“ L'influence du monachisme pachômien sur le cénobitisme
occidental.
Rôle des traductions grecques ”.
Armand
Veilleux, ocso
Le
monachisme chrétien a toujours existé sous deux formes, l’érémitisme et le
cénobitisme. Tout comme saint Antoine
est le représentant principal du monachisme érémitique, de même saint Pachôme
est le représentant principal du monachisme cénobitique.
Je dis
bien « représentant principal » et non pas fondateur. Le monachisme a ceci de particulier qu’il n’a
pas de fondateur ! Les autres
instituts religieux, comme les Jésuites ou les Dominicains ont, à leur origine,
le charisme d’une personne à qui d’autres se sont jointes et qui ont
graduellement formé ensemble une nouvelle communauté. Le monachisme est une longue tradition, qui
remonte à la plus haute antiquité, et tout au long de l’histoire certaines
personnalités ont particulièrement marqué cette tradition et lui ont parfois
donné une nouvelle orientation. On ne peut les comprendre et comprendre le
courant qui se rattache à eux qu’en les resituant dans l’ensemble de la grande
tradition monastique et aussi dans le contexte culturel où ils ont évolué.
C’est ainsi
qu’Antoine et Pachôme ont profondément marqué la tradition monastique en Egypte
au quatrième siècle. Tous deux sont Égyptiens. Cela ne veut pas dire que le
monachisme chrétien soit né en Égypte et se soit ensuite répandu dans les
autres pays d’Orient avant d’être ensuite importé en Occident. C’est là un mythe qui ne résiste pas à une
étude sérieuse de l’histoire monastique.
En réalité le monachisme est né plus ou moins au même moment dans toutes
les Églises locales de l’Orient et de l’Occident. De plus, il est né de la vitalité même de
l’Église et non pas, comme le veut un autre mythe, en réaction élitiste à la
perte de ferveur de l’ensemble de l’Église après l’ère des martyrs.
Pour
décrire l’influence du monachisme pachômien sur les diverses traditions
monastiques orientales d’abord, puis sur l’Occident, on pourrait rechercher des
citations de sa Vie, de ses Règles et de ses œuvres dans les écrits monastiques
postérieurs. Une telle recherche ne
porterait pas de grands résultats. Il
convient plutôt de voir comment la tradition cénobitique que Pachôme représente
et dont il est la figure principale s’est développée et s’est répandue aussi
bien en Occident qu’en Orient.
Dans une
telle enquête il ne faudra pas se limiter aux écrits proprement monastiques, ni
même aux écrits proprement chrétiens. En
effet, lorsqu’on jette un regard d’ensemble sur le mouvement monastique à
travers les âges, on voit que des évolutions ou transformations importantes de
ce mouvement ont souvent été rendues possibles – ou même ont été provoquées -- par
des situations politiques et sociales créées par des personnages qui n’avaient
rien de commun ni avec le monachisme ni avec le christianisme.
Érémitisme
et cénobitisme
La
communion et la solitude sont deux dimensions essentielles de la vie
chrétienne. Dieu est communion, nous dit
saint Jean, et ce que nous appelons l’Église n’est rien d’autre que la
communion entre tous ceux qui ont mis leur foi au Christ. Quant au désert, il
jouait un rôle central dans la spiritualité de l’Ancien Testament, non pas
tellement comme un lieu, mais comme une époque privilégiée durant laquelle Dieu
s’était formé un peuple. Dans
l’Évangile, il est le lieu où Jésus se retire pour prier, mais aussi celui où
il rencontre, sur leur propre terrain, les forces du mal.
Ces deux
dimensions sont étroitement liées entre elles.
La solitude est le lieu de la rencontre. Jésus invite celui qui veut
prier à entrer en son cœur et à fermer la porte, pour y être entendu de son
Père. Dans son discours d’adieu à ses
disciples il leur dit que si quelqu’un écoute sa Parole, son Père l’aimera et
ils viendront faire chez lui leur demeure. Le néologisme latin eremus, inventé
par les premiers auteurs latins chrétiens pour traduire le grec eremos, ne
désigne pas d’abord un lieu mais une expérience spirituelle, rappelant celle du
peuple Juif au désert, comme aussi celle d’Élie et de Jésus.
Il est
donc évident que ces deux dimensions fondamentales et complémentaires de toute
vie chrétienne seront des éléments essentiels de cette forme de vie chrétienne
qui remonte au Christ lui-même, et à laquelle, à partir de la fin du troisième
siècle on donne le nom de vie monastique.
Il me semblait
important de souligner, dès le point de départ, qu’il n’y a pas de vie
chrétienne et donc pas de vie monastique chrétienne authentique, qui ne
comporte ces deux dimensions complémentaires de solitude et de communion, même
si des équilibres différents entre ces deux composantes conduiront, à partir
d’une certaine époque, à parler de deux formes de vie monastique distinctes
appelées l’une la vie cénobitique et l’autre la vie érémitique.
À l’époque du Christ,
il y avait à travers tout le Moyen Orient un grand courant spirituel centré sur
la recherche de Dieu dans l’ascèse, la solitude et la contemplation. La vie, la prédication et le baptême de
Jean-Baptiste, se rattachaient à ce mouvement tout comme la tradition des
Esséniens qui vivaient dans les environs et qui datait de l’époque des
Macchabées. Ce mouvement avait des
racines lointaines dans la Perse et, bien au-delà, dans un archétype humain
fondamental.
Lorsque Jésus de
Nazareth descendit dans les eaux du Jourdain pour se faire baptiser par Jean,
il assumait tout ce grand courant ascétique et mystique et, en l’assumant, lui
donnait une nouvelle signification.
Lorsque plusieurs, parmi les premiers Chrétiens, voulurent adopter comme
mode permanent de vie certaines des exigences radicales posées par Jésus à ceux
qui voulaient le suivre, ils trouvèrent dans cette expression religieuse de la
culture de leur temps une forme d’expression opportune. Je considère que c’est
là, dans le Jourdain, au moment du baptême de Jésus, que commence cette forme
de vie chrétienne qu’on appellera quelques siècles plus tard « monachisme »,
mais qui existait déjà dans l’ascétisme chrétien primitif soit au sein des
communautés chrétiennes soit dans une solitude relative en marge de celles-ci.
Il est également facile
de constater que les grandes périodes de développement, de renouveau ou de
réforme du monachisme ont toujours été des époques de profonds changements
socio-culturels. Il est aussi intéressant de constater que chacune de ces
périodes charnières de l’histoire monastique se caractérise par une crise du
cénobitisme qui provoque une nouvelle vague d’érémitisme, laquelle conduit à un
renouveau du cénobitisme lui-même, avant que ne recommence un autre cycle
semblable.
Il ne faut pas
sous-estimer la complémentarité mais aussi la différence profonde entre ces
deux traditions. Lorsqu’un chercheur de
Dieu se sent appelé, pour poursuivre sa recherche de la communion avec Dieu
au-delà du support habituel de son environnement social, culturel et même
ecclésial, il s’enfonce dans le désert.
Si son expérience est authentique, la présence de l’Esprit en lui
devient de plus en plus évidente. Il est
pneumatophore. Ceux qui poursuivent une
même recherche spirituelle le reconnaissent. Ils viennent se mettre sous sa
direction. Il peut avoir un disciple, dix disciples ou même des centaines de
disciples. Même si ceux-ci peuvent développer entre eux certains liens, la
relation fondamentale est celle du disciple au père spirituel qui lui transmet
son expérience. C’est fondamentalement le même type de
relation que celle du gourou avec ses disciples dans le monachisme hindoue. C’est la tradition érémitique ou
semi-érémitique de Basse-Égypte, représentée par Antoine. Lorsqu’apparaît, pratiquement à la même
époque, le cénobitisme, le rôle joué par le père spirituel du désert est
transféré à la communauté. C’est en entrant dans une communauté vivant sous une
règle commune, qu’un moine est graduellement formé à l’image du Christ, sous le
soin pastoral d’un abba
qui est le gardien de la communion.
C’est le rôle, en Haute-Égypte, de Pachôme, appelé par ses disciples le
« père de la Koinonia ».
Importance
de l’Égypte dans la tradition monastique
Même si
l’Égypte n’est pas, comme je viens de l’expliquer, le berceau du monachisme
chrétien, il reste quand même qu’elle a joué un rôle très important dans son
développement. Et pour cela elle était préparée d’une façon toute spéciale
aussi bien par ses traditions séculaires de transmission de la sagesse que par
le type d’évangélisation qu’elle avait connue.
Sans oublier que des penseurs non chrétiens ont préparé l’évolution de
la pensée mystique de cette Église.
Alors que l’Égypte, durant la période ptolémaïque était
administrée directement d’Alexandrie par l’Empereur à travers un préfet, une
première réforme, celle de Septime Sévère, au début du 3ème siècle,
établit une administration locale dans une trentaine de métropoles, qui
deviendront plus tard les sièges des diocèses ecclésiastiques après la paix
constantinienne. Le sens national et le
sens d’unité du pays retrouvé à travers cette réforme permettra à Athanase,
l’archevêque d’Alexandrie, d’exercer une autorité sur toute l’Égypte. Sans cesse traqué par les Ariens Athanase a besoin de « supporters ».
Il voit dans la foule des moines une force spirituelle vive pour
l’Église, mais aussi une force politique au service de l’archevêque. Il écrit la Vie d’Antoine, à la fois pour donner un enseignement spirituel aux
moines mais aussi pour les accréditer auprès des autres évêques.
Un peu plus tard, une très intelligente réforme agraire
réalisée par Dioclétien permet pour la première fois aux paysans égyptiens de
posséder les parcelles de terre sur lesquelles ils vivaient ; mais ils les
vendent souvent pour migrer vers les nouvelles métropoles ; ce qui permet
la création de grandes propriétés et donc permet aussi l’établissement des
grandes communautés pachômiennes, dont l’existence
aurait été impossible sans cette réforme agraire. Par ailleurs, le développement agricole des
communautés pachômiennes, et leur commerce avec les
villes qui se développent, conduisent à un enrichissement progressif des
monastères qui mènera assez rapidement à une période de relâchement après un
développement numérique fulgurant.
Expérience qui se répétera plus d’une fois dans l’histoire...
Par ailleurs pour expliquer le développement extraordinaire
du monachisme en Égypte, il importe avant tout de signaler le caractère
judéo-chrétien de cette Église fondée par l’apôtre Marc. On sait que c’est
avant tout dans les Églises de caractère judéo-chrétien que se développa
l’ascèse chrétienne des premiers siècles. Et c’est dans cette Église
d’Alexandrie que se développa la plus célèbre des Écoles chrétienne de
l’antiquité, avec un Pantène, un Clément et, plus tard un Origène. On peut
considérer que la forme de formation monastique qui se développa dans les désert de Basse-Egypte, Scété,
Nitrie et les Cellules, fut la transposition au
désert des méthode de formation développées au sein de
l’école d’Alexandrie, surtout du temps d’Origène. Et l’on pourrait ajouter que c’est lorsqu’Évagre arriva au désert avec un bagage de formation
intellectuelle et théologique extraordinaire et qu’il commença à interpréter ce
qu’y vivaient les nombreux moines qui l’y avaient précédé, que naquit la
première « théologie de la vie monastique ».
Les débuts de la vie monastique en Occident
Comme je l’ai dit au début, la vie monastique est née un
peu partout au même moment dans les diverses Églises locales, et de la vitalité
même des Églises locales. Ce fut le cas
aussi en Occident, où, dans des contextes culturels et politiques différents se
développèrent d’autres formes de vie ascétique et monastique. Qu’on pense au
monachisme en Afrique romaine, à l’époque d’Augustin, ou aux fondations de
Ligugé et de Lérins, en Provence.
Une influence assez forte du monachisme égyptien, aussi
bien érémitique que cénobitique s’y manifesta cependant assez rapidement. Ce fut d’abord à travers des contacts
personnels. On sait comment Athanase, au cours de ses exils, passa quelque
temps à Rome et y fit connaître la vie des moines pour qui il avait écrit la
Vie d’Antoine. S’il était un grand
admirateur d’Antoine il l’était aussi de Pachôme et lorsqu’il était reçu dans
les demeures des grandes patriciennes romaines, qui furent ensuite les
disciples de Jérôme, il leur parla sans doute tout autant des communautés pachômiennes qu’il avait visitées comme évêque que des
déserts de Nitrie et de Scété.
C’est aussi graduellement à travers des traductions,
grecques d’abord, puis latines, que les sources coptes du monachisme pachômien
furent connues en Occident. En l’an
404, saint Jérôme traduisit en latin quatre groupes de préceptes de
Pachôme, sous le nom de « Règles de Pachôme », en même temps que
quelques lettres de Pachôme et de son disciple Théodore et un écrit du
successeur immédiat de Pachôme, Horsièse. Jérôme ne connaissait pas le copte. C’est
donc à travers une traduction grecque qui lui était fournie, qu’il put faire
cette traduction latine. Nous possédons
plusieurs fragments dans le dialecte copte sahidique des Règles de
Pachôme. Leur comparaison avec le texte
latin de Jérôme, montre que son intermédiaire grec était fidèle. Ces documents pachômiens traduits par Jérôme ont été publiés en 1932 par Amand Boon, sous le nom de Pachomiana latina.
La source principale de la connaissance du monachisme pachômien
est évidemment la Vie de Pachôme, ou
plutôt les Vies de Pachôme, car la
tradition textuelle est assez complexe.
Il est clair que la Vie de
Pachôme fut d’abord rédigée en copte et dans le dialecte de la Haute Égypte, le
sahidique. Elle fut rapidement remaniée dans une version bohairique
ainsi que dans une version grecque rédigée par les moines pachômiens
de langue grecque. C’est surtout la
première Vie grecque (Vita prima) qui
eut une influence en Occident. Plusieurs révisions de cette première Vie
grecque intégrèrent des éléments provenant des Règles de Pachôme, de l’Histoire
Lausiaque de Pallade et d’autres sources.
L’une de ces versions, la Vita graeca secunda, fut traduite
en latin par Denys le Petit et cette traduction fut sans doute le principal
canal littéraire par lequel l’esprit du monachisme pachômien influença le
monachisme occidental, en particulier la tradition bénédictine.
Réforme Gélasienne
Tout comme j’ai décrit plus haut le
contexte socio-culturel dans lequel se sont développées les premières formes du
monachisme égyptien, il convient de décrire aussi le contexte vraiment
exceptionnel et providentiel dans lequel s’est faite cette tradition littéraire
du monachisme pachômien à l’Occident.
Le mouvement historique qui conduisit à l’Europe
commence, pourrait-on dire, avec les débuts du démantèlement de l’empire romain
d’Occident, et donc avec les premières invasions barbares. En 395 Théodose
divise son empire entre ses fils : Arcadius reçoit l’Orient et Honorius
l’Occident. Peu après, entre 405 et 419,
les invasions des barbares commencent à creuser des césures géographiques et
sociologiques dans l’Empire occidental.
Les Romains abandonnent aussitôt la Bretagne, les barbares passent le
Rhin et prennent Rome et, en 429. tout juste avant de
mourir, Augustin voit les Vandales devant les murs d’Hippone. Valentinien III
(425-455) remet finalement l’Occident aux barbares. Et, en 476, se termine la
série des empereurs romains d’Occident. Ces invasions répétées marquent
profondément la vie ecclésiale et donc aussi la vie monastique qui existait, en
Occident comme en Orient, depuis les premières générations chrétiennes.
Vingt ans plus tard Clovis reçoit le baptême, et
lorsqu’il meurt en 511, sa louange funèbre le célèbre comme le fondateur de
plusieurs monastères. La vie monastique
a donc survécu ; mais un grand changement s’est toutefois produit dans les
monastères. À la fin du IVème siècle et au début du Vème siècle les monastères
en Occident étaient peuplés d’hommes formés selon la vieille culture
romaine. Graduellement ils sont peuplés
de membres appartenant aux nouvelles nations.
Ce sont des hommes rudes, avec peu de culture humaine, peu ou pas de
lettres, et souvent avec un simple vernis d’évangélisation.
Un roi ostrogoth, un peu comme l’empereur Dioclétien en
Égypte, aura indirectement, sans le vouloir et sans le savoir, une influence
sur tout le monachisme occidental qui suivra.
Comment ? Théodoric, roi des Ostrogoths, prend le pouvoir à Rome en
493. Il avait vécu 10 ans à
Constantinople comme otage dans sa jeunesse.
Personnage ambitieux et intelligent à la fois, il fonde son règne sur
une intégration d’éléments barbares et d’éléments romains. Il confie la défense
du territoire à l’élément goth et l’administration à l’élément romain. Il sait s’entourer de collaborateurs de grande
qualité comme Boèce et Cassiodore. Théodoric est soucieux de donner à son
royaume des lois précises et claires et, parallèlement, on assiste alors au
sein de l’Église à la renaissance gélasienne qui se préoccupe d’élaborer une
législation canonique qui ait un caractère d’universalité, d’authenticité et de
romanité. Ainsi, durant une période de barbarie, Rome est encore pour un
certain temps un centre d’étude d’où l’on vient de toute l’Italie, de
l’Afrique, de la Gaule pour étudier.
C’est dans ce contexte de renouveau ecclésial et social
très bref, dans cette petite fenêtre ouverte sur la civilisation, qu’un auteur
inconnu écrit la Regula Magistri. Et, parmi les étudiants encore envoyés par
leurs parents se former à Rome se trouve un jeune homme de Nursie,
appelé Benoît. L’avènement de Benoît et
de sa Règle est donc dû à une toute petite ouverture de lumière dans une
période de barbarie, fruit du bon sens d’un barbare cultivé, Théodoric.
Lorsque Benoît s’enfuit dans la solitude, la renaissance
gélasienne a mis à sa disposition les traductions latines des Règles de
Pachôme, de Basile et d’Augustin, tout comme l’expérience de la vie monastique
provençale. Parmi les traductions latines mises à la disposition du monachisme
occidental et donc à la disposition de Benoît de Nursie,
était la traduction latine de la Vie de Pachôme faite par Denys le Petit. Ce Dyonisius Exiguus,
comme il s’appelle lui-même, était Scythe d’origine. Appelé à Rome par le pape
Gélase, pour y travailler à la réorganisation des archives pontificales, il est
connu surtout des canonistes, pour sa rédaction de grandes collections
canoniques latines. Au cours des années passées à Rome, parmi de nombreux
ouvrages tous consacrés à la réconciliation des Églises d’Orient et d’Occident,
Denys traduisit en latin la Vie de Pachôme.
Pas plus que Jérôme, Denys ne connaissait le copte. C’est
donc à travers une version grecque qu’il traduisit en latin la Vie de Pachôme.
La connaissance du grec demeurant limitée dans les monastères d’Occident, c’est
certainement cette version latine de Denys le Petit qui eut le plus d’influence
sur la tradition cénobitique occidentale.
Lorsque saint Benoît, au début de sa
Règle, décrit les diverses catégories de moines, il mentionne les ermites,
qu’il estime même si ce n’est pas pour eux qu’il écrit sa Règle, puis les
gyrovagues et les Sarabaites. Il mentionne enfin les cénobites qu’il décrit
comme des moines vivant en communauté, sous une règle et un abbé. Cette vision
cénobitique correspond exactement à la conception de la Koinonia vécue par Pachôme et les
membres de sa communauté.
Cette conception, avec des hauts et
des bas, s’est transmise jusqu’à nous dans diverses formes et parfois à travers
diverses réformes. De nos jours un
intérêt renouvelé pour les Apophtegmes
des Pères du Désert et autres écrits qui nous révèlent la tradition spirituelle
du monachisme érémitique ou semi-érémitique de Basse Égypte, a parfois conduit
à une certaine confusion entre les deux traditions parallèles et
complémentaires : celle de l’érémitisme et celle du cénobitisme. Une certaine confusion est souvent intervenue
entre le rôle du père spirituel au désert et celui de l’abbé cénobitique qui
est, avant tout, le père de la communauté. Il n’est donc que plus nécessaire de
souligner à nouveau combien est important l’apport de la grande tradition pachômienne profondément cénobitique.
Et c’est l’occasion d’exprimer une fois de plus notre
reconnaissance aux traducteurs grecs anonymes qui ont servi de pont entre les
textes coptes et les traducteurs latins.
Armand
Veilleux