
face
à
Dieu,
que
l'homme
peut
découvrir
sa
mission.
C'est
aussi
dans
cette
solitude
que
l'homme
peut
devenir
un
homme
de
communion.
Car,
ayant
fait
ce
plongeon
à
l'intérieur
de
la
réalité,
il
redécouvre
tout
l'univers,
tous
les
êtres
par
leur
face
intérieure,
qui
est
leur
seul
vrai
visage.
II
est
capable
d'accepter
non
plus
seulement
sa
propre
communauté,
sa
propre
société,
ses
amis,
sa
culture,
mais
toute
l'humanité.
Il
n'est
pas
lié
à
une
échelle
particulière
de
valeurs,
au
point
de
s'opposer
agressivement
ou
défensivement
aux
autres.
Il
est
catholique
dans le sens le plus profond du mot. Il a une vision unifiée
et
une
expérience
de
l'unique
vérité
qui
se
présente
sous
toutes
sortes
de
manifestations
plus
ou
moins
complètes
et
complémentaires.
II
n'oppose
pas
ces
diverses
vues
partielles
de
la
vérité,
mais
sait
voir
leur
unité
et
leur
complémentarité.
Avec
cette
vision,
il
est
capable
d'être
un
facteur
de
libération,
de
sérénité,
de
paix.
Et
Dieu
sait
si
nous
avons
besoin
de
tels
hommes. Un
christianisme
plus
communautaire Ce
sont
de
tels
témoins
qui
créeront
un
christianisme
plus
communautaire.
C'est
presque
un
lieu
commun
de
dire
que
l'Église
a
souvent
été
dans
le
passé
une
collectivité
d'individus
unis
par
la
croyance
et
la
discipline,
beaucoup
plus
qu'une
communauté
de
foi
et
d'amour.
Heureusement,
elle
tend
à
devenir
de
plus
en
plus
un
carrefour
pour
les
témoins
dispersés
sur
les
routes
du
monde.
« Un
carrefour
spirituel »,
dit
Grandmaison,
qui
s'offre
aux
quêtes
de
sens,
aux
requêtes
de
libération
et
aux
solidarités
réelles
de
la
vie,,. Nous
assistons
actuellement
dans
l'Église
à
ce
qu'on
a
appelé
la
« poussée
communautaire »
ou
la
« percée
communautaire ».
Il
faut
certes
s'en
réjouir,
mais
non
sans
remarquer
que
ce
mouvement
communautaire
comporte
un
certain
nombre
d'ambigüités.
D'abord
parce
que
beaucoup
de
petites
communautés
sont
constituées
selon
le
type
organisationnel,
beaucoup
plus
que
selon
le
type
communionnel.
Elles
courent
alors
le
danger
d'être
récupérées
par
la
société
bourgeoise.
Ensuite
parce
qu'il
arrive
que
l'on
recherche
la
communauté
par
peur
de
la
solitude.
Incapable
de
vivre
en
solitude,
on
fuit
vers
la
communauté,
on
s'y
réfugie
pour
échapper
à
soi-même.
La
communauté
peut
alors
devenir
le
lieu
d'un
regroupement
apeuré
de
solitudes
individuelles
qui
se
fuient
pour
échapper
à
leur
angoisse.
Dans
ce
cas
on
ne
peut
être
que
déçu
par
la
communauté,
quelle
qu'elle
soit,
car
une
communauté
n'est
pas
et
ne
peut
être
un
sanatorium
spirituel.
Comme
le
dit
Buber:
a Que celui qui ne sait pas
être
seul
se
garde
de
la
vie
communautaire »
et
« que
celui
qui
ne
sait
pas
vivre
en
communauté
se
garde
de
la
solitude ». On
ne
saurait
non
plus
exagérer
les
méfaits
d'une
certaine
recherche
d'intimisme
qui
peut
facilement
être
une
forme
de
régression
vers
un
stade
adolescent.
Intimité
et
communauté
ne
sont
pas
une
seule
et
même
chose.
L'intimité
est
une
forme
de
communauté
qui
peut
se
réaliser
entre
des
êtres
ayant
une
grande
affinité
humaine
et
spirituelle
de
même
qu'une
grande
maturité
humaine,
et
un
psychisme
solide.
Vouloir
faire
à
tout
prix
une
communauté
intime
avec
un
groupe
de
personnes
trop
différentes,
même
si
elles
sont
remplies
de
bonne
volonté
et
de
sainteté,
c'est
souvent
se
vouer
à
détruire
ces
personnes,
ou
encore
à
les
garder
indéfiniment
fixées
sur
des
problèmes
de
relations
interpersonnelles.
Beaucoup
de
petites
communautés
religieuses
se
sont
butées
sur
cet
écueil. La
communauté
religieuse
n'est
pas
une
fin
en
soi.
Elle
a
pour
but
de
permettre
à
chacun
de
ses
membres
d'être
un
témoin
créateur.
11
doit
y
avoir
un
certain
équilibre
entre
les
énergies
consacrées
à
l'entretien
et
celles
consacrées
à
la
créativité.
Si,
à
un
certain
moment,
au
sein
d'une
communauté
ou
d'un
institut,
il
y
a
une
portion
tellement
grande
d'énergies
consacrée
à
faire
marché
l'institution
qu'il
n'en
reste
plus
ou
à
peu
près
plus
pour
les
activités
de
témoignage
et
d'évangélisation,
c'est
signe
que
la
machine
a
pris
le
pas
sur
l'homme,
que
la
« patente »
a
pris
le
pas
sur
le
témoignage,
que
ce
qui
devait
être
un
instrument
est
devenu
un
obstacle.
De
même,
si
les
problèmes
de
relations
interpersonnelles
au
sein
d'une
fraternité
sont
devenus
tellement
absorbants
et
brûlent
tellement
d'énergies
psychiques
que
les
membres
n'ont
plus
la
force
ou
le
goût
d'accomplir
leur
apostolat. Les
missions
prophétiques
ou
apostoliques
dont
j'ai
parlé
tout
à
l'heure,
même
si
elles
sont
essentiellement
personnelles
et
inaliénables,
ne
sont
jamais
isolées
ou
indépendantes.
À
certaines
périodes
de
l'histoire
de
l'Église,
-
et
la
nôtre
semble
en
être
une
-
on
assiste
â
une
sorte
de
convergence
grandiose
des
missions,
à
une
sorte
de
marée
montante,
qui
fait
que
des
hommes
venant
des
horizons
les
plus
divers,
ne
s'étant
jamais
trouvés
ensemble,
ou
très
peu,
se
rencontrent
profondément
dans
leur
vision,
dans
leurs
intuitions,
dans
leurs
aspirations
et
leurs
espérances.
Malgré
l'originalité
de
chacune,
leurs
missions
sont
fondamentalement
semblables,
inventant
leurs
chemins
sous
la
mouvance
du
même
Esprit.
À
une
échelle
moindre,
c'est
toujours
une
joie,
dans
chacune
de
nos
vies,
de
constater
ces
grands
réseaux
de
communion
qui
se
créent
d'eux-mêmes,
de
découvrir
aux
quatre
coins
du
pays
ou
du
monde,
des
gens
qui
vibrent
comme
nous,
au
même
moment
que
nous,
aux
mêmes
valeurs
que
nous. Cette
rencontre
profonde
de
personnes
ayant
des
affinités
spirituelles,
qui
spontanément
se
reconnaissent
et
entrent
de
plein
pied
en
communion,
est
tout
autre
que
la
solidarité
engendrée
par
l'acceptation
d'une
même
idéologie
ou
l'accomplissement
d'une
même
fonction.
D'ailleurs
plus
une
adhésion
idéologique
est
forte,
moins
elle
permet
le
contact
vrai
avec
soi-même
et
avec
les
autres. Ces
grands
réseaux
de
communion
dont
je
viens
de
parler
sont
souvent
à
l'origine
de
petites
communautés
nouvelles
à
partir
desquelles
le
tissu
ecclésial
est
en
train
de
se
refaire.
De
telles
fraternités
se
créent
souvent
si
spontanément,
qu'elles
naissent
à
l'insu
même
de
ceux
qui
sont
à
leur
origine,
tellement
elles
sont
peu
préconçues.
Beaucoup
de
ces
communautés
existent
sans
avoir
pignon
sur
rue,
sans
nom.
Elles
sont
ignorées
des
statistiques,
et
quand
elles
commencent
à
être
connues
et
à
voir
leur
journal,
elles
sont
souvent
déjà
entrées
dans
leur
déclin.
De
telles
communautés
peuvent
se
souhaiter,
elles
ne
peuvent
s'instituer
ou
se
fonder.
Aucune
autorité
ne
peut
les
susciter.
Ces
communautés
sont
rares,
dit
Marcel
Légaut,
parce
que
peu
nombreux
sont
les
hommes
capables
d'en
être
la
première
pierre.
Elles
naissent
en
effet
la
plupart
du
temps
autour
de
l'influence
spirituelle
d'un
apôtre.
Rares
sont
les
rassembleurs.
Si
les
religieux
et
les
religieuses
sont
de
véritables
prophètes,
ayant
assumé
à
fond
les
exigences
de
leur
mission
propre,
dans
une
expérience
profonde
de
solitude
et
de
prière,
ne
serait-ce
pas
normal
qu'ils
deviennent
de
ces
rassembleurs,
première
pierre
d'une
foule
de
petits
groupes
de
croyants
réunis
au
nom
du
Christ? Le
fait
de
vivre
la
communion
avec
des
frères
ou
des
sueurs
au
sein
d'une
communauté
religieuse
ne
nous
dispense
pas
de
l'obligation
que
nous
avons
en
tant
que
chrétiens
de
vivre
la
communion
avec
tous
nos
frères
les
hommes...
Et
cela
m'amène
à
la
dernière
dimension
de
l'Église
nouvelle,
à
laquelle
je
veux
toucher
quelque
peu:
une
église
populaire. Un
christianisme
plus
populaire Le
rôle
de
l'Évangélisateur
n'est
pas
d'apporter
aux
hommes
un
trésor
dont
il
serait,
lui,
l'heureux
dépositaire,
mais
de
leur
révéler
le
Christ
qu'ils
portent
déjà
au
fond
de
leur
cœur.
C'est
pourquoi
il
doit
d'abord
se
mettre
à
l'écoute
des
hommes
de
son
temps,
de
leur
expérience,
de
leurs
aspirations,
de
leurs
intuitions.
II
doit
dépasser
un
certain
sentiment
de
supériorité,
qui
lui
vient
moins
de
sa
foi
que
de
sa
certitude
de
posséder
la
vérité,
et
vivre
de
plain-pied
avec
ses
frères
les
hommes.
Il
a
tout
avantage
à
aller
d'abord
vers
les
gens
simples
et
drus,
ceux
que
la
vie
n'a
pas
épargnés,
qu'elle
a
élevés
dans
la
rigueur
des
conditions
communes.
Ce
sont
eux,
beaucoup
plus
que
les
privilégiés
de
la
vie,
qui
lui
enseigneront
ce
que
le
Christ
est
venu
libérer. Il
n'essaiera
pas
de
les
faire
« entrer
dans
l'Église », mais de « construire
avec
eux
l'Église ».
Comme
le
dit
Grandmaison,
on
n'appartient
à
l'Église
et
au
Royaume
qu'en
les
construisant.
Il
faut
se
garder
de
la
tentation
de
maintenir
le
peuple
chrétien
dans
une
attitude
de
consommation.
Il
est
urgent
de
«
passer
de
la
consommation
spirituelle
à
la
créativité
évangélique ». Grandmaison
nous
avertit
aussi
qu'il
ne
faut
pas
trop
tabler
sur
les
microréalisations,
les
microstructures
parallèles:
comités
de
citoyens,
communautés
de
base,
comptoirs
alimentaires
et
fraternités
religieuses.
Toutes
ces
choses
sont
bonnes
et
nécessaires,
mais
insuffisantes,
si
les
membres
de
ces
mouvements
ne
savent
pas
comment
féconder
les
solidarités
des
collectifs
quotidiens
dans
le
trafic
ordinaire
de
la
vie.
Encore
une
fois,
ces
microstructures
risquent
d'être
facilement
récupérées
par
la
société
et
refonctionnalisées
par
le
système
qui
assure
ainsi
sa
permanence.
Elles
entrent
dans
un
processus
global
de
privatisation
de
la
vie
sociale,
laissant
la
conduite
de
l'ensemble
de
la
société
aux
mains
des
grandes
bureaucraties
anonymes. C'est
toute
la
vie
humaine,
toutes
les
dimensions
de
l'activité
humaine
qui
ont
besoin
d'être
évangélisées.
Or
il
se
fait
que
c'est
souvent
l'activité
profane
et
collective
qui
est
la
moins
évangélisée,
qui
est
la
plus
démunie
de
la
présence
de
témoins
de
l'Évangile.
Les
grandes
usines
que
sont
devenus
nos
CEGEP
et
nos
hôpitaux,
depuis
qu'ils
ne
sont
plus
des
oeuvres
« communautaires » ont peut-être besoin plus que jamais de la présence
de
témoins
du
Christ
pour
y
maintenir
une
note
d'humanité.
Les
religieux
y
trouvent
certainement
un
endroit
privilégié
pour
y
exercer
leur
vocation
de
prophètes,
même
si
c'est
â
titre
personnel
et
non
communautaire,
et
malgré
toutes
les
difficultés. Le
témoin
du
Christ
dans
le
monde
d'aujourd'hui
est
une
personne
qui
doit
être
prête
à
vivre
et
capable
de
vivre
simultanément
de
nombreuses
solidarités,
de
nombreuses
appartenances.
L'appartenance
traditionnelle,
dans
la
vie
religieuse
comme
ailleurs,
était
une
appartenance
globale
et
immédiate.
On
est
maintenant
passé
à
une
appartenance
plus
diversifiée,
à
des
solidarités
organiques,
vivantes,
complexes
et
évolutives,
optionnelles
et
libres.
La
communauté
religieuse
ne
peut
plus
être
une
communauté
totale,
englobante,
exclusive.
Elle
est
le
carrefour
d'expériences
spirituelles
diversifiées,
le
lieu
de
rencontre
gratuite
et
d'échange,
et
aussi
de
discernement,
de
personnes
vivant
chacune
un
grand
nombre
de
solidarités
dans
les
milieux
réels
de
vie
des
hommes
d'aujourd'hui. Et
si
les
religieux
d'aujourd'hui
sont
appelés
à
vivre
plusieurs
appartenances,
il
faut
probablement,
d'autre
part,
nous
habituer
à
concevoir
et
à
accepter
divers
modes
d'appartenance
à
nos
groupements
religieux.
Autrefois,
il
y
avait
une
seule
façon
d'appartenir
à
une
communauté
religieuse:
on
entrait
au
postulat,
on
passait
à
travers
le
noviciat,
puis
on
faisait
profession.
Des
formes
nouvelles
semblent
s'imposer
graduellement,
non
seulement parce que beaucoup de noviciats sont vides
et
qu'il
est
peu
probable
qu'ils
se
remplissent,
mais
aussi
et
surtout
parce
que
beaucoup
de
chrétiens
qui
ne
se
sentent
pas
appelés
à
se
lier
à
des
structures
juridiques
désirent
souvent
communier
avec
nous
aux
valeurs
essentielles
de
notre
vie
religieuse.
Dans
la
vie
monastique
-
pour
ne
parler
que
de
la
forme
de
vie
religieuse
que
je
connais
le
moins
mal
-voici
comment
me
semble
s'orienter
l'évolution
d'au
moins
un
certain
nombre
de
monastères.
Je
crois
qu'un
monastère
sera
de
plus
en
plus
conçu
comme
un
lieu
de
solitude
et
de
prière
totalement
ouvert
à
quiconque
veut
venir
y
vivre
authentiquement
la
solitude
et
la
prière,
peu
importe
que
ce
soit
pour
une
semaine,
un
mois,
un
an
ou
pour
la
vie.
On
aboutit
alors
à
une
sorte
de
communauté
élargie
composée
d'un
noyau
stable
de
personnes
qui
s'y
sont
fixées
pour
la
vie
après
un
long
mûrissement
et,
autour
de
ce
noyau,
de
tout
un
réseau
de
personnes
sentant
le
besoin
de
vivre
cette
expérience
monastique
de
prière,
soit
pour
une
période
au
début
de
leur
vie,
soit
pour
une
période
à
la
fin
ou
au
milieu
de
leur
vie,
soit
pour
des
sortes
de
haltes
périodiques. On
a
parlé,
ces
dernières
années,
de
la
fin
du
clergé,
c'est-à-dire
de
la
fin
du
clergé
comme
classe
à
part,
par
suite
d'une
plus
grande
diversification
des
ministères
entre
les
membres
du
peuple
de
Dieu.
Je
me
demande
si
l'on
n'assistera
pas
d'une
certaine
façon
à
la
fin
de
l'état
religieux
-
non
pas
de
la
vie
religieuse,
mais
de
l'état
religieux
–
la
distinction
entre
religieux
d'une
part
et
ceux
qu'on
appelle
« simples
fidèles »
d'autre
part
étant
remplacée
par
tout
un
éventail
de
formes
de
vie
chrétienne,
dont
plusieurs
correspondraient
à
ce
que
nous
appelons
actuellement
l'état
religieux.
De
toute
façon,
notre
tâche
n'est
pas
d'abord
de
maintenir
des
structures
ni
d'inventer
de
nouvelles
institutions,
mais
de
vivre
authentiquement
les
valeurs
qui
nous
ont
été
véhiculées
à
travers
ces
structures
du
passé
et
de
transmettre
ces
mêmes
valeurs
à
d'autres,
en
en
témoignant
dans
nos
vies.
L'âge
n'est
ni
à
la
création
d'un
nouveau
type
de
clergé,
ni
à
la
création
d'un
nouveau
type
de
laïcat,
ni
à
celle
d'un
nouveau
type
de
religieux,
mais
bien
à
la
création
de
grands réseaux intégrés de solidarité entre
chrétiens
de
tous
états.
Conclusion Gandhi
souhaitait
l'avènement
d'hommes
qui
seraient
des
« passeurs
de
frontières »,
des
liens
vivants
entre
les
cultures,
les
religions,
les
milieux
différents.
Et
récemment
Paul
Ricœur,
signalant
toute
une
série
de
lignes
de
rupture
dans
la
crise
du
christianisme
d'aujourd'hui,
souhaitait
l'avènement
de
témoins
qui
puissent
se
porter
comme
médiateurs
sur
chacune
de
ces
lignes
de
rupture.
Il
mentionnait
la
rupture
entre
la
théologie
savante
et
les
engagements
concrets
du
chrétien,
entre
la
cohésion
interne
de
l'Église
et
les
exigences
de
son
service
du
monde,
ainsi
qu'entre
la
religion
instituée
et
les
communautés
spontanées,
On
pourrait
sans
doute
en
nommer
bien
d'autres. Il
me
semble
que
les
religieux,
s'ils
sont
fidèles
à
leur
mission
d'être
des
prophètes
puisant
dans
une
expérience
profonde
de
prière
la
capacité
d'être
des
agents
de
communion
dans
tous
les
milieux
réels
des
hommes
d'aujourd'hui,
seront
de
tels
« passeurs
de
frontières »,
de
tels
« médiateurs
sur
les
lignes
de
rupture ».
Au-delà
des
liens
qui
nous
relient
au
sein
de
nos
communautés
respectives,
nous
sommes
appelés
à
reconstituer
le
tissu
ecclésial
en
établissant
de
grands
réseaux
de
solidarité
reliant
entre
eux
dans
un
même
projet
et
un
même
souffle
tous
ceux
qui
ont
reçu
au
coeur
le
même
Esprit. Armand
Veilleux,
ocso. Abbaye
cistercienne
Mistassini,
Qué.
G0W
1C0 Canada
[1]
Conférence
donnée
le
27
avril
1973
à
l'Auditorium
des
Sciences
Sociales
de
l'Université
de
Montréal,
à
la
demande
de
l'Office
des
Vocations
du
diocèse. |
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