Écrits et conférences d'intérêt général



 

 

 
 

Santo subito !

Chaque année, le 1er novembre, nous célébrons la foule innombrable de ceux et celles qui ont vécu en communion avec Dieu et lui sont unis pour toute l’éternité.   Parmi cette multitude, la hiérarchie catholique en propose quelques-uns comme modèles, en les déclarant saints. Cette reconnaissante officielle se fait souvent attendre plusieurs décennies. Il arrive aussi qu’elle soit subite (subito !). Cela nous invite à reconnaître des témoins de l’Évangile dans des personnes qui sont encore parmi nous. Me vient particulièrement à l’esprit en ce moment un saint évêque d’Amérique Latine, apôtre de la réconciliation en une situation aberrante de tension.

L’Église de Sucumbíos en Équateur

          Sucumbíos est une province du nord-ouest de l’Amazonie équatorienne, ayant une longue frontière avec la Colombie. On y trouve de nombreuses nations amérindiennes. La configuration ethnique de la zone a cependant changé depuis les années 1970, suite à de nombreux facteurs, en particulier la découverte d’importants gisements de pétrole et les débordements sur ce territoire de la guérilla colombienne.

          En 1937 Rome plaça cette zone sous la responsabilité pastorale des Carmes de la Province de Burgos.. Un d’entre eux, Mgr. Gonzalo López Marañón, arrivé à Sucumbíos en 1970, fut l’évêque de ce vicariat durant plus de quarante ans. Dès son arrivée, il s’est fait équatorien avec les Équatoriens, proche des communautés indiennes au milieu desquelles il a toujours vécu. Dans une zone où aussi bien la colonisation interne que les invasions de la guérilla colombienne instaurait une atmosphère de conflit, de danger et de guerre, il incarna la paix et la communion.

          Le jeune Gonzalo López devint évêque au cœur du printemps de l’Église latino-américaine. C’était l’époque des grandes transformations pastorales nées de Vatican II – l’ère de Paul VI, de Medellin et Puebla, et l’âge d’or de la théologie de la libération. Avec ses confrères carmes, il développa dans la vaste zone de Sucumbíos une communauté ecclésiale attentive à la Parole de Dieu, à l’écoute des besoins de tous, en particulier des plus pauvres – une Église extrêmement participative, dont personne n’était exclu.

Quarante ans de labeur apostolique menacés

          À la fin de son épiscopat Mgr López, était de plus en plus isolé dans une Amérique Latine où la nomination de plusieurs évêques issus de l’Opus Dei avait profondément changé le visage de l’Église. Mais lorsque sa démission fut acceptée, son Église diocésaine ne fut pas confiée à l’Opus Dei mais à l’un des plus surprenants groupes dit « nouveaux », les Hérauts de l’Évangile, dont l’accoutrement vestimentaire (copié sur celui des Croisés) exprime bien la mentalité médiévale.  Ces Hérauts de l’Évangile, appelés aussi « Chevaliers de la Vierge », se mirent rapidement à démanteler toutes les instances communautaires de participation et de prise de décisions qui fonctionnaient harmonieusement depuis longtemps. Ils s’efforcèrent aussi de délégitimer les leaders des communautés de base.  S’ensuivirent six mois de tensions extrêmement pénibles, qui amenèrent Rome à chasser du Vicariat aussi bien ses Hérauts que les Carmes (qui y vivaient depuis 40 ans).

Les armes d’un homme de Dieu : la prière et le jeûne

          Mgr. Gonzalo López, éloigné de Sucumbíos dès le début, entreprit alors à Quito, une grève de la faim pour obtenir la grâce de la réconciliation dans ce qui avait été son Église durant quarante ans. De nombreux fidèles l’accompagnèrent chaque jour dans la prière. Au fur et à mesure que son jeûne, qui dura 24 jours, progressait, les esprits se calmèrent et une solution pacifique se dessina.

          Bienheureux les pacifiques.