Écrits et conférences d'intérêt général



 

 

 
 

 

La pédophilie et son instrumentalisation

 

La pédophilie est un crime qui a pris une dimension énorme à notre époque. Le Secrétaire Général des Nations Unies mentionnait récemment le chiffre d’environ 200 millions d’enfants victimes d’abus chaque année dans le monde.   

Chaque cas est un drame, d’autant plus regrettable lorsqu’il est commis par un prêtre ou le membre d’une communauté religieuse.  Même s’il n’y avait qu’un seul cas il serait de trop. 

La façon dont de nombreux cas de pédophilie attribués à des ecclésiastiques ou des religieux, et remontant souvent à 30 ou 40 ans en arrière, sont récemment sortis dans la presse simultanément en plusieurs pays laisse toutefois songeur. Y aurait-il une concertation pour faire peser sur une institution tout l’odieux d’un problème de société ? Les statistiques comme les archives judiciaires montrent que ces cas n’étaient qu’une petite partie des crimes identiques commis aux mêmes époques.  Comment se fait-il qu’on ne déterre que ceux-là ? 

Faut-il parler de chiffres ? Oui, puisque c’est avec eux que les médias font la une. Qu’il soit bien entendu, encore une fois, qu’aucun cas ne doit être excusé et que même un seul serait de trop.  Mais il faut mettre les chiffres en perspective.  Le nombre de crimes de pédophilie commis par des individus appartenant à l’Église catholique est une très infime portion des 200 millions de cas annuels mentionnés par le Secrétaire des Nations Unis. Pourquoi les médias concentrent-ils à ce point l’attention sur les individus appartenant à une institution et négligent-ils de faire une analyse sérieuse de l’ensemble du problème de société que ces cas mettent en évidence ? 

Le nombre de prêtres et de religieux ayant commis ces crimes représente un infime pourcentage des ministres de l’Église.  Pourquoi attribuer à l'ensemble de l’institution les crimes d’individus ? Lorsque ces même actes se produisent – avec une fréquence au moins tout aussi grande -- dans les écoles publiques ou dans les cabinets de thérapeutes de tous genres, on n’accuse jamais l’une de ces professions. Il y a une certaine malhonnêteté à stigmatiser l’Église catholique lorsque des actes sont commis par ses membres alors que l’immensité des autres cas sont traités comme des crimes individuels.  

Des évêques ont été accusés d’avoir couvert des crimes en déplaçant dans une autre institution un prêtre qui s’était rendu coupable d’actes répréhensifs.  Pour juger sereinement ces situations dont un grand nombre remontent à 30 ou 40 ans, il faut tenir compte de l’attitude de l’ensemble de la société à l’époque.  On connaissait beaucoup moins alors le caractère récidiviste des pédophiles.  On pensait naïvement qu’après un aveu de la faute, un signe de regret et une thérapie, la personne pouvait recommencer une vie normale dans un autre milieu.  L’expérience a révélé que c’était une erreur.  Mais c’est ainsi qu’on faisait aussi généralement alors dans les écoles publiques et laïques, dans l’industrie et dans les diverses professions.  S’il fallait traîner en justice tous les directeurs du personnel d’institutions publiques qui faisaient de même à l’époque, la procession serait malheureusement fort longue.  Ayons l’honnêteté de reconnaître les crimes et les manques de clairvoyance de tous les individus concernés, sans stigmatiser une institution entre toutes celles qui agissaient de même.  

Le Pape a reçu récemment les évêques irlandais. Aucun d’eux n’avait été accusé de pédophilie ; et même le groupe ne comprenait pas les quelques-uns qui venaient de démissionner pour avoir mal géré la crise.  Or, un grand journal belge annonçait en gros titre que « le pape avait reçu les évêques pédophiles ».  On ne saurait guère être plus malhonnête.  À l’égard de cette littérature pernicieuse aussi bien qu’à l’égard des crimes sur lesquels elle s’appuie pour faire sa campagne, il faut dire : enough is enough.

 

Armand VEILLEUX