Écrits et conférences d'intérêt général



 

 

 
 

 

C’est la rentrée

 

Intéressante expression que « la rentrée ». Le « r » initial implique la notion de répétition, mais aussi de retour à la maison. On « rentre en soi-même » pour revenir à la réalité.

C’est l’époque de la rentrée à l’école, au boulot, après les vacances. En réalité, nous avons beaucoup plus souvent que nous ne le pensons le besoin de « rentrer », car nous sommes souvent « hors de nous-mêmes ». Il y a en effet plusieurs façons d’être hors de soi. Bien sûr, lorsque quelqu’un est dans une colère noire, on dit qu’il est « hors de lui ». Mais on peut aussi être hors de soi en vivant dans un monde imaginaire que l’on s’est créé. Chaque fois, il est nécessaire de rentrer en soi pour revenir à la réalité. Cela vaut pour les individus, la société, mais aussi pour les religions et l’Église.

Nous avons, dans l’Évangile, la parabole dite de l’enfant prodigue. Il s’agit de ce fils qui avait demandé sa part d’héritage à son père du vivant même de celui-ci. Durant un bon bout de temps, il s’était créé avec cet argent un monde artificiel de plaisirs. Mais un jour, les vivres commencèrent à lui manquer et il fut brutalement ramené à la réalité, réduit à la misère et à la faim. Alors il « rentra en lui-même » et commença un chemin de conversion et de retour à la maison de son père.

 

POUR VAQUER AUX CHAMPS

À l’époque de mon enfance, dans une société rurale, je crois que seuls les étudiants —et bien sûr les instituteurs— avaient des vacances. Ils interrompaient leurs études durant les mois de l’été pour « vaquer » —car c’est bien le sens du mot vacances— aux travaux des champs, particulièrement à l’époque des semailles et des récoltes, avec les autres membres de la famille.

Les parents n’avaient jamais de vacances. Ils trouvaient leur équilibre et leur bonheur dans le rythme des saisons et l’alternance entre des périodes de travail plus intense et les autres moments de l’année où plus de temps pouvait être consacré à embellir la propriété, lire, réfléchir et se livrer à des activités de caractère plus artistique et social.

Les temps ont changé et les vacances sont devenues une dimension importante de la culture contemporaine. Elles sont devenues nécessaires pour rétablir un équilibre brisé par des périodes d’activité intense, et pour permettre aux membres des familles souvent dispersés par ces activités diverses de se retrouver ensemble.

L’Église a aussi besoin de rentrer en elle-même. Elle l’a fait au cours des siècles dans des conciles œcuméniques. Au cours du dernier, elle s’est dépouillée de tout un appareil de puissance acquis à l’époque où l’on faisait appel à elle pour de nombreux services assumés désormais par la société civile. Elle a voulu redevenir humble servante d’un monde dans lequel elle a la mission de témoigner de la personne et du message de Jésus-Christ. Elle s’est aussi redécouverte dans sa liturgie comme peuple de Dieu célébrant dans la simplicité et la fraternité, plutôt que comme assistant à des célébrations hiératiques réalisées en sa présence.

 

LA MAISON, C’EST VATICAN II

Puis il y a eu l’après-concile —non terminé— avec sa première phase d’exubérance un peu naïve chez les uns, de peur du nouveau chez les autres. Cette phase fut suivie d’une période de repli où l’on retourna visiter les formes anciennes de célébration comme on va, durant ses vacances, écouter un concert dans une vieille abbaye ou une cathédrale désaffectée restaurée par l’industrie touristique.

Cependant, plus personne n’habite dans ces vieilles abbayes ou ces cathédrales restaurées. Le temps est venu de rentrer à la maison. Notre maison, c’est l’Église de Vatican II.

 

Armand VEILLEUX

 

dans L'Appel, septembre 2009, nº 319, p. 20.