Vie religieuse en général
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LES RELIGIEUX DANS LE MONDE D'AUJOURD'HUI Je n'entends pas élaborer
ici
une
théologie
de
la
vie
religieuse,
ce
que
vous
pouvez
facilement
trouver
ailleurs.
Me
plaçant
du
point
de
vue
de
quelqu'un
qui
mène
ce
qu'on
appelle
la
" vie contemplative » et qui s'efforce de lire à la
lumière
de
la
Parole
de
Dieu
les
signes
des
temps,
je
dirai
de
quelle
manière
je
perçois
l'évolution
actuelle
du
monde
et
de
l'Église
et
quelle
me
semble
être
l'interpellation
qui
est
faite
à
la
vie
religieuse
par
cette
évolution.
Je
montrerai
comment
la
situation
actuelle
de
péché
social
et
de
disparité
entre
pauvres
et
riches
chez
nous
s'inscrit
dans
une
vaste
crise
globale
de
la
civilisation
;
comment
une
nouvelle
humanité
est
en
gestation
et
nécessite
l'élaboration
d'un
vaste
projet
global
d'humanisation
et
d'évangélisation
;
et
finalement
quel
peut
et
quel
doit
être
le
rôle
propre
des
religieux
dans
ce
vaste
projet
de
construction
d'une
humanité
et
d'une
Église
nouvelle?
Je
toucherai
enfin
aux
diverses
dimensions
de
ce
rôle
prophétique
de
la
vie
religieuse.
1
-
Globalité
et
universalité
de
la
crise C'est un lieu commun de dire
que
l'humanité
passe
présentement
par
une
crise
qui
est
sans
doute
la
plus
profonde
de
toute
l'histoire.
Il
s'agit
d'une
crise
qui
n'est
en
dernier
ressort
ni
proprement
religieuse,
ni
proprement
économique
ou
politique,
ni
même
proprement
culturelle
-
si
l'on
se
réfère
à
tel
ou
tel
type
de
culture
-
mais
d'une
crise
anthropologique.
C'est
un
type
de
civilisation,
un
type
d'humanité,
un
mode
de
relation
entre
les
hommes
qui
s'écroule
et
qui
disparaît
;
mais
c'est
en
même
temps
un
nouveau
type
d'humanité,
de
nouveaux
modes
de
regroupements
humains
qui
naissent
tranquillement
et
timidement.
Tous
les
aspects
de
la
vie
humaine
sont
touchés
par
cette
crise:
le
système
économique
mondial
est
fortement
ébranlé,
la
répartition
des
zones
d'influence
politique
et
militaire
entre
les
grandes
puissances
est
remise en question,
la
vie
familiale
traditionnelle
est
fortement
bouleversée,
nos
méthodes
traditionnelles
d'apostolat
rapportent
de
moins
en
moins
les
fruits
qu'on
en
escompte,
et
les
structures
traditionnelles
de
la
vie
religieuse
se
révèlent
de
moins
en
moins
aptes
à
servir
de
support
aux
engagements
nouveaux
qu'exige
l'évangélisation
dans
notre
monde
moderne. Aucun problème ne peut être
considéré
isolément.
Pratiquement
presque
tous
les
problèmes
que
nous
rencontrons,
soit
dans
notre
province,
soit
dans
nos
communautés
religieuses,
soit
dans
nos
groupes
de
travail,
ne
sont
que
la
répercussion
dans
nos
petits
milieux
de
vastes
problèmes
auxquels
toute
l'humanité
est
confrontée.
Essayer
de
résoudre
l'un
ou
l'autre
de
ces
problèmes
sans
tenir
compte
de
la
globalité
du
contexte
serait
de
l'inconscience
ou
de
l'irresponsabilité.
Nous
verrons
comment
la
crise
de
la
prière
est
profondément
liée
à
la
crise
du
langage,
de
même
qu'à
la
crise
des
institutions
politiques
et
socio-économiques. Puisque l'Église existe pour
le
monde
et
qu'elle
est
profondément
liée
aux
structures
de
la
société
dans
lesquelles
elle
doit
s'insérer
pour
réaliser
sa
mission,
il
est
normal
que
chaque
fois
que
le
monde
passe
par
une
période
de
mutation,
l'Église
ait
à
réviser
son
mode
d'insertion
dans
la
société.
Toutes
les
grandes
périodes
de
mutation
au
cours
de
l'histoire
ont
été
pour
l'Église
des
périodes
de
remise
en
question,
de
désarroi,
mais
aussi
de
créativité.
Le
cas
le
plus
typique
et
aussi
le
plus
semblable
au
nôtre
est
sans
doute
celui
du
XIIe
siècle.
C'est
l'époque
où
l'Église
est
plus
profondément
liée
que
jamais
aux
structures
de
l'Empire
féodal
parvenu
au
faîte
de
son
développement.
Ce
fut
la
sagesse
du
grand
Pape
Grégoire
d'avoir
prévu
l'effondrement
de
cette
société
féodale
et
d'avoir
libéré
l'Église
de
cette
inféodation.
Ce
fut
le
point
de
départ
d'une
période
extraordinaire
au
cours
de
laquelle
sont
nées,
entre
autres,
de
nombreuses
communautés
religieuses
nouvelles:
les
Ordres
canoniaux
et
les
Ordres
mendiants
ainsi
que
les
grandes
réformes
monastiques
comme
celles
de
Cîteaux,
de
la
Chartreuse,
de
Camaldoli,
de
Grandmont,
dé
Vallombreuse,
etc. Si l'on parle de la globalité
de
cette
crise,
il
faut
aussi
parler
de
son
universalité.
Tout
problème
qui,
de
nos
jours,
n'est
pas
posé
en
termes
planétaires
devient
par
le
fait
même
un
faux
problème.
Nous
avons
à
nous
mettre
sans
cesse
en
garde
contre
une
tendance
au
provincialisme.
Tous
les
problèmes
réels,
aujourd'hui,
se
retrouvent
sensiblement
les
mêmes
tout
le
tour
du
globe.
Même
la
différence
entre
l'Orient
et
l'Occident
s'estompe
rapidement.
D'ailleurs,
ce
n'est
un
secret
pour
personne
que
la
terre
est
ronde
et
que
n'importe
qui
est
un
oriental
pour
son
voisin
de
gauche
et
un
occidental
pour
son
voisin
de
droite.
Il
suffit
de
rencontrer
des
moines
grecs
du
Mont-Athos,
des
jésuites
du
Japon,
des
moines
bouddhistes
de
Corie
ou
de
Sri
Lanka
pour
s'apercevoir
que
les
problèmes
qu'ils
rencontrent,
les
solutions
qu'ils
envisagent,
les
aspirations
qui
se
font
jour
en
eux
sont
pratiquement
les
mêmes
partout.
Je
me
souviens
d'avoir
entendu,
il
y
a
deux
ans,
à
Bangalore
en
Inde,
des
moines
bouddhistes
du
Japon
expliquer
les
problèmes
qui
sont
posés
aux
Bouddhistes
par
la
sécularisation
rapide
de
la
société
japonaise
traditionnellement
religieuse.
On
aurait
vraiment
cru
entendre
parler
un
rédemptoriste
ou
un
jésuite
du
Québec,
pris
aux
mêmes
problèmes
face
au
même
mouvement
de
sécularisation ! L'enjeu est donc la construction
d'une
humanité
nouvelle,
d'une
civilisation
nouvelle
et
à
l'intérieur
de
celle-ci,
comme
un
levain
dans
la
pâte,
d'une
nouvelle
Église.
La
vie
religieuse,
qui
a
pour
but
de
témoigner
de
l'Évangile
ne
peut
se
situer
en
dehors
de
cette
évolution.
Non
pas
qu'elle
doit
se
soumettre
bêtement
et
d'une
façon
passive
à
cette
évolution,
un
peu
à
la
manière
d'Alvin
Toffler
dans
Le
choc
du
futur
nous
présentant
une
évolution
soumise
à
un
déterminisme
sur
lequel
nous
n'aurions
pratiquement
aucune
prise.
C'est
au
contraire
la
mission
des
religieux,
en
tant
qu'évangélisateurs,
d'intervenir
activement
dans
la
mutation
des
structures
de
la
société.
Ici,
il
nie
semble
qu'il
faut
éviter
le
faux
dilemme:
travailler
à
la
conversion
des
coeurs
ou
à
la
conversion
des
structures.
Ce
dilemme
se
présente
partout
;
il
s'est
présenté
à
la
réunion
de
la
CRC-Q
à
Montréal
au
mois
de
juin
1975;
il
se
présente
souvent
dans
chacune
de
nos
communautés.
À
la
réunion
de
la
CRC-Q,
à
Montréal,
alors
qu'il
était
question
de
l'insertion
sociopolitique
de
certains
religieux,
la
question
fut
soulevée.
est-ce
que
le
rôle
des
religieux
n'est
pas
simplement
de
travailler
à
la
conversion
du
coeur
des
laïcs,
et
le
rôle
de
ces
derniers
de
travailler
à
la
conversion
des
structures
de
la
société?
II
me
semble
que
c'est
vraiment
un
faux
dilemme;
d'abord,
parce
que
je
n'ai
jamais
vu
de
coeurs
marcher
dans
les
rues...
Les
hommes
sont
composés
de
chair
et
d'esprit
et
ils
sont
grandement
conditionnés
par
le
contexte
spirituel,
économique
et
sociopolitique
dans
lequel
ils
vivent.
Ensuite
parce
que
la
libération
que
le
Christ
est
venu
apporter
ici-bas
est
la
libération
intégrale
de
l'homme
et
de
toutes
les
dimensions
de
l'humain.
Ce
problème
se
pose
d'une
façon
aiguë
en
Amérique
Latine,
il
se
pose
aussi
bien
souvent
dans
chacune
de
nos
communautés.
Ainsi,
par
exemple,
il
y
aura
toujours
des
gens
qui
seront
plus
sensibles
à
la
nécessité
de
modifier
les
structures
de
notre
vie
communautaire
afin
de
favoriser
une
vie
de
prière,
d'apostolat,
de
recherche
de
Dieu;
alors
que
d'autres
seront
plus
sensibles
à
la
nécessité
de
convertir
les
cœurs,
se
disant
que
la
conversion
des
structures
suivra
d'elle-même.
À
mon
avis,
l'un
ne
peut
se
faire
sans
l'autre
et
il
faut
aborder
les
deux,
en
même
temps,
sur
un
même
front.
Je
me
souviens
toujours
d'une
phrase
de
Fidel
Castro
que
j'ai
lue
quelque
part:
«
Il
y
a
des
chrétiens
assez
naïfs
pour
penser
qu'il
suffit
de
changer
les
coeurs
et
il
y
a
des
marxistes
assez
naïfs
pour
penser
qu'il
suffit
de
changer
les
,structures.,)
En
réalité,
l'un
ne
peut
aller
sans
l'autre.
Il
me
semble
qu'un
renouveau
profond
de
nos
modes
de
vie
communautaire,
accompagné
d'une
véritable
conversion
des
cœurs,
s'impose
avec
urgence.
Si
nous
nous
contentons
d'attendre
passivement
des
jours
meilleurs,
il
est
bien
possible
que
nous
soyons
bientôt
confrontés
à
une
mort
collective. 2
-
Église
et
évangélisation Avant d'aller plus loin, j'aimerais
mettre
en
relief
quelques
éléments
de
la
sensibilité
ecclésiale
postconciliaire.
Il
s'agit
de
la
notion
d'Église,
de
celle
d'évangélisation
ainsi
que
de
la
prise
de
conscience
d'un
déplacement
des
lieux
d'intervention
de
Dieu
dans
l'Histoire
et
donc
aussi
du
déplacement
des
lieux
privilégiés
de
témoignages.
Église L'Église est essentiellement
missionnaire.
Elle
existe
pour
le
monde.
Dans
une
sorte
de
paradoxe,
on
pourrait
dire
qu'elle
existe
pour
ceux
qui
n'en
font
pas
partie.
On
n'est
pas
chrétien
ou
religieux
pour
se
réunir
entre
nous,
pour
se
dire
comme
on
est
beau,
comme
on
est
fin,
comme
on
est
chanceux,
dépositaire
d'une
grâce
exceptionnelle,
etc.
;
mais
on
est
chrétien
et
religieux
pour
porter
la
Bonne
Nouvelle
avant
tout
à
ceux
qui
ne
l'ont
pas
encore
reçue;
pour
annoncer
la
Bonne
Nouvelle
de
la
Libération
à
ceux
qui
sont
encore
victimes
de
l'esclavage
et
de
l'injustice.
Les
Actes
des
Apôtres
nous
disent
que
c'est
la
peur
qui
a
réuni
les
disciples
au
Cénacle
et
que
lorsque
l'Esprit
Saint
est
arrivé
le
jour
de
la
Pentecôte,
il
les
a
fait
sortir
et
les
a
envoyés
au
quatre
coins
du
monde
pour
annoncer
la
Bonne
Nouvelle!
En
1974,
à
la
Conférence
religieuse
interaméricaine
de
Bogota
en
Amérique
Latine,
nous
avons
été
fortement
interpellés
par
les
religieux
latino-américains.
Les
membres
de
la
délégation
canadienne
avaient
expliqué
l'évolution
que
nous
avons
faite
au
Canada
et
surtout
au
Québec
depuis
quinze
ans,
les
efforts
que
nous
avions
déployés
pour
approfondir
notre
vie
fraternelle,
pour
développer
notre
vie
de
prière,
pour
assurer
des
temps
forts
dans
nos communautés, etc. Les
latino-américains
nous
ont
dit
à
un
moment
donné:
est-ce
que
tout
cet
effort
de
renouveau
et
d'adaptation
a
pour
objectif
de
survivre
comme
communautés,
ou
bien
d'évangéliser?
C'est
là
une
question,
à
mon
avis,
que
nous
n'avons
pas
le
droit
d'éluder.
Évangélisation Mais qu'est-ce que l'évangélisation?
Nous
ne
pouvons
plus
aborder
l'évangélisation
avec
cette
attitude
de
riches,
convaincus
de
posséder
toute
la
vérité,
de
porter
entre
nos
mains
un
trésor
qu'on
doit
aller
offrir
à
ces
pauvres
pécheurs
de
non-pratiquants
ou
ces
pauvres
infidèles
de
païens.
On
est
plus
conscients
maintenant
du
fait
que
chaque
homme
porte
en
lui
la
révélation
de
Dieu.
Dieu
s'est
révélé
dans
la
Création
en
faisant
l'homme
à
son
Image;
Il
a
mis
en
lui
une
semence
de
vie
divine.
J'aime
beaucoup
le
récit
de
la
Création
dans
la
Genèse;
il
nous
montre
Dieu
façonnant
l'homme
avec
ses
mains
à
partir
de
l'argile
du
sol
et
insufflant
dans
cette
statuette
d'argile
son
souffle
de
vie.
Par
ce
souffle
de
vie,
Dieu
dépose
sa
vie
divine,
dépose
une
semence
de
vie
divine
dans
le
cœur
de
tout
homme
et
se
révèle
donc
à
tout
homme.
Toute
révélation
ultérieure
ne
sera
qu'une
explicitation
de
cette
révélation
première.
Puisque
Dieu
s'est
révélé,
le
Christ
lui-même
ne
viendra
révéler
rien
d'autre.
Il
viendra,
dans
la
lignée
des
grands
prophètes,
nous
dire
l'expérience
extraordinaire
de
Vie
qu'Il
vit
avec
son
Père,
la
conscience
qu'Il
a
d'être
le
Fils
même
de
Dieu,
de
vivre
dans
une
communion
totale
avec
Dieu
son
Père,
dans
l'unité
du
même
Esprit,
et
nous
apprendre
que
nous
sommes
appelés
à
vivre
de
cette
même
communion
et
de
cette
même
vie.
Évangéliser,
c'est
alors
aider
chaque
homme
à
prendre
contact
avec
cette
révélation
de
Dieu
qu'il
porte
en
son
cœur,
aider
chaque
homme
d'abord
à
vivre
ce
qu'il
perçoit
déjà
des
béatitudes
et
à
partir
de
cela
découvrir
le
reste.
Il
nous
faut
respecter
la
psychologie
de
Dieu
si
bien
exprimée
dans
les
paraboles
du
Royaume.
Il
faut
respecter
les
lois
de
la
croissance.
Les
paraboles
nous
montrent
le
Royaume
de
Dieu
comme
un
grain
déposé
en
terre
et
qui
germe
lentement,
comme
un
levain
mis
dans
la
pâte
et
qui
fait
lever
lentement
celle-ci.
Dieu
lui-même,
en
entrant
personnellement,
par
l'Incarnation,
dans
l'histoire
de
l'homme,
a
respecté
toutes
les
dimensions
de
l'humain
y
compris
la
dimension
durée,
temps,
croissance...
Il
est
né
dans
le
sein
d'une
femme,
a
été
petit
enfant,
il
a
grandi
au
rythme
normal.
Il
nous
faut
savoir,
spécialement
à
notre
époque,
être
avant
tout
un
levain
en
milieux
de
témoignage
désacralisés,
être
dans
ces
milieux
des
témoins
silencieux
d'une
expérience
de
Dieu.
Peut-être
qu'après
une
période
d'inflation
verbale,
il
est
temps,
il
est
bon
que
l'Église
vive
une
période
de
témoignage
silencieux. Notre Dieu, le Dieu d'Abraham,
d'Isaac,
de
Jacob
et
de
Jésus
est
le
Dieu
de
l'histoire.
La
tradition
judéo-chrétienne
a
toujours
vécue
son
expérience
spirituelle
comme
la
conscience
de
l'intervention
de
Dieu
dans
son
histoire.
Lorsque
le
Verbe
de
Dieu
s'est
incarné
dans
le
temps,
il
a
déposé
dans
le
sol
de
l'humanité
des
germes
de
profondes
mutations
sociales.
La
mutation
que
nous
vivons
présentement
à
l'échelle
planétaire
est
un
des
fruits
sortis
de
ces
germes.
Au
cours
de
l'histoire
de
l'Ancien
comme
du
Nouveau
Testament,
nous
constatons
des
déplacements
périodiques
des
lieux
privilégiés
d'intervention
de
Dieu
dans
l'histoire.
Au
moment
de
la
traversée
de
la
Mer
Rouge
et
au
Mont
Sinaï,
Dieu
intervient
surtout
à
travers
son
intermédiaire
Moïse.
Au
cours
de
la
marche
au
désert,
sa
présence
se
manifeste
dans
l'Arche
d'Alliance
et
dans
la
nuée
qui
accompagne
le
peuple.
Son
intervention
dans
l'histoire
empruntera
aussi
des
médiations
institutionnelles
variées:
ce
seront
les
,luges,
et
ensuite
les
Rois.
Les
prophètes
auront
un
rôle
à
jouer
dès
l'époque
de
la
Royauté,
et
ce
rôle
deviendra
beaucoup
plus
grand
à
l'époque
de
l'exil.
Il
est
facile
de
voir
dans
l'histoire
de
l'Église
depuis
le
Christ
une
même
évolution
des
modes
d'intervention
de
Dieu
et
des
canaux
que
prend
la
voix
de
Dieu
pour
s'adresser
à
nous.
Paul
VI
a
parlé
à
diverses
reprises
et
surtout
dans
l'exhortation
apostolique
Evangelica
Testificatio
de "
la
clameur
des
pauvres»
à
laquelle
nous
devons
nous
mettre
à
l'écoute.
Et
il
est
intéressant
de
voir
que
Paul
VI
a
écrit
ce
document
peu
de
temps
après
son
voyage
à
Bombay
où
il
avait
pris
personnellement
contact
avec
la
grande
pauvreté
et
où
il
avait
entendu
lui-même
de
ses
oreilles
la
clameur
des
pauvres. Il est évident que ce déplacement
des
lieux
privilégiés
d'intervention
de
Dieu
dans
notre
histoire
implique
comme
conséquence
un
déplacement
des
lieux
privilégiés
de
témoignage.
Les
divers
documents
du
Magistère,
au
cours
des
dix
ou
quinze dernières années, de même que les conclusions
du
Rapport
Dumont
nous
ont
invités
à
insérer
notre
témoignage
évangélique
avant
tout
dans
les
milieux
les
plus
pauvres,
les
plus
défavorisés
de
notre
société. Nous parlons assez souvent
depuis
quelques
années
de
l'existence
de
deux
Églises.
En
parlant
de
deux
Églises,
de
divers
peuples,
nous
exprimons
une
certaine
vérité,
mais
nous
employons
aussi
des
expressions
qui
ne
sont
pas
sans
ambiguïtés.
En
réalité,
il
y
a
une
seule
Église,
mais,
au
niveau
de
son
insertion,
de
son
incarnation
dans
un
monde
concret,
cette
Église
comporte
des
structures
qui
sont
en
voie
de
disparition
et
d'autres
structures
qui
sont
en
train
de
naître.
Nous
pouvons
aussi
dire
que
nos
activités
s'insèrent
dans
divers
secteurs
de
la
vie
de
l'Église.
Certaines
activités
apostoliques,
pour
nécessaires
qu'elles
soient,
s'inscrivent
plutôt
dans
la
ligne
de
l'Église
qui
est
en
train
de
disparaître
ou
des
structures
ecclésiales
qui
sont
en
voie
de
désintégration
;
tandis
que
d'autres
activités
s'insèrent
dans
la
ligne
des
structures
en
voie
de
naître
ou
dans
l'Église
en
train
de
se
constituer.
II
y
a
encore
un
bon
nombre
de
chrétiens
traditionnels
qui
ont
besoin
qu'on
leur
procure
des
services
religieux
auxquels
ils
sont
habitués.
Mais
il
y
a
aussi
des
foules
nombreuses
qui
se
situent
désormais
en
dehors
de
tous
les
circuits
ecclésiaux;
et
il
est
extrêmement
urgent
de
trouver
un
moyen
de
les
rejoindre,
dans
nos
efforts
apostoliques.
L'hérésie,
au
sens
étymologique
du
mot,
serait
la
séparation
entre
ces
divers
secteurs
et
ces
diverses
activités;
elle
serait
la
non-reconnaissance
des
uns
par
les
autres
ou
le
rejet
mutuel. L'important, bien sûr, est
avant
tout
l'esprit
dans
lequel
on
réalise
tel
ou
tel
type
de
ministère
ou
d'évangélisation;
mais
il
n'en
reste
pas
moins
qu'il
est
d'une
importance
capitale
de
faire
sans
retard
un
inventaire
des
secteurs
où
nous
investissons
le
meilleur
de
nos
énergies.
Dans
la
vie
d'une
institution,
que
ce
soit
l'Église
ou
une
congrégation
religieuse,
comme
dans
la
vie
d'un
individu,
il
doit
y
avoir
un
certain
équilibre
entre
la
dose
d'énergie
que
nous
investissons
dans
des
activités
d'entretien
et
la
dose
que
nous
investissons
dans
des
activités
de
créativité.
Il
ne
serait
pas
normal
que
95%
de
nos
énergies
aillent
à
l'entretien
et
5%
à
la
création,
Et
à
ce
sujet,
on
ne
peut
pas
ignorer
le
fait
que
la
situation
où
nous
avons
à
vivre
notre
christianisme
ici
au
Québec
a
radicalement
changé
depuis
une
quinzaine
d'années.
Il
y
a
quinze
ans,
la
population
du
Québec
était
presque
totalement
pratiquante,
et
pratiquante
dans
une
proportion
de
96
ou
97%.
Aujourd'hui,
nous
nous
retrouvons
avec
un
pourcentage
de
pratique
religieuse
pouvant
varier
de
25
à
30%
dans
l'ensemble
du
Québec
et
qui
est
même
beaucoup
plus
bas
dans
nos
grandes
villes.
S'il
était
normal,
il
y
a
quinze
ou
vingt
ans,
que
la
presque
totalité
des
activités
pastorales
soient
conçues
en
fonction
de
services
sacramentels
à
rendre
au
peuple
pratiquant,
il
n'est
plus
normal
qu'il
en
soit
ainsi
aujourd'hui.
Il
n'est
plus
normal
qu'à
peu
près
rien
dans
nos
structures
pastorales
ne
soient
conçu
en
fonction
des
75
ou
80%
de
nos
concitoyens
qui
sont
désormais
en
dehors
de
tous
les
circuits
ecclésiaux
et
qu'ils
ne
soient
donc
atteints
par
aucune
prédication.
Il
y
a
là,
à
mon
point
de
vue,
un
examen
de
conscience
profond
et
urgent
à
faire. 3
-
l
Église
et
insertion
dans
l'histoire Il pourrait être intéressant
ici
de
voir
schématiquement
et
rapidement
comment
l'Église
au
cours
de
son
histoire
a
su
faire
porter
des
fruits
aux
germes
de
mutations
sociales
déposés
dans
le
sol
de
l'humanité
par
l'Incarnation
du
Verbe. Les premiers chrétiens se
sont
trouvés
face
à
une
situation
sociopolitique
assez
identique
à
celle
que
nous
vivons
de
nos
jours.
Il
y
avait
alors
dans
l'Empire
Romain,
qui
couvrait
pratiquement
tout
l'univers
connu
à
l'époque,
deux
catégories
de
citoyens:
les
citoyens
romains
et
les
autres.
Les
citoyens
romains
étaient
les
privilégiés,
et
tous
les
autres
étaient
au
service
des
premiers.
(Pays
sur-développés
et
pays
sous-développés!)
Le
citoyen
romain
attendait
tout
de
l'État,
qui
lui
fournissait
"
"
du
pain
et
des
jeux».
L'État
pouvait
ainsi
entretenir
les
citoyens
romains
à
Rome
et
dans
les
autres
parties
de
l'empire,
parce
que
de
nombreux
pays
colonisés
et
dominés
fournissaient
les
impôts
nécessaires
et
à
cause
aussi
de
la
présence
de
milliers
d'esclaves.
Face
â
cette
situation
de
disparités
sociales
qui
constituaient
elle
aussi
un
péché
social
collectif,
qu'ont
fait
les
premiers
chrétiens?
Ils
ont
avant
tout
élaboré
dans
leur
propre
vie
un
contre-modèle
de
la
société,
un
contremodèle
de
culture.
Qu'ils
soient
citoyens
romains
ou
esclaves,
ils
ont
vendu
leurs
biens,
ont
tout
mis
en
commun
et
ont
divisé
les
biens
de
tous
selon
les
besoins
de
chacun.
C'était
là
sans
doute
une
utopie,
utopie
qui
ne
semble
pas
avoir
eu
de
très
grands
succès
matériels
dans
l'immédiat,
mais
qui
marqua
profondément
la
suite
de
l'histoire
de
l'humanité
jusqu'à
nos
jours.
Ce
geste
des
premiers
chrétiens,
quoique
dépouillé
de
toute
partisanerie
politique,
était
foncièrement
un
geste
socio-politique. À partir de la paix constantinienne,
l'Église
s'est
impliquée
d'une
toute
autre
façon
dans
les
structures
socio-politiques
de
la
société.
Lorsque
Constantin
sortit
vainqueur
de
la
guerre
civile
qui
déchirait
et
désarticulait
l'Empire
Romain,
il
lui
fallait
absolument
découvrir
une
institution
fondamentale
et
étendue
qui
puisse
être
comme
le
ciment
social,
l'élément
intégrateur
de
cette
société
brisée
afin
de
lui
maintenir
ou
de
lui
redonner
sa
cohésion.
Ce
fut
sans
doute
son
génie
de
percevoir
que,
pour
reconstruire
une
société
politiquement
unanime,
la
confession
collective
de
la
même
foi
chrétienne
et
la
formation
d'une
même
conscience
nationale
fondée
sur
cette
foi
serait
le
moyen
tout
indiqué.
L'Église,
qui
venait
de
vivre
trois
siècles
de
martyre,
de
prisons
et
de
clandestinité
se
retrouvait
dans
une
position
privilégiée,
inespérée.
Elle
accepta,
probablement
sans
en
peser
les
conséquences,
de
s'institutionnaliser
et
de
devenir
ce
facteur
d'intégration
sociale.
Elle
accepta
globalement,
et
il
est
important
d'en
prendre
conscience,
un
rôle
proprement
socio-politique
qu'elle
n'a
cessé
de
jouer.
Elle
acquit
en
même
temps
une
position
de
monopole:
monopole
de
l'organisation
des
rites
collectifs
de
la
société,
monopole
de
la
définition
des
légitimités
qui
cimenteront
l'ordre
social
nouveau.
Ce
rôle
socio-politique
que
l'Église
a
joué
à
travers
les
siècles
n'est
pas
sans
ambiguïté;
mais
je
me
demande
s'il
serait
sage
qu'en
réaction
contre
cette
histoire,
les
chrétiens
s'absentent
aujourd'hui
des
lieux
où
s'établissent
les
nouvelles
légitimités
sociales.
En
tout
cas,
lorsque
de
nos
jours,
certains
religieux
se
sentent
appelés,
au
nom
de
l'Évangile,
à
une
implication
sociopolitique,
le
souvenir
de
cette
histoire
ecclésiale
devrait
nous
empêcher
de
crier
trop
facilement
au
scandale!
D'ailleurs,
au
Québec
même,
l'Église,
par
les
services
à
caractère
social
qu'elle
remplit
et
qu'elle
devait
remplir
pendant
plusieurs
générations
(écoles,
hôpitaux,
oeuvres
sociales
diverses)
fut
intimement
liée
à
un
type
de
société
et
à
un
type
d'activités
socio-politiques
et
en
fut
la
caution
morale
De
toute
façon,
il
me
semble
que
nous
devons
nous
défaire
totalement
d'un
certain
mythe
de
l'apolitisme.
Que
nous
le
voulions
ou
non,
chacun
de
nos
styles
de
vie,
chacun
de
nos
modes
d'apostolat,
chacune
de
nos
paroles,
s'insèrent
dans
un
type
de
société,
dans
un
type
d'Église
et
le
cautionnent.
D'ailleurs
l'histoire
de
l'Église
nous
montre
que
chaque
fois
que
dans
une
période
de
mutations
sociales
l'Église
se
situe
à
la
pointe
de
cette
mutation,
elle
se
renouvelle
profondément,
alors
que
chaque
fois
qu'elle
s'aligne
sur
les
systèmes
en
voie
de
désintégration,
elle
paie
chèrement
par
la
suite
cette
alliance. En 1974, lors d'une rencontre
de
bouddhistes
et
de
chrétiens
à
Sri
Lanka,
un
jeune
moine
bouddhiste
reprocha
avec
sévérité
et
virulence
aux
Chrétiens
d'avoir
été
absents
de
toutes
les
grandes
révolutions
de
l'histoire.
Des
interlocuteurs
bien
informés
purent
facilement
lui
répondre
qu'au
contraire
beaucoup
des
grandes
révolutions,
même
en
Asie,
avaient
été
fortement
influencées
soit
directement
par
des
chrétiens,
soit
par
l'Évangile.
Ainsi
par
exemple,
l'initiateur
du
syndicalisme
au
lapon
est
un
chrétien,
Kagawa
;
de
même
Sun-YatSen,
le
père
de
la
révolution
sociale
en
Chine
fut
un
chrétien.
Et
tout
le
monde
sait
comment
Ghandi,
même
s'il
ne
passa
jamais
au
christianisme,
puisa
dans
l'Évangile
et
surtout
dans
les
Béatitudes
le
meilleur
de
sa
doctrine
de
non-violence.
Mais
en
regardant
les
choses
de
près,
on
se
rend
compte
que
le
jeune
moine
bouddhiste,
dans
son
accusation
violente,
avait
partiellement
raison.
Si
des
chrétiens
ont
été
souvent
individuellement,
les
instigateurs
de
transformations
sociales,
l'Église
institutionnelle
fut
généralement
très
réticente
à
l'égard
de
celles-ci
et
très
lente
à
les
admettre.
Ce
domaine
est
avant
tout
le
domaine
des
prophètes,
plutôt
que
de
l'institution.
Et
c'est
pourquoi
il
me
semble
qu'à
une
époque
où
un
vaste
projet
d'élaboration
d'une
humanité
nouvelle,
d'une
Église
nouvelle
est
en
chantier,
les
religieux,
à
qui
on
a
toujours
attribué
dans
l'Église
une
vocation
de
prophètes,
ont
un
rôle
tout
à
fait
spécial
à
jouer:
celui
d'être
non
pas
ou
en
tout
cas
non
seulement
les
gardiens
de
structures
existantes,
mais
les
constructeurs
prophétiques
d'un
monde
nouveau. 4
-
Le
religieux
prophète Je n'ai pas l'intention, dans
ce
qui
suit,
de
faire
un
traité
sur
le
prophétisme,
mais
simplement
de
souligner
quelques-uns
des
traits
qui
caractérisent
plus
spécialement
le
prophète
dans
la
tradition
judéo-chrétienne.
Le
prophète
est
d'abord
un
homme
de
Dieu
et
donc
l'homme
d'une
mission
reçue
de
Dieu.
Par
le
fait
même
il
est
à
la
fois
homme
de
communion
et
de
solitude.
Il
est
aussi
l'homme
de
la
Parole
et
des
solidarités;
il
est
enfin
l'homme
de
la
prière. Homme de Dieu Le prophète authentique est
caractérisé
par
une
profonde
expérience
de
Dieu
qui
lui
fait
voir la vie humaine dans une lumière nouvelle. La rencontre
avec
Dieu
le
mène
d'une
manière
toute
naturelle
vers
les
autres
hommes,
avant
tout
vers
ceux
qui
soufrent
et
sont
opprimés.
L'élément
prophétique
dans
sa
religion
est
caractérisé
par
l'union
intime
de
la
religion
et
de
la
vie.
II
est
aux
antipodes
de
la
schizophrénie
spirituelle.
Dans
la
fidélité
à
l'Esprit,
il
est
ouvert
à
la
nouveauté;
il
u
le
courage
de
s'opposer
aux
puissants
de
cette
terre.
Sa
grâce
est
de
voir
le
tout
de
la
réalité,
de
voir
le
moment
présent
dans
sa
relation
à
toute
l'Histoire
du
Salut
comme
accomplissement
du
passé
et
promesse
de
Dieu
pour
l'avenir.
Il
est
un
homme
d'espérance;
c'est
pourquoi
il
ose,
dans
la
confiance
à
la
fidélité
de
Dieu
et
avec
une
hardiesse
parfois
extrême,
détruire
les
complexes
de
sécurité
en
lui-même
et
dans
les
autres
et
enseigner
aux
hommes
à
marcher
vers
l'avenir.
C'est
Paul
Valéry
qui
dit
que
nous
entrons
dans
l'avenir
à
reculons.
Eh
bien,
le
vrai
prophète
est
celui
qui
n'entre
pas
dans
l'avenir
à
reculons,
mais
comme
Abraham,
va
toujours
de
l'avant
d'un
pas
assuré,
même
s'il
ne
sait
pas
exactement
où
le
conduit
le
Seigneur. Jésus a été le prophète par
excellence:
totalement
enraciné
en
Dieu,
son
Père,
libre
à
l'égard
de
tous
les
esclavages,
de
toutes
les
conventions
sociales
et
religieuses,
il
a
su
marcher
vers
l'avenir
et
ouvrir
à
ses
disciples
les
voies
du
futur. Homme d'une mission Homme de Dieu, le prophète
est
aussi
l'homme
d'une
mission.
Lorsque
nous
parlons
de
prophétisme,
nous
pensons
spontanément
d'abord
à
la
mission
que
le
prophète
a
à
remplir
auprès
de
ses
frères.
Nous
venons
de
voir
que
le
prophète
est
avant
tout
un
homme
de
Dieu,
choisi
par
Dieu,
vivant
en
relation
étroite
avec
Dieu.
Mais
il
est
bel
et
bien
choisi
par
Dieu
pour
être
envoyé
à
ses
frères.
Sa
relation
à
Dieu
est
intimement
liée
à
sa
mission
auprès
de
ses
frères.
Là
aussi,
le
véritable
prophète
est
incapable
de
schizophrénie
spirituelle. Il me semble important de
distinguer
entre
mission
et
fonction.
Vous
trouverez
cette
définition
extrêmement
bien
expliquée
dans
les
livres
de
Marcel
Legault,
L'homme à la recherche de son humanité et
Introduction
à
l'intelligence
du
passé
et
de
l'avenir
du
christianisme.
La
mission
est
quelque
chose
qui
jaillit
de
l'intérieur;
elle
est
inscrite
dans
toutes
les
fibres
de
notre
être;
elle
est
une
pulsion
intérieure,
fruit
de
la
présence
de
l'Esprit
en
nous;
alors
que
la
fonction
nous
est
imposée
de
l'extérieur.
L'homme
peut
et
doit
s'identifier
avec
sa
mission
;
c'est
toujours
triste
et
dramatique
lorsque
l'homme
s'identifie
avec
sa
fonction
ou
l'une
de
ses
fonctions.
Le
malheur
est
que
nous
vivons
beaucoup
plus
souvent
et
beaucoup
plus
constamment
au
niveau
de
fonctions
à
remplir
qu'au
niveau
d'une
mission
à
découvrir
et
à
vivre.
Il
faut
dire
que,
dans
le
passé,
notre
conception
de
la
vocation
religieuse
nous
a
orientés
dans
ce
sens.
Lorsqu'on
choisissait
d'entrer
dans
telle
communauté
religieuse,
on
choisissait
très
souvent
une
fonction
religieuse
ou
sociale
à
remplir,
beaucoup
plus
qu'une
mission
à
découvrir
jour
après
jour.
Le
changement
de
sensibilité
en
ce
domaine,
i.e.
la
redécouverte
de
la
dimension
chrétienne
de
la
mission
nous
oblige
sans
doute
à
repenser
notre
concept
de
communauté
religieuse
et,
en
tout
cas,
la
relation
entre
la
mission
personnelle
et
le
rôle
joué
par
la
communauté.
Dans
le
passé,
nous
avons
très
souvent
considéré
la
communauté
comme
un
organisme
ayant
un
certain
nombre
de
fonctions
à
remplir
au
sein
de
l'Église
et
répartissant
ses
membres
de
la
façon
la
plus
fonctionnelle
possible
pour
répondre
à
ces
besoins.
Dans
l'avenir,
il
me
semble
que
le
rôle
de
la
communauté
sera
de
plus
en
plus,
avant
tout,
de
permettre
à
chacun
de
ses
membres
de
découvrir
sa
mission
propre
et
de
bien
l'accomplir
jour
après
jour.
Cette
évolution
se
situe
d'ailleurs
à
l'intérieur
d'une
évolution
sociologique
plus
large
qui
implique
une
sorte
de
renversement
des
modes
de
regroupement
humain.
Dans
le
passé,
toute
communauté,
tout
groupement
humain
était
une
sorte
de
donné
objectif
dans
lequel
on
entrait
pour
jouer
un
certain
rôle.
Désormais
les
véritables
communautés
humaines
sont
avant
tout
des
communautés
de
cheminement,,
elles
sont
la
rencontre
provisoire
ou
définitive
de
personnes
ayant
des
cheminements
spirituels
et
humains
identiques
ou
similaires. Homme de
solitude
et
de
communion Le prophète doit être à la
fois
un
homme
de
solitude
et
un
homme
de
communion.
D'ailleurs
les
deux
réalités,
loin
de
s'opposer,
se
supposent
mutuellement.
On
peut
vivre
une
solitude
intense
dans
la
mesure
où
l'on
vit
une
communion
profonde
et,
inversement,
un
homme
est
capable
de
communion
profonde
dans
la
mesure
où
il
a
su
assumer
sa
solitude,
dans
la
mesure
où
il
a
su
se
situer
seul,
tout
nu,
face
à
lui-même
et
face
à
Dieu.
Une
vie
de
communauté
et
de
communion
profonde
implique
un
profond
respect
de
la
mission
et
du
cheminement
personnel
de
chacun.
Mais
ici,
attention
?
Par
respect,
j'entends
le
respect
de
l'être
profond
de
chacun
et
non
pas
le
respect
des
caprices.
Loin
d'être
une
compromission
avec
toutes
les
faiblesses,
ce
respect
impliquera
très
souvent
l'obligation
d'interpeller
son
frère
afin
de
l'empêcher
de
s'endormir,
de
lui
rappeler
l'idéal
qu'il
s'est
donné
et
les
valeurs
auxquelles
il
a
consacré
sa
vie.
Ce
respect
implique
aussi
évidemment
l'acceptation
d'un
certain
pluralisme;
pluralisme
qui
ne
doit
pas
être
simple
justification
du
statu
quo,
mais
doit
conduire
à
accepter
certaines
marginalités
créatrices,
comme
celles
qui
furent
à
l'origine
de
tous
les
grands
Ordres
religieux,
et
conduire
aussi
à
éviter
de
sécréter
les
marginalités
passives,
celles
des
personnes
qui
sont
ou
se
sentent
rejetées. Homme de la parole Homme de Dieu, homme d'une
mission,
le
prophète
est
aussi
l'homme
d'une
parole.
Homme
de
la
parole
reçue
de
Dieu,
mais
aussi
homme
de
la
parole
transmise
à
ses
frères.
Parole
dérangeante
qui
suit
aussi
bien
dénoncer
qu'annoncer.
La
parole
qui
dénonce
c'est
celle,
par
exemple,
du
prophète
Nathan
qui
vient
dire
à
David:
«cet
homme,
c'est
toi
".
C'est
là
un
rôle
que,
comme
religieux,
nous
avons
dans
la
société
d'aujourd'hui,
un
rôle
que
doit
nous
permettre
de
jouer
la
liberté
que
nous
confèrent
nos
voeux
de
célibat,
de
pauvreté
et
d'obéissance.
Ainsi,
par
exemple,
beaucoup
de
religieux
travaillent
dans
des
secteurs
où
se
vivent
constamment
des
injustices,
soit
institutionnalisées,
soit
personnelles
(milieux
scolaires,
milieux
hospitaliers,
milieux
de
travail).
Souvent
les
laïcs
qui
travaillent
au
sein
de
ces
milieux
ne
peuvent
se
permettre
de
dénoncer
ces
injustices
parce
qu'ils
ont
une
femme
à
faire
vivre,
une
famille
à
élever,
donc
un
emploi
à
conserver.
C'est
peut-être
alors
le
devoir
tout
particulier
des
religieux
qui
sont
soutenus
par
une
communauté,
qui
peuvent
se
permettre
tous
les
risques
matériels,
de
savoir
se
faire
la
voix
des
sans-voix,
la
voix
des
victimes
des
injustices,
la
voix
des
humiliés, Être homme de la Parole doit
aussi
consister
à
annoncer;
à
annoncer
la
naissance
des
germes
de
vie
nouvelle
là
où
il
ne
semble
y
avoir
que
mort
et
faire
percevoir
la
mort
là
où
il
semble
y
avoir
encore
de
la
vie.
Le
prophète
doit
empêcher
ses
frères,
ses
contemporains,
de
s'endormir
dans
la
fausse
sécurité
du
statu
quo,
il
doit
les
convaincre
d'abandonner
un
passé
irréel
qui
n'existe
souvent
que
dans
leur
imagination,
pour
se
donner
totalement
à
un
avenir
encore
incertain
mais
qui
existe
déjà
dans
leur
espérance.
Homme
de
la
Parole,
le
prophète
doit
aussi
se
soucier
de
donner
un
langage
à
l'expérience
religieuse
d'aujourd'hui,
en
exprimant
librement
sa
propre
expérience
de
Dieu.
La
crise
de
la
prière
que
nous
vivons
de
nos
jours
est,
dans
une
très
grande
mesure,
une
crise
du
langage
et
cela
n'est
pas
sans
importance
et
sans
conséquences
graves;
car
le
langage
n'est
pas
simplement
un
mode
d'expression,
il
conditionne
l'expérience
ellemême.
Puisqu'il
n'y
a
pas
d'expérience
sans
une
conscience
de
l'expérience,
notre
expérience
religieuse
elle-même
est
profondément
conditionnée
et
limitée
par
les
catégories
dont
nous
disposons
pour
nous
l'exprimer
à
nous-mêmes,
avant
même
de
pouvoir
l'exprimer
à
d'autres. Homme de la solidarité Je m'étendrai assez peu sur
cet
aspect,
même
s'il
est
très
important
puisqu'il
en
a
été
longuement
question
hier.
Je
voudrais
simplement
insister
sur
le
fait
que
le
tissu
social
et
ecclésial
se
construit
collectivement.
Or
il
semble
bien
clair
que
nous
ne
sommes
pas
à
l'époque
où
nos
communautés
religieuses
peuvent
élaborer
de
grands
projets
collectifs.
Il
est
donc
important
et
urgent
que,
selon
les
recommandations
du
Rapport
Dumont,
les
religieux
soient
individuellement
et
collectivement
présents
partout
où
se
construit
la
société
et
l'Église;
qu'ils
soient
présents
dans
tous
les
grands
projets
collectifs
qui
s'élaborent
autour
d'eux. Nous devrons être très attentifs
dans
les
années
à
venir
à
la
convergence
des
missions,
à
la
rencontre
des
intuitions
profondes
de
tous
ceux
qui,
venant
de
divers
horizons,
se
retrouvent
ensemble
pour
construire
une
même
Église
et
un
même
peuple.
Nous
assistons
déjà
à
la
naissance
de
communautés
chrétiennes
intégrales
composées
de
célibataires
et
de
couples
mariés,
de
jeunes
et
d'anciens,
de
personnes
à
une
orientation
plus
contemplative
et
d'autres
à
une
orientation
plus
active,
tous
rassemblés
autour
d'une
même
sensibilité
religieuse,
d'un
même
type
de
spiritualité,
d'un
même
appel.
C'est
ainsi
que
se
sont
formés
les
grandes
familles
religieuses
dans
le
passé,
et
c'est
ainsi
qu'à
mon
avis
se
refonderont
toutes
nos
familles
spirituelles.
J'ai
l'impression
que
la
plupart
des
communautés,
qui
ont
été
fondées
au
cours
des
derniers
siècles
pour
répondre
à
un
but
social
spécifique,
soit
d'enseignement,
soit
le
soin
des
malades
ou
autres
choses,
sont
appelées
à
disparaître
comme
telles,
mais
il
restera
toujours
un
certain
nombre
de
types
de
grandes
familles
spirituelles;
il
y
aura
toujours
des
gens
qui
s'identifieront
spontanément
à
un
type
de
spiritualité
ignacienne,
d'autres
qui
s'identifieront
spontanément
à
un
type
de
spiritualité
soit
franciscaine,
soit
bénédictine,
et
en
ce
sens,
je
ne
vois
pas
pourquoi
ces
grandes
familles
spirituelles
qui
ont
subsisté
à
travers
les
siècles,
qui
se
sont
renouvelées
et
refondées
à
chacune
des
profondes
crises
qu'a
connues
l'Église,
ne
seraient
pas
capables
d'un
nouveau
regain
de
vie. Homme de la prière Homme de Dieu, le prophète
doit
évidemment
être
aussi
un
homme
de
la
rencontre
de
Dieu,
donc
de
la
prière,
de
la
contemplation.
Mais
en
parlant
de
la
contemplation,
je
n'ai
pas
présent
à
l'esprit
un
certain
concept
néo-platonicien
de
contemplation
désincarnée.
La
contemplation
chrétienne
vraie
implique
deux
rencontres
de
Dieu
complémentaires
et
inséparables:
celle
de
la
personne
même
de
Jésus
qui,
au
fond
du
coeur,
nous
révèle
son
Père
et
l'Esprit,
et
celle
du
prochain,
surtout
du
plus
pauvre
et
du
plus
petit:
"
J'ai
eu
faim
et
vous
m'avez
donné
à
manger;
j'ai
eu
soif
et
vous
m'avez
donné
à
boire;
j'étais
nu
et
vous
m'avez
vêtu...
»
Ces
deux
rencontres
de
Dieu
sont
inséparables
et
la
véritable
contemplation
chrétienne
est
constituée
par
leur
conjonction.
Une
pseudo-rencontre
spirituelle
de
Dieu
qui
n'intégrerait
pas
la
conscience
du
péché
social
dans
lequel
se
trouve
l'humanité
et
dont
nous
sommes
tous
collectivement
responsables,
qui
n'intégrerait
pas
la
conscience
de
la
distance
qui
nous
sépare
de
Dieu,
serait
tout
aussi
non-chrétienne
qu'une
activité
humaine
et
sociale
frénétique
non
enracinée
dans
la
rencontre
du
Verbe
fait
chair. Si le religieux est véritablement
un
homme
de
prière
et
de
contemplation,
il
pourra
jouer
un
rôle
important
dans
la
crise
actuelle
de
la
prière.
Car,
à
mon
avis,
malgré
un
renouveau
considérable
de
l'intérêt
porté
à
la
prière
de
nos
jours,
et
un
certain
renouveau
de
la
prière
elle-même,
nous
sommes
encore
en
ce
domaine
en
pleine
période
de
crise.
D'ailleurs,
on
retrouve
cette
crise
de
la
prière
dans
la
plupart
des
grandes
religions
d'aujourd'hui
et
en
particulier
dans
les
diverses
Églises
chrétiennes.
J'ai
dit
plus
haut
comment
cette
crise
est,
à
mon
avis,
liée
à
une
crise
du
langage.
Une
transformation
culturelle
comme
celle
que
nous
vivons
se
situe
spécialement
au
niveau
des
modes
de
présence
au
monde
ou
à
l'être
même.
Notre
prière
s'est
développée
à
l'intérieur
d'une
tradition
religieuse
où
l'expression
verbale
jouait
un
rôle
prédominant.
Même
l'expression
gestuelle
était
en
étroite
relation
avec
l'expression
verbale.
L'homme
religieux
de
la
tradition
judéochrétienne
a
un
besoin
profond
de
dire
son
dieu,
de
se
le
dire,
de
se
dire
lui-même;
il
a
le
besoin
d'objectiver
comme
un
pôle
opposé,
comme
un
vis-à-vis,
ce
qu'il
porte
de
divin
en
lui-même,
la
présence
qu'il
en
expérimente.
Il
s'exprime
donc
son
expérience
religieuse
sous
forme
d'un
dialogue;
ce
dialogue
est
constitué
de
paroles
qu'il
met
dans
la
bouche
de
Dieu
et
de
paroles
qu'il
dit
à
Dieu.
Toute
cette
attitude
perd
beaucoup
de
sa
pertinence
à
l'intérieur
d'une
situation
culturelle
où
toutes
les
formes
traditionnelles
d'expression
connaissent
un
éclatement. Dans la recherche actuelle
de
nouvelles
formes
d'expression
de
la
prière,
les
religieux
pourront
avoir
à
la
fois
un
rôle
de
discernement
et
un
rôle
de
guide.
Un
rôle
de
discernement
d'abord:
car
il
est
important
et
urgent
de
savoir
discerner
dans
l'ensemble
des
mouvements
de
prière
actuels
ce
qui
est
besoin
profond
de
rencontre
de
Dieu
et
redécouverte
de
la
dimension
religieuse
de
l'existence
humaine
et,
d'autre
part,
ce
qui
est
simple
enthousiasme
répondant
à
une
sorte
de
situation
sociale
de
désenchantement.
Dans
un
article
récent
des
I.C.I.
(n°
75,
1er
mars
1975,
p.
20)
Tabaré
Bertoli
parlait
de
l'Uruguay
qui
avait
été
jadis
synonyme
de
culture,
d'anti-militarisme,
de
liberté
de
parole,
de
laïcité,
de
standing
moyen,
d'accueil
humain...
Il
signalait
comment
les
jeunes
générations
qui
vivent
aujourd'hui
dans
un
Uruguay
tout
autre,
soumis
à
la
dictature
et
à
la
répression,
dans
un
véritable
enfer
d'angoisse,
de
frustration,
d'enfermement,
ne
peuvent
se
souvenir
de
cet
Uruguay
du
passé;
et
il
expliquait
comment
ces
jeunes
étaient
irrésistiblement
entraînés
vers
la
moindre
brèche
entrevue
leur
permettant
de
déverser
leurs
énergies,
de
penser
à
quelque
chose
de
moins
lourd
et
de
moins
écrasant...
Aussi
voit-on
proliférer
actuellement
en
Uruguay
des
mouvements
faisant
appel
à
des
forces
supra-sensibles:
sectes
spiritualistes,
école
de
gourous
divers,
groupes
vaguement
charismatiques...
On
retrouve
dans
les
couches
plus
populaires
un
recours
à
la
magie,
à
l'apparition
des
rites
oumbandistes,
etc.
Tout
cet
ensemble
de
phénomènes
d'évasion
est
typique
des
situations
désespérées. Je crois que ces constations
et
ce
début
de
diagnostic
pourraient
éclairer
la
façon
dont
certains
mouvements
de
prière
sont
nés
dans
une
Amérique
déprimée
par
la
longue
guerre,
du
Viet-Nam,
par
la
longue
enquête
du
Watergate,
par
l'insolutionnable
problème
racial,
etc.,
et
comment
ils
se
sont
répandus
comme
une
traînée
de
poudre
dans
un
Québec
traumatisé
par
la
crise
d'octobre
1970
et
dans
un
occident
en
pleine
décomposition. Rôle de discernement; rôle
de
guide
également.
On
a
publié
ces
dernières
années
des
articles
dans
diverses
revues
ou
divers
journaux
avec
des
titres
comme
celui-ci:
"
On
demande
des
gourous»,
Caffarel
rappelait
récemment
le
besoin
de
" maîtres à prier». Il me semble qu'il y a dans ces
expressions,
encore
une
fois,
une
certaine
ambiguïté.
La
prière
ne
s'enseigne
pas.
Saint
Paul
nous
dit
que
la
seule
prière
qui
existe
est
celle
que
crie
l'Esprit
Saint
au
fond
de
nos
cœurs:
"
Nous ne savons pas prier, mais l'Esprit de Dieu prie en nous par des gémissements
ineffables
»
;
c'est
là
la
seule
prière
chrétienne
qui
existe.
Tout
ce
que
nous
appelons
prière
en
dehors
de
cela,
ce
ne
sont
que
des
modes
humains
utilisés
pour
faire
nôtre,
en
l'exprimant,
cette
prière
de
l'Esprit
en
nous.
C'est
pourquoi
les
grands
maîtres
spirituels
d'Orient
refusent
toujours
systématiquement
de
parler
de
la
prière,
de
parler
de
l'expérience
spirituelle
autrement
que
dans
la
relation
de
maître
à
disciple,
ou
de
disciple
à
maître.
L'expérience
spirituelle
ne
peut
se
communiquer
que
dans
cette
relation
intime.
Si
certaines
techniques
d'ascèse,
certaines
méthodes
de
prédisposition
physique
ou
psychologique
à
la
prière
peuvent
et
doivent
s'enseigner,
il
reste
que
personne
ne
peut
être
conduit
dans
les
voies
profondes
et
mystérieuses
de
l'expérience
religieuse
que
par
quelqu'un
qui
a
déjà
vécu
personnellement
et
profondément
cette
même
expérience. Conclusion Si nous savons assumer notre
mission
prophétique,
celle
d'être
des
hommes
de
Dieu,
vivant
dans
la
contemplation
notre
solidarité
avec
nos
frères
et
puisant
dans
notre
solitude
la
Parole
de
Dieu
ensemencée
dans
le
terroir
de
la
société
où
nous
vivons,
nous
saurons
apporter
une
participation
propre
et
originale
à
la
tâche
colossale
à
laquelle
toute
l'humanité
d'aujourd'hui
est
confrontée,
celle
de
mettre
au
monde
une
humanité
nouvelle.
Et
c'est
en
incarnant,
à
travers
notre
vie
même,
la
présence
de
l'Évangile
comme
un
levain
dans
la
pâte
que
nous
réaliserons
le
mieux
notre
tâche
spécifique
d'évangélisation. Armand
Veilleux,
o.c.s.o. Abbaye cistercienne Mistassini Qué. |
|
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