Vie religieuse en général
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POINTS DE VUE SUR LA VIE RELIGIEUSE CONFERENCE AUX RELIGIEUX-PRETRES DU DIOCESE
CHICOUTIMI (Saint-Jérôme, le 13 mars 1971) On m’a demandé de vous
dire
ce
que
je
pense
de
la
vie
religieuse
aujourd’hui.
Ce
que
je
vais
vous
dire
est
donc
tout-à-fait
subjectif,
en
ce
sens
qu’au
lieu
de
vous
faire
une
conférence
sur
l’essence
de
la
vie
religieuse,
je
vous
exposerai
simplement
comment
je
perçois
actuellement
la
vie
religieuse.
Et
je
suis
bien
conscient
de
deux
choses :
c’est
que,
premièrement,
ma
perception
est
conditionnée
et
donc
limitée
par
la
nature
et
les
limites
de
ma
propre
expérience,
par
le
genre
de
vie
religieuse
qu’est
le
mien
et
par
bien
d’autres
facteurs.
Et
deuxièmement,
je
suis
aussi
conscient
que
ma
perception
comporte
déjà
une
part
d’évaluation
et
donc
présuppose
chez
moi
une
certaine
conception
de
ce
que
doit
être
la
vie
religieuse
ou
plus
précisément
du
sens
dans
lequel
elle
devrait,
à
mon
avis,
continuer
d’évoluer. Je divise mon exposé
en
trois
parties.
Dans
la
première,
je
vous
donnerai
mon
impression
générale
sur
la
situation
de
la
vie
religieuse
aujourd’hui.
Dans
la
troisième
et
dernière
partie,
je
vous
donnerai
mon
opinion
personnelle
sur
un
certain
nombre
de
problème
ou
d’aspects
de
la
vie
religieuse
qui
me
semblent
avoir
une
importance
spéciale
de
nos
jours.
Entre
les
deux,
je
placerai
une
deuxième
partie
qui
sera
un
coup
d’œil
rapide
sur
l’origine
et
l’évolution
de
la
vie
religieuse
au
cours
de
l’histoire
dont
le
but
sera
d’une
part
de
servir
de
lumière
pour
interpréter
la
situation
actuelle
et,
d’autre
part,
de
vous
indiquer
sur
quoi
se
fondent
les
points
de
vue
personnels
que
j’exprimerai
dans
la
troisième
partie.
I.
IMPRESSION GENERALE D’abord,
je
constate,
comme
tout
le
monde,
que
la
situation
actuelle
de
la
vie
religieuse
est
une
situation
de
crise.
L’un des symptômes le plus évidents est sans
doute
l’hémorragie
qu’ont
connue
et
que
connaissant
encore
nombre
de
communautés
ou
d’instituts.
Au
début
de
cet
exode,
on
se
rassurait
un
peu
facilement
avec
des
réflexions
comme
celle-ci :
on
disait,
par
exemple :
« il
se
fait
une
épuration
chez-nous
…
tous
ceux
qui
n’avaient
pas
vraiment
la
vocation
s’en
vont ;
après
ça
ira
beaucoup
mieux.» Mais on a été obligés de constater que ceux
qui
sont
partis
n’étaient
pas
toujours
ceux
qui
n’avaient
pas
la vocation, ni toujours les moins engagés ou les
moins
fervents.
C’était
même
parfois
ceux
sur
qui
les
communautés
pouvaient
compter
et
comptaient
effectivement
pour
réaliser
leur
renouveau.
Si
certains
ont
quitté
par
manque
d’idéal
ou
d’engagement,
d’autres
ont
pu
quitter
parce
que
qu’ils
considéraient
que
la
vie
religieuse
telle
qu’elle
existe
présentement
n’était
pas
apte
à
répondre
à
leur
idéal
et
à
leur
besoin
d’engagement. Il
est
certainement
plus
facile
de
constater
cette
crise
que
de
l’analyser
avec
justesse.
Il
s’agit
d’ailleurs
d’une
crise
qui
n’est
pas
propre
à
la
vie
religieuse
mais
qui
affecte
toute
l’Eglise.
Et
si
elle
est
peut-être
plus
forte
dans
l’état
religieux,
c’est
sans
doute
normal,
car
il
semble
que
c’est
dans
la
vie
religieuse
que
l’Eglise
a
toujours
vécu
le
plus
intensément
les
tensions
qui
lui
sont
connaturelles,
en
particulier
la
tension
entre
charisme
et
institutions. Quoi
qu’il
en
soit,
si
je
tentais
un
diagnostic,
je
dirais
que
la
crise
actuelle
de
la
vie
religieuse
est
essentiellement
une
crise
d’identité.
Et
les
causes
immédiates
en
seraient :
d’un
part,
la
faiblesse
et
l’imprécision
de
la
théologie
de
la
vie
religieuse,
d’autre
part,
les
changements
profonds
qu’a
connus
la
société
au
cours
des
dernières
années,
surtout
au
Québec,
changements
qui
ont
amené
des
mutations
profondes
dans
le
mode
d’insertion
des
religieux
et
religieuses
dans
la
société
et
dans
l’apostolat
de
l’Eglise. La
présentation
théologique
de
la
vie
religieuse
qui
était
courante
avant
le
concile
et
qu’on
trouvait
par
exemple
dans
nos
« catéchisme
des
vœux »,
est
devenue
dans
une
grande
mesure
inacceptable.
Elle
était
fondée
sur
une
conception
assez
étroite
des
conseils
évangéliques,
qui
ne
cadre
plus
avec
les
développements
de
l’exégèse
et
de
la
théologie
biblique,
elle
était
enracinée
dans
une
ecclésiologie
qui
a
été
dépassée
par
la
Constitution
Lumen
Gentium
de
Vatican
II ;
enfin,
elle
était
empreinte
d’un
moralisme
légaliste
étranger
à
une
morale
d’inspiration
biblique.
Par
ailleurs,
ni
au
Concile,
ni
depuis
le
concile
on
n’a
fait
grand-chose
pour
l’élaboration
d’une
théologie
de
la
vie
religieuse.
Le
Décret
Perfectae
Caritatis,
s’il
exhorte
les
Instituts
à
se
rénovation
et
trace
les
grandes
orientations
de
cette
rénovation,
est
quand
même
d’une
pauvreté
théologique
déconcertante.
Depuis
le
Concile,
une
quantité,
considérable
de
livres
et
d’articles
ont
été
écrits
sur
le
renouveau
de
la
vie
religieuse,
mais
bien
peu
de
choses
sur
sa
théologie. Quant
aux
nouveaux
modes
d’insertion
dans
la
société
et
dans
l’apostolat
de
l’Eglise,
vous
les
connaissez
mieux
que
moi.
Dans
le
passé,
la
plupart
des
communautés
avaient
des
œuvres
communautaires
qui
leur
étaient
propres :
collèges,
hôpitaux,
maisons
de
retraites,
etc.,
et
les
religieux
se
dévouaient
toute
leur
vie
gratuitement
au
service
de
ces
œuvres,
en
union
avec
leurs
confrères.
Aujourd’hui,
les
communautés
ont
dû,
ou
bien
par
la
force
des
circonstance
ou
bien
par
suite
d’une
décision
spontanée,
se
défaire
de
la
plupart
de
ces
œuvres,
et,
de
plus
en
plus,
les
religieux
et
religieuse
s’engagent
à
titre
personnel
et
individuel
dans
toutes
sortes
de
professions
ou
d’apostolats
où,
souvent,
ils
n’ont
plus
beaucoup
de
contacts
avec
les
autres
membres
de
leurs
communautés.
L’un
sera
curé
ou
vicaire
de
paroisse,
ou
encore
aumônier
dans
une
Institution
quelconque,
et
il
se
demandera
ce
qui
peut
bien
le
distinguer
du
prêtre
séculier
qui
remplit
les
mêmes
fonctions
à
côté
de
lui.
Tel
autre
sera
professeurs
et
il
se
demandera
ce
qui
le
distingue
des
professeurs
laïcs
avec
qui
il
travaille,
qui
font
la
même
chose
que
lui
et
reçoivent
le
même
salaire.
Ce
ne
sont
pas
là
des
questions
que
j’invente.
Je
les
ai
plus
d’une
fois
entendues
dans
la
bouche
de
religieux
et
religieuses.
Il
ya
aussi
que
dans
les
milieux
où
ils
travaillent,
les
religieux
et
religieuses
sont
souvent
interpellés :
« Qu’est
que
ça
vous
donne
d’être
religieux ?»
« -
Votre
vie
a-t-
elle
encore
un
sens ? »
-
il
arrive
très
souvent
qu’on
sente
bien
que
les
vieilles
réponses
ne
collent
plus,
mais
qu’on
soit
incapable
de
verbaliser
les
réponses
nouvelles
que
l’on
perçoit
intuitivement. Même
si
je
parle
de
« crise »,
je
considère
comme
réalité
tout-à-fait
saine
cette
remise
en
question
de
notre
identité
comme
religieux.
Elle
nous
amène
nécessairement
à
refaire
nos
options
d’une
façon
plus
libre
et
plus
consciente.
Mais
je
voudrais
signaler
encore
trois
aspects
de
la
crise
qui
secoue
l’Eglise,
et
qui
risquent
d’avoir
des
répercussions
sérieuse
sur
l’évolution
de
la
communion
et
celle
de
la
foi. Sans
doute
pour
avoir
trop
souffert
de
structures
inadaptées,
un
bon
nombre
de
chrétiens
sont
devenus
sceptiques
à
l’égard
de
toute
forme
de
communauté
structurée.
Ce
scepticisme
peut
facilement
pénétrer
dans
la
vie
religieuse.
Dans le passé, celle-ci était en effet très fortement
structurée.
Il
n’y
avait
alors
évidemment
guère
de
problème
d’identité.
Etre
religieux,
c’était
vivre
dans
une
communauté
religieuse,
en
porter
l’habit
distinctif
et
se
conformer
à
toutes
ses
Règles
et
coutumes.
Pie
X
est
censé
avoir
dit :
« Donnez-moi
un
religieux
qui
observe
toute
ses
Règles
et
je
le
canonise. »
Que
cette
phrase
soit
de
Pie
X
ou
non,
elle
exprime
très
bien
une
certaine
mentalité
qui
tendait
à
identifier
la
vie
religieuse
avec
une
mode
de
comportement.
Avec
une
rapidité
extraordinaire,
la
plupart
des
structures
ont
été
profondément
modifiées
ou
même supprimées. Beaucoup de religieux et religieuse,
qui
y
trouvaient
leur
sécurité
psychologique
et
spirituelle
en
ont
été
désorientés.
Certains
sont
partis,
ne
trouvant
plus
dans
leurs
communautés
le
genre
de
vie
auquel
ils
s’étaient
engagés.
Pour
d’autres
par
ailleurs,
et
fort
heureusement,
ce
fut
une
occasion
de
mieux
discerner
l’essentiel
de
l’accidentel
et
de
se
rendre
compte
que
la
fidélité
à
la
vie
religieuse
est
en
premier
lieu
la
fidélité
à
quelqu’Un
et
non
la
fidélité
à
quelque
chose. Pour
bon
nombre
de
religieux,
le
sentiment
d’appartenance
à
leur
communauté
était
fondé
sur
la
participation
à
une
œuvre
communautaire,
donc
à
une
communauté
de
travail.
Les
œuvres
communautaires
disparaissant,
c’est
une
excellente
occasion
de
découvrir
un
nouveau
sens
communautaire
où
l’essentiel
est
la
communion
de
vie.
Mais
cela
fait
problème
pour
d’autres
qui
ont
de
la
difficulté
à
accepter
la
nécessité
d’une
communion
avec
Dieu
qui
doive
passer
par
la
communion
avec
des
frères.
Il
y
a
là
une
crise
de
la
communion
ecclésiale,
intimement
liée
à
la
crise
des
structures. Enfin,
même
si
la
théologie
de
la
« mort
de
Dieu »
est
déjà
un
phénomène
dépassé,
il
y
a
dans
l’Eglise
une
crise
de
la
foi
qui
risque
d’affecter
la
vie
religieuse.
Car
sans
la
foi,
la
vie
religieuse
n’a
vraiment
plus
aucun
sens.
Le
symptôme
principal
de
cette
crise
de
la
foi
est
la
crise
de
la
prière.
La
disparition
des
cadres
traditionnels
de
la
prière
commune
a
amené
un
bon
nombre
de
religieux
à
découvrir
des
expressions
plus
spontanées,
plus
vraies
et
plus
enrichissantes
de
leur
prière.
D’autres
cependant
ont
abandonné
totalement
ou
partiellement
la
prière.
Ce
tableau
d’enseignement
peut
paraître
sombre,
et
il
l’est
sans
doute
quelque
peu.
Inutile
de
se
faire
des
illusions !
Mais
je
ne
crois
pas
qu’il
soit
de
nature
à
engendrer
le
pessimisme.
D’ailleurs
un
coup
d’œil
sur
l’histoire
de
la
vie
religieuse
pourra
nous
apprendre
à
être
à
la
fois
optimistes
et
réalistes.
II.
COUP D’ŒIL SUR L’HISTOIRE
DE
LA
VIE
RELIGIEUSE Il n’est plus question, de nos jours, de
chercher
dans
tel
texte
de
l’Ecriture
le
fondement
de
la
vie
religieuse
ou
de
chacun
des
trois
vœux
traditionnels.
Si
la
vie
religieuse
est
évangélique,
ce
n’est
pas
parce
qu’elle
s’appuie
sur
tel
texte
du
N.T.
ou
sur
telle
parole
du
Christ.
Mais
parce
qu’elle
s’enracine
dans
l’ensemble
du
donné
évangélique.
On
ne
voit
nulle
part
que
le
Christ
ait
proposé
deux
voies
distinctes
pour
arriver
à
la
vie
éternelle :
une
voie
commune
consistant
dans
l’observation
des
préceptes
obligatoires
pour
tous
et
suffisante,
une
voie
plus
parfaite
consistant
dans
l’accomplissement
des
conseils
et
simplement
proposée.
Le
Christ,
au
contraire,
appelle
tous
les
hommes
à
la
perfection.
–
« Soyez
parfaits
comme
votre
père
céleste
est
parfait »
-
et
n’institue
pas
d’échelle
ou
de
hiérarchie
dans
l’idéal
qu’il
énonce
aux
hommes.
Il
n’y
a
pas,
dans
l’Evangile,
de
chose
qui
sont
à
prendre
ou
à
laisser.
Mais,
par
ailleurs,
le
Christ,
qui
nous
a
aimés
jusqu’à
mourir
pour
nous,
attend
de
tout
chrétien
un
amour
et
une
obéissance
radicale.
Les
exigences
de
toute
vie
chrétienne
sont
radicales,
en
ce
sens
que
chaque
fois
que
le
Christ
appelle,
chaque
fois
quel
quelque
chose
risque
d’entrer
en
compétition
avec
le
Christ
dans
le
cœur
du
chrétien,
chaque
fois
que
quelque
chose
risque
de
mettre
en
péril
l’indivision
de
son
cœur,
le
chrétien
doit
trancher
radicalement.
Le
N.T.
nous
donne
des
exemples
nombreux
d’attitudes
radicales
qui
furent
exigées
de
telle
ou
telle
personne
soit
par
un
appel
explicite
du
Seigneur,
soit
par
suite
de
la
nécessité
de
conserver
non
cœur
indissolublement
donné
au
Christ.
Dès
la
première
génération
des
fidèles
ont
vu
dans
ces
exemples
un
appel
personnel
à
adopter
librement
comme
mode
permanent
de
vie
certaines
de
ces
attitudes
radicales
dont
l’Evangile
donnait
des
exemples.
C’est
en
ce
sens
qu’on
peut
parler
de
« conseils
évangéliques. »
Donc,
pour
moi,
la
vie
religieuse
ça
consiste
attitudes
radicales
dont
l’Ecriture
nous
donne
des
exemples,
et
qui,
sans
être
exigées
de
tout
chrétien,
peuvent
parfois
l’être
de
telle
ou
telle
personne
si
elle
veut
maintenir
son
cœur
donné
totalement
au
Christ. Et ainsi on peut dire
en
toute
rigueur
de
terme
que
la
vie
religieuse
est
aussi
vieille
que
l’Eglise,
car
dès
les
toutes
premières
générations
chrétiennes
on
voit,
surtout
dans
les
Eglises
judéo-chrétienne,
de
ces
vierges
et
ces
ascètes
qui
mènent
–
sans
cadres
institutionnels,
bien
sur
–
des
genres
de
vie
correspondant
aujourd’hui.
Certains
d’entre
eux
embrassent
la
vie
de
célibat
et
d’ascèse
sans
pour
autant
renoncer
à
leur
situation
sociale
normale.
D’autres
se
consacrent
à
des
œuvres
de
miséricorde.
Certains
se
groupent
en
communautés
tout
en
continuant
de
vivre
au
sein
de
l’Eglise
locale.
Mais
il
y
en
a
aussi
qui
se
retirent
à
l’écart,
dans
le
désert,
soit
pour
y
constituer
des
fraternités
d’ascètes,
soit
pour
y
vivre
dans
la
solitude
absolue.
On
a
donc
un
éventail
complet
des
façons
de
vivre
les
conseils
évangélique
dans
l’Eglise. A partir du cinquième
sicle,
l’évolution
de
la
vie
religieuse
en
occident est assez
bizarre.
Depuis
ce
moment
jusqu’à
la
reforme
carolingienne,
au
début
du
9ième
siècle,
on
assiste
à
une
fermeture
progressive
de
cet
éventail
jusqu’à
ce
qu’avec
le
Synode
d’Aix-la-Chapelle,
en
817,
une
seule
forme
de
vie
religieuse
soit
reconnue
dans
l’Eglise :
la
vie
monastique,
et
une
seule
Règle
monastique
Celle
de
saint
Benoît.
A
partir
de
la
reforme
carolingienne,
au
XIème
siècle, on assiste à un mouvement en sens inverse.
C’est
une
sorte
de
reconquête
graduelle
du
droit
de
cité
dans
l’Eglise
institutionnelle
pour
chacune
des
formes
de
vie
consacrée.
Ce
sont
d’abord
les
chanoines
réguliers,
qui
unissent
la
pratique
des
conseils
évangéliques
au
service
d’une
Eglise
locale,
puis
ce
sont
les
ordres
mendiants,
qui
l’unissent
à
un
apostolat
aux
dimensions
de
l’Eglise
entière,
enfin
ce
sont
les
innombrables
formes
de
vie
religieuse
non-cloitrée
qui,
peu
à
peu,
s’établissent
de
fait
dans
l’Eglise,
pour
être
reconnu
de
droit
de
celui-ci
au
bout
de
plusieurs
siècles.
C’est
enfin,
avec
les
institutions
séculières,
la
reconnaissance
officielle
d’un
état
de
perfection
évangélique
au
sein
du
monde,
sans
les
cadres
de
la
vie
religieuse
canonique. L’une des leçons qui
se
dégagent
le
plus
clairement
de
cette
évolution,
c’est
que
toute
réforme
de
la
vie
religieuse
qui
est
en
premier
lieu
une
reforme
de
structures
et
une
réforme
juridique
est
vouée
à
l’insuccès
et
peut
engendrer
des
situations
équivoques.
Ainsi
en
fut-il
de
la
réforme
carolingienne
au
début
du
9ème
siècle.
Jamais
réforme
ne
fut
mieux
« organisée».
Elle
n’eut
cependant
aucun
lendemain ;
elle
réussit
simplement
à
enfermer
la
vie
religieuse
dans
des
cadres
juridiques
extrêmement
rigides
dont
elle
n’a
pas
encore
réussi
à
se
libérer.
Les
vraies
réformes
sont
des
réformes
charismatiques
qui
s’enracinent
dans
un
renouveau
spirituel,
lequel
sait
faire
éclater
les
structures
périmées,
lorsque
le
souffle
de
l’Esprit
est
assez
fort.
Le
plus
bel
exemple
est
le
grand
mouvement
de
fondation
du
XIème
siècle.
Et
cela
doit
nous
amener
à
réfléchir.
Depuis
le
concile,
les
communautés
religieuses
ont
modifié
leurs
Constitutions,
elles
ont
réformé
leurs
structures.
Nous
sommes-nous
suffisamment
préoccupés
d’un
véritable
renouveau
spirituel ? Une autre chose importante
à
noter
c’est
que
le
grand
mouvement
d’expansion
du
XIème
siècle
provoqua
un
effort
de
réflexion
théologique
et
une
certaine
systématisation
de
la
vie
religieuse.
Cette
systématisation,
en
soi
nécessaire
et
utile,
eut
cependant
ses
inconvénients.
Jusque
là,
l’engagement
dans
la
vie
religieuse
comportait
une
certaine
promesse,
une
« professio »,
par
laquelle
on
s’engageait
à
un
mode
de
vie.
L’engagement
au
célibat
ou
le
« vœu
de
virginité »
était
souvent
mentionné
explicitement.
Dans
les
nouveaux
ordres,
et
d’abord
chez
les
Franciscains,
la
formule
de
profession
explicita
les
trois
vœux
devenus
par
la
suite
traditionnels,
ceux
de
pauvreté,
de
chasteté,
et
obéissance.
Au
même
moment,
la
distinction
connue
auparavant
entre
le
« simple vœu » (sans reconnaissance officielle par Eglise) et « vœu
solennel »
(reconnu
et
consacré
par
un
geste
rituel)
s’accentua.
Comme
tous
les
grands
Ordres
monastiques
avaient
la
profession
solennelle,
l’opinion
s’accrédita
bientôt
que
sans
les
trois
vœux
solennels,
il
n
y
avait
pas
de
consécration
religieuse,
et
que
ces
trois
voeux
qu’appela
désormais
les
« trois
vœux
essentiels »
de
l’état
religieux
étaient
une
condition
signe qua non de cet état. Sur cette nouvelle conception des vœux
se
greffa
la
nouvelle
théologie
de
la
vie
religieuse
fondée
sur
la
notion
des
trois
conseils
évangéliques,
qui
a
prévalu
jusqu’à
nos
jours,
et
qui
commence
à
céder
le
pas
à
une
vision
plus
globale
du
donné
évangélique
sur
la
vie
parfaite.
III.
QUELQUES ASPECTS PARTICULIERS Si je passe maintenant à quelques aspects
concrets
de
la
situation
présente,
je
dirais
en
premier
lieu
qu’à
mon
avis
il
est
essentiel
que
note
vie
religieuse
soit
radicale.
Sans
cela,
elle
n’a
aucun
sens.
C’est
dans
la
mesure
où
nous
adoptons
un
mode
radical
de
vivre
l’Evangile,
et
plus
particulièrement
certaines
de
ces
valeurs,
que
nous
avons
une
raison
d’être
comme
religieux.
En deuxième lieux, il me semble important
que,
malgré
les
imprécisions
et
les
tâtonnements
de
la
théologie
de
vie
religieuse,
nous
sachions
ce
que
nous,
nous
voulons
être.
C’est-à-dire
que
nous
devons
savoir,
d’une
façon
personnelle
et
bien
réfléchie,
quelles
sont
les
valeurs
évangéliques
que
nous
voulons
incarner
d’une
façon
spéciale
dans
notre
vie. Et parmi les nombreux conseils évangéliques,
c’est-à-dire
parmi
les
nombreuses
valeurs
évangéliques
qui
peuvent
être
vécues
avec
radicalisme,
il
y
en
a
certaines
qui
répondent
d’une
façon
plus
directe
aux
besoins
de
notre
société
contemporaine
et
c’est
sans
doute
sur
celles-là
qu’il
faut
le
plus
insisté
aujourd’hui.
L’homme
a
toujours
besoin
de
libération ;
et
le
salut
apporté
par
le
Christ
est
précisément
la
libération
de
l’homme.
Mais
il
y
a
certains
esclavages
précis
dont
l’homme
a
besoin
d’être
libéré
plus
spécialement
aujourd’hui ;
il
y
a
donc
certaines
libérations
dont
il
a
besoin
de
voir
le
témoignage. Dans notre société industrielle, l’homme
est
de
plus
en
plus
conditionné
par
des
structures
dont
il
est
de
moins
en
moins
le
maître.
Il
devient
un
rouage
ou
un
moyen
dans
un
univers
où
tout
est
orienté
vers
la
création
de
nouveaux
besoins
on
vue
d’une
plus
grande
consommation
et
donc
d’une
plus
grande
production.
Dans cette société, un nouvel humanisme
est
en
train
de
naître.
Un
peu
partout
dans
le
monde,
et
particulièrement
dans
l’Eglise,
se
manifeste
depuis
quelques
années
un
besoin
de
relations
humaines
plus
vraies
que
les
relations
fonctionnelles
de
la
société
de
consommation,
et
surtout
un
besoin
de
communion
fraternelle.
Un
peu
partout
dans
l’Eglise
jaillissent
des
communautés
nouvelle :
communautés
de
base,
groupes
foyers,
groupes
de
partage
d’Evangile,
etc.
Les
religieux
ont
un
rôle
tout-à-fait
spécial
à
jouer
dans
ce
mouvement
de
récommunautarisation
de
l’Eglise
et
du
monde,
non
seulement
parce
qu’il
s’agit
là
d’une
des
valeurs
les
plus
fondamentales
de
la
vie
chrétienne,
mais
aussi
parce
que
la
vocation
religieuse
est
essentiellement
communautaire.
De
fait,
les
premières
communautés
cénobitiques
se
sont
formées
parallèlement
aux
Eglises
locales,
vers
le
4e
siècle,
comme
une
sorte
de
contestation
visant
à
préserver
vivante
dans
l’Eglise
la
réalité
de
la
communion
fraternelle,
au
moment
où
l’Eglise
institutionnelle
devenait
de
moins
en
moins
une communauté et de plus en plus une société.
Cependant,
l’ironie
du
sort
veut
qu’avec
le
temps
les
communautés
religieuse
ont
cessé
elles
aussi
d’être
de
véritables
communauté
pour
devenir
des
groupements
d’individus
vivant
les
uns
à
côté
des
autres,
souvent
sans
se
connaître
vraiment
et
sans
échanger
en
profondeur. Depuis le concile, et même avant, de grands
efforts
ont
été
faits
dans
beaucoup
de
communautés
pour
retrouver
un
véritable
esprit
communautaire.
D’une
part,
on
s’est
efforcé
d’améliorer
les
relations
et
les
communications
au
sein
des
grandes
communautés
et,
d’autre
part,
on
s’est
orienté
vers
la
constitution
de
fraternité
ayant
les
dimensions
d’un
groupe
primaire,
et
où
il
est
plus
facile
de
vivre
en
communion
fraternelle.
Ce
mouvement
vers
la
création
des
petites
communautés
est
très
prometteur,
il
comporte
aussi
des
dangers.
Pour
qu’une
fraternité
réussisse,
il
faut
une
véritable
transparence
mutuelle
et
une
mise
en
commun
des
idéaux,
des
projets,
des
problèmes,
des
recherches,
des
expériences
spirituelles,
et
aussi
un
réel
amour
fraternel
dépouillé
d’égoïsme.
Beaucoup
de
fraternités
piétinent
ou
sont
sans
vie
parce
qu’elles
n’ont
pas
voulu
être
plus
que
ce
que
Tillard
appelle
des
fraternités-dortoirs
ou
des
fraternités-bars-du
–coin.
Une
fraternité
où
l’on
n’échange
pas
à
un
niveau
profond
dans
la
prière
n’a
pas
de
chance
d’avenir.
Elle
peut
tout
au
plus
subsister
comme
club
de
célibataires
bourgeois.
De
plus,
pour
être
vraiment
chrétiennes,
les
fraternités
doivent
demeurer
ouvertes
et
être
autant
que
possible
hétérogènes.
Autrement,
il y a aurait le danger de devenir une secte
ou
un
ghetto. Ce modifications dans la vie de communauté,
jointes
aux
mutations
de
contexte,
sociologique
dans
lequel
nous
vivons
aujourd’hui,
nous
obligent
à
repenser
notre
conception
et
notre
pratique
de
l’autorité
et
de
l’obéissance
religieuses.
Même
si
l’obéissance
est,
dans
son
essence
profonde,
une
réalité
évangélique
qui
ne
change
pas,
les
modalités
qu’elle
a
prises
dans
l’Eglise
et
dans
la
vie
religieuse
au
cours
des
siècles
ont
toujours
été
tributaires
des
structures
sociologiques
de
l’époque.
Les
conceptions
que
nous
avions
dans
ce
domaine
jusqu’à
ce
dernières
décennies,
étaient
encore
celles
de
la
chrétienté
médiévale.
Le
rôle
du
supérieur
était
extrêmement
étendu,
et
la
participation
était
assez
restreinte.
Nous
avons
fait
beaucoup
de
progrès
en
ce
domaine.
Mais
ce
progrès
comporte
peut-être
ses
dangers,
ou
en
tout
cas
ses
équivoques.
Il
est
à
craindre
qu’on
renonce
à
des
structures
médiévales
simplement
pour
emprunter
des
nouvelles
méthodes
de
gouvernement
et
d’administration
à
notre
société
industrielle,
tout
juste
au
moment
où
celle-ci
est
violement
remise
en
question.
Il
serait
erroné
de
voir
l’évolution
que
doit
faire
la
vie
religieuse
en
en
ce
domaine
simplement
comme
un
processus
de
démocratisation…
car
Marcuse
n’a
probablement
pas
tort
lorsqu’il
affirme
que
la
démocratie
est
la
forme
la
plus
efficace
de
domination
et
celle
où
la
liberté
individuelle
est
le
plus
facilement
anesthésiée.
Dans
les
siècles
passés,
les
religieux
ont
fait
figure
de
pionniers
en
ce
domaine ;
des
études
scientifiques
ont
montré
que
la
première
démocratie
d’Europe,
le
parlement
britannique,
a
emprunté
beaucoup
de
ses
structures
au
modèle
du
Chapitre
Général
des
Cistercienne.
Il
serait
dommage
qu’on
adopte
aujourd’hui
globalement,
avec
quelques
siècles
de
retard,
une
forme
de
gouvernement
qui
est
en
voie
de
disparaître… Depuis le Concile on a senti un grand besoin
de
faire
participer
activement
tout
le
monde
à
la
vie
des
communautés.
C’est
un
bien
indéniable,
et
il
faut
s’en
réjouir.
Par
ailleurs,
ce
développement
de
la
participation
a
souvent
abouti
à
ceci
(dans
les
communautés
religieuses
aussi
bien
que
dans
les
organismes
diocésains) :
on
a
compliqué
au
maximum
les
rouages
administratifs,
afin
d’y
faire
participer
le
plus
de
monde
possible :
une
véritable
multiplication
de
commissions,
de
sous-commissions,
de
comités,
etc.
Mais
il
n’est
pas
sûr
qu’on
ait
réussi
à
intéresser
beaucoup
de
gens
à
cette
participation.
On
arrive
facilement
ainsi
à
ce
que
j’appellerais
un
régime
totalitaire
de
renouveau,
basé
sur
la
participation,
dont
le
résultat
est
de
tuer
toute
spontanéité
et,
en
définitive,
toute
participation… Je ne dis pas qu’on est allé trop loin ;
je
dis
qu’on
n’est
pas
allé
assez
loin.
Car,
pour
moi,
la
véritable
communauté
de
vie
se
situe
bien
au-delà
de
la
démocratie
et
de
la
participation
au
gouvernement.
Tant
qu’on
reste
dans
le
cadre
de
ces
catégories,
on
conserve
la
vieille
dichotomie
entre
un
troupeau
qui
obéit
et
une
autorité
qui
est
extérieure
au
troupeau.
Et
le
fait
que
l’autorité
soit
partagée
entre
un
plus
ou
moins
grand
nombre
de
personnes
ou
de
commissions,
ne
change
au
fond
rien
au
système.
Même
si
l’on
décide
tout
par
votre
majoritaire,
sans
qu’il
n’y
ait
de
supérieur
proprement
dit,
on
n’a
pas
changé
grand-chose,
parce
qu’alors
on
a
encore
en
fait
une
instance
supérieure,
composée
de
tous
les
membres
du
groupe,
mais
extérieure
comme
telle
à
chaque
personne
du
groupe.
Pour
arriver
à
une
véritable
communauté
de
vie
il
faut
transcender
cette
dichotomie.
Une
communauté
c’est
un
groupe
de
personnes
qui
réalisent
la
prise
en
charge
mutuelle
et
le
partage
non
seulement
de
ce
qu’elles
ont,
mais
aussi
et
surtout
de
ce
qu’elles
sont.
Il
s’agit
alors
pour
des
frères
de
cheminer
ensemble,
de
chercher
ensemble
la
volonté
de
Dieu,
de
se
mettre
comme
groupe
à
l’écoute
de
l’Esprit
Saint
et
d’accepter
de
lire
la
volonté
de
Dieu
à
travers
le
cheminement
du
groupe
comme
tel
groupe. Bien sur, il faudra normalement à l’intérieur d’un groupe – Je dis bien à l’intérieur d’un groupe, et
non
au
dessus
et
à
l’extérieur
–
une
personne,
qu’on
nommera
supérieur,
animateur,
responsable
ou
autrement…
et
dont
le
rôle
sera
le
catalyseur
des
énergies
latentes
et
de
la
vitalité
du
groupe ;
il
sera
la
mémoire
des
options
antérieures
prises
par
le
groupe ;
il
sera
enfin,
pour
employer
une
belle
formule
de
Claudel,
le
« délégué
à
l’attention »
celui
qui
rappelle
sans
cesse
le
groupe
à
ses
engagements,
à
ces
devoirs,
à
sa
responsabilité,
etc… Ce rôle d’animation et cette tâche d’animateur,
que
l’on
a
heureusement
développés
dans
nos
communautés,
ces
dernières
années,
me
semble
capital.
Il
serait
dangereux
et
stérilisant
d’élaborer
des
structures
où
un
tel
rôle
personnel
serait
supprimé,
et
où
tout
le
leadership
serait
remis
à
des
organismes
ou
à
des
commissions…
La
vie
religieuse
est
charismatique,
et
les
commissions,
pour
nécessaires
qu’elles
soient,
ne
sont
jamais
ni
charismatiques,
ni
prophétiques. Il y a donc une tâche énorme déjà entreprise,
et
qui
doit
être
continuée,
dans
le
domaine
du
renouveau
communautaire.
Pour
cela,
il
faut
être
ouvert
au
partage
et
au
don
de
soi
exigé
pour
toute
vie
de
communauté
qui
veut
être
plus
que
bon
compagnonnage.
Et justement, les nouveaux modes d’implantation
des
religieux
dans
la
pastorale
amènent
nécessairement
à
rechercher
de
nouvelles
formes
d’appartenance.
Autrefois,
former
une
communauté
c’était
simplement
vivre
ensemble.
Aujourd’hui,
on
se
rend
compte
que,
pour
être
une
communauté
digne
de
ce
nom,
il
ne
suffit
pas
de
cohabiter,
mais qu’il faut partager à un niveau profond. Par
ailleurs
on
se
rend
compte
en
même
temps
que
des
personnes
peuvent
former
une
authentique
communauté
sans
cohabiter
et
sans
se
rencontrer
très
souvent.
Il
faut
et
il
suffit
qu’il
y
ait
une
forme
ou
sous
une
autre,
une
prise
en
charge
mutuelle.
Bon
nombre
de
religieux
vivent
isolés
de
leur
communauté,
par
suite
de
leurs
conditions
de
travail.
Sont-ils
pour
autant
moins
de
la
communauté ?
Pas
nécessairement,
il
faut
développer
un
sens
de
l’appartenance
assez
fort
pour
que
l’on
se
sente
vraiment
de
la
communauté,
même
si
l’on
ne
peut
rencontrer
ses
frères
aussi
souvent
qu’on
le
désirerait.
Pour
cela,
il
doit
évidement
exister
entre
les
membres
d’une
communauté
des
liens
d’amitié
assez
vrais
et
assez
forte
pour
ne
pas
être
affectés
par
la
séparation. Un phénomène parallèle, qui est caractéristique
de
notre
époque,
est
celui
de
l’appartenance
simultanée
à
diverses
communautés.
Il
s’agit
d’un
phénomène
très
sain
en
lui-même.
Supposez
que
je
sois
un
religieux
d’une
communauté
qui
n’a
pas
de
maison
dans
le
diocèse.
Je
puis
demeurer
profondément
uni
à
ma
communauté
tout
en
enseignant
la
catéchèse
dans
tel
CEGEP,
par
exemple.
Au
CEGEP,
je
pourrai
former
avec
les
autres
professeurs
de
catéchèse
une
communauté
de
travail.
A
la
paroisse
où
je
loge
et
où
je
fais
du
ministère,
je
pourrai
former
un
autre
type
de
communauté
de
vie
avec
les
prêtres
séculiers
qui
s’y
trouvent.
Par-dessus
tout
cela,
je
participe
aux
activités
de
zone
et
aux
activités
diocésaines
et
je
dois
me
sentir
réellement
de
l’Eglise
diocésaine.
Dans
chacune
de
ces
communautés
auxquelles
j’appartiens,
j’ai
quelque
chose
à
donner
et
à
recevoir.
Toutes
ces
appartenances
peuvent
être
aussi
vraies
l’une
que
l’autre.
Il
me
semble
que
je
dois
arriver
à
une
synthèse
vitale
qui
me
permette
d’appartenir
totalement
à
chacune
de
ces
communautés
sans
avoir
l’impression
de
me
dérober
aux
autres. Et cela doit nous rappeler que nous sommes d’Eglise et que nous devons aussi développer
nos
relations
intercommunautaires.
Je
crois
qu’il
s’est
fait
un
travail
énorme
en
ce
sens
depuis
plusieurs
années.
Il
y
a
moins
de
cloisonnement
qu’autrefois.
J’ai
cependant
l’impression
que
les
religieux-prêtres
ont
tendance
à
s’isoler
des
frères
et
des
sœurs,
et
peut-être
à
les
sous-estimer
un
peu.
Personnellement,
je
souhaiterais
que
l’Office
des
Religieux,
dans
le
diocèse,
ne
regroupe
pas
simplement
des
frères
et
des
sœurs,
mais
regroupe
tous
les
religieux,
qu’ils
soient
prêtres
ou
non,
hommes
ou
femmes. J’ai parlé d’amitié qui doit unir les membres
d’une
communauté.
C’est
là,
en
effet,
une
autre
de
valeurs
que
nous
devons
incarner
dans
vos
vies
de
religieux.
Dans
un
monde
saturé
d’érotisme
et
d’exploitation
du
sexe,
notre
célibat
doit
nous
rendre
plus
aptes
à
donner
le
témoignage
de
personnes
qui
savent
aimer
d’un
amour
libéré
de
cette
domination
du
sexe.
S’engager
au
célibat,
ce
n’est
pas
renoncer
à
l’amour ;
c’est
plutôt
s’engager
explicitement
à
développer
sa
capacité
d’aimer
dans
une
ligne
déterminée
où,
renonçant
à
un
amour
exclusif,
on
libère
ses
forces
affectives
pour
les
orienter
vers
une
forme
d’amour
qui
ne
fait
que
croître
en
devenant
plus
universel,
sans
jamais
cesser
d’être
personnel. Notre attitude à l’égard des biens matériels
doit
être
elle
aussi
une
valeur
de
libération,
dans
une
société
de
consommation
et
de
production,
qui
crée
sans
cesse
de
nouveaux
besoins
factices.
Je
préfère,
cependant,
parler
de
simplicité
de
vie,
de
partage,
ou
de
mise
en
commun
plutôt
que
de
pauvreté.
Car,
en
fait,
nous
ne
sommes
pas
pauvres.
Nous
pouvons
et
nous
devons
toujours
conserver
une
grande
simplicité
de
vie
tant
dans
notre
vie
privée
qu’à
l’échelle
communautaire ;
mais
en
appelant
ça
de
la
pauvreté
nous
donnons
à
ce
mot
un
sens
tout
autre
que
celui
que
lui
donne
le
commun
des
mortels.
Nous
avons
là
un
bel
exemple
des
équivoques
engendrées
par
une
théologie
de
la
vie
religieuse
basée
sur
le
droit.
On
en
est
venu
à
considérer
que
la
pauvreté
religieuse
consistait
essentiellement
à
renoncer
au
« domaine »
de
ses
biens,
ou
en
tout
ces
à
leur
libre
disposition…
Cela
revient
à
se
soumettre
au
supérieur,
et
l’on
est
là
en
pleine
fiction
juridique :
j’ai
tout
ce
dont
j’ai
besoin,
mais
je
suis
pauvre
parce
que
je
reçois
tout
du
supérieur ;
une
simplicité
de
vie
assumée
personnellement
avec
un
sens
de
responsabilité
est
autrement
plus
exigeante. Enfin, dans un monde où l’homme tend à devenir
un
rebot
et
où
les
relations
humaines
se
détériorent,
il
y
a
un
ensemble
de
valeurs
humaines
dont
nous
devons
donner
le
témoignage
dans
nos
vies.
Nous
qui
avons
été
libérés
par
la
croix
du
Christ,
nous
devons
donner
le
témoignage
d’hommes
libres,
libérés
des
contraintes
intérieures
aussi
bien
que
de
celles
de
l’environnement,
pleinement
épanouis,
mûrs,
heureux.
Si
certaines
structures
de
la
vie
religieuse
ont
pu,
dans
le
passé,
créer
un
danger
d’infantilisme,
un
développement
considérable
s’est
effectué
depuis
plusieurs
années
déjà,
grâce
en
particulier
à
l’utilisation
de
l’ensemble
des
disciplines
appelées
les
sciences
de
l’homme :
psychologie,
sociologie,
dynamique
de
groupes,
etc…
Là
aussi,
comme
dans
toute
bonne
chose,
il
y
a
un
danger.
On
arrive
facilement
à
transformer
la
vie
spirituelle
en
technique,
à
remplacer
l’ascèse
et
l’égard
de
Dieu
et
son
besoin
de
rédemption.
Un
grand
nombre
d’expériences
malheureuses
ont
montré
que,
parmi
ceux
qui
se
lancent
en
ce
domaine,
seuls
ceux
qui
ont
une
vie
spirituelle
intense
peuvent
en
profiter
pour
leur
vie
religieuse.
En résumé, je dirais que ce qui est exigé
de
nous,
religieux
aujourd’hui,
c’est
de
vivre
l’Evangile
d’une
façon
radicale,
et
d’incarner
dans
nos
vie
certaines
valeurs
évangéliques
privilégiées,
de
telle
sorte
que
nous
donnions
le
témoignage
d’hommes
vraiment
libres,
c’est-à-dire
d’hommes
qui
sont
capables
de
vivre
en
plénitude,
et
qui
font
fructifier
cette
liberté
dans
une
relation
vivante
avec
Dieu
et
avec
leurs
frères. Armand VEILLEUX, ocso Abbaye cistercienne, Mistassini |
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